« Bien sur que ça l’ennerve. C’est un peu comme si elle perdait à son jeu, et je ne  pense pas qu’elle soit du genre à aimer perdre. »  meme si elle avait offert de l’alcool à Luka, pour la manche qu’elle avait gagnée.  Au moins, elle n’avait pas été trop mauvaise joueuse. Luka avait eu peur sur le moment. Et elle en vint à se demander si peut être il y’avait une chance qu’elle puisse jouer la vie de ses camarades dans une partie nouvelle. Une réussite une libération. Un échec une mort. Est ce qu’elle était capable de faire ça ? Est ce qu’elle pouvait prendre ça sur ses épaules encore ? Oui, elle le pouvait. Elle était sure qu’elle en était arrivée au point où elle le pouvait.  Enfin, ce n’était qu’un rève un peu stupide, une mauvaise idée. Elle ne vocalisa rien.  

Au lieu de ça, elle se blottit contre Lily, et elle grava cet instant dans un coin de sa tête, et elle y repenserait lus tard, comme un canot de sauvetage.  Et tant pis si elle sentait des regards, et tant pis si… Non, pas tant pis. Elle ne voulait pas que les gens pas contents avec elle s’en prennent à Lily… Elle… Elle poussa a nouveau un petit soupir, et au lieu de partir la dessus, elle parti sur une autre question. «  Je dirais un mois, peut être 40 jours. J’ai perdu le compte au bout de vingt-six je crois. » Et elle savait qu’ils en étaient loin des vingt-six maintenant. «  Je me disais, tu sais, tant de jours et nous n’avons vu toujours personne d’autre. Aucune autre station, et aucune trace des enfants. Je pense qu’il y’a des chances qu’ils soient en vie ailleurs. »  Et même si elle n’y croyait pas vraiment, elle voulait presque mentir pour Lily. Elle, qui n’avait jamais voulu, jamais vraiment su mentir comme ça. Elle était prête à simuler un espoir pour que la blonde ait cet espoir la, pour qu’elle ait quelque chose à quoi se rapprocher, et l’offre à Bryan aussi. C’était un peu sa façon de se faire pardonner Luka, jouer avec quelques mots, pour insuffler quelque chose.  Ça finirait par lui retomber dessus un jour. Enfin…  Si elle voyait ce jour la.

Elle se livrait en aveugle a un sale destin, Luka. Et toujours ça avait été comme ça. Ça n’avait pas vraiment changé avec la terre, sur l’Arche. Ca avait toujours été un chemin de croix un peu la vie, pour elle. Alors, être ici, être la haut, c’était toujours des souffrances qu’elle prenait sur ses épaules. Mais elle avait fait l’effort de donner un espoir à Lily, l’espoir de se raccrocher à quelque chose. Elle avait essayé. Elle avait essayé de ne pas être elle même, de ne pas garder ce coté défaitiste, cet air résigné. Pour faire quelque chose de bien. Ça n’avait pas marché, et voir Lily perdre complètement son optimisme, venait de lui briser le cœur. C’était un vieux cliché un peu, usé dans la littérature, mais elle aurait pu l’entendre se fissurer. Lily était son dernier espoir, et même la flamme de l’espoir venait de vaciller et de s’éteindre. Luka rouvrit les yeux pour fixer le flou de la grotte. Il lui fallut du temps, pour qu’elle reprenne sa respiration, et si sa tête ne quitta pas l’epaule sur la quelle elle était appuyée, sa main alla chercher celle de Lily pour la serrer un peu mieux. « Je ne voulais pas t’y faire penser. » Et elle était si fragile dans ses paroles Luka, qu’on aurait pu ne pas la reconnaître, qu’on aurait pu se demander qui était cette femme si humaine, si brisée. Elle commençait à l’être d’ailleurs, fissurée de partout et peut être que l’air défaitiste de la blonde était le coup ultime.

