Et si une chose demeurait sure dans tout ce chaos qui se jouait autour d'elles, c'était que toujours Luka aurait cette stupide fibre héroïque qui la poussait à vouloir se sacrifier. Et même si elle était lasse de tout ce qui lui arrivait, même si elle était lasse de ce qui se passait et des regards haineux qu'elle recevait de la part de ses camarades qui n'en étaient pas vraiment, elle continuerait de vouloir se dresser pour apaiser leurs souffrances. David avait déja perdu son enfant par exemple, avait il besoin de souffrir d'avantage ? Juda avait perdu sa dignitié, Bryan avait perdu l'espoir et les autres... Les autres avaient tant perdus, même si ils n'étaient que des visages, même si ils la haïssaient. Alors oui c'était ancré en elle (et encré en elle aussi maintenant, même si elle ne savait toujours pas pourquoi elle se retrouvait avec ce symbole scandinave gravé dans la peau) elle avait cette envie de se donner pour le mieux de tous, pour le bien de tous. Et dire oui à Lily, lui dire qu'elle essayerait de ne plus se sacrifier pour les autres, c'était encore un peu un sacrifice, qu'elle faisait pour le bien de quelqu'un, qu'elle faisait pour le mieux de quelqu'un. Elle voulait essayer. C'était dit. Ca serait fait. Pour Lily elle pourrait et ça troublait la professeur de se dire que c'était peut être réalisable. Enfin, seul l'avenir le dirait. Il y'eut un ajout néanmoins, il était hors de question qu'elle laisse Lily souffrir, pas tatn qu'elle pouvait agir. Elle tenait trop en elle. Et peut être que ça serait sa perte. Ca n'était pas si grave. Elle n'était qu'une jeune professeur qui avait toujours voulu mourir, alors mourir pour quelqu'un, c'était un peu l'apogée d'une vie de sacrifice et d'envie de suicide.  Qu'importait tout cela.

Lily semblait un peu plus fataliste, semblait peut être avoir comme perdu espoir en l'humanité de ses concitoyens. Ca brisait Luka un peu de l'interieur de voir cette membre du conseil, quiavait baissé les bras, et elle avait cette amertume de se dire que c'était peut être un peu sa faute aussi. C'etait douloureux.   « Les autres sont stupides, et un peu égoïstes aussi. Des bons representants de l'Arche dans la quelle nous avons gaché nos vies. »  Et l'amertume s'entendait un peu peut être. « Mais aussi cons soient ils, ils meritent pas de souffrir. »  Enfin, elle ne le meritait pas non plus ? ou peut être que si un peu. Elle avait toujours cette sensation qu'elle... Ah, ce n'était pas le moment non. La promesse ne plut pas vraiment à Lily, mais elle n'eut qu'un soupir, que de la comprehension, et à la reciproque les yeux de Luka se plisserent, mécontente qu'elle était.   « Je...»  Elle eut un moment de silence. «  J'aimerais dire que je t'en empecherais, mais je suppose que je n'aurais pas les capacités de le faire si ça devait arriver. » Et ça la briserait un peu plus. Mais ça,elle ne le dirait pas. C'était un sentiment égoïste un peu peut être ?

Un peu de temps passa, et un peu de silence peut être, et Luka profitait de la chaleur d'une présence qu'elle voulait eternelle à ses cotés, consciente que ça ne pourrait pas durer. Que la suite viendrait encore et encore. Et Luka perdit ses yeux dans la contemplation de la grotte, sans lacher la femme à ses cotés.  Et l'espoir evoqué lui brisa un peu plus les rémanences de carapace qu'elle pouvait avoir. « Je ne pense pas que de tels bourreaux se lassent un jour.  Mais ça ne veut pas dire qu'il n'y'a pas d'espoir. N'oublie pas que tu me dois une espèce de rendez vous.»  Et elle n'oublierait pas. Parce qu'au fond, c'était un peu comme s'accrocher à un stupide espoir, aussi pathetique puisse t'elle être sur le moment. « Alors même si ils ne se lassent pas. Peut être qu'un jour nous nous lasserons tous d'un coup, et nous fuirons d'une seule masse. »

