Tell me something [pv Faora]

L'ambiance sur les terres du Shiedgeda semblait pesante. Tout le monde paraissait sur ses gardes, les regards de certains s'attardant sur d'autres. Les discussions allaient et venaient, certains étaient peut-être au courant de quelque chose, et c'est ce que Canjun et le reste du groupe tentait de découvrir. De ses yeux sombres, le guerrier à la peau hâlée, adossé contre un arbre durant quelques instants, observait avec attention ses camarades bouger çà et là, ses pensées se bousculant avec vitesse. Il avait du mal à croire que l'un des membres de son Clan ait quelque chose à voir avec ce qui était arrivé au Skaikru, mais le fait que la station aggro ait échoué non loin des grottes du Clan de la nuit rendait cette hypothèse véritablement possible. Ainsi, c'est le visage un peu assombri que Canjun était pensif et concentré en même temps. Dans son cœur résidait l'espoir de voir cette affaire se conclure sans trop de sang et de bagarre, ajouté à cela que l'un des siens ne soit pas à l'origine de tout ce mal. Après tout, le peuple du Ciel faisait désormais partie de la coalition, et le guerrier originaire d'un clan de l'Ouest s'était attaché à certains d'entre eux, ne souhaitant pas les laisser sans réponse face à ces actes barbares.



Ainsi, il resta là, silencieux, pendant quelques minutes. Son rythme cardiaque était régulier malgré la crainte de devoir faire face à celui ou ceux qui avaient fais du mal à leurs alliés, et rapidement, ses yeux ébènes aperçurent une femme qu'il connaissait de vue et avec qui il avait déjà tenté de parler, sans succès au bout du compte. Elle avait toujours été secrète, silencieuse, mais au fond, le jeune homme la comprenait. Son histoire était accablante, et la douleur qu'elle ressentait semblait raisonner à l'intérieur du guerrier qui avait lui aussi perdu quelqu'un. Beaucoup de gens. Un Clan entier qui l'avait vu naître. Et peut-être que cette guerrière savait quelque chose. Peut-être qu'elle avait des indices, des choses à avouer à Canjun. C'était en tout cas ce qu'il espérait, et d'un pas calme, il s'avança vers Faora avant de stopper sa marche, son regard fixé sur la silhouette féminine qui lui tournait le dos. « Faora. » dit-il d'une voix calme et avenante, un sourire se dessinant sur ses lèvres. Malgré l'ambiance qui résidait ici en ce moment, le guerrier était proche des siens et n'avait pas perdu sa gentillesse, ni son affection pour certains. « Est-ce que tout va bien ? » demanda t-il d'abord, d'une voix toujours aussi calme, comme pour annoncer doucement les couleurs de leur discussion. Et pour toutes les dernières fois où il s'était retrouvé à faire un monologue, le guerrier aux cheveux noirs espérait avoir quelques réponses. Il voulait la comprendre aussi. La connaître.

Canjun s'était approché de Faora, l'air avenant, un sourire dessiné sur les lèvres, et avait débuté la conversation par une question tout à fait banale. Malgré la situation délicate dans laquelle se retrouvait le Clan de la nuit, le guerrier ne soupçonnait pas une seconde Faora d'avoir commis de tels actes. Malgré le silence dans lequel elle se terrait depuis la mort de son frère et la confrontation brutale qu'ils avaient eu il y a  quelques temps, la guerrière était véritablement innocente à ses yeux.  La souffrance qui résidait en elle favorisait cette opinion, car il avait cette impression malheureuse de faire face à une femme écrasée par la mort d'un être qui lui fut cher, et en dépit de la force qu'elle avait, Canjun semblait être d'avis qu'elle n'aurait pas la force d'assassiner ou de faire du mal à des Skaikrus innocents. Ainsi, il espérait pouvoir recueillir quelques informations auprès d'elle, et par la même occasion pouvoir la connaître autant qu'il le pouvait à chaque fois qu'il tentait de discuter avec elle. Mais ce n'était pas simple. C'était compliqué d'entendre sa voix qu'il n'avait perçut que lorsqu'elle avait explosé face à lui, et le guerrier à la peau hâlée savait que ça n'allait pas être une tâche facile. Pourtant, il essayait. Il essayait, encore et encore, et malgré le fait qu'il pouvait ressembler à un pot de colle aux yeux de Faora, il essaierait encore. Parce qu'il comprenait ce qui vivait dans son cœur brisé en de nombreux morceaux. Parce qu'il avait ressenti la même chose qu'elle lorsqu'il avait vécu la destruction de son clan d'origine. Il ne voulait pas qu'elle continue de sombrer et de rejeter les autres. Ils avaient vécu tout deux quelque chose de douloureux, mais le jeune homme avait réussi à remonter la pente et voulait guérir Faora également.

