La rencontre | Ft Neith

Tes yeux ne m'aiment pas, mais je les trouve malgré tout adorables.

Neith & River

La lumière se lève au loin et perce lentement le voile de ténèbres qui recouvre le ciel. Et j'observe ainsi l'aube émergée comme j'en ai si souvent l'habitude. Un petit rituel que je reproduis depuis que je suis sur Terre, à la différence qu'aujourd'hui j'ai fait une nuit blanche. Je n'ai pas trouvé le sommeil, peut-être à cause de la soirée qui célébrait la victoire sur les barbares, peut-être à cause d'autre chose... Je ne sais que trop rien. Ce que je ne sais pas contre et c'est une chose qui est sûre, j'ai besoin de parler à Sekhmet. Hier soir, je n'ai pas pu et je crois que ça m'a un peu trop travaillé l'esprit, ça me travaille encore actuellement je dois l'avouer. Je l'ai vu aux côtés d'un garçon qui pourrait avoir le même âge qu'elle, je ne sais pas ce que j'ai pu ressentir à ce moment-là... Mais je sais qu'intérieurement j'étais assez dérangée de la situation. Je sais que c'est étrange et pour être franche, je ne comprends pas moi-même ce que je ressentais. Mais voilà, c'est un fait, je me suis sentie bizarre à ce moment-là, peut-être que je devrais songer à consulter la psy officielle de l'Arche même si je n'aime pas les psychologues et spécifiquement eux. Quoi qu'il en soit, je tiens vraiment à parler à Sekhmet aujourd'hui, il faut que je trouve le moyen et le courage d'aller lui parler. Cependant, c'est seulement une fois que le soleil balaya enfin le ciel de sa splendeur que je me décide de me lever et de partir à la rencontre de la fille des eaux. Tient, d'ailleurs je me demande si c'est approprié, fille des eaux. Peu importe... Je descends des hauteurs où je me trouvais, oui parce que figurez-vous qu'apparemment j'aime bien grimper. Je peux le dire, c'est l'un de mes rares talents que j'ai pu découvrir depuis que mon corps bouge plus souvent que sur l'Arche du temps qu'il était dans l'espace.

Je marche en direction du campement où seraient installés les terriens qu'on nomme les Sikru. Au premier coup d'œil, je comprends que je ne trouverais pas Sekhmet ici. Je fais alors un peu le tour de Kalawen réfléchissant à ce qu'elle pourrait faire et où elle pourrait aller en cette matinée. C'est alors que je me suis rappelée de ce qu'avait pu dire Lexa hier dans la soirée. Je me suis alors demandée si c'était le genre de choses qu'iraient faire Sekhmet. Et effectivement, je ne le sais pas, je ne la connais encore que trop peu. J'ai une désagréable sensation au ventre lorsque j'arrive à l'endroit où sont attachés les barbares. Je n'arrive pas à en regarder un directement dans les yeux, ayant cette idée qu'ils pourront pénétrer mon esprit si je les laissais y voir le fond. Mon regard se pose néanmoins sur la femme qui était sur le champ-de-bataille non loin de moi. Je crois avoir souvent aperçu Sekhmet à ses côtés, peut-être est-elle aussi une Sikru ? Je soupire un peu à l'idée d'aller la déranger, elle a un regard qui donne l'impression que ses yeux crachent des flemmes. Je m'avance vers elle, les bras croisés surtout parce que j'ai froid et une fois à côté d'elle, je fais tousser ma gorge avant de m'exprimer clairement. « Excusez-moi madame, seriez-vous une Sikru ? » Commençais-je avant de poursuivre immédiatement. « Si c'est le cas, sauriez-vous m'indiquer l'endroit où pourrait se trouver une jeune fille nommée Sekhmet ? Elle fait la même taille que moi et elle aurait aussi à peu près mon âge. »  

Tes yeux ne m'aiment pas, mais je les trouve malgré tout adorables.