Elle tenta de se ressaisir alors. Elle tenta d’esquisser une espèce de sourire qui ne toucha qu’un dixième de ses lèvres. « Pour un peu, on croirait que les rôles ont changés. » Et elle ferma les yeux à nouveau, comme si regarder les ombres et les gens, était trop compliqué. « Mais contrairement à toi, je ne suis pas assez forte pour porter le manteau de l’optimisme. » Et c’était sincère, cruellement sincère. Elle laissa après ça quelques instants de silence s’infiltrer. « Ça m’apprendra je crois à vouloir transmettre un espoir que je n’ai même pas. » Et elle avouait au fond, qu’elle même n’y croyait pas.

Et comment faire quand la seule lueur d’espoir refusait de l’être ?  C’était trop dur pour Luka d’accepter de l’être, de prendre sur elle, peut être pour offrir une solution, pour offrir un peu de lumiere. Alors finalement elle baissa metaphoriquement les bras, et elle abandonna toute idée d’être l’optimiste du groupe, ça ne lui allait pas bien de toute façon.  Alors finalement oui, elle laissa sa tête sur l’épaule de Lily, et elle décida peut être qu’elle n’en bougerait plus, jusqu’a ce qu’une nouvelle torture n’arrive, jusqu’a ce que quelqu’un ne vienne repandre du sang nouveau sur le tableau devant elles. Et peut être qu’elle n’avait tout simplement plus la force de parler. Et pourtant… Entendre Lily aussi fataliste que ça, ça lui brisait le coeur, clairement.    « Peut être que tu comprends pourquoi je voulais mourir maintenant. »  Et c’était juste abject de dire ça peut être. Ou peut être que ça avait été plus fort qu’elle. Elle poussa un soupir.  « Laisse je n’aurais pas du dire ça. »  

Et Lily parla des fleurs provoquant une vague de nausée dans la gorge du professeur. Alors elle pesa longuement ses mots avant de repondre.  «  Je ne sais pas. »  Et elle n’aimait pas ne pas savoir Luka, Elle n’aimait pas ne pas être capable de faire mieux sourire la blonde, elle n’aimait pas être ici, enfermée, elle n’aimait pas tout ce qui arrivait depuis des jours, depuis des mois, depuis le debut de son existence en fait.  « Tu sais quoi ? »  ouvrant les yeux, elle tourna la tête vers la femme medecin, et elle la fixa quelques instants «  J’y pense aussi à ces fleurs. Et à tout ce que la Terre peut nous reserver. Alors peut être que ça ne sera pas demain, ni même dans encore 40 jours, mais je suis sure que tu les reverra, et elles te paraitront encore plus belles qu’avant. »   Et elle n’avait clairement rien du guerrier Luka elle n’était qu’une professeur de civilisations, pas physique pour deux sous, mais mentalement, elle était probablement plus forte que la plupart des autres prisonniers. Alors ouais, elle se promettait une fois de plus, de tenter de tout faire pour les proteger, meme ceux qui les aimaient pas.  « On est un peu comme des fleurs qu’ils ont pietinés et arrachés à leur environnement en fait. Mais les fleurs ça repousse toujours, un peu comme certains d’entre nous repousserons, et survivrons à tout ça. »  Et peut être qu’elle delirait. En meme temps, avec tout ce qu’elle avait vécu.

