Elle en a marre Lily. Marre de ces grottes qui sentent mauvais, qui sont sales et sombres, humides aussi. Marre de ces terriens qui ne leur laissent jamais de répit et de cette femme au masque d’os qui semble prendre un malin plaisir à jouer avec Luka. Hier elle est venue avec des hommes pour leur donner des vivres mais aussi de l’eau et si Lily a apprécié pouvoir s’en servir pour soigner les plaies de ses camarades, elle a aussi vu que cette femme échangeait encore avec Luka. Et hier c’était une journée sans tortures aussi, Lily l’a bien remarqué. La première depuis qu’ils sont arrivés dans ces grottes et pour la jeune femme, cela ne présage rien de bon. Alors quand la folle avec son masque d’os entre dans la grotte, Lily l’observe et sent bien que ce jour ne sera pas comme le précédent, que quelqu’un va subir les tortures de cette folle et elle espère grandement qu’elle n’ira pas à nouveau vers Luka pour lui proposer un énième jeu tordu. Parce qu’elle va finir par la briser entièrement avec ses tortures psychologiques et par la faire tuer, si elle continue à l’obliger à faire des choses que les autres n’apprécient pas. Lily comprend que ce n’est pas la faute de la brune si son peuple est torturé, mais les autres ont parfois du mal à comprendre et à pardonner.

Alors quand la folle s’arrête devant elle, Lily relève les yeux mais ne bouge pas. Elle ne lui donnera pas la satisfaction de la regarder se lever sous prétexte qu’elle se tient devant elle. Elle n’est pas du genre à se rebeller Lily, elle respecte toujours les règles et les lois, mais devant cette femme, elle ne pliera pas. Et puisque de toute façon, celle-ci compte apparemment jouer avec elle, elle ne va pas se priver de se rebeller un peu, à sa façon. Elle la regarde s’assoir devant elle et ne peut empêcher ses yeux de s’attarder sur ce masque d’os qu’elle porte sur le visage. Puis elle regarde ce que fait cette folle aux osselets avec sa boîte en bois et ce qu’elle voit ne lui dit rien de bon. Elle sait qu’elle va souffrir, elle le voit dans le regard et dans les gestes de cette folle, et pendant quelques secondes, elle a bien envie d’attraper l’un des bâtonnets blancs du coffret pour lui planter dans la jugulaire. Quelques coups dans l’artère et on en parle plus. Mais Lily sait que non seulement elle mettrait son peuple en danger avec un tel geste, mais que celui-ci ne servirait pas à grand-chose vu que la porte de la grotte est fermée. Mais ce n’est pas l’envie de lui planter ces morceaux d’os dans le corps qui lui manque.

Et quand elle se penche pour attraper son bras, Lily sent la poigne de la femme sur sa peau. Elle l’a déjà vue à l’œuvre avec son épée, le premier jour de leur enfermement, mais cette femme est forte et elle le sent bien. Et quand elle dépose deux gouttes de ces fioles bizarres qu’elle promène avec elle dans son coffret en bois, Lily tente de retirer son bras, en vain. Ça lui brûle la peau comme de l’acide, et Lily serre les dents pour ne pas montrer que ça lui fait mal. Elle sait très bien que ce n’est qu’un début, que cette tarée va aller plus loin et elle n’a pas hâte de voir la suite. Mais elle relève tout de même les yeux vers le visage de cette folle, une lueur de défi dans le regard. C’est bête et elle sait qu’elle ne devrait pas faire ça, mais c’est plus fort qu’elle.

Même si ça lui fait mal, Lily tente de ne rien laisser paraître. Déjà parce qu’elle sait que là, ce n’est rien en comparaison à ce que la terrienne pourra lui faire plus tard, parce qu’elle sait très bien que cette brûlure n’est qu’une rigolade comparé à ce que la terrienne lui réserve sans doute. Mais surtout parce qu’elle ne veut pas lui donner satisfaction. Cette folle aime les voir souffrir, elle aime les tortures qu’elle inflige aux gens et il n’y a pas besoin d’être un fin psychologue pour voir qu’elle est tarée et qu’elle aime faire souffrir les autres. Elle a dû avoir un sérieux traumatisme dans son enfance ou manquer d’amour, pour faire de telles choses.

