Il va me bouffer – Sethen

Je me suis encore disputée avec ma mère, elle n’en a rien à faire de ce que je ressens et j’en ai marre qu’elle ne pense qu’à sa petite personne. C’est ce qui m’a décidée à sortir de la montagne pour la toute première fois. Ça fait un petit moment maintenant que je bénéficie d’une greffe de moelle osseuse mais je ne me suis pas encore risquée à partir à la découverte des environs. Je sais que c’est dangereux, on me le répète constamment, mais j’en crève d’envie depuis des années. C’est cette petite appréhension, cette peur de l’inconnue, qui m’en a dissuadée jusqu’aujourd’hui. Mais cette fois-ci, ça y est, je ne vais pas changer d’avis ni me dégonfler à la dernière minute ! Je me sens fin prête à affronter ce monde hostile contre lequel on me met en garde depuis tant d’années. Du moins, c’est ce dont j’essaie de me convaincre tandis que je remplis un petit sac à dos de ce qui me semble être nécessaire pour partir à l’aventure : une gourde pleine d’eau, quelques biscuits en cas de petite faim, et des pansements juste au cas où. De toute façon, je ne compte pas aller très loin, je suis même assez terrifiée à l’idée de me perdre en fait. Mais je veux savoir à quoi la Terre ressemble.

Alors je quitte le Mont Weather toute seule, sans en avoir parlé à qui que ce soit, et c’est toute excitée que je franchis la grande porte et fais mes premiers pas sur l’herbe. La première chose qui me frappe une fois à l’extérieur, c’est la luminosité qui m’aveugle après dix-sept ans passés dans un bunker. Et lorsque mes yeux s’y habituent enfin, je trouve que tout est beaucoup plus beau que ce à quoi je m’attendais. Le ciel et ses nuages, la cime des arbres au-dessus de ma tête, tout est magnifique et les différentes couleurs de chaque chose sont tellement plus éclatantes à la lumière naturelle. Je découvre de toutes nouvelles sensations que je n’aurais jamais pu ne serait-ce qu’imaginer en restant enfermée sous terre. L’odeur des pins, le vent dans mes cheveux, le petit bruit que je fais à chacun de mes pas… Absolument tout me semble merveilleux. A tel point que je ne fais pas vraiment attention à la direction que je prends lorsque je m’enfonce dans la forêt. J’ai tellement de choses à voir, à sentir, à toucher pour la toute première fois que ma peur de me perdre s’est envolée. Je dois avoir l’air ridicule à me balader ainsi, sans destination précise, et à me fasciner pour chaque chose qui entre dans mon champ de vision.

Au bout de quelques minutes de marche silencieuse et de contemplation, une ombre en mouvement sur ma droite attire mon attention. Je ne sais pas ce que c’est, ça se déplace trop rapidement pour que je puisse vraiment le distinguer, mais je suis convaincue que c’est un animal. Je me fige sur place et tourne sur moi-même pour tenter de l’apercevoir à nouveau, sans succès. J’imagine qu’il est déjà loin maintenant, c’est un peu déçue de ne l’avoir vu que du coin de l’œil que je reprends ma marche. Quand un petit craquement se fait entendre derrière moi, je sursaute et je balaie du regard les environs avant de me mettre à paniquer complètement lorsque j’aperçois deux yeux brillants qui me fixent derrière un buisson. Je ne suis peut-être pas très calée sur la matière mais il n’y a pas besoin d’être un expert en faune locale pour comprendre que l’animal, quel qu’il soit, se tapit dans l’ombre en attendant le moment idéal pour sauter sur sa proie. Et sa proie, c’est moi.

