mille à l'heure, à toute fureur, dans ton coeur ▬ ruby

mille à l'heure, à toute fureur, dans ton coeur

Whisky & Ruby

Le rêve que faisait Ruby fut violemment secoué d’un tremblement de Terre. Elle sentait les vibrations sous ses pieds et voyait la terreur dans le visage des gens qui l’entourait. Il lui fallut un bon moment pour réaliser que la secousse était bien réelle. Une catastrophe naturelle sur l’Arche? Non, c’était seulement Whisky qui tentait de la réveiller pour une raison qu’elle ignorait encore. Grognon, les yeux collés par le sommeil, elle le poussa légèrement du doigt. Pour une fois qu’elle avait réussi à s’endormir, il fallait qu’il vienne troubler son seul moment de sérénité. Elle se frotta les yeux, s’étirant et bâillant en même temps. Les images commençaient à se faire plus claires et elle remarqua l’excitation sur le visage de son compagnon. Il l’avait appelée par ce surnom qu’il aimait tant et qu’elle appréciait aussi. C’était ça qui rendait une amitié vraie, non? Quand on pouvait user de surnom sans gêne et sans malice. Pour sa part, elle avait mis un temps à lui trouver un surnom qui le fasse pas partir sur le quart de tour. Parce qu’elle s’était vite rendu compte que de se moquer de son nom, Whisky, comme étant une boisson alcoolisée, ça lui plaisait pas tant que ça. Elle avait opté pour Husky, au final. Parce que ça lui allait bien. Comme un petit chiot, il faisait n’importe quoi et on pouvait jamais lui en vouloir. Elle s’appuya finalement sur son épaule pour se mettre debout. À cet âge, ils étaient encore de la même grandeur, mais Whisky grandirait vite. Déjà avec ses énormes cheveux, qu’elle ébouriffa au passage, il avait une longueur d’avance.

Il lui parla d’une surprise, et Ruby prit un moment avant de réaliser que c’était bel et bien son anniversaire. Ça devait faire seulement quelques heures, c’était le milieu de la nuit. Partagé entre la joie et la tristesse, son visage se crispa d’une drôle de manière. Parce que pour un adolescent, grandir, ça voulait dire plus de liberté, plus de permission. Mais pour Ruby, ça voulait aussi dire une année de plus sur l’Arche. Une année de plus à endurer ces murs gris, cette oppression qu’elle sentait constamment. Son regard se dirigea vers Whisky et un sourire se dessina finalement sur ses lèvres. Pour une fois, elle ne se permettait pas de gâcher le moment, de faire sa bougonne. La fébrilité de son ami était contagieuse et elle décida de laisser toute la place à ce sentiment. Il parla ensuite de striptease et elle éclata de rire. Ce n’était pas la chose la plus drôle, ni la plus sensible à dire, mais c’était Whisky, et il y avait bien une raison pourquoi ils ne s’étaient pas séparés depuis leur enfance. « Oh, j’suis presque déçue là! » Même si, sur le moment, c’était plutôt agréable, la situation était plutôt bizarre. Parce que du plus loin qu’elle se souvienne, ils ne s’étaient jamais offerts de cadeaux lors de leurs anniversaires. Mais l’adolescence apportait souvent beaucoup de choses que l’on ne soupçonnait pas. C’était la puberté, les hormones qui se réveillaient et les émotions qui se brouillaient. C’était plutôt normal que les choses changent, après tout. C’était seulement bizarre.

Ruby bouscula Whisky comme elle le faisait toujours lorsqu’elle s’impatientait. Il avait une surprise, alors il attendait quoi pour lui montrer? Maintenant bien réveillée, c’était à peine si elle pouvait se tenir immobile sur ses deux jambes. Sa fougue naturelle reprenait le dessus. « Alors, tu me la montres cette surprise ou je dois de la sortir du nez? » Un sourire se glissa sur son visage, un air de défi s’afficha dans ses yeux.