Neith & River

Son regard l'a trahi, je peux y lire une certaine animosité et je dois ceci à ces compétences qui me permettent de juger ce genre de choses. Mais au final, son regard ne me dérange pas, en fait je n'y fais à peine attention. Je ne vais pas pleurer parce qu'une étrangère me déteste ou déteste ma présence, ma vie serait bien dramatique si je devais être triste si facilement. J'ai appris à mes dépends que ce n'est pas tous les terriens qui apprécient les archeens, alors fallait bien que je m'habitue à ce qu'on me rejette souvent du côté terrien. J'ai envie d'en apprendre davantage de la culture terrienne, c'est vrai, mais depuis ce périple, depuis cette guerre je n'ai qu'une seule envie ; c'est de retrouver l'Arche. Quelque chose en moi s'est effondrée et j'ignore s'il me sera possible de le restructurer, de le réparer un jour à nouveau. En fait, j'ai vraiment besoin de parler à Sekhmet, j'ai le sentiment qu'elle serait en mesure de me redonner le courage qu'elle m'avait insufflé pour la suivre sur la route. Ce courage qui m'avait permis de quitter l'Arche pour la première fois depuis que j'étais sur Terre. Je n'attends pas grand-chose de Sekhmet, si ce n'est qu'une conversation entre deux amis parlant de ce qui les passionne. Je crois qu'une simple conversation est tout ce que je demande au fond, histoire que dans mon esprit tout paraisse de nouveau normal... même si ce n'est pas le cas, je m'en fiche. Voilà pourquoi j'étais déterminée à la retrouver en cette douce matinée qui succède à une soirée mouvementée. Rencontrer cette femme n'est pas nécessaire, mais je suis certaine de l'avoir aperçue au côté de Sekhmet sur le chemin pour Kalawen. Cela m'apparaissait sensé de prétendre que c'est une Sikru elle aussi et puis, sa tenue était similaire à celui de Sekhmet dans un sens. J'ai pu remarquer avec la présence des différents clans que les tenues avaient un sens et un style propre à un clan. Du coup, même si j'ai en moi un petit doute, j'ai suggéré qu'elle était Sikru.

Sa réponse a une drôle d'intention ou de mise en contexte qui la rend étrangement ironique, voire insultant... « Il me semble » A-t-elle dit ? Est-ce une façon terrienne de répondre ou est-ce juste une réponse qui m'est seulement destinée. J'ai l'impression qu'indirectement dans sa réponse, elle me reproche inconsciemment ma propre question, voire le fait que j'ignore qui elle est. Je lève un sourcil, un peu perplexe tout en gardant mon silence. Je vois clairement devant moi une femme fière, probablement d'elle-même, ou peut-être bien de son peuple et son clan, dans tous les cas : je reconnais le genre de personne qui peut très vite se sentir offensée si on lui montre notre désintérêt envers elle... En d'autres termes, valait mieux que je réponde à sa question si je voulais éviter ce cas de problème. « Je veux simplement m'entretenir avec elle. » Ai-je répondu tout simplement, sur un ton qui n'exprime aucune forme d'émotion, mais davantage une formalité. Mon expression faciale était quasi impassible, en fait rien que sourire actuellement serait pour moi un effort considérable. Et je n'ai pas vraiment envie de faire des efforts devant cette inconnue, la politesse suffira... La guerre m'avait un peu brisé dans le fond, mon humeur me forçait à rester de toute façon dans cet état, disons dépressif. Je regarde un moment la femme Sikru, ne pouvant m'empêcher de m'interroger sur ce regard. Je comptais lui-dire un truc du genre, je vous laisse à votre lecture... Mais, je ne pouvais pas partir maintenant... Intriguée malgré tout par ce regard. « Je me demande pourquoi ce regard m'est destiné. » Ai-je pensée tout haut, ma voix n'était pas très portante, mais étant proche d'elle, sans aucun doute mes mots ont été entendus. « Puis-je vous demander : est-ce que vous reprochez quelque chose aux Archeens ou bien plus précisément et particulièrement, me reprochez-vous quelque chose que j'ignore ? »  

Tes yeux ne m'aiment pas, mais je les trouve malgré tout adorables.

