- Le froid mordant d'Azgeda -

Six ans et demi auparavant. De toutes les terres qu’elle a déjà parcourues, s’il y en a bien quelques-unes qu’elle déteste vraiment, ce sont les terres des Azgeda. Drea n’aime pas le froid mordant qu’il y a à Ùlfurìs, elle n’aime pas non plus quand ses bottes s’enfoncent dans la neige épaisse et qu’elle trébuche à chaque fois qu’elle fait un pas. Et elle déteste devoir porter cette fourrure trop lourde pour la laisser maître de ses mouvements. Mais elle aime ces terres pour les animaux qu’elle peut y chasser, des animaux qu’on ne trouve qu’ici et qui sont délicieux. Des animaux dont les peaux et les fourrures peuvent s’échanger une fortune dans les autres clans. Alors elle fait avec ces terres et ne dit rien, surtout que ces paysages sont les préférés de Rosha et que, même si la vieille femme ne le dit pas, c’est sans doute la dernière fois qu’elle les verra. Drea a conscience que la femme se fait de plus en plus vieille, même si elle ne peut pas vraiment lui donner un âge précis. Elle voit bien que Rosha a de plus en plus de mal à se déplacer, qu’elle ne quitte que très rarement son lit et qu’il y a bien longtemps qu’elle n’a pas fait le commerce de ses objets elle-même. Mais pour elle, il est impensable que la vieille femme les abandonne, elle et Kestrel.

Alors après une énième quinte de toux qui laisse la vieille femme vidée de toute son énergie, Drea la laisse aux soins de Kestrel et sort pour aller marcher un peu dans cette neige d’Ùlfurìs qu’elle déteste tant. Parce que ça l’énerve de ne pas avoir d’emprise sur cette vie là. Elle a déjà tué à plusieurs reprises, que ce soit avec sa lame, ses flèches ou avec ses plantes, mais elle n’arrivera pas à sauver Rosha avec ses remèdes. Elle n’a aucune solution. Et tandis qu’elle avance sans s’apercevoir que le sol a changé, elle se dit que la vie est quand même drôlement injuste de garder des idiots et de reprendre des gens généreux comme Rosha. Et tandis qu’elle tape du pied pour montrer son mécontentement, un craquement sinistre se fait entendre. Et avant qu’elle n’ait pu faire un seul geste, elle traverse la couche de glace qui vient de céder sous son poids. Et elle le sent, le froid mordant d’Ùlfurìs, qui s’infiltre dans ses bottes et à travers de son pantalon, qui donne un poids de plus à la fourrure qu’elle porte et qui l’entraine doucement vers le fond. Drea sait nager mais la fourrure est lourde et le temps qu’elle trouve la lanière pour la retirer, elle avale de l’eau à plusieurs reprises. Et ça lui brule les poumons. Et elle se dit que c’est peut-être elle, qui va mourir en premier à Ùlfurìs.

- Le froid mordant d'Azgeda -

C’est pour cela qu’elle déteste cette région du monde, celle où on ne peut pas faire un pas sans voir sur quoi on marche et dans quoi on risque de s’enfoncer. Drea déteste la neige, déteste le froid et déteste la glace. Et encore plus l’eau glacée qui s’infiltre en ce moment même dans ses poumons. Après ce qu’il lui semble être d’interminables minutes – et qui ne sont sans doute que quelques secondes - Drea arrive enfin à retirer la lanière de cuir qui retient sa fourrure et à remonter un peu. Mais elle a froid et l’eau qu’elle a bue lui irrite les poumons et la force presque à tousser, l’obligeant à avaler encore un peu plus d’eau. Et elle se sent presque mourir dans cette eau si froide, avant que quelqu’un ne l’attrape pour la hisser sur le bord, sur une plaque de glace qui tient solidement. Elle respire l’air pur du dehors et en prend une grande bouffée qui la fait tousser. Et ça lui fait mal, ça la brûle à l’intérieur tandis qu’elle tousse autant que la vieille Rosha qui est malade depuis des mois.