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Whisky & Ruby

Ruby se laissa tirer par le poignet, rigolant bêtement. La fatigue qu’elle avait ressentie plus tôt s’estompait et maintenant, l’excitation prenait toute la place. Elle était vraiment curieuse de savoir ce que lui avait préparé Whisky. Déjà, le fait qu’il lui ai organisé quelque chose, c’était gros. On peut pas dire qu’il était le genre à porter attention aux détails ou à œuvrer dans les petites attentions. Ce n’était pas plus mal comme ça, c’était seulement pas son genre. Elle devait le savoir, avec tout le temps qu’ils avaient passé ensemble. Ils se chamaillaient, ils riaient, ils boudaient. C’était souvent des montagnes russes, avec des hauts et des bas et des crochets vers la droite. Ça semblait épuisant pour les gens de l’extérieur, mais pour eux, c’était un moyen d’extérioriser cette hyperactivité qui les habitait depuis toujours. Ils s’élancèrent dans les couloirs, à peine éclairés et vides de toute activité. C’était plutôt imprudent, d’y aller comme ça. Il y avait quand même des gardes qui patrouillaient la nuit, pour éviter que les jeunes comme eux s’amusent dans les dédales de la station. Mais cette pensée ne traversa même pas l’esprit de Ruby, qui à ce moment, pensait seulement à la sensation rafraîchissante de la course. Elle ne pouvait pas courir longtemps, dans l’Arche. Quelques mètres et il y avait un mur. Il y avait toujours un mur. C’était lassant, à la longue. Parfois, elle s’imaginait courir à l’infini, sans jamais devoir s’arrêter, ou seulement lorsque ses jambes seraient épuisées. Dans toutes les parcelles de sa vie, elle se retrouvait brimée par l’Arche, que ce soit par sa structure ou par ses règlements.

Whisky lâcha soudainement sa main, maintenant confiant qu’elle allait le suivre. Elle fit une petite moue qu’il ne vit pas. Leur relation était platonique, mais elle aimait tout de même son contact. C’est quelque chose qu’elle ne dirait jamais, mais Ruby, elle aimait bien le contact des autres. Elle regrettait le temps où elle pouvait s’embourber dans les bras de sa mère sans qu’on pose trop de questions. Maintenant, adolescente, c’était plus difficile. Elle ralentit le pas en même temps que Whisky et il lui demanda si elle se souvenait la manière dont ils s’étaient rencontrés. Bien sûr. Ils étaient jeunes, même très jeunes, mais ça avait été… fracassant. Ruby courait dans une direction et Whisky dans l’autre. Ils se sont rentrés dedans avec une force impressionnante. Ça les avait soudés, faut croire. « Bien sûr, je pense même que la bosse sur mon front est encore là! » Elle plaisantait, évidemment. « Pourquoi? Tu veux recréer l’expérience? » Elle le bouscula, encore une fois, mimant la collision. Ils étaient cons, mais ça les amusait, c’était ça l’important. Ruby riait et ça enlevait un peu le poids de cette colère qui l’habitait constamment. Il l’aidait, même si aucun des deux ne semblait s’en rendre compte. Il s’arrêta finalement, annonçant la surprise. Perplexe, Ruby regarda autour d’elle, ne voyant que les murs gris et la faible lueur du néon qui les éclairait. C’était quoi, cette surprise, finalement? Elle ne comprenait pas ce qu’il essayait de lui montrer ou de lui dire. Est-ce que c’était une blague, finalement? Ça ne l’aurait pas vraiment étonnée.

« Voilà quoi? Tu m’offres finalement un strip-tease et tu voulais échapper au regard de ma mère? » Elle fit une moue interrogatrice, les sourcils bien relevés. Elle attendait qu’il fasse quelque chose. Qu’il éclate de rire, qu’il lui frappe l’épaule en criant à la blague. Le suspense la tuait, elle ne voulait plus attendre. Elle voulait savoir et maintenant. Il savait bien qu’elle n’avait aucune patience et que ça devait commencer à la rendre folle. Elle imaginait bien le plaisir que ça devait lui faire, comme quand elle se moquait de lui, souvent. C’était un jeu qui se jouait à deux, forcément.

