I've fallen too many times to once again raise alone | Sethen

Ai gonplei nou ste odon, Ai gonplei nou ste odon, Ai gonplei nou... Comme une litanie je ressassais cette phrase depuis des heures quand je trébuchais une fois de plus sur le sol caillouteux, lâchant ma lance pour mettre les mains devant moi et essayer de retenir ma chute. J'étais faible, tellement faible, j'avais l'impression que je n'avais plus aucun muscle, plus aucune force, mes mains touchèrent le sol, puis mes avant-bras, et ma tête finalement, durement malgré la boue qui rendait le sol un peu plus mou. C'était à peine si j'avais encore la force de souffler pour faire sortir la terre qui avait pénétrée dans ma bouche, je ne pouvais plus me relever. Sans que je ne m'en rende compte mes yeux s'étaient fermés et je sentais que je glissais vers une torpeur salvatrice. Ai gonplei nou ste odon Une dernière fois cette complainte raisonna à  mon esprit avant que je ne rende les armes, vaincu par la fatigue, par la lutte continuelle que je menais depuis trop longtemps déjà pour survivre.

Petite forme inerte sur les terres des demodrakhos j'étais devenu incapable de faire un pas de plus, cette fois ma volonté ne me porterait pas plus loin. J'étais sale, je puais sans doute de la marche de ces derniers mois, de la peur qui ne m'avait pas lâché pendant de nombreux jours, avant que finalement la faim ne se fasse plus forte, puis la soif, cette sensation continuelle d'avoir la gorge desséchée, de se demander si lorsque je parlerais je n'allais pas avoir ma langue qui tomberait. Je n'avais pas besoin de parler, j'étais seul, désespérément seul, et avant que mon corps ne me lâche et que je m'écroules sur ce bout de chemin c'est cette solitude qui me faisait tenir, l'espoir qu'un jour elle allait enfin finir. J'avais quitté mon village pour ne pas finir fou à errer parmi les morts, pour retrouver Canjun et recommencer à vivre, je ne m'étais jamais senti aussi seul que durant ces mois d'errance, à chercher à parler aux petites bêtes que je rencontrais, qui avaient bien d'autres choses à faire qu'à m'écouter. J'étais là, étendu, inerte, n'ayant plus la force de me battre et je ne sentais pas les doux tremblements du sol sous mon corps émacié qui auraient pu m'avertir que quelqu'un approchait.

Quelque chose semblait perturber l'univers cotonneux dans lequel mon corps flottait sans que je n'ai plus conscience de rien. Plus de faim dans ce monde, plus de soif, plus de douleur, plus de cette tristesse qui trop souvent le soir m'étreignait encore le cœur, j'étais bien. Je n'avais plus la force de lutter et sans l'insistance de cet élément extérieur j'aurais sans doute dériver quelques temps encore avant de m'éteindre doucement et sans bruit au travers de ce chemin. Le destin en avait décidé autrement et je sentis que l'on me poussait doucement, j'entendis une voie et dès lors tout revint en un seul bloc, la douleur en premier. Mon corps se tendit, se crispa et je gémis, incapable encore de vraiment comprendre ce qui était en train de se passer. Un liquide frôla mes lèvres et ce fut alors la chose la plus importante pour moi, de l'eau, à peine avais-je difficilement avalé les premières gouttes de ce liquide salvateur que j'en voulais d'autres, ma soif se réveillait et plus que tout je désirais en cet instant l'étancher.

Faiblement, je me redressais, croisant finalement de la femme baissée au-dessus de moi. J'avais oublié d'avaler, surpris, et je me mis à tousser, recrachant l'eau que je buvais bien trop vite pour quelqu'un qui avait la gorge sèche depuis des jours. Je n'en avais cure, je toussais encore mais je tendais à nouveau la main vers la gourde qui s'était éloignée. Peu importe qui était cette femme, elle me donnait à boire et de ça au moins je pouvais profiter avant de chercher à comprendre. J'étais un petit animal apeuré mais trop faible pour chercher à savoir si la main que l'on me tendait était celle d'un ami ou si un piège allait se refermer sur moi. Je voulais vivre, à nouveau, et cette eau était déjà un bon début pour y parvenir.