Neith & River

Ma question est évitée par une autre question, une attitude qui cache bien évidemment quelque chose de plus profond en elle. Les personnes qui agissent ainsi veulent garder un certain contrôle au niveau de leur façon d'être. Pour eux cette conversation c'est comme si, il s'agissait d'un conflit, mais c'est aussi à la fois une défense afin de cacher ce que l'interlocuteur veut cacher en lui... Mais cela a un effet inverse, ça dévoile une méfiance non-justifier sans qu'elle en ait elle-même conscient : que ce soit de sa manière d'être, des mimiques qui lui échappent comme ces fameux lapsus révélateurs. Elle a beau croire garder une attitude, une gestuelle, une manière d'être sous son contrôle complète, l'inconscient s'exprimera qu'elle le veuille ou non et cela, elle ne le sait pas, ou peut bien que si... que sais-je des terriens après tout ? « D'où ma question... Après tout on pose bien des questions pour connaître la vérité, non ? On tire des conclusions à la suite chez nous et parfois, il se peut que les preuves se manifestent d'elles-mêmes dans certain cas, je pensais que c'était le cas aussi ici. » J'ai remarqué depuis un moment qu'elle me tutoie, alors qu'elle a une assez bonne maîtrise de notre langage... J'imagine que normalement, elle doit connaître la politesse. Ou peut-être que les terriens n'ont pas la même culture de la politesse que nous, mais admettons qu'ils la connaissent... Si elle ne l'emploie pas avec moi, qu'est-ce que cela peut bien vouloir signifier ? Qu'elle ne voit qu'une enfant devant elle, qu'elle se sent supérieur ou bien qu'elle ait un certain mépris qu'elle croit cacher ou qu'elle n'a pas conscience ? Ou peut-être bien autre chose encore... J'écoute attentivement sa seconde phrase, je croise les bras à la suite, puis je lève le regard vers le ciel comme si quelque chose m'avait soudainement percuté. Je ne fais même pas attention à sa dernière phrase. Et la chose en question n'est autre que le souvenir de Sekhmet dans ma cabine et la conversation qu'on avait eu.

« Oh bien sûr... Vous êtes la cheffe dont m'a brièvement parlé Sekhmet, forcément... » Je me mets à sourire d'un sourire ironique qui n'est destiné qu'à moi-même, je rajoute tout de suite après. « Là en effet, on peut dire que cette fois je tire des conclusions sans trop m'assurer de sa véracité. Mais comment passer à côté du fait que depuis Polis, Sekhmet s'est comme mise à m'éviter en plus du fait qu'elle est restée près de vous sur le chemin pour Kalawen. Je suis persuadée que c'est à Polis qu'ont eu lieu vos retrouvailles. Vous savez, je me doutais que c'était étrange qu'elle m'invite si facilement dans sa ville sans rien connaître de moi, j'imagine que cela lui a attiré des problèmes auprès de sa cheffe. » M'exprimai-je toujours les yeux levés vers le ciel, lorsque je repose mon regard de nouveau vers cette femme, je rajoute. « On dirait presque que ces mots me sont destinés, Keryonsi... » Je crois que c'est comme ça que Sekhmet avait appelé sa cheffe. « Là où ils ne devraient pas, ou avec qui ils ne devraient pas. Sont-ils destinés à Sekhmet, votre seconde ? » Mon cerveau tourne à une allure hallucinante, toutes les informations que j'avais en possession asseyaient mes pensées. Peut-être que je suivais une piste, peut-être que je balançais que des conneries depuis le début. Bizarrement, je m'en foutais pas mal, car têtu comme je suis, dès que j'ai une idée en tête je veux y aller jusqu'au bout. En fait, ce n'était pas que ça, je crois qu'intérieurement je suis en colère contre Sekhmet pour m'avoir comme presque laissé tomber alors que je croyais qu'on pouvait devenir ami. Et je crois qu'au fond, je le suis aussi contre sa Keryonsi pour l'avoir, peut-être, influencer dans cette décision. Je n'ai aucune preuve de ce que j'avance, mais je n'ai jamais manqué à croire en mes intuitions.

Et la preuve de cette colère et le fait que je parle beaucoup trop comme si j'avais besoin de me défouler sur elle. « Je n'ai pas de preuve de ce que j'avance, mais je suis persuadée qu'il y a eu une discussion entre vous deux si c'est bien vous la cheffe de Sekhmet. Et que vous l'avez influencé... »  

Tes yeux ne m'aiment pas, mais je les trouve malgré tout adorables.

Neith & River

Lorsqu'elle se leva, me surpassant de sa taille et de sa splendeur, par réflexe je fis quelques pas en arrière. Je me doute bien que j'aie été un peu trop ouverte d'esprit dans ma façon de parler, de lui parler à elle, surtout si en plus c'est vraiment là une cheffe de clan. Mon cœur se mit à battre relativement vite bien qu'elle ne daignait pas se montrer hostile pour autant. Je la laisse à mon tour parler avec ce sentiment de défaite dans mon cœur. Et je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi j'avais ce sentiment en question, comme si je venais de relever un défi dont j'étais la seule au courant. Je suis débordée par une multitude d'émotions qui présentement m'empêchent de réfléchir clairement et calmement. Je suis à la fois frustrée d'être responsable de quelque chose que j'ai causé sans le savoir, énervée contre ces mêmes personnes qui me reprochent cette chose en question. Des personnes qui ne savent rien de moi et qui découvrent une River à moitié brisée et qui se cherche en plus des bouc-émissaires pour se libérer de sa peine... Ouais, forcément que je ne fais pas très bonne impression devant cette femme et bien que je le sais, finalement je m'en fiche un peu. Lorsqu'elle me lança auparavant que je devrais apprendre à ne pas parler autant, je ne peux m'empêcher de rétorquer ceci : « Dans la mort on est déjà bien assez silencieux. Je préfère parler tant que je le peux encore. » Et c'était idiot de lui dire, car elle avait raison, je parle trop cela en devient presque maladif. En fait, je crois que je suis en train d'être la victime d'une crise d'angoisse en ce moment même. La peur me force à faire et dire des choses que je ne dirais pas en tant normal. Était-ce parce qu'elle s'était levée, ce qui inconsciemment m'avait mis sur ma défensive ? Je voudrais partir et même si j'en ai les capacités physiques et motrices, je suis incapable de bouger, incapable de me détourner d'elle.