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Whisky & Ruby

Whisky passa son bras autour de Ruby et elle retrouva ce contact qu’elle chérissait tant. Il examina son front, là où elle avait mentionné avoir une bosse. La blessure était partie depuis longtemps, si blessure il y avait vraiment eue, mais les souvenirs, eux, étaient restés. Ils se bagarrèrent un moment, leurs rires se réverbéraient sur les murs, le couloir vide amplifiant le son. Le risque qu’un garde apparaisse était toujours présent, mais à cette heure de la nuit, ils étaient peu nombreux et effectuaient une ronde. Il pouvait s’écouler plusieurs minutes, voire une heure avant qu’il repasse au même endroit. Est-ce que Whisky s’était vraiment soucié de savoir quand et où passaient les gardes? Ruby en doutait, mais ça rendait le tout encore plus excitant. Elle avait toujours aimé pousser les limites et avec l’adolescence, ça ne faisait qu’empirer. Elle se montrait souvent insolente, que ce soit avec ses parents, sa grand-mère ou les autres membres de l’Arche. Incluant les gardes. Ils commençaient vraiment à en avoir assez de sa petite attitude, mais ils ne pouvaient rien faire pour y remédier. Les règlements de l’Arche étaient peut-être sévères, mais ils n’enfermaient pas encore les gens pour cause d’arrogance. Whisky parla de son cul et le visage de Ruby prit un air grave pendant un instant. Il le disait à la blague, comme il disait toujours tout, mais elle savait bien que son père avait la main facile. Ce n’était pas comme s’il en avait déjà discuté, ils ne discutaient pas souvent des choses comme ça, mais elle en avait été témoin. Elle n’avait jamais rien dit, après tout, elle sentait pas sa place dans tout ça, mais elle ne pouvait pas s’empêcher de grimacer en imaginant la douleur qui accompagnait ses bleus. Elle n’était peut-être pas la plus douce et la plus charmante, mais elle se dirigeait très rarement vers la violence. Ruby n’eut pas le temps d’y réfléchir plus longtemps, Whisky sortait déjà une vanne sur son strip-tease et sur sa mère. Elle lui fit un regard faussement outré, avant de lui foutre une bonne taloche sur la tête. Ça ne la vexait pas vraiment, parce que c’était son humour et qu’elle y était habituée, mais elle ne se demandait plus pourquoi il se bagarrait si souvent. Quand on le connaissait pas, Whisky, il pouvait flatter dans le mauvais sens du poil. « T’es trop lourd, Husky. » Son ton était sérieux, mais son visage était moqueur. C’était vraiment une drôle de dynamique qu’ils avaient là, quand même, mais ça rendait le tout unique. Elle ne se plaisait pas à y penser, mais s’ils devaient se séparer, ça lui ferait un sacré vide. Personne pour lui lancer des blagues louches à caractère sexuel? Ce n’était pas une vie.

Whisky céda sous le regard impatient de Ruby et se dirigea vers le mur où il fit tomber une petite plaque de métal. Le bruit provoqua un écho à travers la pièce et elle se crispa légèrement. Personne ne semblait avoir entendu quoi que ce soit. Il tritura dans le trou et en sortir quelques fils qu’il contempla dubitativement. Ruby ne voyait pas très bien ce qu’il manigançait, mais pendant un instant, il sembla confus. Quand elle le vit sortir une paire de pinces de sa poche, une grimace vint déformer son visage. Qu’est-ce qu’il foutait là? Elle n’avait pas trop confiance quant aux talents improvisés de Whisky comme électricien, mais elle le laissa faire, curieuse de voir la suite. Il se décida finalement à couper un des fils et instantanément, les néons s’éteignirent et la surprise surgit devant ses yeux. Le couloir était maintenant illuminé par des dessins fluorescents qui couvraient une partie du mur et du plancher. Dubitative, elle prit un moment pour comprendre que c’était Whisky qui avait tout peint lui-même. Les formes étaient parfois étranges, mais elle arrivait à reconnaître la plupart des choses. Une ligne horizontale marquait le début d’une piste de course imaginaire. Enfin, c’est ce qu’elle assumait. Elle prit soin de tout observer, déchiffrant peu à peu les peintures. Puis son regard se posa sur Whisky. Il était couvert de peinture, lui aussi. C’était un véritable lampion. Elle ne put s’empêcher d’éclater de rire, en même temps que des larmes s’amassaient dans le coin de ses yeux. Elle n’était pas si émotive, habituellement, ça devait être un effet de l’adolescence. Elle camoufla tant bien que mal son surplus d’émotions et s’élança vers lui. Elle le prit dans ses bras et le serra plus fort qu’il n’aurait fallu. Ce n’était peut-être pas grand-chose, ce n’était peut-être pas le plus réussi, mais pour elle c’était plus qu’on avait jamais fait pour elle.

Elle le serait encore dans ses bras et ne voulait plus vraiment le lâcher, mais elle s’y força tout de même. Elle ne voulait pas qu’il se fasse des idées, ça pouvait aller loin quand il s’agissait de Whisky. Puis il devait être en train de penser à ses seins contre son torse, le connaissant. Parce que ça avait changé, ça aussi, elle prenait de plus en plus de formes et elle commençait à ressembler à une femme. Quelques années et elle ferait tourner toutes les têtes, enfin, au moins quelques-unes. « T’es complètement malade. J’ai de la chance. » Elle lui lança un regard joueur. Ça devenait un peu trop sérieux, un peu trop vrai. Avec eux, le superficiel et le profond se mélangeaient. On pouvait dire quelque chose avec le sourire et comprendre tout ce qu’il y avait derrière. Il fallait juste pas trop s’y attarder. Elle se positionna sur la piste de course fictive et le défia du regard. « J’parie que j’arrive au bout avant toi! Faut juste éviter de se foncer dedans, cette fois. » Elle ne s’en remettait toujours pas, de ce geste. Elle allait s’en souvenir toute sa vie, ça, c’était sûr. Comme la fois où ils s’étaient rencontrés, sans les bleus… ou pas.