Elle avait raison, sans doute, boire trop vite ne servait à rien d'autre qu'à me faire tousser, mais je n'étais pas vraiment en état de comprendre ça. La fraîcheur de l'eau sur ma langue était un bonheur bien trop grand pour que j'y renonce sur ses simples paroles et c'est un regard implorant que je jetais vers la femme qui me parlait d'une voix me semblant douce et amicale. N'importe qu'elle voix m'aurait probablement sans doute semblé douce et amicale pour peu que la main associé me rende cette source d'eau providentielle, cette source de vie pour moi, pauvre créature assoiffée. Son...ga Ma voix était éraillée, les mots franchissaient difficilement mes lèvres, me faisant mal à la gorge. Depuis combien de temps n'avais-je pas adressé un mot à quiconque à part à moi-même, dans ma tête ? J'étais incapable de le dire, je ne savais même pas depuis combien de temps j'avais perdu connaissance, je me souvenais juste que je marchais sur un chemin, posant mécaniquement et laborieusement un pied devant l'autre avant que le noir n'emporte tout.

Je m'appelle Songa. Je faisais un effort, je devais bien ça à ma sauveuse, elle me souriait, elle semblait sympathique peut-être, elle ne paraissait en tout cas pas me vouloir de mal. Je suis où ? Ça ne me dirait probablement rien mais la question venait de me traverser l'esprit. Était-elle quelqu'un qui marchait elle aussi ? Loin de toute civilisation ? Ou avais-je réussi à trouver cet terre synonyme d'espoir pour moi, cet ouest vers lequel je me dirigeais depuis si longtemps ?

J'étais un peu perdu, ce qui n'avait sans doute rien d'anormal dans mon état, après avoir souffert de la faim, de la soif et de la solitude pendant bien plus de jours que je ne pouvais les compter. Après m'être écroulé aussi, durant un laps de temps inconnu, relativement faible certainement, sinon il je ne me serais probablement jamais réveillé. Mais peut-être que tout cela était fini finalement, et comme une corde qui me permettrait peut-être de remonter vers la lumière je posais d'une voix faible cette question. La réponse m'arracha un soupir et un sourire. Nidhogg ça ne me disait rien, mais la terre des dragons il me semblait bien en avoir entendu parler, il me semblait bien que j'étais sur le bon chemin.

Ayant reprit la gourde, je réfléchissais, fouillais dans mes souvenirs pour retrouver ce que je savais sur ce clan et pendant ce temps la femme repris la parole se présentant à son tour. Je hochais la tête, souriant un peu plus franchement finalement. Moi aussi... Merci Sethen. J'étais même plus que ravi à vrai dire, elle venait de me sauver la vie, très probablement. Je reprenais un peu mes sens à mesure que le temps passait, j'étais toujours terriblement faible bien sur, mais mon cerveau commençait à refonctionner tout au moins, assez en tout cas pour répondre à sa question De loin à l'ouest, je... Je n'eus pas le temps d'en dire d'avantage qu'elle posa la question qui me fit ouvrir de grands yeux surpris. Deux billes rondes au milieu de mon visage, qui oscillaient vigoureusement de haut en bas tandis que je hochais la tête, un immense sourire aux lèvres désormais. Oui ! C'est mon clan ! Et puis un murmure qui me fit finalement baissé la tête, abattu alors que les images du carnage me revenaient en tête. C'était mon clan...

