On ne peut pas voyager sans être dérangé {Ft. Seena}

Seena & Alma

La liberté a un prix et si ce n'est pas le prix de la vie, alors il s'agira du prix du sang.   

La douleur devenait tout bonnement insupportable, à un tel point qu'elle commençait à en perdre la raison Il avait été difficile de s'enfuir de pareille prison, mais l'oiseau sauvage qu'elle était avait réussi à s'envoler de ses propres ailes malgré les menaces proférées par ses aînés. Il n'y avait plus de retour en arrière possible, mais pour rien au monde elle ne regrettait son choix. Des années qu'elle étouffait entre ses barreaux, dans cette cage dont on avait perdu la clé. De ses doigts, elles avaient réussi à briser ses chaînes et à fuir loin de cette dictature adroitement dissimulée.

Comment rester inactive quelques heures de plus, elle n'avait pu supporter l'idée de ne pouvoir rien faire. Tara était peut-être encore en vie, et si elle ne l'était pas, elle refusait de laisser son corps aux mains de ces brutes. On lui avait brièvement expliqué les mœurs des différents clans présents sur cette Terre. Il lui avait été difficile d'adhérer à certaines d'entre elles. Seena portait tous ses espoirs dans les Trikrus. Leur justice était la bonne, elle en était sûre.

Une goutte de sang se glissa dans son œil, brouillant sa vue. Un juron s'échappa de ses lèvres et elle tenta de régler le problème d'un revers de main, mais rien n'y faisait, tout allait de pis en pis. Une branche vint lui caresser le visage, elle fut prise d'un sursaut. A bout de force, Seena s'écroula sur le sol et prit appui sur un tronc. Son cœur battait à cent à l'heure dans sa poitrine fatiguée. La nuit recouvrait, de son voile, la pâle luminosité de la fin du jour. Ses doigts s'enroulèrent autour d'un morceau de tissu qu'elle appliqua contre son crâne. Et malgré cette douleur qu'elle ne pouvait ignorer, un large sourire illumina son visage. Elle avait réussi.

Elle avait bien cru sa vie terminer lorsqu'elle avait franchi les grillages du camp Jaha. Un garde l'avait remarqué, elle avait dû terminer son plan dans la précipitation. Hélas, un fil de fer lui avait ouvert le côté gauche du crâne. Sa crinière blonde l'empêchait de connaître l'étendu des dégâts et elle n'avait pas de quoi raser cette parcelle de tignasse pour se soigner. Le tissu fut rapidement imprégné et la blonde voulut prendre le soin de le changer quand des pas venus d'ailleurs la firent sursauter. "Qui est là?" Son pistolet était hors de portée pour l'instant.

Seena & Alma

La liberté a un prix et si ce n'est pas le prix de la vie, alors il s'agira du prix du sang.   

Une terrienne. Seena figea le moindre de ses mouvements, son regard ne lâchait plus cette silhouette inconnue. La blonde était toujours dans le territoire des Trikrus, il devait sûrement s'agir d'une des guerrières du clan. Il était, tout bonnement, impossible de se défendre dans pareille situation. Elle avait fait la bêtise d'utiliser ses dernières énergies pour mettre le plus de distance entre elle et le camp. Ses jambes étaient fatiguées et ses muscles refusaient de coopérer. Son arme était soigneusement cachée dans le sac qu'elle avait déposé un peu plus loin. Le moindre geste brusque et il en était fini de sa personne.

Elle l'observait s'approcher sans piper le moindre mot, ses doigts étaient crispés sur ses genoux et son cœur tambourinait comme un fou dans sa poitrine. L'idée de la mort ne l'avait jamais autant effrayé de toute son existence. Mais, comme par miracle, la voix à l'accent coupé au couteau vint la rassurer. Les grounders, certains d'entre eux, ne craignaient pas les gens de son peuple. Seena comptait sur ses personnes pour la faire devenir quelqu'un de meilleur. Sa respiration se bloqua dans sa gorge et ses dents vinrent mordre ses joues pour empêcher ce cri de terreur de  s'échapper.

Elle pouvait sentir ses cheveux s'effondrer sur le sol, une mèche après l'autre, quelques rebelles venaient se glisser au creux de sa nuque, maigre vengeance pour une trahison comme celle-ci. Il s'agissait de l'unique héritage de sa mère, cette crinière d'or qu'elle avait toujours pris soin d'entretenir. Hélas, il fallait soigner sa plaie avant qu'elle ne s'infecte et cette crinière était un véritable obstacle. Seena se laissa donc faire, fermant les yeux alors qu'on prenait soin d'elle. De nouveau, ses dents se serrèrent face à cette brusque douleur, mais elle tint bon.