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Whisky & Ruby

Ruby roula des yeux vers Whisky suite à sa remarque. Les filles, toujours les filles. À croire que c’est seulement à ça qu’il pouvait penser. C’était la réalité d’un garçon en pleine adolescence. Sans savoir pourquoi, ça la tiraillait un peu. Pas beaucoup, mais juste assez pour que ce soit perceptible. Comme un moustique que l’on entend à peine, ne serait-ce que le cillement discret de leurs ailes. « Faut pas que t’oublies que je suis pas comme toutes les filles… » C’était dit sans prétention. C’était seulement vrai. Elle n’était pas comme les autres, elle avait cette qualité unique qui lui permettait justement de se lier d’amitié avec quelqu’un comme Whisky. Avec les choses qu’il pouvait dire et les conneries qu’il pouvait faire, ce n’était pas pour tout le monde. Mais ça lui convenait, à Ruby. C’était ce dont elle avait besoin pour se changer un peu les idées. Pour essayer d’oublier ces murs gris et fade. Pour essayer de passer par-dessus cette colère qui était trop souvent présente. Les portes s’ouvrirent finalement et Whisky, en riant, lui ébouriffa les cheveux. Autant elle aimait le faire sur lui, autant elle détestait se le faire faire. Elle replaça ses cheveux d’un regard qui se voulait noir, mais qui était trop lumineux pour l’être vraiment. Pour une fois, elle n’arrivait pas à canaliser ce qui la rendait souvent malheureuse. Pour une fois, elle pouvait sourire sans penser à toutes ses choses en dehors de l’Arche qu’elle ne verrait jamais. Parce que même si elle gardait espoir, même si elle tentait de se convaincre du contraire, elle savait qu’elle finirait sa vie sur l’Arche. Ou éjecté. Avait-on vraiment l’occasion de voir l’espace, lors de l’exécution? Avait-on conscience, pendant quelques secondes, de notre corps flottant dans l’espace? C’était peut-être une image terrifiante pour certains, mais pour elle, ça venait la rassurer. Ce n’était tout de même pas une raison valable pour se faire mettre en prison ou pour commettre un crime quelconque. Elle était peut-être un peu folle, ou tarée comme disait Whisky, mais pas à ce point-là.

Ruby attendait près de la ligne pendant que Whisky se vantait de ses talents de coureur. « Taillé comme un cure-dent, oui. » Ce n’était pas très gentil, mais elle savait qu’il ne s’en formaliserait pas. S’ils devaient commencer à mal le prendre à chaque fois qu’ils s’insultaient, ça tournerait mal. Puis, c’était à moitié vrai. Il était encore bien maigrichon, mais il commençait à prendre de la masse musculaire. Ça n’avait pas passé inaperçu aux yeux de Ruby qui se surprenait parfois à l’observer, un peu trop longtemps. Il commença le décompte, partant de trois. Avant même qu’il ait pu dire « Go », elle s’élança à toute vitesse, pensant pouvoir prendre un peu d’avance sur Whisky. Parce que même s’il se vantait souvent, dans ce cas-ci il avait raison. Il était plus rapide qu’elle. Mais leurs esprits s’étaient rejoints, et il était parti lui aussi avant la marque de départ. Personne ne jouait dans les règles du jeu et ça rendait le tout beaucoup plus amusant, la plupart du temps. Ils étaient presque rendus de l’autre bout du couloir quand Whisky s’embourba dans ses pieds, chutant inévitablement vers le sol. Elle aurait bien ri de lui, en plus d’avoir sa victoire, s’il ne l’avait pas entraîné avec lui dans sa chute. Elle se cogna légèrement le coude, mais évita le contact de sa tête sur le sol. Ça allait donner une ecchymose, mais à première vue, rien ne semblait casser. Elle prit un moment avant de reprendre ses esprits. Whisky était là, à quelques centimètres d’elle, la main sur ses hanches. Elle n’avait pas remarqué le contact au départ, mais maintenant qu’elle y pensait ça lui brûlait la peau. C’était une drôle de sensation. Agréable et douloureux en même temps. Elle avait du mal à comprendre ce qui se produisait.