Elle connaissait les Osgiliath, et même si les souvenirs venaient de revenir en masse à la mention de mon clan, de ma famille, de mes amis, de tout ce que j'avais connu et qui n'était plus, j'étais content. Elle me semblait un peu moins une étrangère, même si de toute façon je ne me méfiais pas vraiment avant même de le savoir. Je hochais doucement la tête, appréciant le contact de sa main sur mon épaule. Depuis combien de temps n'avais-je pas ressenti cette chaleur qu'on simple geste comme celui-là permet de faire circuler d'un individu à l'autre ? Trop longtemps, c'était certain. Et je n'étais pas encore au bout de mes surprises, je n'étais certainement pas préparé au bonheur qu'elle allait me procurer par les mots qui franchirent ses lèvres. C'était peut-être anodin pour elle mais pour moi ce fut un torrent de joie qui déferla et des larmes se mirent à couler sur mon visage sale sans que je m'en rende compte, sans que je cherche à les arrêter. Oh oui je... bien sûr que je connais Canjun ! C'est... c'est Canjun ! C'est pour le suivre que j'ai, que j'ai quitté mon village ! Mes phrases étaient un peu hachées, le ton de ma voix, vibrant d'émotions, peut-être pas très compréhensible, mais mon sourire devait assez montrer ma joie. Et c'est, c'est ton ami ? Il est en vie alors ? Cette journée était absolument magnifique et je venais d'oublier en l'espace d'une fraction de seconde toutes mes peurs, toutes mes douleurs. Il est à Nidhogg Canjun ? Je peux marcher oui, je peux même courir ! Oui, non, probablement pas en fait, mais je m'étais en tout cas remis sur mes jambes, me rattrapant au bras de Sethen alors que je vacillait un peu. Elle avait fait bien plus que seulement sauver mon petit corps étendu sur ce chemin aujourd'hui, elle m'avait complètement rendu goût à la vie.

Canjun était en vie, c’était la plus belle chose que l’on pouvait m’apprendre. Ça me redonnait de la force, l’envie de me relever aussi vite que possible pour enfin pouvoir le retrouver, cela faisait si longtemps que je marchais dans cet unique but que je ne pouvais pas vraiment empêcher mes larmes de joie de couler. C’était une chance oui, que Sethen soit passée par là, une chance qu’elle se soit arrêtée pour m’aider et je hochais vigoureusement la tête, reniflant bruyamment en m’essuyant les yeux. C’est même un miracle ! j’avais de la terre partout sur le visage, frotter mes mains contre mes joues humides de larmes n’était certainement pas la meilleure façon de me rendre présentable, mais à vrai dire je n’en avais rien à faire. Je voulais seulement courir le plus vite possible jusqu’à pouvoir serrer Canjun dans mes bras. Je l’ai vu repasser à notre village après l’attaque, c’est pour ça que je suis parti vers l’est, pour le retrouver, parce que je savais qu’il était encore en vie lui aussi. J’avais seulement attendu trop longtemps, bien trop terrorisé pour le suivre au moment où je l’avais vu et ensuite… ensuite il était trop tard, Canjun était parti et jusqu’à cet instant j’avis marché sans jamais savoir si un jour je le retrouverais.

Je m’étais mis à courir dans mon impatience de revoir Canjun, surestimant clairement mes forces et à peine avais-je fait quelques mètres que je sentis ma tête qui se mettait à tourner. Sethen m’avait rattrapée et je me retenais à son bras, chancelant en essayant de regarder un point fixe pour ne pas m’évanouir à nouveau. Pardon… je vais devoir marcher doucement je crois… Et j’étais un peu triste parce que ça voudrait dire que j’allais mettre plus de temps à revoir Canjun. Mais Sethen me disait qu’il n’était pas à Nidhogg, là où elle m’emmenait, alors je comprenais que je n’allais pas le revoir si vite que ça de toute façon. Je hochais la tête quand enfin les vertiges ne menacèrent plus trop de me faire perdre connaissance. Oui, d’accord… Je peux te tenir la main ? Pour ne pas retomber, et puis surtout parce que j’en avais besoin après si longtemps seul. Elle n’était pas ma mère, elle ne le serait jamais, mais en cet instant elle était mon premier contact humain depuis bien trop longtemps et je levais vers elle un regard plein d’espoir.