J’essaie de me remémorer le plus de choses possibles que j’ai apprises à l’école ou dans les livres quant à la marche à suivre quand on se retrouve en présence d’un animal sauvage. Ne pas courir. Je crois qu’il ne faut pas courir pour ne pas énerver la bestiole. Alors je me remets en marche d’un pas tranquille, comme si de rien n’était, mais j’ai vraiment la trouille et je sens qu’il est tout près de moi. Un point sur ma nuque me brûle, comme si ces petits yeux méchants que j’ai aperçus étaient pourvus de rayons laser. C’est plus fort que moi, j’ai l’impression de ne plus contrôler mes jambes quand je les prends soudainement à mon cou. Presque aussitôt, j’entends que l’animal s’est mis à courir lui aussi, il m’a prise en chasse et je ne peux pas retenir un hurlement.

Je cours comme une dératée et je crie tellement fort que mes poumons me brûlent. Je suis stupide, je n’aurais jamais dû m’aventurer toute seule dans cette forêt que je ne connais pas. Mes petites jambes ne sont pas habituées à un tel effort et elles ne font pas le poids face à un animal qui, lui, est totalement dans son élément. Et puis ça s’impose cruellement à moi : personne ne viendra à mon secours. Je me mets à pleurer à cette idée et mes larmes me brouillent la vue, tout est trouble autour de moi et je ne vois pas l’énorme racine qui sort de terre, je la ressens seulement quand je me prends le pied dedans et m’étale de tout mon long sur le sol. Ma cheville me brûle, si bien que je n’arrive pas à me relever. Pas assez vite en tout cas, une énorme panthère noire se trouve soudainement devant moi et je n’arrive même plus à hurler tant j’ai peur. Je la regarde, bouche bée, alors que je réalise qu’elle va me bouffer et que personne n’en saura jamais rien.

22 Novembre. Ils allaient bientôt quitter le camps, elle le savait. Elle n’avait pas spécialement eu le temps de discuter avec Feyn depuis qu’elles étaient revenues cinq jours plus tot, après qu’elle ait tenté de s’enfuir, mais elle avait entendu ce que disaient les autres, ils allaient bientôt partir, et ils ne rentreraient pas tout de suite à Niddhog, ils iraient à Polis avec Lexa, pour discuter des invasions barbares. Parce qu’il fallait proteger Kalawen et l’entiereté du clan des prairies, puis la coalition. Alors oui, ils iraient à Polis, et elle n’osait pas demander à Feyn la permission de rentrer à Niddhog, parce que malgré tout elle restait son second, son lieutenant, et son amie, et qu’elle refusait de laisser sa chef seule. Bon, elle avait voulu l’abandonner, mais c’était une autre histoire. Ce n’était pas le cas maintenant, maintenant elle était la, et malgré tout, elle la suivrait à Polis. Elle attendrait un peu, avant de rentrer voir Nuallan, et de s’enfouir dans sa cabane confortable à Niddhog. Elle attendrait oui. Elle partirait en guerre à l’Ouest si tel était le choix de sa chef, c’était une determination. Le monstre qu’elle avait été montrerait qu’elle était toujours fidèle, qu’elle était toujours une bonne drakgeda, qu’elle était toujours digne d’être une membre de la coalition. Oui, elle combattrait à l’Ouest.

Mais en attendant l’Ouest et sa salvation, elle faisait ce qu’elle pouvait pour se racheter, en ramenant des peaux à Feyn –esperant que celle-ci ne se rende pas compte que c’était elle, ou peut être esperait elle qu’elle s’en rende compte, pour qu’elles puissent en parler – et ramenant de la viande en masse a l’Avant Poste. Des baies parfois aussi.  Et peut être qu’elle s’inquietait oui, parce que les forets du Trikru commencaient à manquer de ressource, après avoir hebergée l’armée des douze clans, pendant plus de trois semaines. Peut être qu’elle songeait oui. Parce qu’elle reflechissait beaucoup. Et au fond, au fond, il y’avait aussi cette amertume, de ne pas oser s’aventurer plus proche de la montagne, où elle aurait été sure peut être de trouver des traces de l’ancien temps. Et soyons honnêtes, oui, si il  n’y’avait pas eu l’episode faucheur elle aurait été la premiere a foncer dans la montagne pour decouvrir tous leurs tresors. Assurement. Ce n’était pas le cas. La montagne était un cauchemar. Et si aujourd’hui elle se rapprochait de ce cauchemar la, ce n’était pas spécialement qu’elle l’avait voulu. Appelons ça un acte manqué. Ce n’était probablement pas un hasard qu’elle ait prit cette piste la, à la poursuite d’une panthère à écaille. Plus dangereuse, mais apportant d’avantage a manger qu’une biche. – De toute façon il n’y’en avait quasiment plus – Non, ce n’était probablement pas un hasard, et elle tentait de ne pas trop y penser. Forcement, la montagne l’attirait, autant qu’elle la rebutait.  Ca ne passerait pas de si tot.