Alors quand elle lâche enfin son bras, Lily en profite pour frotter doucement sa peau rougie tout en regardant ce que cette folle lui réserve maintenant. Elle semble aimer jouer avec ses fioles et ses petits bâtons, on dirait une enfant en train de jouer à la dinette et ça fait presque sourire Lily. Puis celle-ci attrape à nouveau son bras et recommence son petit manège, comme avant. Alors Lily essaye à nouveau de retirer son bras dans un spasme mais la terrienne ne la lâche pas. Mais la sensation n’est pas la même, la brûlure est sous la peau et Lily a bien du mal à empêcher ses émotions de transparaitre sur son visage. Ça fait mal, elle serre les dents parce qu’elle ne laissera pas passer un seul son de ses lèvres, mais ça la brûle. Alors elle essaye de penser à autre chose qu’à la douleur, elle observe cette folle dans les yeux vu qu’elle a posé son regard froid sur elle. Et elle se dit qu’elle aimerait bien lui arracher les dents.

Elle n’a jamais été violente Lily, pas une seule fois dans sa vie elle n’a eu envie de frapper quelqu’un ou elle n’y a même pensé. Mais là, en regardant cette femme qui semble presque prendre son pied en torturant les siens, Lily a des envies de meurtre. Et elle est quasiment sûre que si elle avait une pierre à portée de main, elle lui cognerait contre la tempe pour qu’elle arrête toutes ces tortures. Mais Lily n’a rien à portée de main et c’est bien dommage. Alors elle se contente de regarder cette terrienne dans les yeux à nouveau et, malgré la douleur sous la peau de son avant-bras, un petit sourire se dessine au coin de ses lèvres. « C’est tout ? » Elle sait qu’elle ne devrait pas jouer à ce jeu, parce que la terrienne a clairement de meilleures cartes qu’elle. Mais elle ne peut s’en empêcher et elle veut lui montrer qu’elle ne compte pas se laisser faire.

Lily sait qu’elle ne devrait pas tenir tête à la terrienne parce qu’elle sent que ça risque de lui plaire à cette folle. Elle doit prendre son pied à voir souffrir les archéens, à les torturer elle-même. Elle doit aimer ça et elle doit aimer qu’on lui tienne tête dans ses tortures. Mais Lily a bien envie de lui montrer qu’elle ne compte pas se laisser faire comme ça, lui montrer qu’elle est un peu combattive aussi et que son petit jeu ne lui fait pas peur. Alors oui, elle lui demande si c’est tout même si elle sait très bien que la terrienne n’a pas sorti tout son attirail et qu’elle cache sans doute des trucs bien pires que ça.

Alors elle attend et elle la regarde. Elle l’observe reposer son bâtonnet sur le sol et sortir d’autres fioles qui contiennent des liquides noirs et rouges foncés. Elle n’en perd pas une miette Lily, elle observe chaque geste de la folle avec son masque et elle se demande un peu ce que vont faire des deux fioles. Elle n’a pas forcément hâte de le voir mais elle prend les paris avec elle-même sur la douleur que cela lui causera. Parce qu’elle est sûre que ce sera pire avec les prochaines fioles, parce qu’il n’y aurait aucun intérêt à la torture si la terrienne ne montait pas un peu plus haut dans les étages de la douleur. Donc Lily s’attend à souffrir plus que précédemment et tente une nouvelle fois de retirer son bras de la poigne de la terrienne, mais elle résiste tout de même, juste pour la forme. Et elle attend de voir ce que la goutte que cette folle a posé sur sa peau va lui faire.

Elle n’a pas à attendre très longtemps parce que la douleur se fait vite ressentir. Mais ce n’est rien comparé à la douleur qu’amène la seconde goutte, qui s’infiltre à l’intérieur de sa chair. Lily a l’impression de sentir chaque cellule de la peau de son bras la brûler et mourir un peu plus à chaque seconde qui passe. Et si auparavant la brûlure était plutôt localisée à l’endroit où étaient posées les gouttes, là c’est bien différent parce que la douleur lui irradie le bras entier. Et ça l’amuse, cette grosse débile de terrienne. Lily le voit à son petit sourire en coin. Alors elle lui jette un regard noir mais elle ne dit rien, elle serre les dents et se mord la lèvre jusqu’à s’en faire saigner. Elle ne lui donnera pas le plaisir d’émettre le moindre son, même si la douleur lui prend le bras entier et lui fait monter les larmes aux yeux.