Whisky la regarda dans les yeux avant de lui demander si elle s’était fait mal. Ses yeux étaient écarquillés par la surprise, la peur peut-être. Il n’avait pas vraiment voulu l’entraîner de cette manière et maintenant, il culpabilisait. C’était mignon à voir. Mignon. Elle n’aurait jamais pensé utiliser cet adjectif pour le décrire, mais voilà, à ce moment-là, c’est ce qu’il était. Le sentiment qui envahissait Ruby était étrange. Quelque chose qu’elle n’avait jamais ressenti auparavant. Un genre d’attraction qui lui parcourait tout le corps. Elle s’était peut-être cogné la tête sans s’en rendre compte, finalement? C’était ça, les effets d’une commotion cérébrale? Que ce soit ça ou autre chose, elle avait du mal à résister à la pulsion qui la poussait vers Whisky et franchement, elle n’avait pas vraiment envie de réfléchir. Elle n’avait jamais envie de réfléchir. Spontanée et téméraire, c’était souvent après ses actions que les pensées affluaient vers son cerveau. Dans l’action du moment, c’était un tableau vide qui était dirigé par son corps. Et son cœur. Alors dans un seul mouvement, elle se rapprocha de Whisky et posa ses lèvres sur les siennes. Elle ne savait pas trop comment s’y prendre, c’était son premier baiser, à Ruby. Tout ce qu’elle savait, c’était que c’était ce qu’elle avait eu envie de faire dans le moment. Le reste, c’était pas important, non? « Ça va. Mon coude me fait mal, mais y’a rien de cassé. » Et voilà qu’elle résumait les choses, comme si de rien n’était. Non vraiment, il lui prenait des envies bizarres. Alors, c’était la commotion cérébrale ou l’afflux d’hormones de la puberté? Ça ne pouvait pas être ses sentiments pour Whisky, parce qu’elle n’en avait pas. Pas vrai?

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Whisky & Ruby

Ruby sentait la main de Whisky se serrer plus fortement autour de sa taille et il l'attira bientôt vers lui. Ses sentiments étaient partagés. D'un côté, elle ne pouvait pas nier que c'était agréable, parce que ce l'était et pas juste un peu. De l'autre côté, il s'agissait de Whisky. Celui avec qui elle avait grandi, celui à qui elle s'était confiée toutes ces années. C'était son ami le plus proche et le fait qu'elle ait franchi une telle limite, c'était plutôt terrifiant. Elle ne regrettait pas de l'avoir fait, parce qu'elle n'avait pas de place dans sa tête pour ça, les regrets. Elle avait l'habitude de foncer et si elle regardait trop en arrière, ça la faisait déraper. Alors elle agissait sans réfléchir et après, elle faisait tout pour ne pas y penser. Une drôle de manière de faire, dangereuse et sûrement malsaine. Mais c'était Ruby et tant qu'elle arrivait à survivre, ça ne risquait pas de changer. Il fallait savoir s'y prendre avec elle. Parce qu'elle n'avait pas un caractère très facile. Normalement, elle était bien sociable, elle avait la parole facile et le sourire aux lèvres. Pourtant, l'instant d'un regard déplacé, tout pouvait changer. Elle ne supportait pas qu'on la juge, qu'on remette en question ses dires. Elle ne supportait pas de voir l'incompréhension dans les yeux de quelqu'un, de voir qu'il ne saisissait pas pourquoi Ruby était Ruby. Alors elle se refermait comme une huître, motus et bouche cousue. Avec Whisky, c'était différent pourtant. Il lui posait souvent des questions, mais elle voyait bien qu'avec lui, c'était innocent. Que ce n'était pas pour la juger, mais pour arriver à mieux s'accorder avec elle, justement. Puis au fil du temps, avec toutes ces années passées en compagnie l'un de l'autre, une dynamique s'était développée. Ils n'avaient plus vraiment besoin de se parler pour se comprendre, ou enfin, ils communiquaient de façon anormale. À coup d'insultes et de taquineries, c'était ça, leur langage.