« Je ne pense pas le mériter moins que les autres. » Et elle fixa longuement Lily, pour essayer de faire en sorte qu’elle comprenne. Qu’elle comprenne que Luka culpabilisait encore de tout ce qui s’était passé. Que Luka était encore perdue. Qu’elle était partagée entre l’idée que c’était leur faute à tous si ils étaient ici et que c’était uniquement la sienne. « Je veux bien continuer à tout prendre sur mes épaules. » Et elle ne lui dira pas, qu’elle était prête à le faire jusqu’au jour où ça deviendrait trop lourd, jusqu’au jour où elle ploierait complètement et mourrait surement. Et peut être que ce jour la viendrait sa délivrance. Non. Elle ne le dirait pas. Parce qu’il y’avait toujours cette stupide idée de rendez vous, cette idée qu’elles pourraient avoir un « ailleurs », un « un jour » . Ou puisse t’il être cet ailleurs d’ailleurs, car Luka même si elle voulait s’accrocher à cet espoir savait qu’il n’y’aurait peut être pas d’endroit où elles pourraient fuir. Mais il y’avait aussi cette partie d’elle qui voulait croire que le monde pouvait être plus vaste. Que peut être qu’elles finiraient si un jour elles fuyaient, si elles étaient libérées, que peut être oui, elles trouveraient un endroit où elles pourraient s’installer dans d’anciennes ruines. Et penser aux ruines qu’elle pourrait visiter, fit légèrement vibrer son cœur, c’était suffisant peut être, pour qu’elle ait un sourire. C’était grâce à Lily aussi. Mais elle ne le dit pas. Tout comme elle ne lui dit pas que cet espoir lui donnait éventuellement envie de survivre encore. Elle l’avait assez dit. Tout ne serait que répétition, et même les plus belles choses ne se répétaient pas sans fin.

La question lui fit lever la tête, et Luka mit un long temps à répondre. Et peut être Lily penserait elle qu’elle ne voulait pas vocaliser ce qu’elle pensait. En vérité, elle réfléchissait. Elle regardait chacune des personnes présentes. Elle regardait les vifs, les blessés, les enfants. Il y’eut quelques instants de plus, et les yeux de Luka se fixèrent sur leurs mains. « Pas tous. » Et c’était cruel peut être, mais c’était vrai. « Ceux qui sont blessés aux jambes ou à des parties utiles. Ceux qui ont perdus leurs familles, ils ne fuieront pas, parce qu’ils n’ont pas en eux la volonté de fuir, ou la force de le faire. » Et elle serra distraitement la main de Lily. « Ceux qui ont de l’espoir, comme Bryan avec Nate, ceux qui ont de la volonté, de la fougue, comme Pollux, comme Juda, ceux la ils sortiront. » Et elle n’en doutait pas. Elle reprit doucement tandis qu’elle posait sa tête à nouveau sur l’épaule acceuillante. « Toi. Tu sortiras. Je veux y croire. » Et peut être qu'elle ne parlait pas d'elle la dedans. Parce qu'elle savait que même si pour Lily elle voudrait sortir, elle avait aussi cette tendance à jouer les héros pour des causes perdues. Elle resterait pour leur laisser une chance. Ca serait plus fort qu'elle.

