the pet always finds his way back to his master ▬ Teksas

La douleur était là, incarnation des évènements de la veille, dans son épaule.  La montagne était tombée et dans sa chute, elle avait blessé le monde, une dernière fois, une ultime fois. La blessure de Clarke n’était qu’un détail, qui pourtant l’incapaciterait jusqu’à ce qu’elle soit soignée. L’infirmier, un des siens, qui était à l’avant-poste et traitant tous ceux qui saignaient rouges, sans distinction du clan, lui avait confirmé qu’elle devrait se rendre jusqu’au Camp Jaha pour passer sous les mains expertes de sa mère. Plus que le trou dans son bras, c’était la fracture de l’os qui posait problème. Et elle n’était pas assez têtue pour ne pas le reconnaitre, Clarke (ou alors, elle avait été juste assez têtue pour tenter de sortir de la tente des blessés, en compagnie de Lexa, jusqu’à se rendre compte qu’elle n’irait pas bien loin. Son corps se heurtait à ses propres limites et elle savait mieux que quiconque qu’il ne fallait pas les dépasser.) Surtout que, à présent, il n’y avait pas de menace immédiate et que le repos ne serait pas vu comme une faiblesse, ni une prise de risque.

Clarke avait donc somnolé sur le lit d’appoint, son bras enfermé dans une attelle. Elle portait encore les vêtements sales de la montagne, le sang tachant le tissu qui avait été coupé pour apporter les premiers soins. L’ennuie, vraiment, ne se faisait pas sentir, entre la douleur et l’effet de quelques plantes que lui avait donné Nyko, qui lui avait jeté un regard dédaigneux, pour qu’elle ne pense pas qu’il l’appréciait un minimum, ni qu’il avait été soulagé de la retrouver saine et sauf. Puis, un autre skaikru l’avait réveillé, lui annonçant qu’elle partirait au soir avec d’autres, jusqu’aux restants de l’Arche. Aussi, avec une expression peu rassurée, il avait dit qu’un grounder la cherchait. « un trigeda. » l’avait-elle corrigé, avant de voir, quelques mètres derrières, la figure d’un animal bien fidèle qui la cherchait. Elle hocha la tête pour elle-même, avant de lever son bras droit, celui intacte. « Poney. » L’appella-t-elle. Oh. Elle connaissait son nom – elle avait bien fini par le savoir, même si ça n’avait pas été de la bouche du garde-du-corps en premier. Mais le surnom était resté et une grande perche comme lui, assimilé à un si petit animal – un si tête animal. Franchement.

Clarke se redressa, son sourire écrasé par la grimace que l’effort lui demanda, sans pour autant se relever. « Tu vas bien. » Et la moue, finalement, laissa entrevoir un peu de satisfaction. Elle ne l’avait pas revu depuis que le gaz rouge de ceux du Mont Weather s’étaient abattus sur elle et elle avait même cru qu’il était mort. Il n’en était rien et un maigre poids s’enleva de ses épaules.

Cela faisait plusieurs jours désormais.
Plusieurs jours que la bataille contre la montagne s'était terminée, soldée par la victoire de son peuple, mais aussi de son échec à lui.
Plusieurs jours que Clarke avait été retrouvée, et était soumise aux soins "intensifs" des hommes tombés du ciel -comme à ceux de Lexa.
Plusieurs jours que Teksas n'avait pu approcher son amie. Celle là même qu'il avait échoué à protéger contre l'ennemi.
La culpabilité et la honte ne le quittait désormais plus. Comme un poids, un boulet qu'il traînerait partout où son chemin le menait. Partout, il semblait au jeune homme que les regards s'attardaient sur lui, porteurs de reproche, de mépris face à l'incapacité dont il avait fait preuve au long de ce combat.
Un combat personnel qu'il avait perdu.
C'était à peine s'il supportait ce sentiment d'oppression qui manquait de l'étouffer à chacune de ses pensées, et qu'il s'efforçait de chasser la tête haute, défiant presque quiconque oserait remettre en cause ses erreurs.
Bien qu'il soit le premier à se remettre en cause.
En effet, la plupart des personnes ici, ignorait quel rôle il avait pu jouer, durant la capture de Clarke aussi, ce sentiment "d'exposition" s'avérait davantage être une torture personnelle qu'une quelconque démonstration punitive.
Mais la honte et le remord étaient tenaces, et ne semblaient pas prêts de s'envoler de sitôt.
Teksas ne pouvait pas non plus supporter l'attente interminable qui accompagnait la convalescence de son amie et protégée.
Cela faisait aussi plusieurs heures qu'il tournait, virait, avec la sensation d'être un fauve en cage, sans que quiconque ne daigne lui accorder une seule minute d'attention.
Finalement, n'y tenant plus, Teksas finit par attraper fermement le bras d'un infirmier qui passait par là, lui ordonnant presque de le conduire jusqu'à Clarke.
Habituellement, le jeune homme se montrait plus respectueux -ou, du moins, plus patient avec les hommes tombés du ciel. Mais il estimait que, cette fois, sa patience avait été mise à trop rude épreuve. Et il savait très bien comment se montrer persuasif lorsqu'il le fallait.
En général, un simple regard noir suffisait à convaincre les moins téméraires.
Heureusement pour lui, cet infirmier n’était justement pas quelqu'un que l'on pouvait qualifier de téméraire.
Dix minutes plus tard, Teksas se voyait donc sur les traces de ce même infirmier, se dirigeant enfin vers un endroit où il lui serait permis de parler avec Clarke.
Clarke.
Son cœur manqua un battement alors qu'il l’aperçut, en pleine conversation avec l'homme qui venait de le mener à elle.
Leur regard se croisèrent, et la jeune leadeuse lui adressa un grand sourire, doublé d'un signe de son bras valide.
Sans plus attendre, Teksas se dirigea à grands pas vers sa protégée, écartant sans ménagement l'infirmier qui tenta vainement de s'interposer, et se posta devant elle.
Un irrépressible soulagement s'empara alors de lui, lui arrachant même un long soupir. Il doutait que les mots puissent exprimer la mesure de ce qu'il ressentait en ce moment.
- Tu vas bien.
Ce n'était pas une question, mais une affirmation. Une affirmation qui arracha une légère grimace au jeune homme.
Si elle savait...
Néanmoins, il se contenta de porter son regard sur son bras bandé d'un air revêche, tâchant de dissimuler au mieux les émotions qui l'agitaient intérieurement.
- Mieux que toi, apparemment.
Son ton était sec. Peut être un peu trop.
Lentement, le garde releva la tête et croisa les yeux bleus de Clarke qui, comme à leur habitude, semblaient pleins d'une empathie qui, plutôt que de le rasséréner, lui fit presque mal.
Incapable de supporter plus longtemps ce puits de compassion, Teksas baissa la tête, comme si, soudainement, tout le poids de sa culpabilité lui tombait de nouveau sur les épaules, lui nouait la gorge et l'empêchait presque de parler.
Après un bref silence cependant, Teksas murmura, si bas que ses mots ne furent rien de plus qu'un souffle à peine audible :
- Ai'm sorry.