Alors de se retrouver dans cette position, avec le visage de Whisky à quelques centimètres du sien, ça lui faisait bizarre. Il avait retrouvé ce sourire qu’il arborait trop souvent et commenta sur le baiser voler. Parce qu’elle n’avait jamais rien demandé, parce qu’elle avait agi comme ça, sur le coup, telle une kleptomane. Elle pouvait voir la rougeur de ses joues qui commençait à pâlir. Au moins, ça lui avait fait de l’effet, à lui aussi. C’était bon signe, non? S’il était resté stoïque et froid, elle se serait posé des questions. Mais ça rendait aussi les choses plus compliquées. Plus compliquées qu’elle ne l’aurait voulu. Cette spontanéité, ça commençait à la rattraper. Lentement, mais sûrement. Lorsqu’elle mentionna son coude blessé, un regard inquiet se glissa sur le visage de Whisky. Il se releva, lâchant du même fait Ruby qui resta assise sur ses genoux. Il semblait avoir mal au crâne, la chute devait l’avoir étourdi un peu. « Et toi, ça va? Tu sembles t’être cogné la tête… ». Elle savait qu’il était habitué aux chutes et aux coups, il prenait souvent plaisir à participer aux batailles fréquentes de l’Arche. Elle ne pouvait quand même pas s’empêcher de s’inquiéter un petit peu, comme à chaque fois qu’il revenait avec un bleu quelconque ou un œil au beurre noir. Il était fait fort, Whisky, mais elle n’arrivait pas à ignorer ses blessures. Avant qu’elle puisse faire quoi que ce soit, il posa sa main sur son coude, frottant légèrement. Ça avait pour but de l’apaiser peut-être, mais ça irritait plus qu’autre chose. Elle ne fit aucun commentaire, pour une fois. La situation la laissait bouche-bée, c’était un événement rare en soit. Whisky releva la tête et leurs regards se croisèrent. Il avait des yeux d’un brun noisette, cette couleur qui l’avait réconforté à plusieurs reprises, sans même qu’il s’en rende compte. Cette fois-ci n’en faisait pas exception. Il lui demande s’ils étaient finalement ex-aequo et un petit rire s’échappa de ses lèvres. « Si ça peut te faire plaisir! ». Elle était peut-être compétitive, mais elle ne tenait pas à gagner cette fois-là. En fait, c’était le moindre de ses soucis.

Elle ne bougea pas lorsque le visage de Whisky se rapprocha du sien. C’était à son tour, de rester immobile, d’attendre qu’il se passe quelque chose. Leurs lèvres se rencontrèrent une nouvelle fois, et même si ça restait maladroit, c’était agréable. Ça enlevait les tensions, ça faisait oublier le reste. Et tout ce qui tournait en boucle dans sa tête, c’est qu’elle voulait répéter l’expérience encore et encore. Mais malgré son envie, elle savait que les choses étaient plus compliquées que ça. Que ça n’était pas seulement une question contact physique ou de pulsion. Ça remettait tout en question. Mais là, comme toujours, elle n’avait pas envie de réfléchir. Elle pressa son visage un peu plus fortement sur celui de Whisky. La chaleur envahissait ses joues et elle ne voulait simplement pas se détacher de l’embrasse, comme la fois d’avant. Elle se détacha pourtant de lui, finalement. « J’voudrais pas avoir de dette envers toi… Qui sait les choses que tu vas vouloir me faire faire! ». Ça sonnait moins bien que dans sa tête et sur le coup, ça la gêna un peu. Mais la gêne n’existait pas entre elle et Whisky. Du moins, pas habituellement, et elle ne voulait pas que ça change. « Alors c’est ça maintenant, ta technique pour gagner? Tu projettes les gens au sol? » Ruby essayait de rattraper le coup, de mettre derrière eux ce qui venait de se produire. Parce qu’ils ne seraient pas capables d’en parler convenablement, parce que ça mènerait seulement à une série de bafouillements. C’était mieux de cette façon, non? Ils avaient franchi une première étape de l’adolescence et puis voilà. C’était tout.

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Whisky & Ruby

Lorsque la main de Whisky quitta le visage de Ruby, elle eut une petite moue, presque imperceptible. Elle ne voulait pas que ça s’arrête et pourtant, c’était elle qui avait mis fin à tout ça. Qui avait séparé son visage du sien. Ses joues étaient encore rouges et la trace de Whisky se faisait encore sentir sur ses lèvres. Les papillons s’agitaient dans son ventre et ses yeux étaient illuminés. Franchement, les hormones à l’adolescence, ça pouvait créer toute sorte de choses. Et malgré tout ça, malgré cette pulsion, cette attirance, elle ne se doutait pas de ses sentiments pour Whisky. Elle ne se doutait pas que ça avait changé, l’espace d’un moment, que ça ne serait plus jamais pareil. Elle était trop bornée, Ruby, pour s’imaginer tout ça. Elle arrivait à tromper son propre esprit et à se faire croire toute sorte de choses. Il lui dit qu’elle était pas une fille facile et il avait raison, il la connaissait bien. Quand elle avait une idée en tête, elle fonçait et personne pouvait la faire changer d’avis, pas même Whisky. Enfin, il l’avait peut-être freiné dans son élan, une fois ou deux, lorsqu’elle s’apprêtait à faire des choses trop risquées. Parce qu’elle n’avait pas cette notion innée du danger, elle s’en foutait un peu au fond. Elle voulait vivre et vivre à sa manière. Déjà que l’Arche l’empêchait dans ses moyens, le reste elle le gérait à sa guise. Et ça, Whisky, il arrivait à le comprendre. Il arrivait à comprendre pourquoi elle pouvait agir de cette façon, pourquoi elle ne semblait pas vouloir s’arrêter. Elle avait besoin de ça dans sa vie. De quelqu’un qui puisse l’accompagner sans la juger. C’était pas trop demandé, non? Elle lui donna un petit coup sur l’épaule, juste pour dire. Parce qu’il disait que c’était dommage, même si elle savait qu’il ne le croyait pas vraiment. « On sait bien, toi t’aimes la facilité. » Il aurait bien voulu que les filles se jettent à ses pieds. Et c’est ce qu’elle avait fait, quelques instants plus tôt, non? Mais c’était juste un instant.