Puis elle relève enfin les yeux vers la personne qui l’a sortie de l’eau pour voir une jeune femme rousse, qui ne doit pas être plus vieille qu’elle ne l’est, qui lui demande si elle respire encore. Mais Drea n’arrive pas à sortir les mots tant elle est transie de froid, alors elle se contente juste de hocher la tête. Elle est vivante et pas morte noyée, grâce à cette femme, mais elle ne peut l’exprimer pour le moment. Elle a eu peur, elle se sent bête. Et redevable envers cette femme qui vient de lui sauver la vie et de lui prêter sa fourrure. « Merci. » C’est dit entre deux claquements de dents et tandis qu’elle serre la fourrure autour d’elle, sentant sa chaleur se répandre difficilement sur ses vêtements mouillés, Drea relève les yeux vers elle. « Ca a cédé. La glace. » Et elle se sent obligée de se justifier pour expliquer à cette femme pourquoi elle se trouvait dans l’eau. Drea ne veut pas qu’elle pense qu’elle a fait ça volontairement, parce qu’elle a aussi risqué sa vie pour sauver la sienne. « ’aime pas… la glace. » Et elle déteste encore plus ça maintenant.

- Le froid mordant d'Azgeda -

Au moins elle aura une nouvelle histoire à raconter à Kestrel et Rosha, et aux autres personnes qu’elle croisera et qui auront envie d’entendre ce genre de choses. Elle est redevable envers la femme qui vient de lui sauver la vie et qui resserre un peu la fourrure sur ses épaules. Et quand la femme lui dit que le lac est traitre à cette période de l’année, Drea se sent encore plus bête d’être passée au travers. Elle aurait dû faire plus attention, sentir qu’elle avait quitté la terre ferme pour marcher sur le lac gelé, mais elle pensait à autre chose tout en marchant dans la neige épaisse. « Il faut croire que ce n’était pas mon jour pour mourir. » Il viendra sans doute un jour, comme pour Rosha, mais pas aujourd’hui apparemment. Et tandis que la femme se tourne en lui disant qu’elles devraient rentrer au village, Drea se relève en claquant des dents et resserre la fourrure sur ses épaules. Elle ne pense même pas à contredire la jeune femme, à lui dire qu’elle n’apprécie pas qu’on lui donne des ordres, parce qu’elle a l’air de savoir ce qu’elle fait et surtout, parce qu’elle vient d’ici. Elle doit avoir l’habitude des températures si basses d’Ùlfurìs, de la neige et de la glace du lac. Peut-être même que Drea n’est pas la première à tomber dans ce lac et à se faire récupérer par la jeune femme. Et puis cela ne l’enchante pas vraiment de mourir de froid dans la neige d’Ùlfurìs à cause de ses vêtements mouillés.

Elle tourne les yeux vers la femme quand elle se moque un peu d’elle en lui disant qu’apparemment, la glace ne l’aime pas beaucoup non plus. Elle aurait presque esquissé un petit sourire si elle n’avait pas aussi froid sous ses vêtements et sous la fourrure de la femme. « Tu vis ici ? A Ùlfurìs ? » Elle avance péniblement en la suivant, tout en se disant qu’elle est aussi mouillée et qu’elle doit sentir le froid à travers ses vêtements. Mais elle a l’air de mieux supporter la température. « Tu dois me trouver bien bête d’avoir traversé la glace comme ça. » Elle se trouve bête.

- Le froid mordant d'Azgeda -

Le froid lui mord la peau à travers ses vêtements et avancer dans la neige s’avère être très difficile, encore plus que d’habitude. Déjà que Drea n’aime pas la neige et le froid mais avec les vêtements mouillés et le froid qui lui fait claquer des dents, c’est encore plus difficile pour elle. Mais ça semble être plus simple pour la femme devant elle et lorsqu’elle lui répond que Ùlfurìs est son village, elle comprend mieux les choses. Cette femme a l’habitude de vivre ici, dans ce village aux températures glaciales, à la neige épaisse et au lac gelé mais au moins elle ne trouve pas que Drea soit bête. Elle doit avoir l’habitude de voir des gens tomber dans ce lac, peut-être même y mourir et pendant une petite seconde, Drea se demande si d’autres ont déjà péri de cette façon. Peut-être même que c’est un moyen de torture chez les Azgeda, de plonger les corps dans le lac gelé et mortel d’Ùlfurìs. Et Drea fronce les sourcils en entendant la femme dire qu’elle est inconsciente. Elle n’a pas non plus cherché à marcher sur ce lac volontairement, si c’est cela qu’elle insinue. « Je ne pensais pas être sur le lac, je marchais dans la neige avant de passer la glace. » Elle se justifie un peu sans trop savoir pourquoi. Peut-être parce qu’elle n’aime pas savoir que la femme la pense assez bête pour aller marcher volontairement sur un lac gelé, même ici en Azgeda où les températures font que la glace est tout de même épaisse.