La fidélité était visible. Ce n’était pas une question d’avoir de bons yeux. C’était une question de savoir regardé. Et dans l’approche de son garde-du-corps, Clarke ressentit un soulagement terrible, en même temps qu’une joie diffuse. Aucun des deux n’aurait pensé s’attacher autant à l’autre – et aucune des deux ne l’affirmerait à voix haute, probablement – quand Poney s’était vu affublé d’une nouvelle personne à protéger, ainsi que d’un nouveau nom. De l’eau avait coulé sous les ponts, et si Teksas avait toujours les mêmes mimiques si agaçantes, si agacées, Clarke savait. « Tu vas bien. » Elle acquiesça en un geste unique. « Je vais bien. » Elle était presque en un seul morceau, et pour la bataille qu’ils venaient de traversée, c’était plus que ce dont elle aurait rêvé, Clarke. Elle était vivante et, de ce qu’elle avait compris, ceux qui comptaient le plus (d’un regard égoïste, mais terriblement humain) l’étaient aussi. Oh, il y avait eu des pertes, mais il était trop tôt pour donner une liste définitive et Clarke les regretterait, assurément. Mais des vies avaient été sauvées, aussi, et elle apprendrait à se concentrer sur le côté positif des évènements.

« Mieux que toi, apparemment. » Le sourire pincé, elle ne put vraiment l’empêcher, alors qu’elle se demanda si elle avait vraiment manqué Poney. En tout cas, son ton habituel, elle ne le regrettait pas, même si elle savait ce qu’il voulait dire par là. « J’ai un mauvais professeur, c’est pour ça. » Non, elle n’allait pas le laisser s’en sortir comme ça. Il avait tenu à ce qu’elle apprenne à se défendre, qu’à cela ne tienne. Mais elle n’oublierait pas que, surtout, ce qu’elle adorait faire en présence de Poney, c’était de l’ennuyer un peu. C’était leur dynamique et elle l’appréciait pleinement. Même si pour ces retrouvailles, il y avait quelque chose de plus. Une sensibilité, un soulagement évident. De la culpabilité. Elle le vit, alors que son regard bleu ne quittait pas la figure de son garde-du-corps, sa position qui changea visiblement alors qu’il semblait abattu. « Ai'm sorry. » Clarke secoua la tête, avant de tendre le bras et de poser sa main sur l’avant-bras de son loyal compagnon. « Tu n’as pas à l’être, Poney. » Elle ne le tenait en rien comme responsable des évènements qui s’étaient passés. Si les hommes de la montagne étaient capable d’enlever une cinquantaine d’adolescents en plus d’un restant d’armée du trigedakru, alors, qu’étaient deux cibles totalement démunies dans les bois ? rien. Pas même un obstacle. Tout au plus une distraction.

Cela leur avait couté, et ça avait couté plus à Teksas que Clarke ne le savait pour le moment. Elle connaissait l’orgueil, la fierté, l’honneur des guerriers. Elle la partageait, d’une certaine manière. « Nous n’aurions pas pu l’éviter. » Elle força un sourire, se recula, ses doigts trouvant son bras blessé qu’elle massa un peu. « Et puis, je me suis vite échappée. Tu sais bien que je ne me laisse pas faire facilement. » Loin de là.

Teksas gardait la tête baissée, la nuque courbée, les yeux rivés sur le sol qui, soudainement, semblait lui paraître comme étant l'une des choses la plus intéressante au monde.
D'un gris uniforme, morne et sans contraste, ce dernier n'offrait pourtant aucune spécificité qui mérite qu'on lui accorde une telle attention.
En comparaison, celui de la forêt, couvert de terre ou d'aiguilles de pin comme il pouvait l'être de roches, offrait un spectacle bien plus intéressant de par le dénivelé de son terrain.
Non, franchement, il n'y avait en aucun cas une raison valable de s'extasier ainsi devant la monotonie du ciment. Si ce n'est la honte.
Les doigts de Clarke se posèrent sur l'avant bras du jeune homme et, malgré l'épais tissu qui la recouvrait, il eut l'impression de sentir sa peau s'embraser à ce contact ; et ne put pas même masquer la raideur que venait d'adopter ses muscles suite à ce toucher.  
- Tu n'as pas à l'être, Poney.
La sollicitude qui transparaissait dans ces mots fit se contracter la mâchoire de Teksas, qui se figea sous sa fine armure, mais il se retint néanmoins de toutes ses forces de se retirer d'un geste brusque.
Clarke ne pouvait elle donc pas comprendre à quel point il avait à l'être, justement ?
Bien sûr que non, elle ne le pouvait pas. C'était stupide de penser même qu'il puisse en être autrement : la jeune femme venait du ciel. Là bas, la vie, comme les lois ou le sens de l'honneur étaient en tous points différents d'ici. Et Clarke aurait beau y mettre toute sa volonté -qu'il savait très grande- jamais elle ne pourrait penser de la façon dont il pensait ; ou comprendre ce qu'il ressentait en cet instant précis. Clarke pouvait bien rejoindre la Coalition et entretenir quelque relation que ce soit avec Heda en personne, cela ne changerait en rien ses origines, et encore moi ce qu'elle était au plus profond de son être : une Skaikru.
Pourtant, la leadeuse avait raison. Être désolé n'aiderait en rien Teksas à avancer ou à surmonter ses erreurs passées, ce qu'il lui faudrait bien faire à un moment où à un autre.
C'était ce qu'il fallait qu'il fasse maintenant. Aller de l'avant. Sa punition lui avait été infligée, désormais. Il suffisait qu'il passe outre de ses échecs, et tout redeviendrait comme avant.
Facile à dire, plus facile à mettre en œuvre.
D'un geste distrait, le jeune garde passa sa main dans son cou, où il pouvait encore sentir la marque de sa chair brûlée de ses doigts. Signe indélébile de sa honte, et preuve de la clémence de Heda à son égard.
- Nous n'aurions pas pu l'éviter.
Ces paroles hérissèrent Teksas, qui releva brusquement la tête, avant de se relever brutalement à son tour, les yeux brillants de colère.
- C'était mon devoir de l'éviter ! C'est mon devoir d'éviter qu'il n'arrive quoique ce soit à la précieuse Clarke kom Skaikru ! Si je ne suis pas même capable de t'éviter de te faire prendre par le peuple de la montagne, qui suis-je donc pour prétendre être un homme ? Si je ne peux éviter la fatalité, quel est donc mon rôle, dans tout ça ?
La rage et la frustration rendaient les propos du jeune homme tremblants de tension. Posant ses yeux aigue-marine sur le corps de Clarke, il se rendit compte que cette dernière avait déplacé ses doigts de sorte à masser son bras à elle, visiblement encore endolori.
Cette vision provoqua un pincement au cœur de Teksas, qui s'adoucit presque aussitôt, honteux de s'être emporté de la sorte.
- Non, tu ne te laisses pas faire facilement. C'est ce qui rend ma tâche si difficile.
Il laissa échapper un léger soupir entre ses dents encore serrés, comme pour se vider de la tension accumulée, et adressa un léger sourire crispée à son amie convalescente, afin de bien lui montrer que, peu importe quelle qu'ait été sa réaction, il ne lui en tenait pas rigueur à elle et était plus qu'heureux de se retrouver là, en sa compagnie, qu'il ne l'avait été en aucun autre lieu. Ou presque.
Mais bien sûr, il se contentait de formuler toutes ses pensées dans son espèce de rictus, chose qu'il aurait été bien incapable de faire avec l'usage des mots.