Ruby attrapa la main qu’il lui tendait en prenant bien soin de mettre tout son poids dessus en se relevant. Elle n’allait pas lui rendre la tâche facile, quand même. Elle vit son corps pencher dangereusement vers l’avant, mais il se rattrapa au dernier instant et la tira vers le haut. Même avec tout son poids, elle n’était pas bien lourde. Grande et mince, c’est ce qui l’avait toujours caractérisé, mais encore là, sur l’Arche, la plupart des gens étaient minces. La nourriture n’était pas en abondance et il était difficile de trop manger. Elle préférait participer au trafic illégal d’alcool plutôt que de nourriture. Parce que les brocolis, ça l’aidait pas à oublier où elle se trouvait. Y’avait que l’alcool qui arrivait à faire ça… et Whisky. C’était du pareil au même. Une fois debout, il mima sa nouvelle tactique de course et elle n’eut d’autre choix que de rire. Il était drôle, parfois. Même souvent, mais elle ne le disait pas trop fort, ça pouvait vite lui monter à la tête. Son rire, éclatant et sincère était suffisant. « Elles sont peut-être sensibles, les parois, mais elles font un beau boulot pour me garder enfermée. » C’était sorti tout seul, sans qu’elle puisse même le retenir. Elle ne voulait pas assombrir l’ambiance, elle ne voulait pas mettre sa colère entre eux deux, encore une fois. Parce que ça lui arrivait souvent, constamment. Et là, c’était son anniversaire. Whisky avait préparé tout ça pour elle, pour la faire oublier, justement. Elle n’avait pas le droit de tout gâcher, comme ça. Elle se mordit les lèvres, un air coupable dans les yeux. Elle savait qu’il ne lui en voudrait pas, mais elle s’en voulait déjà elle-même. C’était bien le seul qui arrivait à lui faire ressentir une once de culpabilité.

Puis ses pensées furent coupées par un bruit de pas dans le couloir adjacent. Un garde approchait. Elle n’eut même pas le temps de réfléchir que Whisky l’attrapait par le poignet et s’élançait de l’autre côté. Ils courraient et Ruby jeta un regard en arrière. Le couloir était encore illuminé par les peintures fluorescentes, ça allait bien mettre en rogne les gardes. Un point de plus pour Rubsky. Elle reporta son attention devant elle, cherchant un endroit où se cacher. Ça ne devait pas être bien difficile, elle connaissait l’Arche sur le bout des doigts. Elle le poussa bientôt vers une petite porte dissimulée dans un des couloirs. Ça faisait office de placard à balais et l’endroit était toujours bien accessible. S’ils s’assuraient de ne pas faire de bruit, le garde n’aurait aucune chance de les trouver. Elle se pencha légèrement, Whisky derrière elle, et s’installa dans l’ouverture. Avec toutes les choses qui s’y trouvaient déjà, il y avait à peine assez d’espace pour eux deux. Elle se contorsionna de manière à ce qu’il puisse la rejoindre et elle referma le panneau derrière eux. La pièce, qui n’était normalement pas éclairée, prit une teinte bleutée. C’était Whisky, la lampe fluorescente. Il brillait dans le noir, la peinture étalée de part et d’autre sur son corps et dans son visage. Vraiment, il n’avait pas fait bien attention. « Reste plus qu’à attendre. » Elle sourit, complice. On ne pouvait pas dire que ça lui déplaisait, d’être là avec lui.