Et tandis qu’elles approchent du village que Drea connait déjà mais qu’elle n’apprécie pas vraiment – notamment parce qu’elle n’aime pas tellement ces terres en fait – un énorme animal s’approche de la jeune femme rousse. Et Drea observe cet animal, presque aussi gros qu’un petit poney pour enfant, qui apporte une fourrure à sa maîtresse. « Bel animal. » Drea aime les animaux mais la plupart du temps ceux qu’elle croise lui servent à manger, même si dans certains cas elle aurait apprécié pouvoir les garder avec elle. Comme ce chien étrange qu’elle a croisé sur les terres désertiques et qu’elle aurait bien souhaité offrir à Kestrel si elle avait pu. Peut-être qu’elle pourrait trouver un petit loup sur les terres d’Azgeda et le ramener à son amie, que la prochaine perte de Rosha pourrait attrister aussi.

- Le froid mordant d'Azgeda -

Oui les lacs sont traitres sur les terres d’Azgeda et ça Drea l’a bien compris. Elle savait déjà que les températures pouvaient être difficiles à vivre, que certains animaux étaient mortels, mais elle ne se doutait pas traverser la glace épaisse d’un lac un jour. Elle fera attention désormais parce que ce n’est pas du tout amusant de passer à travers la glace gelée et de claquer des dents de cette façon. Sans l’intervention de cette femme, elle serait probablement morte. Morte noyée peut-être ou tout du moins morte gelée au bord du lac. Et elle apprécie le geste de la femme, vraiment, et elle a une sorte de dette envers elle. Elle croit. Elle ne sait pas trop Drea, c’est étrange de se dire que la femme vient de lui sauver la vie et qu’elle la lui doit. Alors oui, peut-être qu’elle a une dette envers cette rouquine qui se trouve devant elle.

Et la femme la fait sortir de ses pensées en lui présentant l’animal qui vient de lui apporter une fourrure réconfortante. Drea observe le chien qui doit avoir un certain âge maintenant, aux vues de sa fourrure qui commence à blanchir un peu. « Nos plus fidèles amis sont toujours ceux qui partent le plus vite. » Et ça l’attriste un peu Drea, parce qu’elle pense à la vieille Rosha qui lui a sauvé la vie il y a presque vingt-ans et avec qui elle voyage depuis. La vieille dame lui a appris énormément et même si Drea n’a pas toujours apprécié ses choix et ses décisions, Rosha est tout de même ce qui se rapproche le plus d’une mère à ses yeux. Et ça l’attriste énormément de se dire qu’elle finira par partir et la laisser seule, avec Kestrel. Et elle détache les yeux de l’animal pour relever la tête vers sa maîtresse lorsqu’elle lui parle d’une boisson chaude et d’un feu de cheminée. Elle en rêve un peu aussi, il faut bien le dire. « Je ne serais pas contre faire sécher mes vêtements. » Et elle suit la rousse, docilement. « Je te remercie, pour tout ça. J’ai une dette envers toi maintenant. » Et elle ne sait pas du tout comment elle pourra la lui rendre, parce qu’elle n’en a pas l’habitude de tout ça. « Je m’appelle Drea. Je voyage de clan en clan. » Parce qu’il y a bien longtemps qu’elle a arrêté de donner le nom de son clan de naissance lorsqu’elle se présente à quelqu’un.

- Le froid mordant d'Azgeda -

Elle a du mal à se dire que cette jeune femme lui a sauvé la vie et qu’elle n’attend rien en retour. Mais c’est sans doute parce que tout au long de sa vie, les gens ont plutôt essayé de la tuer que de l’aider. Cet homme quand elle avait huit ans, qui voulait lui trancher la gorge comme il l’avait fait pour son frère ou peut-être même l’étouffer comme pour sa mère. Puis ces hommes dans les terres qui pensaient que puisque c’était une caravane de marchands, il était plus facile de les dépouiller puis de les tuer. Toute sa vie, Drea a dû lutter pour rester en vie et apprendre à se défendre, en regardant Lothar repousser les ennemis puis en apprenant par elle-même ensuite. Maintenant c’est elle qui protège la caravane et qui enseigne à Kestrel à faire de même, mais elle n’a pas l’habitude qu’on la protège ou qu’on sauve sa vie. Et c’est étrange. Mais la femme ne veut rien en retour, si ce n’est qu’un peu de compagnie devant une boisson chaude.