« Je peux faire comme si je ne m’en souvenais pas au pire ? »  Et elle aurait voulu esquisser un sourire un peu fatigué mais un sourire quand même, en parlant à Lily, en faisant un peu sa tête de con. Parce que c’était ce qu’elle faisait, et si a une époque donnée elle aurait pu le faire sans s’en rendre compte, la elle faisait clairement exprès. Bien sur qu’elle se rappelait de ce moment où Lily n’avait pas voulu la laisser se sacrifier, c’était récurent en fait. C’était une occurrence qui se reproduisait assez. Et ce n’était pas si déplaisant en un sens.  Ça montrait que quelqu’un tenait à elle, et que Lily n’était pas simplement quelques paroles qui se voulaient rassurantes envers une jeune paumée. Non, c’était clairement des actions aussi. Et Luka se perdit quelques instants dans les remembrances de ces moments sur l’Arche. Bien sur, il y’avait cette fois où il n’avait eu que 15 Ans, mais plus proche d’elle il y’avait eu la purge, et ce moment où elle s’était réveillée dans le lit de la médecin, qui l’avait sauvée d’elle même. C’était assez étrange quand elle pensait à ça, quand elle réalisait que ce n’était pas une promesse en l’air, une affection volatile qui aurait pu s’effacer à la première difficulté. Oui, ça la touchait un peu, et si elle pensait à ça, et uniquement à ça, elle avait cette sordide envie de survivre et de sortir d’ici. Le problème était la, elle n’arrivait pas à garder cette unique pensée égoïste en solitaire, et il y’avait toujours ces idées qui revenaient, cette culpabilité affligeante qu’elle ressentait sans cesse et cette envie d’être un peu un héros, ou du moins, cette pulsion qui la pousserait toujours à se sacrifier en pensant que sa vie valait moins. C’était un peu bizarre, un peu dichotomique dans sa tête, et ça ne cessait de l’être, la rongeant un peu plus, la rongeant d’avantage.  Elle se secoua un peu, et lâcha une espèce de rire à l’évocation du café. «  Ok. »  Et c’était un peu las, pas contre Lily bien sur, plutôt contre la vie. « Ok. On boira ce putain de café. »  Et même si une part d’elle se doutait que c’était une promesse en l’air, elle voulait la faire encore et encore. «  J’peux pas me laisser crever alors que j’ai un rencard avec la plus jolie des femmes de l’Arche. »  Et ça se voulait un peu drôle, un peu nonchalant. C’était juste un peu pathétique.  Tant pis.

En tout cas elle aussi elle voulait un peu croire que Charles pouvait faire quelque chose, et qu’ils finiraient par sortir. Que certains finiraient par sortir. Elle  voulait un peu y croire. Même si parfois, parfois elle ne savait plus quoi croire. C’était variable peut être. Et chaque lendemain, chaque minute pouvait lui apporter une idée différente. Ça la changeait ces grottes. Ça la changeait dans ses pensées, dans sa psychologie. La prof suicidaire et écorchée vive, qui se retrouvait héroïque par la force des choses. La femme qui ne supportait pas de toucher les gens, qui restait accrochée, un peu gluée, à cette femme blonde à ces cotés. Ce qu’elle gardait, c’était sa capacité de réflexion, sa capacité d’analyse. Ses connaissances. Sa logique. Ça on ne lui enlèverait jamais. Finalement, elle brisa le silence. « Elle doit exister quelque part. Il n’existe aucun problème insoluble. Le tout c’est parfois d’être prêt à faire les sacrifices qui s’imposent. Charles est un bon espoir. »  Et elle savait que Lily, Bryan, ils étaient en sécurité avec Charles au moins. Du moins ils le seraient quand ils sortiraient d’ici. Si ils sortaient d’ici. «  Mais juste quelques instants, est ce que tu n’as pas envie de penser à autre chose qu’a cette fichue grotte ? Qu’a ces fichues tortures ? »  C’était juste une question, c’était juste encore la jeune femme dévorée par la lassitude de toute son existence.

Tu restes en vie pour le café, et tout le reste. Et peut être que c’était une promesse qui se marquait quelque part dans le cœur de Luka luttant même contre ses pulsions d’héroïsmes et d’abandon de soi. Peut être que finalement Lily était le remède à ses envies de mourir ? Parce que quand elle réfléchissait, elle ne pouvait que réaliser qu’aux cotés de Lily tout s’estompait un peu. Alors dans tout ce carnage finalement Luka se fendit d’un sourire – aussi léger soit il un sourire était un sourire quand même - et laissa un peu d’espoir s’engouffrer dans son cœur. L’espoir n’avait jamais été vraiment son truc, mais parfois il fallait bien se raccrocher à quelque chose. Et peut être que c’etait ça. Elle se promit que si elle survivait, elle essayerait de dire à Lily combien elle comptait pour elle, et pas seulement avec quelques sous entendus. Peut être. Lui dire qu’elle avait eu un crush sur elle depuis quatorze ans maintenant. Quelque chose comme ça. Ça lui donnait une raison de plus de survivre après tout. Un peu.