C’était quelque chose de relativement nouveau, pour Clarke. Elle était habituée, tellement, à ce qu’on la traite d’agaçante, qu’on lève les yeux au ciel, qu’on remette en doute sa conduite. Qu’on lui montre, de manière aussi visible, l’attachement qu’on avait pour elle, elle ne savait pas trop comment réagir. Surtout que, Poney et elle, il y avait toujours cette tension, ce jeu d’énerver l’autre, parce que, à la base, Teksas n’était pas d’accord d’être à son service. Mais il le faisait quand même. Maintenant, elle avait l’impression qu’il y avait plus que du cœur à l’ouvrage et quand elle essaya de le rassurer par rapport à cet ‘échec’ (qui pour elle n’en était rien), cela provoqua la réaction inverse. « C'était mon devoir de l'éviter ! C'est mon devoir d'éviter qu'il n'arrive quoique ce soit à la précieuse Clarke kom Skaikru ! » Elle le regarda, la surprise passagère remplaçant une douceur terrible, en même temps qu’une légère pointe d’amusant. Clarke avait toujours su que Poney avait un côté dramatique, mais à ce point… Elle se demanda s’il saurait ce que c’était, une ‘drama queen’. « Si je ne suis pas même capable de t'éviter de te faire prendre par le peuple de la montagne, qui suis-je donc pour prétendre être un homme ? Si je ne peux éviter la fatalité, quel est donc mon rôle, dans tout ça ? » Et il n’y eut plus rien de ce doux amusement. Non. Elle baissa un peu le regard, avant de se masser l’épaule, et de gagner une réaction à laquelle elle était plus familière. « Non, tu ne te laisses pas faire facilement. C'est ce qui rend ma tâche si difficile. »

C’était la raison pour laquelle elle le trouvait bon à sa tâche, malgré ce qu’il pouvait penser. Clarke n’aimait pas avoir une deuxième ombre et elle s’esquivait toujours du mieux possible. Pourtant, Poney n’était jamais loin. Elle le savait et elle avait fini par prendre un certain confort là-dedans. Puis franchement, elle serait bien seule, si ce n’était pas pour la compagnie de son garde-du-corps. « Il y des fatalités qui ne peuvent être évités, P-. » Elle claqua de la langue, se rattrapant de justesse. « Teksas. » Voilà. Ce serait une vraie discussion. Une du gabarit qu’elle avait avec les chefs de clans, les siens, avec Lexa. Et il le saurait, Poney, car il l’avait assez suivie pour reconnaitre son éloquence qui variait, parfois, en fonction du but qu’elle voulait atteindre. « Il a fallu l’union du trigedakru et du skaikru pour faire tomber cette montagne. Tu as beau être un combattant très doué, tu ne pourras jamais accomplir plus que ce qu’il a fallu une alliance pour abattre. D’accord ? » Elle expira, secoua la tête un peu pour chasser la lourdeur de sa tête, liée à la fatigue.

Puis, autant que la faiblesse fut là, elle la chasse, la força à la dissimuler, car cette conversation n’était pas terminée. « Je décide de ton rôle. Arrêtes de t’en vouloir. Je n’ai pas besoin de toi comme ça. Ce dont j’ai besoin, c’est d’un garde qui ne faillira pas à son devoir. Est-ce clair ? » Et dans son regard, il y avait cette autorité qui l’avait mené là où elle était aujourd’hui, celle qui faisait d’elle un leader qui aurait besoin de tous les outils à sa disposition. Celle qui n’accepterait aucun refus de la part de Teksas.

Teksas sentit son cœur battre à tout rompre dans sa poitrine, lui remonter presque à la gorge.
Il n'aurait pas du se montrer si franc, si expressif. Après tout, il était seulement censé agir ; pas exposer son avis, ou son point de vue sur un sujet.
Et, bien que Clarke lui pardonne sans problème ses épanchements d'émotions, c'était précisément ce qu'il venait de faire.
Les paroles de son oncle, Arn -celui là même qui l'avait entraîné à devenir un combattant hors pair et forgé l'homme qu'il était aujourd'hui- lui revinrent brusquement en mémoire :
"Un guerrier ne pense pas : il agit. Un guerrier ne conteste pas : il obéit."
Cette maxime pourrait paraître stupide à n'importe qui l'entendrait la première fois, c'était ainsi que Teksas en était arrivé là où il en était. En la suivant à la lettre. Bien qu'il lui soit arrivé à de nombreuses reprises de rencontrer quelques... difficultés, en ce qui concernait le fait de ne pas penser, de ne pas ressentir, et d'obéir sans broncher ; il restait un Trikru.
Le Trikru qu'on lui avait appris à devenir au fil des ans et des épreuves de la vie.
Clarke continua à se masser l'épaule, comme si elle paraissait légèrement mal à l'aise après l'éclat du garde du corps. Pourtant, ce dernier se doutait qu'il en fallait beaucoup plus pour la décontenancer. Et encore plus pour lui ôter ses paroles réconfortantes de la bouche.
- Il y a des fatalités qui ne peuvent être évités, P-... Teksas.
Un fin sourire se dessina sur les lèvres charnues du jeune homme -cette fois ci réellement amusé plus que contrit.
Clarke s'était rattrapée juste à temps et, bien qu'il ait désormais pris l'habitude du surnom dont elle l'affublait, ce changement d'appellation changeait aussi le ton de la conversation.
Il en devenait soudainement plus sérieux, presque plus profond ; un peu comme si elle l'avait considéré comme un égal plutôt que comme un simple garde ou ami. Ce qu'elle devait sans doute faire la plupart du temps, mais qui surprit tout de même Teksas. Cela rendait presque leur conversation plus "vraie" soudainement.
- Il a fallu l’union du Trigedakru et du Skaikru pour faire tomber cette montagne. Tu as beau être un combattant très doué, tu ne pourras jamais accomplir plus que ce qu’il a fallu une alliance pour abattre. D’accord ?
Encore une fois, il fut surpris qu'elle lui demande son avis. Après tout, qu'il soit d'accord ou pas, il n'avait plus rien à redire, à présent. Ce qui était fait était fait. Et il faudrait bien plus que son simple accord pour qu'il puisse y changer quoique ce soit.
Il se contenta donc de hocher la tête, d'un geste bref et sec, mais qui témoignait néanmoins de ce qu'il pensait.
Clarke avait raison : il avait fallu l'alliance de deux peuples pour faire tomber la montagne. Comment lui, un simple garde, aurait-il pu changer quoique ce soit à ce que Heda cherchait à faire depuis des années sans aucun succès ? La réponse était simple : il n'en aurait jamais été capable.
Penser le contraire aurait été mettre son orgueil trop en avant.
Cette pensée soulagea Teksas d'un poids lourd, qui lui parut comme ôté de ses épaules, et lui arracha même un léger soupir de contentement. Il avait fait son devoir jusqu'au bout. D'ailleurs, il ne fallait tout de même pas oublier que c'était son escouade et lui qui avaient retrouvé la fille venue du ciel.
Quoiqu'il en dise, il s'était racheté.
- Je décide de ton rôle. Arrête de t’en vouloir. Je n’ai pas besoin de toi comme ça. Ce dont j’ai besoin, c’est d’un garde qui ne faillira pas à son devoir. Est-ce clair ?
Un nouveau sourire s'étala sur la visage halé du garde, qu'il peina à contenir. La volonté et la détermination qui transparaissaient dans la voix de sa protégée suffit presque à faire envoler tout doute de son esprit.
Et, même s'il avait déjà failli une fois à sa tâche, il se jura intérieurement qu'il ne faillirait plus. Jamais.
- C'est très clair. Ai live kom serve yu, Clarke kom Skaikru.
Ce n'était qu'un demi mensonge. Bien qu'il ait juré fidélité à Lexa et passerait sa vie à exécuter les ordres de cette dernière, il savait aussi qu'il ferait n'importe quoi pour Clarke.
Clarke qui, en quelques mots, venaient de lui ôter toute culpabilité de ses épaules, ce que personne n'avait réussi à faire tout au long de la captivité de celle ci. Peut être était ce parce que c'était elle qui s'était faite capturée, et qu'obtenir son pardon représentait donc une sorte de rédemption à ses yeux.
Mais Teksas savait que Clarke y avait aussi bien réussi avant tout parce qu'elle était son amie, en dépit du fait qu'il soit à son service en tant que simple garde.