Alors elle prend cette main qui se tend devant elle, sans toutefois sourire parce que le froid lui fait claquer des dents. « J’espère être de bonne compagnie alors. » Alors ça Drea sait qu’elle peut le faire, même si elle n’a pas forcément une très bonne conversation avec les inconnus. Mais la rousse l’intéresse, parce qu’elle est chef de village et qu’elle doit bien avoir quelques histoires et une bonne conversation. Drea apprécie toujours d’entendre des histoires venues des clans qu’elle traverse, de connaître les traditions aussi. Alors elle questionnera un peu sa sauveuse et elle répondra aussi à ses interrogations si celle-ci en a la concernant. « Ne t’inquiètes pas, si ton village m’offre de quoi me réchauffer, je le trouverais accueillant et chaleureux. » Et elle esquisse un semblant de sourire, parce qu’elle n’apprécie pas les terres d’Azgeda à cause de leur climat étrange et froid. Mais elle sait aussi que c’est sans doute l’une des dernières fois qu’elle vient par ici, parce que Rosha est de plus en plus faible et qu’elle n’ira sans doute pas plus loin dans le grand voyage qu’elles ont entrepris il y a plus de vingt ans. Au moins, les dernières terres qu’elle verra seront celles-ci, celles qu’elle préfère par-dessus tout. « Il me semble que ce n’était pas toi le chef de ce village la dernière fois que je suis passée ici, n’est-ce pas ? Tu es nouvelle à ce poste alors ? » Parce qu’elle est venue il y a quelques temps et qu’il ne lui semble pas que c’était cette jeune femme qui était à la tête de ce village.

- Le froid mordant d'Azgeda -

Elle est assez curieuse Drea et c’est sans doute pour cette raison qu’elle aime autant voyager avec Kestrel et Rosha. Elle aime apprendre dans les villages et dans les clans, elle aime entendre les histoires des guerriers et des conteurs, et elle aime beaucoup voir l’évolution à certains endroits. Alors elle pose la question à la femme rousse devant elle, parce qu’elle est sûre que la dernière fois qu’elle a posé le pied à Ùlfurìs, ce n’était pas elle aux commandes du village. C’était un homme déjà et si son nom échappe à Drea sur le moment, elle est curieuse de savoir. Et la femme lui répond que le précédent chef – Smédir – est mort il y a plusieurs mois et qu’elle a hérité de ce village puisqu’elle en était la seconde. « Je suis désolée, je l’ignorais. » Il aurait aussi pu lui transmettre le village sans toutefois mourir. Cela se fait parfois mais ça reste très rare puisque généralement les chefs meurent et le village est transmis à son second. Ou à un autre d’ailleurs. « Quelques fois. Ùlfurìs est le village préféré de la personne avec qui je voyage, même s’il est caché au fin fond des terres gelées d’Azgeda. » Et elle sourit doucement, d’un très fin sourire caché par quelques claquements de dents. « Je pense qu’elle a souhaité s’y rendre une dernière fois. » Et même si Drea est triste de savoir que son amie -  celle qui a été comme une mère durant presque vingt ans - va bientôt disparaître, elle est heureuse de savoir que celle-ci est arrivée jusqu’aux terres d’Azgeda, jusqu’à ce clan qu’elle apprécie tant pour ses paysages. « Mais elle a raison, c’est un très joli village. Même s’il est couvert de neige et à proximité d’un lac gelé. » Drea n’aime pas l’hiver, la neige et la glace. Elle préfère de loin les terres des clans du sud, l’océan aussi. Mais elle sait que Rosha voulait revenir sur ces terres pour les voir une dernière fois, alors elle a respecté son choix et elle n’ira pas lui dire qu’elle déteste les territoires d’Azgeda. « Et toi, as-tu déjà voyagé en dehors des frontières d’Azgeda ? »