Un cri la tira de ses pensées, et les traces qu’elle suivait devinrent plus espacées comme si la bête s’était mise à traquer quelque chose. Sourcils froncés, air determiné, notre chasseresse, attrapa son arc qu’elle arma, et esquissa un sourire. Rien de tel qu’une bonne chasse, pour se changer les idées. Elle avait toujours aimé ça. La chasse. L’exaltation de devenir le prédateur d’un prédateur, pour la bonne cause. Elle n’aimait pas chasser pour rien. Mais ils vivaient dans un monde où si la flèche n’achevait pas la bête, c’était la bête qui les devorait.  Aux aguets elle entendit la respiration saccadée, le bruit de chute, et elle hata le pas, jusqu’à arriver en face d’une scene qu’elle aurait pu imaginer. Il y’avait une femme couchée sur le sol, effrayée – peut être une skaikru, probablement une skaikru, elle ne voulait pas imaginer que les gens de la montagne sortent – et une panthère qui la menacait. Elle siffla pour attirer son attention et décocha deux flèches successives, en direction de l’animal, qui tomba sur le sol en un couinement. Elle n’était pas l’une des meilleures archères de son clan et de la coalition, sans avoir merité son titre. Et c’est avec un presque sourire aux lèvres qu’elle se rapprocha de la fille qui n’était assurement pas une terrienne. Pas comme elle du moins.   « Yu oso nou laik hir. »  Lacha t’elle, avant de se reprendre consciente que la femme ne parlerait pas trigedasleng, non, elle parlerait anglais. « Tu ne devrais pas être ici. Cet endroit est dangereux. Tout va bien ?»  

HRP:

J’ai lu une fois qu’avant de mourir, on voit toute sa vie défiler devant ses yeux. Moi, ce sont deux gros yeux jaunes qui me dévisagent et une rangée de crocs acérés que je vois. L’animal se lèche les babines, je sais qu’il va me sauter dessus d’un instant à l’autre. Je me remets à pleurer tandis qu’un millier de questions se bouscule dans ma tête. Est-ce qu’il va me dévorer vivante ou me tuer avant de commencer son festin ? Est-ce que ça fait mal de mourir ? A quoi est-ce que ma dépouille va ressembler une fois qu’il en aura fini avec moi ? Et puis, qu’est-ce qu’il y a après ?

Je n’ai jamais été très courageuse et il m’est souvent arrivé d’avoir peur, mais jamais comme ça. Je regrette d’être la personne que je suis : une stupide stupide stupide gamine capricieuse et prétentieuse. Qu’est-ce qu’il m’a pris de penser que j’arriverai à survivre plus d’une minute toute seule en dehors des murs du Mont Weather ? Ces murs que j’ai passé toute mon existence à haïr et qui ne m’ont pourtant jamais autant manqué. Je veux rentrer chez moi… Mais je suis consciente que ça n’arrivera pas, je vais mourir, ici et maintenant.