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Whisky & Ruby

« T’en rates pas une. D’abord tu m’embrasses, et maintenant tu m’attires dans un endroit exigu. » Ruby roula les yeux vers le ciel, feignant d’être ennuyée par la remarque de Whisky. Il aimait bien se faire désirer et s’il avait la chance de la taquiner par-dessus tout ça, c’était impossible à manquer. Et même si elle le trouvait souvent ridicule, cette fois-ci, il y avait peut-être une part de vérité. Peut-être, parce que tout était conditionnel. Les choses pouvaient changer d’une minute à l’autre et avec leurs caractères bouillants, on ne savait jamais ce qui allait se produire par la suite. Peut-être, parce qu’elle-même ne savait pas ce que tout ça voulait, où ça pouvait mener. Elle ne s’en souciait pas particulièrement non plus. Ils s’amusaient, y’avait pas de place pour le doute et les questionnements. « Ça a l’air de te déranger finalement, tu veux aller saluer le garde? » Ruby blaguait, bien évidemment. Il aurait été hors de question que l’un ou l’autre sorte de leur cachette, ne serait-ce que pour jeter un coup d’œil. Tant qu’il doutait de la présence d’un garde, c’était trop risqué. Puis jamais elle le laisserait seul face à la peine d’emprisonnement, tout comme il la laisserait jamais seule non plus. C’était pas une entente dont ils avaient discuté, le sujet n’avait même jamais été effleuré, mais c’était compris. Comme beaucoup d’autres choses entre eux qui n’avaient pas besoin d’être dites. Quoi qui l’en soit, l’espace restreint comprimait leurs deux corps et le rire de Whisky se perdit doucement entre les deux. Il passa rapidement sa main devant le visage de Ruby, replaçant une mèche qui tombait près de ses yeux. C’était inhabituel de sa part, un geste si doux, si peu maladroit. Ça devait être l’adrénaline du moment qui lui donnait un peu plus de contrôle sur ses actions. Pourtant, son regard renvoyait l’excitation d’une sauterelle prête à bondir sur tout et n’importe quoi.

Puis la malice changea les traits de Whisky alors que sa main quitta son cou, là où elle s’était déposée. Ruby écarquilla les yeux, un peu surprise de la chose, même si au final, ça n’était pas si surprenant que ça. « T’as de la chance que je me sente d’humeur généreuse ce soir. » Les pas du garde se rapprochaient et les paroles étaient murmurées. Une sorte d’excitation monta en Ruby, en partie parce qu’elle entrevoyait déjà le ventre de son ami et de l’autre parce que la situation était complètement ridicule. Un rire lui monta à la gorge, mais elle fit tout pour le retenir, déjà qu’ils jouaient avec le feu. Elle le regarda faire, sans dire un mot, ce qui était plutôt rare de sa part. Quand elle n’était pas obnubilée par sa colère incessante, elle était un vrai moulin à parole. Encore plus quand elle avait un verre ou deux dans le corps. C’était une chance que Whisky n’ai pas pensé à voler une bouteille chez son père. Avec l’alcool dans le sang, ils n’auraient jamais pu se cacher aussi facilement. C’était difficile de courir lorsque les images se dédoublaient devant soit, ça elle l’avait appris bien rapidement. Bientôt, les bras de Whisky n’eurent plus de place pour s’allonger et il resta dans cette position inconfortable où l’encolure de son chandail ne voulait plus laisser passer sa grosse tête. Pendant un moment, Ruby l’observa. Il commençait à prendre des muscles, à se définir et franchement, ce n’était pas désagréable à regarder. Elle prit tout de même soin de ne pas trop s’attarder, elle ne voulait pas qu’il se fasse des idées, tout de même. Après il ne pourrait plus s’arrêter d’en parler. « Un problème? » La moquerie teintait sa voix, toujours à peine plus forte qu’un murmure. Elle prit finalement soin de l’aider à se débarrasser du bout du tissu. Et maintenant quoi? Il enlevait son pantalon? Il avait à peine d’espace pour allonger ses jambes, encore moins pour se lever debout. Mais après, elle n’était pas certaine qu’elle veuille aller plus loin. Parce oui, c’était drôle. Oui, c’était amusant. Et le sang qui bouillait dans ses veines, l’excitation qui lui brouillait le cerveau, tout ça la propulsait vers lui. Mais ce n’était peut-être pas la bonne occasion, le bon moment. Y avait-il vraiment un bon moment pour quoi que ce soit? C’était troublant. Elle n’avait pas l’habitude de ressentir ces choses-là, de se poser des questions du genre. C’était donc ça, l’adolescence? C’était donc ça, d’arriver à ses quatorze ans? « T’as peinturé nu ou quoi? Comment t’es arrivé à t’en foutre sur le ventre? » Ruby s’exclama un peu trop fort et plaqua sa main devant sa bouche. Les bruits de pas s’étaient éloignés, mais la menace régnait encore.