- Le froid mordant d'Azgeda -

Même si elle n’apprécie ni la neige, ni le froid, Drea peut comprendre pourquoi ces terres sont les préférées de Rosha et pourquoi elle a voulu s’y rendre une dernière fois avant de mourir. Ùlfurìs est un joli village et même s’il se cache sous une épaisse couche de neige, c’est tout de même un endroit qui se veut sympathique. Et les gens qu’elle a rencontré dans ce village sont tout aussi sympathiques, surtout cette jeune femme à qui elle doit maintenant la vie. Et Drea l’écoute parler de ce moment qui semble être le meilleur pour voyager, parce que la nouvelle reine semble vouloir fermer les frontières. Et cela ne plait pas à Drea, elle n’aime pas voir les frontières fermées aux gens, aux marchands comme elle. Elle n’ira cependant pas le dire à Rosha, parce que la vieille dame n’apprécie pas non plus de rester aux portes des villes où elle passe et savoir que les terres d’Azgeda risquent de ne plus être accessible risquent de lui donner un petit coup au moral. Et Drea sait que la vieille dame n’a pas besoin de cela en ce moment. « J’espère qu’elle ne fermera pas les frontières, ce serait vraiment dommage pour ceux qui voyagent comme je le fais. » Parce que Drea n’aime pas non plus ne pas avoir accès à certaines terres, être refoulée aux portes de certaines villes comme c’était le cas sur les terres des Sikrus avant que le chef de clan ne perde sa tête.

Bon, elle n’est pas sûre de revenir un jour sur les terres d’Azgeda après la mort de Rosha. Elle sait qu’elle continuera le commerce avec la petite caravane, qu’elle continuera à voyager dans les clans avec Kestrel si la jeune femme le souhaite toujours. De toute façon, elle ne pourrait faire autre chose que cela, voyager dans les terres c’est toute sa vie maintenant puisque cela fait presque vingt ans qu’elle voyage de cette façon. Qu’elle vit de cette façon. Et tout en réprimant un claquement de dents, elle écoute la rousse lui parler de son village et de ses spécialités qui font oublier le froid. « On raconte qu’Ùlfurìs est toujours couvert de neige et ce, peu importe à quel moment de l’année. J’aurais tendance à croire à cette rumeur. » Et elle se dit qu’elle ne pourrait jamais vivre dans un tel village sans mourir congelée dès la première nuit. Aussi parce qu’elle n’aime pas forcément cacher son corps sous les épaisses peaux et fourrures que les gens portent par ici. Dieu que les terres du sud commencent à lui manquer…

Et tandis que la rousse lui dit qu’elle a juste eu la chance de parcourir les terres Skjeran et les prairies au sud d’Azgeda, Drea se rend compte de la chance qu’elle a de pouvoir voyager de cette façon. Mais Eendth est chef de village maintenant et elle ne peut plus vraiment quitter son foyer pour voyager comme elle le voudrait, ce que Drea comprend totalement. « Tous oui, même si certains ont été plus difficile à visiter que d’autres. » Elle pense notamment aux terres des Sikrus qui étaient difficiles d’accès, mais aussi aux autres clans qui se sont parfois montrés un peu hostiles malgré l’apparente gentillesse de la vieille Rosha et des deux jeunes filles qui voyageaient avec elle. « Néanmoins, il y a bien longtemps que nous ne sommes pas allées sur les terres des Skjeran et sur celles des Skaigonas. » Et si Rosha n’a jamais permis à la caravane de retourner sur les terres du clan de naissance de Drea, c’est parce qu’elle savait que la petite fille qu’elle était n’aurait jamais accepté d’y aller à nouveau. La vieille dame l’a bien compris et n’est jamais repassée sur ces terres-là, prenant grand soin de les éviter pendant les voyages. Quant aux terres des Skjeran, elles sont difficiles d’accès et monter aussi haut pour accéder aux villes en passant par la zone morte est un parcours compliqué. Cela se faisait quand Lothar était à leurs côtés, mais sans un homme pour veiller sur la caravane, il a toujours semblé difficile à Rosha de traverser la zone morte, seules. « Mais les clans du sud sont mes préférés. Du soleil, la mer et surtout, pas de neige. » Et elle sourit doucement à la rousse, légèrement moqueuse.