Mais Lily parla des sacrifices et la phrase fut tellement vrai que Luka eut au moins la décence de baisser les yeux quelques instants. « Moi un sacrifice ? Je me demande bien où tu as pu trouver cette sordide idée. Tu dis ça comme si j’avais l’habitude de me sacrifier pour tout. » Et elle avait tenté finalement de dire ça avec un peu d’humour. Bien sur, ça n’avait pas grand chose de drôle, mais elle essayait plus ou moins ? Et elle savait. Elle savait qu’elle serait peut être le sacrifice qu’il faudrait, mais elle savait aussi, qu’elle sacrifierait cette envie de sacrifice pour s’assurer que Lily sorte. Ça commençait à suivre un chemin un peu trop complexe dans sa tête, et elle essaya de penser à autre chose. Penser à autre chose que les grottes ? En parler à Lily. Et bien sur que la blonde pensait à l’Arche, bien sur qu’elle lui manquait. A Luka, elle ne lui manquait pas vraiment mais… « J’aimerais que l’on puisse. » Et peut être qu’elle ne considérait pas que vivre sur l’Arche ait forcement été mieux que ça. Mais au moins, sur l’Arche, certaines personnes ne souffraient pas. « J’avoue que me réveiller dans un lit confortable me manque un peu. » Et elle essayait de garder un ton leger, mais c’est sa voix qui se brisa finalement. « La lecture me manque. J’ai passé presque 25 ans, voir peut être un peu plus à me refugier dans des livres, et maintenant, il n’y’a plus rien. Ces grottes ne challengent pas vraiment mon intellect tu sais. » Et elle pensa à ces livres qu’elle avait laissé dans la cabine de Lily, et puis les autres dans sa cabine en Alpha. Elle se demanda si il y’avait des possibilités d’en retrouver peut être ? Ou peut être qu’elle… en trouverait d’autres dans ce monde. « Tu penses qu’ils savent lire eux ? »

Elle n’aurait jamais cru en arriver à un point où elle était sur le point de dire que l’Arche lui manquait. A vrai dire, ce n’était pas tout à fait l’arche, cette prison de métal aux lois trop strictes n’avait jamais été sa demeure, et ne le serait jamais. Mais voilà, elle devait reconnaître parfois que le confort lui manquait, elle n’avait jamais été du genre à trop profiter du confort du à la position de ses parents – la preuve, elle s’était barrée – mais un vrai lit, et un bon livre, elle aurait donné beaucoup pour ça. Puis elle devait bien reconnaître que les derniers jours sur l’Arche, ceux qu’elle avait passé en Agro avec Lily, chez Lily, lui auraient presque données envie que l’arche continue d’exister. Bien sur ça n’avait pas été le cas. Elle n’aurait pas été invité la bas sinon probablement, et… Le confort lui manquait. Mais en dessus du confort, il y’avait la lecture, ça avait été toujours son confort à elle, un peu son échappatoire. Alors oui bien sur, la civilisation littéraire lui manquait. Elle souffrait du manque de débats, elle souffrait du manque de personnes pour partager des idées. Elle avait des gens à qui elle tenait sur l’Arche – très peu- qui lui manquaient un peu, et elle espérait éventuellement qu’ils soient morts. Ils méritaient la mort. Plus que ça. Mais elle ne devait pas penser à ça n’est ce pas ? Elle devait penser à Lily, à leur conversation, à cette absence de débat qui témoignait de leur manque de fougue, de leur manque de force un peu. Elle secoua la tête. « Je ne sais pas. Peut être qu’ils font semblant de ne pas savoir parler notre langue, ou qu’ils en parlent une version évoluée. » Et peut être qu’elle avait retrouvé un sujet de conversation qui lui donnait envie d’être elle même, d’être cette fille un peu trop curieuse, qui réfléchissait un peu trop vite, d’être cette intellectuelle qui avait plein de connaissances inutiles, qui au final, se reveleraient peut être utile un jour. « Il y’a des termes, on les entend utiliser des termes qui ressemblent à notre langue parfois, à part que presque cent ans à parler une langue sans forcement avoir besoin de l’écrire, sans avoir de cours pour l’enseigner, ça laisse des trace. Des évolutions phonétiques. Ils ne s’en rendent pas compte, mais des mots ressemblent aux nôtres, et avec du temps on pourrait réussir à les étudier. A les comprendre. » Et sur le moment elle ne réalisait meme pas qu’elle divaguait un peu, et qu’elle n’avait probablement pas le temps de faire ça, pas le temps de les comprendre. Parce qu’ils mourraient ? Ou s’enfuiraient.