L'inconnue s'en alla pour quelques minutes et la blonde en profita pour ouvrir les yeux. Ses doigts vinrent frôler le côté gauche de son crâne, un frisson la parcourut quand elle put sentir la fragilité de sa peau. C'était si étrange. Du sang vint poisser sa main qu'elle retira rapidement. Elle ne voulait pas empirer la chose. La terrienne revint enfin et ses sourcils se froncèrent lorsqu'elle la vit, un bouquet de fleurs à la main. Que fabriquait-elle? Etait-ce vraiment le moment de la courtiser?

Mais son esprit fut rapidement rassuré en la voyant utiliser les fleurs comme un remède. Enfin, elle sut son nom. Alma. Elle ferait en sorte de le retenir. "Seena. Je m'appelle Seena."  Il lui était si inhabituel de ne pas prononcer son nom de famille. Mais il fallait qu'elle s'éloigne de cette ancienne vie, le plus tôt serait le mieux. "Merci de m'aider. J'ai bien cru que tu allais me tuer au départ."

Seena & Alma

La liberté a un prix et si ce n'est pas le prix de la vie, alors il s'agira du prix du sang.   

EElle n'était pas bavarde, ça ne dérangeait pas Seena. Enfin peut-être que si. Il lui avait été difficile d'engager des conversations profondément intéressante avec les Terriens. La chance n'avait jamais été de son côté dans ces moments-là. A croire qu'un membre de son clan s'était amusé à la suivre à chacun de ses déplacements pour l'empêcher de dialoguer avec eux. Les connaître, voilà ce qu'elle avait toujours voulu. Son regard se promena sur la silhouette d'Alma et un sourire étira ses lèvres. La beauté des femmes d'ici était particulièrement envoûtante. Ses doigts vinrent jouer avec un brin d'herbe qu'elle venait d'arracher et elle chassa d'étranges pensées de son esprit. Ce n'était pas le moment de penser à ça.

Elle s'empara des fleurs que lui donnait la terrienne et la remercia brièvement dans ce langage qu'elle avait brièvement appris. Peut-être que la confiance s'installerait-elle plus facilement si elle prouvait qu'elle s'intéressait à ce peuple? Elle rangea les plantes dans son sac et grimaça quand sa blessure se mit à lui faire mal. Mais Seena l'ignora. Ses doigts s'emparèrent des siens et la froideur de sa main fut soulagée par la chaleur de la sienne. "La fatigue m'empêche de marcher droit, mais je m'en sors." Un bref rire s'échappa de sa gorge et elle vint sagement s'appuyer sur elle.

"Je viens de m'échapper et je suis perdue. Je n'ai pas vraiment eu le temps d'organiser un meilleur plan. Et toi d'où viens-tu?" Le vent caressait doucement son visage et la froid vint mordre ses joues.

Seena & Alma

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E La chaleur qui se dégageait de la Trikru lui permettait de ne pas périr sous les assauts incessants du froid. Elle avait perdu, tout de même, pas mal de sang dans sa fuite et ses forces étaient désormais minimes. Il lui fallait quelques heures de sommeil et de quoi remplir son estomac si elle ne voulait pas servir de repas aux bêtes sauvages qui peuplaient la forêt. La marche se faisait lente, mais se montrait efficace. Le sac de Seena ne cessait de gagner en poids au fil des minutes et la blonde crut bien s’écrouler au sol lorsqu’elle vint saluer une racine qui s’était montrée un peu trop curieuse. Ce n’était pas le moment de se faire une entorse.

Elle fit quand même l’effort d’écouter la terrienne avec le sourire. Cet accent était à la fois très amusant et séducteur, elle devait retenir ses pensées de vagabonder un peu trop du mauvais côté. Sa fatigue n’aidait pas le sérieux à ne pas faillir. Elle se racla bêtement la gorge et se redressa légèrement, à rester courber comme ça, elle ne faisait qu’empirer l’était de son dos. « C’est une très belle idée. Je n’ai pas eu la chance de découvrir d’autres paysages depuis que je suis arrivée sur Terre. » La triste s’était faite sentir dans sa voix.