Un sifflement se fait entendre mais j’y crois à peine, je me persuade presque aussitôt que ce sont mes sens qui me jouent un vilain tour. Pourtant, quelques secondes plus tard, la bête pousse un petit couinement et s’écroule sur le sol, morte. J’ouvre de grands yeux et, la bouche toujours ouverte, essaie de comprendre ce qu’il vient de se passer. C’est alors que j’aperçois les deux flèches plantées dans le corps de l’animal et j’essaie tant bien que mal de me redresser pour voir d’où elles proviennent. Je déglutis en voyant la jeune femme qui s’approche de moi, un arc à la main. Après toutes les horreurs qu’ils ont subi au sein de la montagne, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’ils se montrent hostiles envers nous. Et si elle avait tué la panthère pour le plaisir de m’égorger par elle-même ? Elle me dit quelque chose que je ne comprends pas, je n’arrive pas à dire quoi que ce soit alors je me contente de rester par terre à la fixer bêtement avec appréhension. Elle n’a pas l’air franchement agressif et le ton employé est plutôt neutre mais je ne parle pas sa langue et je ne peux pas affirmer avec certitude qu’elle n’a pas envie de m’arracher la tête et de se faire un collier avec mes dents…

Mais non. Elle me dit finalement que je ne devrais pas être ici, que cet endroit est dangereux et elle me demande même si je vais bien. Je crois que je suis un peu – beaucoup – choquée parce que je n’arrive pas à lui répondre tout de suite, aucun son ne veut franchir mes lèvres. J’essaie alors de me relever et la douleur à la cheville me revient, m’arrachant un petit cri, mais je parviens tout de même à me mettre debout en m’appuyant contre un arbre. Je relève la tête vers la jeune femme et la regarde, mal à l’aise, tout en balbutiant.

« Je … Oui, ça va, je crois. »

Je vais avoir énormément de mal à rentrer à la maison, d’autant plus que j’ignore totalement où je suis avec ma course folle dans la forêt mais je ne dis rien, je n’ai pas envie de lui demander mon chemin pour retourner à Mont Weather. Elle pense peut-être que je suis une de ces personnes qui vivaient dans l’espace et si c’est le cas, c’est sûrement mieux ainsi. Elle m’a sauvé la vie et ne semble pas vouloir me refaire le portrait, c’est déjà plus que ce je pouvais espérer.

« Merci… Infiniment. »

Je lui suis très reconnaissante d’avoir été au bon endroit au bon moment et si je sais que je ne pourrais probablement jamais racheter la dette que j’ai désormais envers elle, j’aimerais pouvoir la remercier. Je ramasse mon sac à dos que je secoue pour en faire tomber la terre et la poussière avant d’en sortir le petit paquet de biscuits que j’ai pris avec moi et je le lui tends. Je doute qu’elle ait besoin de mes pansements – pas autant que moi en ce moment en tout cas – et elle connaît déjà l’eau. Alors peut-être que ceci pourra lui faire plaisir.

« Je sais que ce n’est pas grand-chose mais c’est tout ce que j’ai sur moi… Ils sont aux pépites de chocolat, je les ai faits moi-même ! »

Je réalise soudain qu’elle ne sait sûrement pas ce que sont des pépites de chocolat et qu’elle n’a peut-être même jamais vu de cookies de toute sa vie. Je ne suis pas même pas certaine que les grounders aient une quelconque notion de pâtisserie … mais ils ne peuvent quand même pas se nourrir exclusivement de la chasse, si ?

Spoiler:

La panthère était morte maintenant, et Sethen avait presque un sourire sur le visage. Non, autant dire la vérité, la chasseresse avait souri. Elle n’aurait pas pu réprimer cette fierté quant à la proie nouvellement achevée. C’était toujours une fierté que de porter un coup fatal, c’était toujours beau, pour un archer, c’était… Oui, elle était satisfaite de ce qu’elle avait fait, et elle l’était d’autant plus qu’elle avait sauvé une vie innocente. Non. Elle avait sauvé une vie. Personne n’était innocent. L’innocence n’existait plus dans ce monde, et n’y’ avait peut être jamais existé. Oui, la jeune archère avait perdu sa foi en l’humanité quand Mount Weather l’avait prit. C’était ainsi, ça ne changerait plus maintenant. Les gens de la montagne avaient fait d’elle un monstre oui, mais ils lui avaient également fait voir que les monstres existaient de partout.