C'est comme si une corde invisible me reliait à elle, en fait je crois qu'inconsciemment je ne voulais pas vraiment bouger. Et quand j'y réfléchis, pourquoi partirai-je maintenant ? Je suis allée déjà si loin désormais, j'ai l'impression que rebrousser chemin maintenant est là une chose insensée or que c'est clairement le contraire. Preuve que mon jugement est devenu bien maladroit et qu'il ne fait qu'empirer. « Je suis donc une erreur... Fort bien, elle a été la mienne aussi je suppose. » Ai-je craché, mon regard se détournant de la cheffe des Sikru, mais malgré tout le ton de ma voix n'était pas si provocatrice qu'il y a quelque seconde plus tôt. En fait, la fin de la phrase fut étouffée par l'émotion, car malgré tout ce que j'apprenais était assez douloureux, au point que j'en serre discrètement les poings.  « Votre seconde fait preuve d'un grand courage, tellement de courage qu'elle n'est même pas venue me dire en face que je n'ai été pour elle qu'une erreur. » Encore une fois, je tire des conclusions oui... Ce n'est pas comme si l'erreur c'était moi en personne, pourtant telle que j'étais en ce moment, je le pensais. Ma raison est recouverte par un voile brumeux qui me rend juste désagréable. Peut-être est-ce finalement ma vraie nature ? Peut-être suis-je une vile créature qui veut juste être désagréable. La gentille River apprentie psychanalyste n'est peut-être qu'une illusion que je me suis créée... il y a fort longtemps. « Mes belles paroles ? Parce que c'est elle qui a été séduite par de belle parole, maintenant ? » Ma question était sèche, dénuée d'une quelconque colère ou tristesse... Elle était froide, sans émotion, presque qu'inhumaine. Peut-être l'avais-je suivi pour mes belles paroles cette petite Sekhmet, ça doit être probablement ça... Mais oui, bien sûr, je me serai auto-influencé. Je dois être plus forte que ce que je le pensais, messieurs... « Je lui souhaite bien du courage alors ! »

Peu importe ce qu'elle pensait de moi sur le coup, peu importe ce que je pensais de Sekhmet présentement... La phrase était sincère, une phrase qui venait du fond de mon cœur. Je le souhaite du courage pour le jour elle perdra la beauté d'âme que j'ai découvert lorsque je l'ai rencontré... Oui, je lui souhaite du courage pour lorsque que sa Keryonsi tuera ce qui lui reste d'innocence en elle. Pour finir, cette femme m'incite à la provoquer en duel comme si j'étais née de la dernière plus. Pour elle, c'est un moyen de me mettre face à une situation délicate ; rendre honneur à ma détermination ou décliner le duel et pourrir dans ma honte. Dans l'un des cas je meurs et dans l'autre je meurs aussi, bien que mentalement. Je prends alors mon Katana sans mouvement hostile et la positionne en l'air horizontalement sans dégainer l'arme. « Keryonsi, chef des Sikru... Lorsque les festivités seront terminées, que nos peuples se seront complètement remis de leurs blessures et que la faible skaikru qui se tient devant vous deviendra une guerrière digne de vous combattre... Ce jour-là, même si la mort me frappera, je vous défierai pour Sekhmet... Du moins, pour les sentiments que j'ai à son égard. » J'ignore moi-même de quels sentiments il s'agit, mais je sais que j'en ressens déjà beaucoup de choses pour cette étrangère... Pour une terrienne dont je ne connais pourtant rien, que j'ai rencontré qu'une seule fois, mais qui pourtant a réussi à tant me marquer de cette seule rencontre.