Lily parlait de bibliothèques en tout cas et les yeux de Luka brillèrent, parce que ça voulait dire que Lily pensait au futur un peu, parce qu’aussi c’était clairement un rève. « Ensemble. » C’était ce qu’elle avait noté de toute la phrase bien sur, mais il y’avait le reste, et serrant doucement la main de Lily avec le peu de force qu’il lui restait. « Je suis sure qu’il reste des endroits comme ça, des lieux du passé, des vieux musés, des bibliothèques immenses. Tout ce qui a été un jour n’a pas pu disparaître comme ça. C’est pour ça qu’ils sont passés au papier et qu’ils ne sont pas restés au papyrus tu sais. Pour éviter que toutes les bibliothèques du monde deviennent comme celle d’Alexandrie. » Elle eut un très bref sourire, fascinée par ce qu’elle disait. Parce qu’elle parlait de choses qu’elle connaissait Luka. « La bibliothèque du Congrès à Washington était la plus grande du monde. Peut être que nous ne sommes pas si loin. Peut être que nous aurons l’occasion d’y aller un jour. Je veux dire. Je serais honorée que tu vienne avec moi à la recherche de ces livres, de cette ancienne civilisation à la quelle je m’interesse. » Et elle ne le dirait pas, mais si Lily refusait, elle n’était pas sure de réussir à se mettre en route, Luka. Parce qu’elle n’imaginait pas abandonenr la blonde, pas après tout ce qu’elles avaient vécues.

C’était une conversation fascinante dans la quelle elles s’étaient lancées toutes les deux, et Luka oubliait presque l’endroit où elles étaient, oubliait les privations, les tortures, et le mal être mental qu’elle ressentait de manière générale. Parce qu’elles avaient une espèce de conversation intellectuelle, et qu’il ne lui en fallait pas plus pour finalement être heureuse. Ou du moins pour avoir cette sensation de toucher presque le calme mental. C’était plaisant un peu.  Et si Luka comprenait ce que Lily voulait dire ça ne l’empêchait de vouloir y donner un peu du sien, de vouloir exprimer ce qu’elle savait, et ce qu’elle théorisait. «  C’est quelque chose de normal. Je n’entendais pas vraiment évolution d’un point de vue négatif. Ils semblent avoir perdu la construction des phrases et tout ce qui fait la richesse de notre anglais. C’est un langage déstructuré qui se développe dans une société qui n’a probablement pas eu de base écrite et de tronc commun depuis des années. Comme les anciens peuples que les romains et les grecs qualifiaient de barbares. »  Et peut être qu’elle était lancée Luka, elle n’était pas prête à s’arrêter en tout cas, ne serait que parce que ça la tenait occupée, et aussi que ça occupait probablement Lily. «  Mais oui, c’est logique qu’ils soient revenus à des armes plus, comme tu dis, primitives, la guerre nucléaire a du détruire la civilisation telle qu’elle était, et sans la technologie comme nous l’avions sur l’Arche, ils sont revenus à un mode de vie plus simple. Rudimentaire. Le feu, la forge, des abri dans les grottes et des outils en métal. Les armes à feu ont laissé la place aux javelots et aux épées qu’elles avaient détrônées avec les avancées du modernismes. »  Elle fronça les sourcils après ça. «  Ce n’est pas étonnant qu’ils aient eu peur de nous. Ou qu’ils nous considèrent comme ennemis. »  Et il y’avait probablement d’avantage la dessous. La force de feu, les êtres venus du ciel dans des vaisseaux de métal. «  En un sens je pense qu’on ne peut pas vraiment parler de régression, plutôt d’adaptation. »  Et elle fronça les sourcils, avant d’adresser un faible sourire. «  Je digresse un peu trop ? »  