Et d’ailleurs elle ne savait pas si elle en avait un en face d’elle. Elle n’avait pas vu la jeune femme à l’avant poste, mais elle venait peut être du camps, Camps Jaha. Et Sethen était perplexe peut être, mais elle baissa son arc, et le raccrocha dans son dos, parce qu’aussi menaçante qu’elle aurait voulu être, elle n’avait pas de once de méchanceté dans son corps. Malgré ce que la montange lui avait fait. Et elle se rapprocha parce que la jeune femme criait, et s’appuyait contre un arbre désormais. Blessée ? Sethen chercha du regard la source de sa blessure, et elle supposa qu’il y’avait quelque chose au niveau de ses jambes. Peut être la panthère, peut être autre chose.

En tout cas, la seconde de Feyn, restait un peu immobile, à mi chemin, sans trop savoir si elle devait continuer à se rapprocher, ou si elle devait s’arreter la et tourner enfin les talons. Elle ne voulait pas lui faire peur non plus. Elle ne savait pas trop. Rah, elle n’aimait pas cette sensation, qui la rendait perdue. Quelques mois plus tot, elle se serait précipitée vers la jeune femme et l’aurait attrapé dans ses bras pour la ramener jusqu'à un guérisseur. Maintenant elle était perplexe, hésitante. La montagne l’avait ruinée. Completement. Et cette pensée fit monter une bile amère dans sa gorge.

Mais la fille la remerciait et cherchait déjà quelque chose dans son sac, lui tendant une boite bizarre… Ca sentait… bon ? C’était étrange. Elle fronça les sourcils un peu plus perplexe, et secoua la tête.

« Je n’ai pas fait ça pour avoir quelque chose en retour. »

Elle souriait cependant, et sa soif de connaissance lui donnait envie d’attraper le paquet et de gouter. Ca ferait d’ailleurs un cadeau sympathique pour Feyn peut être. Non. Feyn ne voudrait pas quelque chose venant de la …. Montagne ? C’était forcement ça n’est ce pas ? Parce que les gens de l’arche n’avaient pas de chocolat. Jasper le lui avait dit quand ils avaient parlé un peu.

« Tu viens de la montagne n’est ce pas ? »

Elle regardait encore la paquet, comme si regarder la rousse pourrait la bruler à l’interieur.

HRP:

Quelques cookies ne suffiront pas à payer la dette que j’ai désormais envers cette jeune femme, je le sais bien. Mais ça me paraît inconcevable de la remercier seulement avec des mots. Si elle n’était pas intervenue, je serais morte à l’heure qu’il est. Et dans d’atroces souffrances qui plus est. Alors lui offrir ce que j’ai sur moi, même si ce n’est pas grand-chose, me paraît tout à fait naturel. Mais elle ne semble pas en vouloir, elle secoue la tête et m’explique qu’elle ne m’a pas sauvée des griffes de cette bête pour obtenir quelque chose en retour. Je comprends son point de vue et je lui souris, mais je continue à tendre le paquet de biscuits devant moi pour qu’elle le prenne. Je lui dois la vie et je tiens vraiment à lui donner quelque chose en contrepartie.

Le regard de la jeune femme s’assombrit soudainement et elle perd son sourire, quelque chose a changé. Ses yeux sont fixés sur les cookies et je ne tarde pas à comprendre ce qu’il se passe. J’ai fait une erreur en parlant de chocolat, elle a compris qui je suis, d’où je viens. Je déglutis difficilement et baisse honteusement la tête.