Enfin elles atteignirent une grotte et Seena poussa un soupir de soulagement lorsqu’elle fut déposée au sol. Ses yeux se fermèrent d’eux même, mais elle se força à rester éveillée. Ses ongles vinrent s’enfoncer dans la paume de sa main, la douleur fut telle que son sommeil s’envola pour de longues minutes. Elle observait Alma, cette dernière tentait en vain de faire un feu. Un bref sourire presque compatissant étira les lèvres de la blonde qui vint se traîner jusqu’au bois sec. « Attends. » Ses doigts salis par son sang vinrent fouiller sa poche à la recherche de ce précieux objet qu’elle avait réussi à  voler.

« Tada. » Seena ouvrit le clapet du briquet et vint jouer avec la molette pour que cette dernière crache une légère flamme. Elle vit une pointe d’angoisse dans le regard de sa compagne précaire de route. « Je ne vais pas te faire de mal avec ne t’inquiète pas. » Sagement, elle vint attraper de quoi créer un petit nid de flammes puis déposa le tout au creux des branchages. Rapidement les langues de feu vinrent lécher le bois. « Voilà le travail. »

Seena & Alma

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S eena n'était en rien surprise de la curiosité de la Trikru. Son regard continuait d'observer les flammes lécher le bois craquant du feu alors que ses doigts volaient de nouveau le briquet pour le tendre à Alma. Un bref sourire étira ses lèvres abîmées. "C'est un briquet, il y a un réserve de gaz à l'intérieur qui permet la création du flammes. Je ne peux t'en expliquer plus, je ne suis pas savante." Elle se mit à rire malgré sa gorge sèche et sa voix cassée. Il était agréable de pouvoir converser de la sorte avec une Terrienne, elle en avait toujours rêvé depuis son arrivée. Et puis, la blonde était rassurée que Alma la prenne aussi facilement sous son aile. La mort avait failli la frôler après tout.

Lorsque le sac fut ouvert, Seena put entendre son ventre crier famine. Elle n'avait pas eu la chance de se remplir l'estomac depuis une bonne journée. Ses doigts étaient avides de bondir sur la viande pour la dérober, mais son esprit restait tout de même plus fort et le malheur fut évité. Alma lui dit qu'elle pouvait en prendre. "Merci beaucoup." Elle s'empara d'un morceau et fit abstraction de sa mâchoire douloureuse. Elle mordit à pleines dents et mâcha sans se plaindre. Il fallait qu'elle reprenne des forces et au plus vite.

Son regard océan croisa le sien et elle se permit de poser son morceau le temps de lui répondre. La beauté des terriens était fortement mystérieuse et envoûtante, elle semblait moins artificiel. Chose complètement stupide, mais Seena n'avait pas la force de raisonner correctement. "Je le fuis, je ne supporte plus le conseil. C'est une véritable dictature." Elle parlait sans langue de bois. "Et toi? Qu'est-ce que tu faisais dans les bois?"

Seena & Alma

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Tout en remplissant son estomac, Seena prêtait une oreille attentive à la personne qui lui avait sauvé la vie. Il lui était arrivé de discuter avec des terriens, mais ils avaient tout de même distants et les brefs mots échangés l’avaient laissé sur sa faim. Elle avait soif de connaissance et Alma semblait être dans la capacité de la désaltérer. « C’est difficile de désobéir à une mère. »

Seena ne savait pas comment fonctionner le cercle familial sur Terre, mais elle se souvenait à quel point elle avait eu du mal à contredire sa propre mère. Elle avala son dernier morceau et posa ses mains sur ses genoux, se rapprochant quelque peu du feu pour réclamer sa chaleur.

Ses yeux océans se levèrent sur les ombres dansantes sur le visage d’Alma et continua de boire ses paroles malgré la fatigue qui ne cessait de la frapper sournoisement. Elle ne tomberait pas dans les bras de Morphée, pas tout de suite, elle n’était plus une enfant, elle avait le droit de décider à quel moment elle souhaitait le rejoindre dans ses draps de rêves. Seena hocha la tête pour lui faire comprendre qu’elle l’avait écouté et modifia un peu sa position pour ne pas se faire mal au dos.

Puis vinrent les questions et Seena fixa les flammes dansantes de leur feu. Elle pinça les lèvres alors que diverses idées se battaient en duel dans un coin de son esprit. « Je n’y ai pas vraiment réfléchi, mais quelqu’un m’attend quelque part dans ce monde. » Elle se gratta la tempe et prit une légère inspiration avant de planter son regard dans le sien. « Tu crois…. Tu crois que tu pourrais m’aider quelques jours ? Que je puisse m’habituer à cette nouvelle vie ? »