Et elle digressa encore plus, quand elles parlèrent des bibliothèques, quand elles parlèrent de ce qu’elles pouvaient visiter.  De ce qu’elles visiteraient. Et Luka s’emballait un peu peut être. Il était question de civilisations, il était question d’histoires, de livres, et elle pouvait clairement s’imaginer vivre au milieu d’une ancienne bibliothèque peut être. Ça semblait plaire à Lily en tout cas, et dans ces quelques mots Luka voulait croire en l’espoir d’un futur. «  Tu les verras. Nous les verrons. Je n’ai pas souvent d’espoir, et je pense que tu le sais, mais j’ai envie de croire que ces lieux sont trop sacrés pour avoir été détruits. »  Et peut être qu’elle rêvait un peu, peut être qu’elle voulait juste s’attacher au fait que le monde restait civilisé comme il aurait toujours du l’être. « Je te raconterais toutes les histoires que tu veux. Toujours. »  Et elle ne s’attendait pas forcement à ce que toujours ça soit maintenant. Elle ne s’attendait pas vraiment à la question, mais quand Lily lui demanda une histoire, ce fut un bond que fit le cœur de Luka. Elle était touchée par la demande, elle était un peu émue. Et peut être qu’une fois de plus elle réalisait que cette femme blonde savait toucher son cœur. C’était un peu étrange. Elle essaya de ne pas passer trop de temps sur cette pensée, et déjà son esprit se rappelait nombre d’histoires qu’elle aurait pu aimer dans sa vie.

«  Tu veux vraiment que je te raconte une histoire ? »  Il y’avait une lueur presque tendre dans les yeux de Luka maintenant, et elle gardait la tête sur l’épaule de son amie réalisant qu’aussi fatiguée qu’elle puisse être, aussi assoiffée, elle était prête à parler jusqu’au bout de la nuit. « Je ne saurais en choisir une. Mais plus qu’un fait historique il y’a une légende qui me tient particulièrement à cœur, tu veux que je te la raconte ?  »  

Elle était partie loin peut être Luka, elle avait eu des idées et envie de théoriser dessus, elle avait eu envie de parler, et ne s’était pas empêchée de le faire. Et vraiment, ça lui plaisait de parler avec Lily, parce c’était quelque chose de bien, d’echanger avec quelqu’un d’intellectuellement douée, quelqu’un qui puisse la comprendre. Et Lily était intelligente, clairement, peut être pas autant qu’elle, peut être pas sur des même points à vrai dire, et peut être assurément qu’elles n’avaient pas la même bibliothèque culturelle dans la tête, mais il y’avait quelque chose, et pour Luka, l’avis de Lily était un avis important, tout comme avoir son attention était quelque chose qui comptait. Beaucoup. Alors Luka se perdait un peu dans des grandes explications, et si Lily voulait continuer à croire qu’ils étaient en face de sauvages, elle ne l’empêcherait pas de le faire, ça ne l’empecherait pas à elle, de penser le contraire. « L’education des gens de l’Arche nous a tellement servi c’est vrai. » Et c’était peut être amer, mais ça lui rappelait ces débats qu’elles avaient pu avoir. « Tu pense que c’est plus civilisé d’éradiquer tous les animaux pour protéger de l’oxygène, ou d’ejecter les adultes quels que soient les crimes qu’ils aient pu commettre ? » Et elle revenait encore et encore aux discutions qu’elles avaient eu la haut. Le conseil. Les crimes. Luka n’était pas toujours contre le conseil, parfois ils faisaient des bonnes choses. Mais souvent, souvent ils étaient trop rudes, ils répétaient les erreurs d’un ancien temps qui n’étaient pas bonnes à être répétées. Ils étaient sauvages et primitifs à leur manière. « Chacun fait ce qu’il peut pour survivre je suppose. » Et chacun s’adapte à la vie que l’on lui donne. Du moins elle voyait les choses ainsi la professeur.

