J'ai rien fait moi! ft Luka

 «  Ce terme vient du latin, tu n’as pas besoin d’ajouter un s à la fin, ça serait un manque de respect pour les anciennes langues. Oui, je sais tu en as rien à foutre, et bien moi j’en ai rien à foutre de ta gueule. »    Et c’est sur cette belle parole que la jeune professeur de civilisation s’était débarrassée de la jeune femme brune avec qui elle parlait en rentrant dans ce stupide réfectoire, où des gens partageaient des morceaux de repas, ou des moments de calme. C’était lassant vraiment, mais elle s’était fait trainer ici par la personne qu’elle venait d’abandonner, alors autant passer le temps du mieux possible. Elle avait quelques devoirs à corriger de toute façon.

Cherchant une table du regard, Luka fronça les sourcils en apercevant une blonde à la chevelure bien trop connue, échouée comme un phoque sur une table, au milieu d’un chaos d’affaire. Un sourire tendre se glissant sur ses lèvres, elle se rapprocha doucement et posa livres et devoir sur la place libre, avant de tousser.  «  Prior. Reveille toi.  Tes devoirs ne vont pas se faire tout seuls. » Ça faisait quelques temps qu’elle n’avait plus la jeune fille de Lily en élève, mais ça ne l’empêchait pas de l’appréciera tout de même. Bon, a vrai dire, Luka appréciait la majeure partie de ses élèves, même les rebelles, surtout les rebelles peut être. – Peut être parce qu’elle gardait l’espoir qu’un jour ils atomisent le conseil, et surtout son père, longue histoire, ou tout simplement parce qu’elle savait qu’elle aurait pu être à leur place. -

Elle ne s’était pas forcement attendu à une telle réaction de la part de Charlie, mais bon, réveiller quelqu’un ce n’était pas toujours une tache facile, et Luka ne le savait que trop. Elle avait l’habitude d’avoir passé quelques nuits aux cotés d’une femme qui ne supportait ni les réveils, ni la lumière, ni même forcement les gens, alors…   Bref, la professeur de civilisation arqua un sourcil et regarda Charlie se masser le genou avec l’air de lui grogner un peu dessus. Pas la première fois ouais. Elle haussa les épaules, et s’assit sans plus de cérémonie en face de la jeune blonde. «  Luka.  Tu peux m’appeler Luka, j’te mordrais pas. »  Au moins, c’était plutôt clair, et sympathique aussi. «  J’me suis juste dit qu’il valait mieux que ça soit ma mélodieuse voix qui te reveille, plutôt que celle d’un malotru. »  Quoi qu’elle appréciait peut être les malotrus Charlie.  Bah, c’était pas le problème de Luka la.  Luka, qui arqua néanmoins un sourcil, quand la jeune fille parla de ses devoirs. Ah. C’était donc la le soucis ? Elle y viendrait plus tard.

Elle passa la main dans ses longs cheveux noirs pour les dociliser un peu, et arrangea ses petites lunettes, esquissant un sourire en retour à la question qui venait de s’echapper. «  Toutes les journées sont palpitantes non ? La mienne est aussi intéressante que la tienne pour le moment. »  et ce n’était pas un secret, Luka mourrait petit à petit sur cette arche dont elle avait tout tenter pour s’echapper quelques fois. Enfin, ce n’était pas un secret pour ses amis, les autres.. ne s’interessaient pas assez  à elle pour ça et c’était bien comme ça.

«  Tu dois bosser sur quoi ? Je peux peut être t’aider, ça ira plus vite, pour toi, et ça rendra ma journée un peu plus palpitante. »  

Elle avait de la répartie la mini Prior, c’était un fait. Et pour le coup, elle était quand même un petit peu plus drôle que sa mère. Mais soit, Luka n’allait pas reprocher le sérieux du doc Prior, c’était même quelque chose qu’elle admirait assez chez elle. Enfin, en un sens, elle admirait tout, mais c’était une autre histoire, et clairement pas ce à quoi elle devait se mettre à penser en face de mini Prior donc. A part que ouais, entendre Charlie critiquer un peu sa mère, ne plaisait pas outre mesure à la jeune professeur, qui fit une espèce de grimace. « Ta mère n’est pas aussi coincée que ce que tu imagines. » Bon, c’était bien ça. Ça ne voulait pas dire grand chose, mais elle prenait quand même la défense de Lily. Il fallait la comprendre, Lily Prior était une femme qui comptait beaucoup pour elle. Quelque chose comme ça. Enfin soit, vu l’humeur de Charlie ce n’était pas forcement le moment de parler du conseil avec elle, ou même de sa mère non ? Et Luka pouvait comprendre. Elle partait sur la défensive quand on lui parlait d’Eckhart, ou alors elle faisait tout simplement comme si il existait. Mais soit, il y’avait quand même une différence entre Eckhart Vargenson, et Lily Prior non ? Déjà, le premier n’était pas une jolie blonde. Humpf.