Elle pouvait comprendre que Lily veuille rester cachée si jamais elles sortaient d’ici. Elle pouvait comprendre oui. Mais ça n’était pas forcement quelque chose qu’elle voulait entendre Luka. Ce qu’elle aurait voulu entendre, c’était des longs débats, des longues conversations, comme avant que tout se casse. Et le reste, ça lui faisait mal à Luka, de savoir que désormais les choses avaient changées, de ne plus entendre la vrai Lily. Lily était brisée. Et si Luka arrivait à composer avec ses fêlures à elle, elle n’arrivait pas à composer avec celles de ses constantes. C’était aussi pour ça, pour cet égoïsme qu’elle n’avait pas forcement voulu rester avec les autres. Pas seulement parce qu’elle avait l’impression d’amener le malheur, non… Aussi parce qu’elle n’arrivait pas à affronter le malheur que vivaient les autres. Elle avait un soucis dans sa tête peut être. Elle avait… Non, en vrai elle n’en avait pas qu’un. Et elle aurait pu se rouler en boule à nouveau. Elle ne repondit pas vraiment du coup, pas à ça. Et elle tenta l’optimisme défaitiste un peu. Elles sortiraient peut être. Brisées, mais en vie. Peut être. Elle, elle n’en avait pas forcement envie. « Dommage que la thérapie ne fasse pas tout. » Et c’était un peu amer, parce que Luka se souvenait un peu de ce qui s’était passé avec les thérapeutes sur l’arche, et que ça ne lui avait pas enlevé ses envies de suicides. « Finalement… C’est pas un psy qui m’a soigné sur l’Arche. Et surement pas un psy qui m’a enlevé l’envie d’en finir avec la vie.» A vrai dire, c’était une envie qui n’était pas vraiment partie. Soit. Les faits étaient la, la seule personne pour la quelle elle était restée en vie à la fin, c’était Lily. Longue histoire. Ca reboosterait peut être le moral du docteur d’entendre parler de cette bonne action ? Même au milieu de cette grotte abjecte, sanglante et puante.

Mais la question la scia sur place et Luka détourna définitivement son regard de Lily, comme si elle ne pouvait pas lui mentir en face, comme si elle ne voulait pas lui mentir en face. « Je ne sais pas. » Et elle aurait voulu dire autre chose. Elle aurait voulu être source d’espoir, de sourire. Elle haussa les épaules. « J’aurais voulu te dire que oui, que voilà, un jour nous sortirons. Mais je suis incapable de mentir, surtout à toi, surtout pour ça. Ce que je peux te dire en revanche, c’est que je ferais tout ce qui est en mes faibles capacités, pour que tu puisse sortir un jour. » Elle fronça les sourcils après ça, et ramena ses mains devant elle, rompant un peu le contact. « Je t’ai promis que tu reverrais les murs métalliques de l’Arche, alors tu vois… Pour une fois j’aimerais que le destin ne me fasse pas mentir. » Et elle eut un long moment de silence, laissant peser ses mots quelques instants. Ça signifiait un peu le sacrifice oui. C'était comme ça. Elle n'hésiterait pas.

« Je ne te mens pas. » C’était sorti tout seul. Elle tenait au fait qu’elle ne mentait pas vraiment Luka, pas à Lily. « Et je dois croire en ce que je te dis. pour éviter de devenir d’avantage folle. » Et c’était clair finalement. Elle était sincère quand elle disait qu’elle ferait sortir Lily de la si elle avait la possibilité de le faire, elle pensait vraiment à ce qu’elle disait quand elle disait qu’elle espérait pouvoir faire retourner Lily dans les plaques de métal de l’arche. Elle ne mentait pas. Mais elle savait qu’il y’avait une différence entre un espoir et la réalité. C’était juste… comme ça. Et si elle savait que les chances étaient minces, quasiment inexistantes,… Ah, ça ne servait à rien de penser à ça, et elle gardait son regard fixé dans le vide en assurant une fois de plus à la blonde à ses cotés qu’elle ferait tout pour elle, jusqu'à donner son corps et son esprit en pature à ces chiens sadiques et joueurs. A part que ça ne servait à rien ça non plus, elle sentit le regard, elle vit le sourire du coin de l’œil, et les mots se répétaient à nouveau. Elle eut un sourire triste cette fois, vraiment triste, du genre un peu crève cœur, et elle ne tourna pas ses yeux tout d’abord. « C’est fou tout de même que tu persistes dans cette idée de me voir survivre. » Et il y’avait l’amusement un peu amer qui s’entendait dans son ton, se voyait dans son maigre sourire. « D’autres que toi auraient probablement sautés sur l’occasion de m’abandonner dans un coin pour profiter de la liberté que j’aurais pu offrir. » Ses parents par exemple, qui n’avaient meme pas vraiment cherchés à la récupérer quand elle avait fuit sur l’Arche à l’epoque, qui n’avaient meme pas vraiment cherché à comprendre si elle souffrait ou pas. Et puis tous ces gens maintenant qui devaient la haïr. « Au fond si j’avais su que tu tenais à moi j’aurais peut être pas autant essayé de mourir. » Et elle commençait à délirer un peu trop. C’était peut être la fièvre, c’était peut être tout autre chose, elle fronça les sourcils et regarda son poignet quelques instants. « Dis, tu penses qu’il reste de l’eau et une espèce de torchon propre ? C’est pas que ça me fait mal, mais en fait si, un peu. » Et elle grimaça. Elle était désolée de devoir avoir recours à Lily médecin, et pas seulement Lily humaine et elle avait l’impression de trop se reposer sur elle. Mais au moins, c’était un changement de sujet, en quelques sortes. « J’aurais du profiter de l‘alcool qu’elle m’a donné, plutôt que de le boire. Je me demande si elle serait partante pour une revanche finalement. » Si elle arrivait a gagner un peu plus d’alcool après tout, elle pourrait être utile aux blessés. Et a elle-même surtout aussi ?