Clarke, elle aurait pu trouver ça fascinant, l’effet qu’elle avait sur les autres. Ce que sa présence imposait, inspirait. Ce que ses mots dictaient, ses décisions dirigeaient. Mais elle était loin d’être narcissique et elle voyait tout avec ce pragmatisme qui venait de lui faire gagner une guerre. Et maintenant qu’elle comprenait un peu mieux le trigedakru, il était d’autant plus facile de trouver les bons propos pour obtenir ce qu’elle voulait. Ce n’était pas de la manipulation à proprement parler. Elle était sûre que Teksas serait mieux dans sa peau ainsi : reconnaitre les faits pour ce qu’ils étaient, pour leurs impossibles. Les échecs arrivaient. Il fallait les accepter, les dépasser. Ce fut ce que Clarke lui offrit et elle suivit, une certaine satisfaction dans le regard, le changement chez son garde-du-corps. La tension qui le quitta, le sourire sincère qui se joua sur ses lèvres. « C'est très clair. Ai live kom serve yu, Clarke kom Skaikru. » Et elle sourit à son tour, Clarke, de cette faible ligne qui s’étira sur son visage avant qu’elle ne hoche la tête pour elle-même. Bien, il n’avait pas failli, Poney et maintenant, elle aurait doublement confiance en lui, en cette dynamique qui existait entre eux, qu’elle n’appréciait que de trop pour le laisser filer au premier faux pas.

Elle se redressa un peu, l’espièglerie vive dans ses prunelles. « Et tu me serviras comme il se doit. » La détermination était toujours là et finalement, elle retrouva un ton plus calme, plus neutre, alors qu’elle jetait un coup d’œil vers le reste de la tente, détaillant les blessés avant d’échapper un soupir. « Tu reprends du service maintenant. » Il n’avait jamais arrêté, de toute façon. Malgré le fait qu’elle ait été capturée par la montagne, Clarke n’envisageait personne d’autre pour veiller sur elle. Elle se redressa lentement, faisant attention à ses appuis avant de poser son regard à nouveau sur Teksas. « Bien Poney. » C’était tellement aisé, de retomber dans les vieilles habitudes qu’elle chassa le besoin de lui offrir un autre sourire. A la place, elle fit quelques pas, étirant ses jambes ankylosées. « Nous allons devoir aller jusqu’au Camp Jaha avec les prochains skaikru qui partiront. » Cette fois-ci, elle ne demandait plus son accord. Elle redevenait la Clarke qui agissait et qui attendait qu’on la suive. C’était une habitude et cette seconde peau, elle ne la perdrait pas de sitôt. « Est-ce que tu sais si Archéon a survécu lui-aussi ? » Parce qu’elle n’avait pas revu son cheval et des deux équidés, elle ne savait pas qui elle préférait…

Spoiler:

Un sourire de contentement étira les fines lèvres de Clarke, ce qui arracha au garde un élan de soulagement. Tout semblait rentrer dans l'ordre. Après tant de temps à se torturer, à douter, il suffisait d'un simple hochement de tête, pour que les erreurs soient balayées et ses fautes, rachetées. Ou au moins pardonnées.
- Et tu me serviras comme il se doit.
Teksas acquiesça sans mot dire. De toute façon, ce n'était pas comme s'il y avait quoique ce soit à répondre à ça. C'était un ordre, pas une requête. Et le jeune homme avait appris depuis longtemps maintenant qu'il était de son devoir d'obéir, pas de répliquer.
Son efficacité surpassait d'ailleurs de loin toute la "parlotte" qui pouvait aller de pair avec.
- Tu reprends du service maintenant.
- Je ne l'ai jamais arrêté.
Il s'agissait plus d'un constat qu'autre chose. Un constat qui représentait exactement la vérité : même alors que Clarke se voyait retenue par la montagne, Teksas n'avait jamais cessé de tout mettre en oeuvre afin de la retrouver, de la ramener saine et sauve là où était sa place.
Il était allé jusqu'à se faire marquer pour racheter son échec auprès de Heda, et il avait également risqué sa vie au mont Weather afin de la libérer. Le garde était descendu jusqu'en Enfer pour que Clarke puisse quant à elle en sortir. Et il ne regrettait en aucun cas ses choix.
Il était de son devoir de veiller sur la fille du ciel, et il y avait déjà failli une fois ; il s'avérait donc impensable qu'il commette une faute de cette ampleur une seconde fois.
Son serment était de la protéger et de la servir, ce qu'il était bien décidé à faire jusqu'à son dernier souffle, quoique n'importe qui en dise.
- Bien Poney.
L'utilisation de ce surnom marquait la fin du débat ; et le début du "renouveau" du service du Trikru. Désormais, on ne lui demanderait plus son avis : on demanderait et il agirait, tout simplement.
Retenant une grimace en voyant Clarke se crisper en se redressant sur son bras valide, Teksas porta la main au pommeau de son épée, tête haute, attendant les ordres prochains -et se gardant bien de venir en aide de quelque manière que ce soit à la leadeuse Skaikru, que la douleur semblait handicaper.
- Nous allons devoir aller jusqu’au Camp Jaha avec les prochains Skaikru qui partiront.
Teksas se mordit la lèvre pour ne pas protester. Un tel voyage ne lui paraissait pas être la meilleure idée qui soit en ce qui concernait la convalescence de Clarke, mais il n'était qu'un guerrier ; pas un guérisseur. De plus, la jeune femme avait su prouver à de nombreuses reprises à quel point elle pouvait se montrer résistante.
- Nous partirons dès que possible, dans ce cas.
Il s'apprêtait à tourner les talons pour seller leur monture respective -ou au moins demander à ce que quelqu'un s'en charge- afin d'être le plus opérationnel possible au moment du départ, lorsque l'interrogation de Clarke le coupa dans son mouvement.
- Est-ce que tu sais si Archéon a survécu lui-aussi ?
Un nouveau sourire éclaira le visage de Teksas à cette demande. Bien sûr, elle était restée enfermée dans la montagne pendant des jours, il était normal qu'elle ne sache rien de ce qui était arrivé à son fidèle compagnon. Ce qui n'était pas le cas du jeune garde.
- J'ai veillé à ce qu'il reste en vie, oui.
Il n'avait pu réussir à préserver la cavalière, il s'était donc rattrapé sur la monture. C'était une drôle de façon de se racheter, mais le guerrier savait que Clarke lui en serait reconnaissante.
- Je l'ai emmené jusqu'ici. Cela te ferait-il plaisir d'aller le voir ?
Logiquement, un garde n'aurait pas pu être en mesure de faire une telle proposition à la femme qu'il servait -qui aurait certainement pris l'initiative d'elle-même. Mais Teksas était bien plus qu'un simple garde et Clarke bien plus que la simple femme qu'il servait ; ce qui simplifiait considérablement leurs échanges.

Les retrouvailles s’étaient faites et Clarke ne prendrait pas la peine de s’attarder sur celles-ci. Poney allait bien, il avait survécu et la baisse de moral avait vite été chassée. Ils avaient encore beaucoup à faire, et ce, malgré la chute de l’ennemi. Le monde ne s’arrêterait pas de tourner, la douleur n’arrêterait pas de pulser dans l’épaule de Clarke tant qu’il n’aurait pas été proprement soigné au Camp Jaha. Elle se doutait bien qu’elle recevrait un sermon digne de ce nom de la part de sa mère quand elle réaliserait que sa fille avait parcouru les terres à dos de cheval sans attendre que son état s’améliore, mais la condition général de Clarke n’avait jamais été son inquiétude principale. La souffrance, elle l’endurerait, jusqu’à ce que ça ne devienne plus qu’un élément diffus à l’arrière de sa pensée. Il y avait plus important, plus urgent. Il y avait des décisions à prendre au sujet du Mont Weather, des trigeda captifs qu’il fallait surveiller, des faucheurs qu’il fallait ramener à la conscience. Clarke n’avait pas le temps de se reposer sur ses lauriers et son garde-du-corps le savait. « Nous partirons dès que possible, dans ce cas. » Clarke plissa son front de cette détermination caractéristique, tandis qu’une maigre lueur satisfaite flottait dans le bleu de son regard. « Bien. »

Ils auraient besoins des chevaux et l’inquiétude se marqua seulement, de connaitre le sort d’Archéon. Elle avait une affection particulière pour le cheval, puisqu’elle avait assisté à la disparition de son précédent cavalier. C’était idiot, mais elle avait ce sentiment de responsabilité envers la bête, d’autant plus qu’elle s’était attachée à ce maudit animal au caractère pas toujours conciliant. D’autant plus qu’elle n’aurait pas osé regarder Lexa en face si le cheval d’Anya avait disparu. Heureusement, il y eut un sourire sur les lèvres de Teksas et l’inquiétude de Clarke se dissipa légèrement. « J'ai veillé à ce qu'il reste en vie, oui. » Elle échappa un maigre soupir, tout en hochant la tête. Sa main se porta jusque son bras invalide, qu’elle serra un peu, réajustant son attelle de fortune. « Merci. » Et c’était sincère dans sa bouche. Poney n’avait pas été obligé de le faire, mais c’était ce genre d’attention qui lui plaisait particulièrement et qui lui faisait réaliser – une fois encore- qu’il la connaissait bien, au final, malgré leurs longues heures à s’agacer mutuellement.

« Je l'ai emmené jusqu'ici. Cela te ferait-il plaisir d'aller le voir ? » Elle ne chercha pas à combattre le sourire qui naquit sur ses lèvres quand l’offre fut fête et elle hocha lentement de la tête. « Ca me ferait plaisir, en effet. » Elle marqua quelques pas à nouveau, surveillant encore un peu son équilibre, acquiesça encore une fois, pour elle-même cette fois-ci. « Tu as bien fait. » C’était important, de le rappeler, car elle ne le reconnaitrait pas si souvent. Puis, elle commença à marcher entre les lits et les blessés encore présent, adressant un regard défiant à l’infirmier qui fut sur le point de lui dire quelque chose. Elle attendit qu'il s’éloigne de lui-même, comprenant le message, avant de se tourner un peu vers Poney. « Allons-y. » Comme ça, en plus, elle pourrait suivre les préparatifs des bêtes, ce qui accélèrerait les préparatifs.