Ainsi, à travers cette discussion qu'il n'espérait pas faire seul, il observa de ses yeux sombres la jeune femme, ses sourcils se fronçant un peu alors que la guerrière solitaire agitait ses mains en lui faisant bien comprendre qu'il la dérangeait et qu'elle était bien mieux avant qu'il n'arrive. A cet instant, son sourire disparut un peu, et pourtant, l'homme resta près d'elle. Même si elle était désagréable avec lui, il ne comptait pas lâcher l'affaire. Il devait enquêter sur les Skaikrus disparus de la station aggro, et c'est par l'assassin insoupçonnée qu'il commencerait, en tentant d'ouvrir un peu plus cette carapace qu'elle s'était forgée au fil des mauvaises nouvelles qu'elle avait subi. Il poussa un léger soupir après avoir pris une grande respiration, et se déplaça pour lui faire face, s'asseyant sur un rocher qui lui permettait de ne pas toucher le sol froid et humide de cet hiver. « Est-ce que tu veux bien t'asseoir ? » demanda t-il sur un ton calme, son léger sourire s'affichant de nouveau doucement. Puis il se frotta un instant les mains comme pour tenter de réchauffer son corps et son âme refroidie par les événements auxquels la coalition devait faire face. Ses yeux ébènes tentèrent ensuite de plonger dans les prunelles de Faora, puis il reprit. « Tu as beau essayer de me repousser, tu sais maintenant que je ne partirais pas tout de suite. Sais-tu quelque chose de ce qui s'est passé ici concernant les Skaikrus ? » dit-il d'une voix interrogatrice et curieuse, le sérieux se dessinant sur son visage alors que son petit sourire disparut à cette question. Son cœur se mit à battre un peu plus vite. Il voulait aider l'alliance, et aider Faora en même temps, espérant grandement qu'elle n'ait rien à voir avec tout ça. Les trahisons, il détestait ça Canjun.

Canjun tentait toujours de tendre une main vers Faora. Elle pouvait bien le repousser autant qu'elle le voulait, il continuerait à venir vers elle pour l'aider. Tout deux avaient vécu une souffrance similaire, et tandis que l'un avait réussi à se hisser vers le haut, l'autre continuait de sombrer toujours plus profondément dans la noirceur d'une souffrance qui ne cessait de la garder près d'elle, ainsi que dans les bras d'une solitude qui l'emprisonnait chaque jour un peu plus. Le jeune homme avait beau essayer de la sortir de là, de lui agripper fermement la main pour qu'elle puisse enfin respirer, rien ne fonctionnait. Il se faisait repousser, toujours. Faora continuait de se noyer. Et pourtant, le guerrier du Shiedgeda était bien décidé à continuer ses efforts. Il gardait espoir et espérait qu'un jour vienne enfin où il pourrait véritablement discuter avec elle et arrêter de parler tout seul. Pour le moment en tout cas, l'assassin qu'il ne soupçonnait aucunement restait terrer dans son silence et ne voulait même pas s'asseoir face à Canjun.

Le guerrier n'insista pas plus, et son léger sourire finit par disparaître alors qu'il posa finalement une question à la jeune femme qui se montrait sans cesse désagréable avec lui comme pour faire en sorte qu'il finisse par se lasser de cela. Mais c'était peine perdue. Même après qu'elle lui ait sauté à la figure, Canjun n'avait pas arrêté ses tentatives et semblait d'ailleurs s'être habitué au silence ainsi qu'à l'attitude de la guerrière. Le sérieux dessiné sur son visage ne quittait plus le guerrier dont l'inquiétude concernant les événements passés grandissait dans son cœur. La coalition était une nouvelle fois menacée par des personnes qui n'acceptaient pas les Skaikrus, et un nouveau conflit naissait alors qu'aucun coupable n'avait encore été démasqué. Mais dans son être angoissé résidait aussi cette peur de voir l'un des siens concerné par tout le mal fait aux Skaikrus, et son regard sérieux trembla un peu sur ces pensées, alors qu'il observait avec attention la guerrière silencieuse. Ses gestes remplaçaient sa voix qu'il n'avait que peu entendu, et avec l'habitude il arrivait désormais à comprendre ce qu'elle lui disait.

A son grand soulagement qu'il ne s'empêcha pas de démontrer par un soupir, Faora ne semblait rien savoir. Ou du moins, elle ne semblait pas être impliquée dedans et paraissait bien éloignée de ce soucis inquiétant et face auquel la coalition se battait à nouveau. Son cœur qui s'était emballé à sa question se calma un peu, reprenant un rythme régulier qui entraîna une respiration plus lente chez l'homme. Ses muscles contractés par le froid se détendirent un peu, et Canjun finit par joindre ses mains avant de souffler dedans pour se les réchauffer, sans quitter la femme du regard. Même si elle n'avait rien à voir avec ça, le garçon voulait tout de même tenter de recueillir quelques indices, aussi minimes soient-ils, et reprit alors la parole d'une voix toujours aussi calme. « Si nous sommes revenus, c'est parce que nous avons repéré une station non loin d'ici, où des traces de combats étaient bien visibles. » commença t-il avant que sa voix ne raisonne à nouveau. « As-tu vu plusieurs de nos camarades agir d'une manière étrange ces derniers temps ? » demanda t-il sur un ton qui se voulait curieux et interrogateur, ses yeux sombres plongeant dans ceux de la femme. Canjun était totalement berné par l'attitude impassible de Faora qui semblait toute aussi habituelle qu'au quotidien.