« On ne les dit jamais assez. » C’était rien qu’un murmure, même pas déstiné à ce que Lily l’entende. C’était juste une phrase comme ça, que Luka venait de laisser filer de ses lèvres. C’était juste un murmure oui. Et c’était vrai. On ne disait jamais assez aux gens que l’on tenait à eux. On ne disait jamais aux gens qu’ils étaient importants. Et puis un jour ils n’étaient plus la. On ne disait jamais assez merci aussi peut être et Luka savait qu’il faudrait qu’elle remercie ces quelques personnes à qui elle tenait avant de quitter cette terre. Parce qu’elle la quitterait, quoi que pouvait en penser Lily, elle mourrait avant elle, parce qu’elle s’offrirait pour leur laisser une chance de partir si un jour Charles arrivait à avoir un plan. Mais ça n’avait pas d’importance pour le moment, non, pour le moment elle avait mal à son tatouage, et un peu la nausée en le regardant aussi. Mais elle dirait rien, pas à ce sujet, pas maintenant. Elle ne voulait pas être un poids d’avantage. Elle haussa les épaules. « J’apprendrais ses règles à nouveau si elle revient. Elle ne m’effraie pas. » Et c’était peut être le plus effrayant dans tout ça en fait. Qu’elle n’ait pas peur de la folle aux osselets Luka, non, elle avait peur pour les autres, elle avait peur pour Lily, pour ce pauvre Juda qui avait une bien trop grande gueule, pour Bryan et David, pour Charles un peu aussi. Mais elle n’avait pas peur pour elle, parce que franchement, elle n’avait pas peur de souffrir, elle n’avait pas peur de mourir. Et au fond, c’était toujours grisant que de jouer avec la mort. – Elle déchanterait bientôt probablement - Soit. Elle ne voulait pas avoir peur. Elle ne se laisserait pas manger par la terreur qui semblait tous les habiter, et elle voulait rassurer Lily aussi un peu. Lily qui semblait avoir si peur pour elle. Lily, qui était si douce, si gentille.

Lily qui revenait vers elle maintenant, avec un bandage mouillé ? De l’eau. Quelque chose d’utile. Elle la laissa attraper son poignet, s’en occuper comme elle le faisait si bien, et elle s’apprêta à parler, quand Lily la devança. C’était doux et tendre un peu, et ça lui faisait quelque chose de bizarre un peu comme de l’émotion et puis peut être qu’elle eut envie de pleurer un peu aussi. Parce qu’elle voulait pas l’entendre maintenant, elle aurait preferé l’entendre plus tôt, quand elle était jeune et conne, quand elle voulait mourir tellement qu’elle aurait voulu se jeter de l’arche, se faire flotter à la place de qui que ce soit. Mais maintenant, … maintenant elle voulait pas une raison de survivre, parce qu’elle savait qu’elle allait mourir. Et le contraire aurait été non seulement étonnant mais… Douloureux oui ? Elle prit sur elle cependant, ferma ses yeux humides pour les empecher de l’être trop, et les rouvrit secs, fixant le vide un peu. « Merci. » Et c’était un peu comme si elle ne savait pas trop quoi dire. Mais Merci c’était beaucoup, sans être suffisant peut être. « J’aurais peut être aimé l’entendre plus tot. Je ne suis pas sure de pouvoir éviter les bétises maintenant que nous sommes la. » Et elle avait un air un peu blasé, un peu triste. Mais sa main libre alla attraper un morceau de Lily en aveugle, une cuisse, un bras, quelque chose comme ça, sur quoi elle pouvait s’aggriper. « Hey, tu sais quoi ? L’eau ça fait un peu moins mal que ton désinfectant. Je pense qu’on devrait bannir le désinfectant si on sort d’ici un jour. » Et elle essaya de sourire, parce qu’au fond, ça servait plus à grand chose de se morfondre sur tout non ? « J’suis pas sure de le mériter, mais j’ai droit à un bisous magique. Non, parce que ça fait encore un peu mal. » Et c’était meme pas vraiment une demande. Juste un moyen de diluer la conversation dans quelque chose de plus… relaxé ? Dans les limites des stocks disponibles.