Et dans tout ça, elle espérait que les bibliothèques, que les lieux de savoir aient pu résister, et survivre à leur manière. Elle espérait pouvoir un jour avoir la chance de tenir la main de Lily en face d’une bibliothèque ou d’un musée, et lui expliquer ce qu’il en était de la chose en face d’elles. Elle espérait pouvoir un jour, faire découvrir cette ancienne civlisation qui n’était pas perdue à la femme à ses cotés. Parce que maintenant, elle ne s’imaginait plus la découvrir seule. Et c’était étrange et déroutant pour elle, mais elle… Enfin, ça n’avait pas vraiment d’importance n’est ce pas ? Parce qu’elles ne sortiraient jamais.

Mais penser à ça était sombre, et le soleil revenait à l’intérieur d’elle même alors que Lily réclamait une histoire. Ca avait un coté amusant peut être, de se dire que cette femme adulte réclamait une histoire comme aurait pu le faire un enfant, et que Luka, qui n’avait clairement pas la fibre maternelle, était prête à raconter, encore et encore. Toute la nuit si il le fallait, même si la nuit n’était plus qu’un concept maintenant. « Ça tombe bien Lily, j’aime te raconter des choses que j’apprécie. » Et elle l’appréciait aussi, mais c’était une histoire n’est ce pas ? « Quoi ? Tu n’aimes pas les histoires de princesses qui attendent leur prince charmant en haut de leurs grandes tour ? » Elle offrit même un sourire à Lily, un vrai sourire avant de reprendre. « Mais t’inquiete pas, je vais éviter ça, enfin en un sens c’en est une, mais pas dans le sens où tu l’entends. Mon histoire commence à Thèbes une ville de la Grece Antique où se déroule tout un cycle mythique, dont je vais passer les détails avant que ça ne t’assome trop. Membre d’une fratrie de quatre, issue d’un père incestueux avant qu’il ne le soit Antigone avait une sœur Ismène, et deux frères : Polynice et Eteocle. Leur père, roi légitime de Thèbes avait malencontreusement semé sur la ville une malédiction qui poursuivrait malgré lui toute sa descendance, mais il était un bon roi, un souverain convenable, un homme bon. Comme tous les hommes cependant, Œdipe fut touché par la mort, laissant la ville en proie a une guerre terrible. Creon, à la fois oncle et beau frère, gardait la régence de la ville jusqu'à ce que les fils d’Œdipe ne deviennent majeur. Quand enfin ils le furent, il fut décidé qu’ils regneraient l’un et l’autre, chacun une année. Mais tu connais les hommes, leur arrogance et leur soif de pouvoir. Eteocle refusa l’écheance venue de céder à son frère les rênes de la ville, celui ci, ne se laissant pas faire vint avec une armée attaquer les murailles et la ville toute entière, jusqu'à ce que les deux ne finirent par s’entretuer au milieu de la ville. » Faisant une pause dans son récit, Luka fixa quelques instants Lily, se demandant si elle était encore concentrée, ou si elle avait finit par s’endormir ? Peut être ? Elle, elle continuerait tant qu’il serait nécessaire de parler, et pour elle, il était souvent nécessaire de le faire.