J'avais eu de la chance que ce soit Sethen qui me trouve, j'en étais plus que conscient, elle m'avait relevé et désormais elle m'empêcher de retomber, elle allait m'amener jusqu'à Canjun et elle ne m'en voulait pas de ma faiblesse, de mon incapacité à suivre son rythme qui était certainement bien plus rapide en temps normal. Je m'en voulais un peu, d'être aussi faible, et j'avais eu un regard un peu triste en comprenant qu'il me faudrait patienter encore avant de retrouver Canjun. Ce temps ne serait rien en comparaison de celui qui s'était écoulé depuis la dernière fois où je l'avais vu, mais si proche du but il ressemblait à une éternité. Savoir que Canjun était bel et bien en vie, et non loin d'ici me rendait fébrile, mais il me faudrait prendre mon mal en patience. Heureusement j'avais Sethen, j'avais envie de me blottir contre elle, de sentir cette chaleur humaine qui m'avait fait défaut pendant tellement longtemps. Au lieu de quoi je levais un regard empli d'espoir en lui demandant si je pouvais lui tenir la main et plus encore que son contact le sourire sincère qu'elle m'offrit sans hésiter une seule seconde me réchauffa le cœur. Je sentais que le vent tournait, que les choses allaient peu à peu devenir meilleure pour moi, que j'avais enfin réussi à atteindre cet Est tant espéré. C'est pas parce qu'il y a des dragons ? J'avais hoché la tête et levais vers Sethen un regard empli d’interrogation. Je sentais qu'elle allait m'apprendre des choses et j'étais impatient un peu d'entendre son histoire. C'était un peu comme avec Canjun, avant tout ça, quand il m'avait fait découvrir tout ce que cachait la forêt qui entouré l'endroit où nous vivions. Aujourd'hui j'étais bien plus fatigué, mais j'allais essayé d'être attentif et de tout bien retenir, parce que ça me semblait important et qu'il fallait que je connaisse cet endroit comme j'avais avant connu les terres de mon clan.

« Plus ou moins. » Ça c'était une réponse qui annonçait qu'il allait y avoir une suite, que Sethen allait me raconter plein de choses sur cette terre des Dragons dont je ne savais pratiquement rien. Et j'étais heureux de pouvoir apprendre, j'avais toujours aimé apprendre, j'avais toujours voulu en savoir autant que possible et Canjun s'était révélé une source de savoir qui me paraissait sans fin quand nous marchions dans la forêt qui entourait notre village. Ce temps était si loin derrière moi, et pourtant en cet instant, alors que Sethen se remettait à parler, j'avais l'impression qu'il n'avait jamais été aussi proche. J'allais revoir Canjun et le souvenir de nos ballades, de nos discussions, me revenait plus présent que jamais. J'avais lâché un petit rire quand elle m'avait ébouriffé les cheveux, Canjun faisait ça lui aussi, maman le faisait aussi, c'était bon, c'était agréable, j'avais l'impression qu'enfin, après si longtemps à devoir être fort et à me débrouiller, je pouvais à nouveau redevenir l'enfant que je n'avais pas pu être suffisamment longtemps.

Je pourrais les voir les lézards géants ? J'étais curieux, peut-être un peu trop pour ma propre sécurité, mais avec cette main qui tenait la mienne je retrouvait l'illusion de la sécurité. J'avais dû me montrer prudent durant les longues journées où j'avais marché seul, je m'étais bien rappelé les nombreuses leçons de Canjun et j'avais évité de toucher quoi que ce soit que je ne connaissais pas, mais là, le naturel semblait revenir au galop. N'empêche que j'avais à nouveau eu un grand sourire, et j'avais serré un peu plus fort la main de Sethen. C'est vrai ? Moi aussi je te protégerais. Je ne voulais pas qu'elle m'abandonne, je n'aurais sans doute pas dû m'attacher si vite mais elle était mon premier contact humain depuis... bien trop longtemps. Et puis elle semblait gentille, elle connaissait Canjun, elle n'était pas maman, j'en étais bien conscient, mais elle était à ce moment-là ce qui s'en rapprochait le plus et moi j'étais inquiet qu'elle puisse elle aussi disparaître, me laisser ou se faire tuer, je ne voulais plus jamais me sentir aussi impuissant que lorsque maman était morte devant mes yeux alors que j'étais caché dans ce tonneau, jamais.