Les sentiments étaient clairement une chose étrange pour Luka. Déjà, elle n’aimait pas s’exprimer physiquement, ensuite, elle n’aimait pas non plus s’exprimer émotionnellement. Alors oui, ça devait s’expliquer, elle n’avait pas eu d’enfance très câline, sa mère était froide, son père était occupé, personne ne voulait s’intéresser à elle, à ce qu’elle était, et Lisbeth toujours s’était senti seule, alors elle n’avait pas apprit à exprimer ce qu’elle ressentait, et au début ça n’avait jamais été un manque. Puis ensuite, elle avait exprimé les choses qui lui passaient dans le cœur et le corps de la première manière qu’elle trouvait. Ca avait été comme ça, avec des gens sur l’arche dont elle ne se rappelait meme pas forcement le nom. Ça n’avait pas d’importance. C’était encore quelque chose qu’elle essayait de comprendre, dire aux gens qu’on les appréciait, passer des bons moments, comprendre qu’elle pouvait être appréciée en retour. Et la chaleur d’une main rejoint la sienne, tandis que la chaleur des mots de la blonde s’infiltrait dans toute son ame et son corps un peu. Elle s’en rappellerait. Elle n’eut qu’un sourire oui. Et peut être que Lily aurait du le dire plus tot, ou peut être pas. Peut être que c’était juste comme ça, et que certaines choses ne se disaient que quand on étiat prête. Elle, elle tenait assez à la femme docteur pour avoir cessé quelques instants sur l’Arche d’avoir envie de mourir pour ne pas qu’elle soit triste. C’était quelque chose de fort peut être, sa façon à elle d’exprimer ce qu’elle pouvait ressentir. Et ressentir,  c’était toujours un peu étrange. Elle préféra passer sur le désinfectant, et haussa les épaules. Moins mal. Moins efficace. Elle en avait juste marre peut être de la douleur ? Peut être.  Mais elle savait que ça ne marchait pas comme ça. Elle savait que Lily avait raison, qu’elle parlait de ce qu’elle connaissait. «  Bon, on le bannira pas alors. C’est toi l’docteur après tout. »  Et il y’avait ce coté rassurant dans le fait d’evoquer un hypothétique futur, parce qu’elle se doutait Luka, que ça rassurait Lily un peu de penser à une espèce de normalité. Tout comme quand elle évoquait le passé, quand elle faisait écho à cette conversation, ces conversations qu’elles avaient eu plusieurs fois, sur les bisous magiques ? C’était un rappel à quelque chose d’un peu enfantin, comme une plaisanterie, un secret qui n’appartenait qu’a elles.