Teksas pencha légèrement la tête sur le côté, attendant la réponse de sa protégée. Réponse qui ne se fit pas attendre :
- Ça me ferait plaisir, en effet.
Clarke ne chercha pas à masquer le sourire qui s'épanouissait sur son visage, éclairant ses traits fatigués, quelques instants auparavant figés de douleur.
- Tu as bien fait.
Teksas hocha la tête, amusé.
- Je fais toujours au mieux pour satisfaire tes désirs, tu devrais le savoir.
Ce qui était vrai : c'était là son rôle. En partie du moins.
La jeune femme fit quelques pas mal assurés, encore un peu déstabilisée par le temps qu'elle avait passé sur son lit de fortune, pour finalement parvenir à retrouver un équilibre plus stable, en plus d'une démarche plus assurée. Une démarche de leadeuse.
Une leadeuse qu'il fallait suivre.
Voyant que Clarke se dirigeait vers la sortie, Teksas lui emboîta le pas entre les différentes couchettes des convalescents qui peuplaient l'endroit, balayant son regard aigue-marine sur leurs visages déformés par la souffrance.
La guerre était vraiment une chose horrible.
Pourtant, lui même y avait intensément participé ; allant jusqu'à massacrer sans pitié les gardes qui protégeaient la montagne, dans le seul but de ramener Clarke saine et sauve. Et, à ce moment là, il n'avait pas eu le moindre remord à leur arracher la vie. D'ailleurs, il n'en avait toujours pas : il n'avait fait qu'exécuter les ordres, et faire son devoir. Ceux de mont Weather avaient pris la vie de ses frères et de ses sœurs ; de ses parents également. Le sang qu'il avait répandu là bas n'était que justice.
Jus drein jus daun.
Son peuple avait toujours fait ainsi et ferait toujours ainsi. La vengeance était pour eux le seul moyen de rendre hommage à leurs morts. C'était leur façon de vivre, de survivre.
- Allons y.
La voix de Clarke tira le garde de sa rêverie, et lui fit croiser le regard réprobateur de l'infirmer qui se tenait non loin de là, occupé à tremper un "torchon" gorgé de sang dans une bassine d'eau fraîche. Visiblement, la Skaikru avait réussi à obtenir son droit de sortie... Et tout cela sans prononcer le moindre mot.
Le jeune homme haussa les épaules à l'attention de l'infirmier, comme pour lui signifier qu'il ne pouvait pas plus que lui revenir sur une des décisions de la blonde, et il sortit de l'infirmerie, pour se retrouver directement dehors.
La fraîcheur de l'air et la pâle lueur du soleil arrachèrent à Teksas un soupir de soulagement. Il n'avait jamais aimé les ambiances oppressantes qui régnaient dans les endroits tels que celui qu'il venait de quitter, et se retrouver dehors était une véritable délivrance.
- Par là.
D'un léger signe de tête, le Trikru indiqua à Clarke quel était le chemin à suivre, et se dirigea lui même à grandes enjambées longues et souples en direction de l'enclot où étaient réunis les montures des différentes personnes qui se trouvaient ici -ce qui devait bien faire une bonne vingtaine d'équidés au total.
De là où il était, Teksas pouvait déjà apercevoir la silhouette racée de son propre cheval, et celle, plus petite et plus reconnaissable au milieu de toutes les autres, d'Archéon.
Nonchalant, il porta son index et son majeur à ses lèvres pour siffler l'animal qui, désormais habitué à cet appel, se dirigea au petit trot vers la clôture, ce qui lui valut une caresse affectueuse de la part du Grounder.
- J'en ai pris le plus soin possible, mais il semblait se lasser de toi. À mon avis, il doit être au moins aussi heureux que moi de te revoir sur pied.
Teksas ponctua ses paroles d'une dernière petite tape sur l'encolure de la bête, et se retourna vers Clarke, attendant de voir la réaction de cette dernière devant ses "retrouvailles" avec Archéon qui, déjà, manifestait son enthousiasme de retrouver sa cavalière en piaffant légèrement de joie.

« Je fais toujours au mieux pour satisfaire tes désirs, tu devrais le savoir. » Ca arracha un sourire à Clarke, qui secoua un peu la tête, alors que, sans mal, elle repensait à toutes les fois où Poney s’était effectivement plié à ses attentes, non sans qu’il ne fasse part de sa désapprobation. Lexa lui avait trouvé un bon garde-du-corps, ça, elle ne pourrait jamais prétendre le contraire et si le début avait été compliqué et que Teksas ne manquait jamais une occasion pour lui rappeler d’avoir les pieds sur terre, elle était satisfaite de lui. Qu’importe qu’elle se soit faite attrapée par la montagne (elle ne le tenait pas pour responsable et le sujet avait été traité). Car il la connaissait bien, et il pouvait, en effet, prévoir ce qu’elle avait en tête, Clarke.

Elle se releva donc, suite à quelques efforts et si elle eut la tête qui lui tourna quelques instants, la sensation fut vite partie, alors que ses pas se firent plus assurés et qu’elle se repéra jusque la sortie de l’infirmerie improvisée. Teksas était dans son sillon et la sensation familière, ainsi que celle de parfaite sécurité, illumina son moral, ainsi que son regard qui était dirigé vers l’extérieur. C’était apaisant, à sa manière. Même si ça n’enlevait pas cette idée qu’il y avait un risque pour sa vie, que la guerre datait de hier et qu’elle n’était pas totalement terminée, à l’esprit de Clarke. Et puisqu’elle en était tellement habituée, maintenant, de ces risques, de cette pression constante dans ses réflexions ; elle n’y prêta guère attention. C'était ainsi, c’était sa vie. « Par là. » Clarke acquiesça, ne retenant pas une petite remarque. « Je me souviens où se trouvent les écuries, Poney. » Avec une légèreté propre à celle qui était heureuse de se retrouver là. Même si c’était l’avant-poste de guerre, que ce n’était qu’une succession de tentes entre des chemins boueux. C’était toujours mieux que la montagne et le Ciel lui avait manqué. Terriblement.

Ils s’approchèrent des enclos et Teksas eut un sifflement qui attira Archéon. Elle ouvrit un peu la bouche, impressionnée. « Okay, il va falloir que tu m’apprennes ça. » Parce que si ça lui permettait de trouver sa monture beaucoup plus rapidement, elle ne s’en plaindre pas. « J'en ai pris le plus soin possible, mais il semblait se lasser de toi. À mon avis, il doit être au moins aussi heureux que moi de te revoir sur pied. » La bête à la robe noire s’approcha, reniflant Clarke avant de lui adresser un coup de tête affectif. Un grand sourire était sur ses lèvres, alors qu’elle flatta l’encolure de l’animal. « Attention, je pourrais croire que tu m’apprécies. » Et il n’y avait que le jeu sur sa langue, alors qu’elle détournait le regard pour s’intéresser un peu plus au cheval, qui tenta de lui mordre les attaches de l’attelle. Clarke repoussa son museau de la main, lui donnant une remarque, avant de se reconcentrer sur celui qui l’accompagnait. « Tu as bien pris soin de lui. Il n’y a pas que moi qui sera heureuse de l’apprendre. »  Elle parlait de Lexa, parce que ce cheval restait l’ancienne monture d’Anya.