« Oui… »

Comme beaucoup d’entre nous, je n’étais pas d’accord avec ce qu’il se passait dans la montagne, toutes ces atrocités que l’on faisait subir aux grounders me répugnaient. Je ne suis pas innocente pour autant. D’une certaine façon, nous étions tous complices de cette horreur et je ne vois pas bien ce que l’on pourrait faire pour réparer le mal que nous avons causé à ces pauvres gens… J’imagine sans peine qu’elle ne voit en moi qu’un monstre.

« Mais ils ne sont pas empoisonnés, vous pouvez les prendre ! »

Après coup, je me rends compte que cette remarque était vraiment stupide. Je ne pense pas qu’elle – ou quiconque sur la planète – puisse avoir peur de moi. Ce n’est pas le problème. Elle ne me connaît pas mais elle me déteste parce que, d’une certaine manière, je représente le peuple de la montagne. Et je comprends tout à fait sa haine, comment la blâmer ? Je considère un instant l’option de la fuite mais l’idée me passe aussi vite qu’elle m’est venue, je n’irais pas loin avec ma cheville blessée. Je passe une main nerveuse dans mes cheveux, renifle un coup et redresse la tête. Les yeux embués de larmes, j’ose jeter un petit coup d’œil à la jeune femme. J’ai la bouche sèche, une boule dans la gorge et le cœur qui se serre, ma voix n’est donc pas très assurée.

« Vous allez me tuer ? »

C’est idiot mais il fallait que je lui demande, je veux savoir à quoi m’attendre. Je n’ai pas l’impression d’avoir fait quelque chose de mal mais peut-être que, d’une manière ou d’une autre, je mérite bien qu’elle me coupe la tête.

Elle venait d’aider une fille de la montagne. Elle ne réalisait pas. Non, elle réalisait. Il y’avait un gout amer au fond de sa gorge, une boule qui remontait, et elle fixait, elle fixait avec un air perdu. Elle avait peur, non ce n’était pas de la peur, c’était de l’hésitation ? C’était du doute. C’était de la souffrance et du traumatisme peut être. Elle ne savait pas comment réagir. Les gens de la montagne étaient des monstres. Quelqu’un d’autre à sa place aurait probablement décoché une fleche dans la gorge de la rousse. Elle ne le ferait pas. Elle n’était pas comme ça Sethen, non, elle n’était pas comme ça. Alors elle hésitait encore. Et quand la femme repondit avec sincérité, et peut être un peu de peur, qu’elle était bien de la montagne, les yeux de la blonde se plissèrent un peu. Mais elle ne bougeait toujours pas, elle était comme une statue de cire, qui ne savait plus comment bouger. Elle ne savait plus.

La fille parla à nouveau. Et Sethen réalisa qu’il fallait qu’elle réagisse. Elle ne pouvait pas se contenter de rester comme ça. Immobile. Elle était mieux que ça. Elle était sur la voie de la guérison. Elle ne pouvait pas se permettre de réagir ainsi. Et elle n’était pas un monstre, elle valait mieux que ça. Pourtant le silence continua de durer, elle fixait toujours les biscuits un peu, et finalement c’est quand la voix presque emplie de larme, la fille lui demanda si elle allait la tuer, que Sethen sorti de sa transe.

« Je devrais le faire. » Les premiers mots avaient quittés les lèvres de Sethen sans qu’elle ne puisse les contenir. « Ton peuple à fait de moi un monstre. » Au vrai sens du terme en plus. « Mais Heda a décidé de vous épargner. » Les mots sortaient, d’une voix monocorde. « Je ne suis pas un monstre. » Elle fronça les sourcils, et se rapprocha de la fille.

« Savais tu ce que ton peuple faisait aux miens, quand il les capturait ? Sais-tu que c’est le sang de terriens qui t’a permit de vivre ? Sais-tu ce qu’ils faisaient à ceux qu’ils jugeaient les plus forts d’entre nous ? »