Oh non elle ne lui donnera pas le plaisir de l’entendre crier. Pas maintenant, pas tout de suite. Parce que la douleur – aussi mordante soit-elle – est encore supportable et que Lily l’accepte comme elle le peut. Elle ne lui donnera pas ce plaisir à cette tarée avec son masque d’os, même si ça lui fait mal, même si chaque petite cellule crie à l’intérieur de son bras et que la douleur l’irradie jusqu’à l’épaule. Non, elle préfère se mordre la lèvre et sentir le sang dans sa bouche plutôt que faire plaisir à cette folle et lui montrer qu’elle a mal. Mais jusque-là, c’était supportable et Lily sait que la terrienne va passer à un niveau supérieur si elle voit qu’elle résiste à la douleur. De toute façon, elle passera tout de même à un niveau supérieur, parce qu’elle semble aimer la torturer. Alors Lily se dit que même si elle hurlait depuis le début, cette folle continuerait son petit jeu avec ses bâtonnets et ses fioles, jusqu’à ce qu’elle finisse par se lasser elle-même ou jusqu’à ce que Lily en tombe dans les pommes.

Elle la regarde sortir une nouvelle fiole et elle se demande à quoi elle doit s’attendre cette fois-là. Elle se dit qu’elle finira ce petit jeu avec des bouts en moins si c’est ce qui semble tant plaire à cette folle devant elle, mais aussi longtemps qu’elle le pourra, elle résistera et ne lui donnera pas le plaisir de l’entendre crier. Alors elle pense à toutes les douleurs qu’elle a déjà ressenti mais elles ne sont pas bien nombreuses, il faut bien l’avouer. Sur l’Arche elle n’a jamais été blessée d’une quelconque façon, mis à part par sa mère lorsque celle-ci se déchainait sur elle avec ses mots blessants et avec ses ongles qu’elle plantait dans sa chair pour la forcer à voir ces gens se faire éjecter. Elle n’a jamais connu la douleur de la naissance, elle n’a jamais ressenti la douleur de la perte d’un être cher – sans doute parce qu’elle a un cœur de pierre – alors c’est assez difficile de trouver de quoi se raccrocher. Sa plaie à l’arcade lors de l’atterrissage ne lui a pas fait plus de mal que cela et celle qu’elle a reçu à la tête lorsqu’elle a été assommée, elle ne s’en souvient plus vraiment. Non, ce que la terrienne lui inflige en ce moment est bien pire que tout ce qu’elle a pu subir ces quarante dernières années.

Alors elle attend. Elle la regarde tremper son morceau d’os dans la fiole et elle voit la fumée s’en échapper, alors elle sait que malgré toute sa bonne volonté, elle n’arrivera pas à rester silencieuse cette fois-ci. Elle fixe la terrienne lorsque celle-ci dépose les gouttes sur son bras et elle fait passer toute la haine qu’elle a pour elle dans ce simple regard. Elle ne dit rien, parce qu’elle pourrait lui lancer les pires insanités qu’elle connait – et elle en connait, même si elle ne les utilise jamais – et surtout parce que, malgré toute sa bonne volonté et le fait qu’elle serre les dents depuis le début, à s’en faire exploser les molaires, elle ne peut empêcher le cri de douleur de franchir ses lèvres. Et l’autre doit jubiler.

Et tandis que la terrienne tient le bras qu’elle torture, Lily pose sa main libre à l’endroit où cette folle vient de poser les gouttes. Bêtement, parce que la douleur lui fait oublier les principes élémentaires de chimie et qu’elle oublie qu’il ne faut pas toucher un acide avec la peau sans protection. Mais même si elle se brûle un peu la paume de la main droite, le simple fait de toucher son bras lui fait un peu de bien. Un peu.

Lily sait que le cri qui a franchi ses lèvres a ravi la femme devant elle, elle le voit bien à son regard, à son rictus qui se dessine sous son masque d’os. Et elle aimerait lui arracher ce sourire du visage à cette terrienne, lui faire avaler son sourire moqueur. Mais elle ne peut pas, elle n’a aucun moyen de faire ça mis à part en essayant de ne pas lui donner plus de satisfaction. Mais c’est difficile parce que les tortures qu’elle utilise aujourd’hui sont de pires en pires et Lily se doute bien qu’elle va continuer en augmentant la douleur, en augmentant le risque de cris. Et elle ne pourra rien y faire parce qu’elle a toujours une voix et que tant que ses cordes vocales fonctionneront, la femme aura toujours une longueur d’avance sur elle. Et elle aura toujours cette satisfaction de l’entendre crier.