Le poil soyeux de l'animal était doux sous les doigts du jeune homme, qui haussa d'ailleurs un sourcil en entendant la requête de Clarke :
- Okay, il va falloir que tu m'apprennes ça.
- Ce n'est pas quelque chose que l'on apprend dans le ciel ?
Teksas en était sincèrement surpris. Pour lui, siffler était venu naturellement, comme pour la plupart des enfants de son âge. Sans être un besoin vital, c'était quelque chose que tout le monde savait faire ; quelque chose de si banal qu'il en devenait insignifiant. Cela revenait à savoir claquer des doigts -bien que ce geste lui ait été moins utile durant son quotidien.
Ayant été éduqué dans un village où l'on élevait du bétail, Teksas sifflait dès la moindre occasion pour rappeler les bêtes ou les guider. C'était une manie que son père et les autres Grounders avec lesquels il avait grandi utiliser sans cesse et, jusqu'à aujourd'hui, il n'avait même pas envisagé que l'on ne puisse pas savoir siffler. Ou ne serait ce que de se servir d'un bruit quelconque pour attirer des chevaux -pour certains, un simple battement de mains suffisait.
Les SkyPeople avait beau être à la pointe de la technologie, leur incapacités ou méconnaissances de domaines aussi futiles que le sifflement ne cesserait jamais de le surprendre. Cependant, cela prouvait aussi que, l'un comme l'autre, le peuple de la Terre et celui des étoiles avaient encore beaucoup à apprendre de chacun.
- Dans ce cas, je pourrai y remédier quand tu veux. Ce ne sera pas un enseignement très compliqué.
Après tout, pour quelqu'un qui venait de survivre à un séjour au milieu des hommes de la montagne, fait une alliance avec les Grounders au risque de tout perdre, tuer l'homme qu'elle pensait aimer pour son peuple et survécu aux dangers qui régnaient sur Terre après son atterrissage en compagnie d'autres délinquants, apprendre à siffler ne devrait pas représenter une tâche trop difficile...
- Attention, je pourrais croire que tu m'apprécies.
Le ton autant que les paroles arrachèrent un léger sourire au garde, qu'il se contenta de muer en une moue sarcastique :
- Il serait en effet tragique de te méprendre de la sorte. Je me suis simplement contenté de faire mon devoir. Rien de plus n'est jamais entré en compte.
Une ironie à peine dissimulée perçait entre chacun des mots qu'il prononçait. Il était loin d'avoir honte de s'être attaché à Clarke au fil du temps, mais l'admettre devant elle aurait été gênant, et aurait en même temps mis fin au petit jeu auquel tous deux jouaient assidûment depuis leur première rencontre.
Se rapprochant de la barrière, Teksas prit place aux côtés de Clarke et se mit à son tour à caresser l'encolure de la monture ébène, synchronisant ses mouvements avec ceux de la fille blonde sur l'encolure opposée.
- Tu as bien pris soin de lui. Il n’y a pas que moi qui sera heureuse de l’apprendre.
Le jeune homme se retourna vers Clarke, aussi surpris qu'intrigué par ces quelques mots.
- Qui d'autre le sera ?
Archéon avait beau appartenir à Clarke et se révéler fidèle et attachant, il n'en restait pas moins un cheval. Et l'idée que quelqu'un puisse se soucier du bien être d'une monture par temps de guerre interpellait plutôt fortement le guerrier.

Les deux peuples avaient encore beaucoup à apprendre l’un de l’autre. Avoir gagné une guerre, côtes à côtes ne changeraient jamais ça. Certes, les individus s’étaient soudés, serrés les coudes contre un ennemi commun. Ca n’empêchait pas l’ignorance d’être là, les petites incompréhensions de se faufiler également. Ainsi, quand Poney s’enquit du fait que Clarke ne savait pas siffler, elle eut un mince sourire, avant de secouer la tête. Cependant, son garde du corps se proposait déjà de lui enseigner comment faire. C’était ça, qu’elle appréciait chez Teksas. C’était qu’importe ses demandes, ses besoins, il s’y pliait, sans rechigner, et ne prenait même plus la peine de râler pour ça. Oh, il continuerait de la taquiner, mais elle préférait largement ça aux grandes figures qui suivaient Lexa sans dire un mot (pendant tout un temps, Clarke avait été persuadée que Curtis était muette, jusqu’à ce que les deux aient un échange sur le bien être de Lexa.) Soit, donc, elle avait un rapport beaucoup plus humain avec Teksas, car elle n’avait pas l’important que Heda pouvait avoir et elle appréciait ça, terriblement. Il lui avait appris à baragouiner en Trigedasleng – et elle se débrouillait de mieux en mieux – il avait tenté de lui enseigner comment se battre – et ça, elle resterait toujours un maitre dans l’improvisation, bien que les conseils de Poney ne serait jamais oubliés.

Pourtant, elle n’aurait pas besoin de son encadrement pour ça et finalement, il y eut une lueur espiègle dans son regard. « Si, on sait siffler, Poney. » Et le roulement d’yeux, s’il n’en eut aucun, était presque perceptible dans sa voix, avant qu’elle ne siffle légèrement pour appuyer ses propos. Puis, peut-être y avait-il quelque chose de plus gênant à annoncer, mais Clarke avait dépassé ce point. Elle n’était pas honteuse de la culture des siens (oh, il y avait bien des points qu’elle n’appréciait pas, mais c’était une autre histoire). « C’est juste que je n’aurais jamais pensé que les animaux obéissaient à ça. » Et elle en ignorait beaucoup, sur tout ce qui avait de poils, des plumes, des écailles. Elle avait lu, sur la faune, bien entendu. Mais ça restait un lointain dont elle n’était plus sure. Surtout depuis que le monde avait muté grâce aux radiations. Le félin qui les avait attaqués, lors de leurs premiers jours sur terre, n’avait aucun comparable dans la taxonomie animale d’il y a cent ans.

Un animal duquel elle connaissait tout, c’était bien Poney et elle retint un faible rire quand il usa de l’ironie. « Rien de plus n'est jamais entré en compte. » Elle secoua un peu la tête, tandis qu’elle continuait de flatter Archéon, qui était plus qu’heureux de l’attention qu’on lui portait. « Rien de plus, oui. » L’ironie était similaire à celle de son garde, avant que la gratitude ne vienne sur sa langue et que celle-ci ne tire un éclat curieux chez Teksas (elle aimait ça aussi, le fait qu’il soit vif d’esprit et s’intéresse réellement à ce que Clarke avait à dire). Il ne semblait pas au courant de l’ancien propriétaire de son appalloosa et elle détourna le regard, un peu, se concentrant sur le dos de l’animal, détaillant les taches plus claires qui parsemaient la robe du cheval. Finalement, elle s’exprima avec prudence. « Il appartenait à Anya, avant moi. » Et personne n’ignorait le nom du mentor tombé de Lexa.