Alors elle ne put empêcher le grand sourire – dans les limites de ses sourires – qui éclaira son visage et ses yeux quelques instants, Luka, quand elle entendit Lily rire. Ça valait plus que tout le désinfectant du monde, et même que la liberté. Elle avait fait rire cette femme qu’elle appréciait, et dont chacune des souffrances lui brisait le cœur. Elle l’avait fait rire, et elle garda les yeux plus doux, moins perdus, l’espace de quelques secondes. Puis son sourire resta, alors que sous les regards probablement chargés d’incompréhension du reste des grottes, Lily déposait un baiser sur son front. C’était doux. Un peu chaleureux. Agréable. Et Luka se senti heureuse, un petit moment. Juste un léger moment, comme une cassure avec le reste des heures qu’elle passait dans ses grottes. Puis elle eut un petit rire elle aussi, plus léger que celui de Lily, mais tout aussi rare. «  Tu ne devrais pas dire ça trop fort, tu vas avoir plein de patients qui veulent en profiter. »  Et elle essayait de plaisanter un peu, mais elle avait conscience que ça devait tomber à plat. Parce qu’elle n’était pas douée pour ça. Plaisanter. Pas comme ça ?  Enfin, ça faisait du bien d'essayer d'être humaine malgré tout ce qui se passait. Ça ne durerait peut être pas.

Le normal était bien. Elle qui n’avait jamais été très en phase avec la normalité, elle commençait presque à l’apprecier. Juste maintenant peut être, juste sur le moment. Et si elle n’appréciait pas vraiment les autres, les regards et tout le reste, elle appréciait de se sentir presque normale. Grace à Lily. Parce qu’elle savait qu’elle ne l’était pas normale, elle savait qu’être normal ça n’aurait probablement pas été jouer avec la folle aux osselets, elle savait que quelqu’un de normal en aurait profité pour essayer de tuer la tortionnaire, quitte à les faire tous mourir. Mais elle n’était pas normalement, clairement pas. Elle était fidèle à ses manières de penser et d’agir, elle avait fait ça pour eux  meme si ils ne le voyaient pas. Tant pis. Bande de connards humains.  Elle savait meme pas si elle pouvait leur en vouloir.  Elle savait juste qu’elle préférait se concentrer sur des plaisanteries avec la blonde, plutôt que sur eux. Ils en valaient pas la peine. Elle haussa les épaules. «  J’pense que n’importe qui de normalement constitué apprécierait un bisous magique de ta part. »  Ou pas magique peut être, autre histoire. «  C’est moi qu’ils haïssent après tout. »  Et c’était juste le retour brutal à la réalité peut être.

Et puis il y’en eut un autre de retour au vrai des choses, son poignet était bandé maintenant. C’était un peu primitif, mais c’était fait, et elle tenta d’exprimer un remerciement avec ses yeux. Ca ne marchait probablement pas très bien. Comme neuve.   C’était un écho encore. Mais elle les aimait ces échos du passé, parce qu’ils lui rappelaient qu’un jour elle n’avait pas été qu’écchymose, bien qu’elle l’ait été beaucoup aussi. «  Je ne sais pas si j’ai été neuve un jour tu sais. »  Et c’était pour ça peut être, que malgré les fêlures que pouvaient lui infliger les tortures de ce peuple qui les prenait pour cible, elle demeurait probablement plus stable dans son genre que les autres. Parce qu’elle avait jamais été vraiment intacte en fait. Elle lâcha enfin le bras de Lily, et passa sa main derrière ses cheveux en faisant une espèce de grimace, qui en temps normal peut être lui aurait donné un air des plus attachants. C’était peut être le cas un peu mais…  Enfin… Elle n’allait pas se mettre à râler maintenant, tout allait si bien . Elle prit un peu sur elle. « J’sais pas. J’suis pas sure que tu arrives à me protéger des cauchemars. »  Et ça avait été dit, avouant une faiblesse qu’elle n’aurait jamais avoué précédemment. Clairement pas. «  Enfin, j’veux bien faire un effort, mais tu dois me promettre de te reposer aussi, et de ne pas prendre de risques parce que tu restes la. »  Parce qu’elle n’était pas stupide Luka, elle savait que certains archéens allaient probablement venir essayer de régler des comptes avec elle et qu’elle ne voulait pas que Lily ait un problème. Pas à cause d’elle. Elle avait déjà eu mal par sa faute, elle était ici par sa faute. Elle voulait pas que ça soit d’avantage. Pas encore.