Lily frotte son bras gauche avec sa main libre qui est elle aussi douloureuse maintenant. L’acide de la terrienne lui a brûlé la peau, à l’endroit même où elle s’est coupée avec son scalpel quelques mois auparavant. Elle aura des marques, des cicatrices mais ce ne seront pas les seules sans doute. Lily sait très bien que les tortures ne se finiront pas aujourd’hui avec ce petit jeu de la terrienne – à moins qu’elle ne se rompe le cou en sortant de la grotte, mais ça Lily en doute curieusement – et que d’autres marques viendront s’ajouter aux autres sur les corps déjà meurtris.

Alors Lily frotte toujours son bras pour tenter d’enlever la douleur et observe cette femme qui sort à nouveau une autre fiole, avant de lui attraper à nouveau le bras. Et Lily sait qu’elle ne pourra rien y faire, qu’elle va souffrir à nouveau jusqu’à ce que cette femme finisse par se lasser. Ou par l’assommer. Et la blonde regarde la goute de liquide se poser sur sa peau puis disparaître et elle la sent s’insinuer à nouveau à l’intérieur de son bras. Et elle ne peut empêcher à nouveau ce cri de franchir ses lèvres et elle essaye de se détacher de l’emprise que cette terrienne exerce sur son bras. Mais la poigne est forte et Lily n’arrive pas à retirer son bras malgré toute sa bonne volonté. Et elle ne peut empêcher la douleur de lui faire couler des larmes sur le visage, des larmes qui n’ont pas coulé depuis bien longtemps. La terrienne doit jubiler et Lily serre les dents avant de la regarder à nouveau, en faisant passer toute sa haine pour elle dans son regard si bleu. Et elle voit que la femme a les yeux braqués sur les autres, sur le reste de ce peuple qu’elle torture continuellement. « Ça te plait hein, qu’on soit tous à ta merci ? Tu prends ton pied en nous torturant et en nous entendant crier ? » Et Lily sait qu’elle ne devrait pas parler, la provoquer comme elle le fait. Mais peut-être qu’elle espère presque que la terrienne va se venger et l’assommer pour la faire taire et ainsi arrêter cette torture sur son bras. C’est un jeu dangereux mais Lily préfère qu’elle la regarde elle, plutôt que les autres, plutôt que Luka. « Mais tu verras, un jour, tout ça te retombera dessus, sur toi et sur ton peuple. » Le karma, peut-être qu’elle connait cette sauvage.

Lily sait que la terrienne comprend les mots qu’elle prononce, elle le sent. Et même s’il s’avère que celle-ci ne comprend rien, elle entendra le ton, elle verra son regard et elle comprendra le sens. Et elle arrêtera d’observer les autres membres de son peuple et se concentrera peut-être sur Lily. Alors Lily provoque parce qu’elle a mal, parce qu’elle a envie de lui faire avaler son masque d’os à cette terrienne qui la torture et lui laisse des marques sur la peau pâle de son bras gauche. Et elle espère, elle espère qu’un jour ce peuple paiera pour ce qu’il fait aujourd’hui. Et qu’ils le paieront très cher.

Mais si la terrienne comprend les mots, elle ne répond pas. Lily s’en doutait, jamais ils ne répondent aux questions de toute façon. Ils ne parlent que dans cette langue qui ressemble à la sienne mais qui est bien différente aussi, plus primitive peut-être, comme eux. Ils ont évolué, Luka l’a dit, mais pas forcément aux yeux de Lily puisqu’ils semblent plutôt avoir régressés par rapport à tous leurs ancêtres communs qui vivaient sur Terre avant la grande guerre. La terrienne ne parle pas mais elle bouge et elle se tourne vers un mur de la grotte que Lily essaye d’oublier depuis que cette folle est entrée pour s’assoir devant elle. L’endroit où se trouve Luka, en compagnie de Bryan. Et pendant quelques secondes, Lily pose les yeux sur la brune avant de tourner la tête vers la terrienne. Et elle essaye de retirer son bras de la poigne de la femme, d’attirer son attention à nouveau et de lui faire quitter Luka du regard. Parce que Lily n’aime pas ce qu’elle voit, elle refuse que cette folle s’en prenne à nouveau à Luka alors elle attrape le bras de la terrienne et y enfonce ses ongles. « Si tu veux jouer, joue avec moi. » Et c’est débile, terriblement débile, parce qu’elle met sans doute Luka en danger encore plus qu’en ne disant rien, et qu’elle se met en danger aussi. Mais tant pis.