- Si, on sait siffler, Poney.
Comme pour appuyer ses paroles, Clarke émit un léger bruit entre ses dents, ce qui manqua d'arracher un petit rire à Teksas, qui se mua à la place en une toux plus ou moins étouffée devant la petitesse du son. Mais il ne pouvait nier que cela restait un sifflement -ou, du moins, ça en était une ébauche.
- C’est juste que je n’aurais jamais pensé que les animaux obéissaient à ça.
Encore une fois, le garde haussa les épaules :
- Tous n'y répondent pas forcément. C'est une question d'habitude ou de confiance. Un peu comme donner un surnom à quelqu'un, en somme.
Il jeta à son amie un coup d’œil malicieux, attendant de voir si elle remarquerait le rapport qu'il venait de faire entre une relation de "confiance" et leur propre relation.
Il lui avait fallu du temps au départ, pour lui même s'habituer au surnom de "Poney" qu'elle lui attribuait mais, finalement, au fil du temps et des épreuves qui les avaient tous deux rapprochées, il y répondait aujourd'hui comme s'il s'agissait de son nom de naissance.
Et l'on pouvait en effet dire que c'était une véritable relation de confiance qui s'était tissée entre eux, en plus du respect mutuel et de l'affection taquine qui les unissaient.
Clarke risquait sa peau, Teksas la lui sauvait -ou essayait de le faire- ; les choses étaient aussi simples que ça. Ils se complétaient l'un l'autre dans leurs actes ou façons de penser ; comme ils prouvaient également que l'amitié entre les Sky People et les Grounders était bien plus qu'une simple utopie.
Car, les choses avaient beau s'être améliorées de manière considérable grâce à l'alliance instaurée par la jeune fille blonde et Lexa, l'animosité qui existait entre les deux peuples n'en restait pas moins réelle pour certains. D'ailleurs, le guerrier ne pouvait pas vraiment en vouloir à ceux de son peuple : après tout, lui même considérait Clarke comme une ennemie avant qu'il ne soit nommé en tant que son garde du corps. Et ce n'était qu'à force de longues discussions et d'aventures partagées que son avis avait fini par évoluer à son sujet.
Hors, tous les Grounders n'avaient pas forcément l'occasion de fréquenter les Skaikru, et les pertes des deux camps avaient été lourdes à cause de l'autre.
On pouvait donc comprendre la rancœur qui subsistait entre eux même au cœur de l'alliance et d'une victoire partagée contre un ennemi commun.
Rancœur qui ne disparaîtrait peut être jamais vraiment.
- Il appartenait à Anya, avant moi.
Teksas leva des yeux surpris vers Clarke, ne s'attendant pas à une telle révélation.
- Oh... Je l'ignorais.
Sa main glissa le long de l'encolure du cheval pour venir se serrer autour de la barrière de bois, comme si, soudainement, il se sentait presque "indigne" de toucher l'animal.
Le fait que cette monture soit revenue à Clarke montrait encore une fois à quel point Lexa tenait à la fille du ciel. Et sûrement bien plus qu'elle n'avait jamais tenu à personne auparavant -tout du moins à la connaissance du jeune homme.
- Anya était une grande guerrière. Je l'admirais. Elle manque à beaucoup.
Teksas humecta ses lèvres gercées par le froid environnant, et resserra doucement sa cape de fourrure autour de ses larges épaules.
- Ce doit être un honneur pour toi d'avoir hérité du compagnon de quelqu'un de si admirable. Il marqua une pause, ne sachant pas si il oserait poser la question qui lui brûlait les lèvres. Mais, finalement, les mots finirent par jaillir d'eux mêmes, sans qu'il puisse les retenir. Ne manque-t-elle pas trop à... Lexa ?

Il y eut une moquerie de la part de Poney, Clarke ne s’en avisa pas. Ils avaient dépassé ce point où l’un s’offusquait d’une remarque, d’un commentaire de l’autre. Ils avaient dépassés de nombreux stades et maintenant, Clarke savait qu’elle pouvait avoir confiance en lui. Il l’avait prouvé, quand il avait tenté de la sauver du kidnapping qu’elle avait subi. Et il était revenu, sain et sauf, toujours à ses côtés, encore plus dévoué que ce qu’il ne l’avait jamais été. Elle aimait ça, Clarke. Se savoir soutenue, protégée. Cette sécurité qu’elle sentait en présence de Teksas, le fait qu’elle n’ait pas à regarder derrière son épaule au cas d’une attaque. Elle ne se sentait ainsi avec personne d’autre – pas même avec Lexa. « C'est une question d'habitude ou de confiance. Un peu comme donner un surnom à quelqu'un, en somme. » Oui, sa relation avec Poney était particulière et elle appréciait sa présence silencieuse… tout autant que ses remarques – quand il n’avait pas pour objectif de montrer à quel point les décisions de Clarke l’agaçait. « Est-ce que ça veut dire que… si je te siffle, tu viendras ? » Et elle échappa un bref rire, avant de reporter son attention sur Archéon. « Toi et moi on va essayer mon grand. En jeter plein la vue à Lexa. » Murmura-t-elle à l’oreille de sa monture, qui s’ébroua un peu.

Et la conversation resta autour du cheval… ou plus particulièrement de son ancienne maitresse. C’était un sujet que Clarke avait toujours du mal à évoquer, car à chaque fois qu’elle parlait d’Anya, elle la voyait s’éteindre, à quelques pas du Camp Jaha. Et il y avait cette déception constante, ce sentiment de responsabilité, comme si elle était celle à mettre en cause de la disparition de Anya. Il n’en était rien, la part rationnelle de Clarke le lui disait. Mais ça n’empêchait pas la fille du Ciel de s’en vouloir. Quand elle entendit la surprise de Poney, elle ne releva pas les yeux pour autant, continuant de chatouiller le dos de l’appalloosa. « Anya était une grande guerrière. Je l'admirais. Elle manque à beaucoup. » Elle acquiesça faiblement Clarke. Elle n’en doutait pas, qu’elle eut été le modèle de nombre du Trikru. « Ce doit être un honneur pour toi d'avoir hérité du compagnon de quelqu'un de si admirable. » Elle ne voyait pas ça comme un honneur, Clarke. Mais une fois encore, elle ne partageait pas les mêmes valeurs des membres du Trigedakru. Ca ne voulait pas dire, pour autant, qu’elle ne les considérait pas. « Oui… Ca ne fait que renforcer l’attache particulière que j’ai pour lui. » Archéon était sa responsabilité, maintenant. Cela s’entendait, dans le fond de sa voix. Ca ne pouvait qu’être un cheval aux yeux de tous. Pour Clarke, c’était comme si elle acceptait les obligations qui allaient avec le fait d’avoir libéré Anya et convaincue de parler en sa faveur auprès de Lexa.

Même si les évènements avaient fait en sorte que tout s’était déroulé autrement et que, de Anya, Lexa n’avait plus que les souvenirs et une mèche de cheveux qui était gardée précieusement. « Ne manque-t-elle pas trop à... Lexa ? » Cette fois-ci, en un éclair, elle trouva la figure de Poney enroulé dans sa cape, pour lutter contre le froid de l’hiver approchant. Elle serra le poing, le gauche, et tous ses muscles, ses os s’éveillèrent en un grondement de douleur. Clarke ne le montra pas, et elle se concentra sur ceci, plutôt que d’échapper un commentaire qui n’aurait pas eu sa place. Au lieu de ça, elle inspira à quelques reprises, choisissant la diplomatie, plutôt que de rappeler à Teksas sa place. Il était bien plus qu’un simple guerrier et pour avoir fait partie de la garde privée de Lexa, il devait bien le savoir. « Elle manque comme tout mentor manque à son apprenti, je suppose. » Elle pinça les lèvres. Bien entendu, que Anya manquait à Lexa. Sous l’armure du commandant, il y avait une fille blessée par la vie que Clarke avait appris à aimer. « Lexa est forte. La disparition d’Anya ne l’empêche pas d’avancer. C’est même l’inverse. »