Luka secoua la tête un peu, amusée par les paroles de la jeune fille. « Non crois moi, je préfère m’écouter parler de vieilles choses qui n’interessent presque personne à longueur de journée. Ma voix est déjà bien assez demandée avec ça. » Et au moins, elle pouvait plaisanter un peu. Ça remontait vaguement le moral de sa journée. Comme l’idée de passer un moment avec Charlie oui. C’était probablement pour ça qu’elle lui avait proposé son aide pour les devoirs. Et aussi oui, parce qu’elle l’aimait bien, meme si elle n’avait jamais vraiment aimé son cours. Bref. Ouais, lui proposer son aide était une bonne chose. C’était le genre de choses qu’elle faisait parfois, Vargenson. Parce que contrairement à d’autres adultes de l’arche, c’était une bonne personne, et qu’elle s’interessait vraiment à la vie et à la survie aussi des jeunes.

« C’est parce que certaines matières sont un peu trop stupides pour être intéressantes. » Elle haussa les épaules. « Tu devrais te venger de Rick et cacher ses devoirs dans un coin. Alors, t’as quoi à faire ? Et t’inquiete pas pour ma journée, si je suis devenue prof c’est bien que j’aime apprendre non ? » Quelque chose comme ça. Relevant les yeux des copies, elle fixa quelques instants Charlie et fronça les sourcils. Elle avait pas vraiment remarqué au premier abord, mais on aurait dit que la jeune femme s’était fait passer à tabac. Les yeux de Luka se fixèrent sur elle. « Hey Charlie. Qu’est ce qui t’es arrivé ? » Elles pouvaient oublier les devoirs, si Charlie avait besoin de parler aussi.

Ça avait été plus fort qu’elle un peu, de défendre Lily devant sa fille. Mais peut être que Luka avait une vision un peu biaisée de la conseillère parce qu’elle l’appréciait. Où peut être qu’elle l’idéalisait. Enfin, c’était une longue histoire, et clairement pas la conversation qu’il fallait avoir avec Charlie, surtout pas maintenant ouais. Cependant, c’était plus fort que Luka peut être, d’essayer de défendre la conseillère, ou d’essayer de rattraper les relations familiales et de les réparer comme elle n’avait jamais pu le faire avec sa propre famille. Pas qu’elle n’ait vraiment envie de la réparer la sienne. Soit. Elle fronça les sourcils, et reprit d’une voix douce. « Certaines personnes ont besoin de respecter les règles pour pouvoir survivre à tout ça. Et certaines personnes ont besoin d’être plutôt libre, le tout pour être heureux et d’accepter aussi ce dont les autres ont besoin. » Ouais c’était assez neutre. Et assez compréhensible non ? « Regarde moi, si mes parents avaient compris ce dont j’avais besoin, je les aurais peut être pas fui. Et j’aurais probablement été plus heureuse peut être. » Ou peut être qu’elle ne l’aurait pas été. Parce que le bonheur était vain, et qu’elle n’était pas si à plaindre ? Parce qu’ainsi, elle avait pu rencontrer des gens, qui comptaient plus pour elle que le reste ? Il y’avait … Ah qu’importait. Elle passa une main dans ses cheveux et a l’arrière de sa nuque. « Je sais ce que c’est d’être fille de conseiller tu sais. Mais tu comptes pour ta mère. » Enfin, autant ne pas parler de ça. C’était mieux de se concentrer sur quelque chose peut être.

Quelque chose d’autre. Comme l’humour un peu bête de Charlie, qui amusait quand même un peu Luka. « Les maths… » Elle leva les yeux au ciel. « Ca n’interesse pas grand chose. Est ce que ton prof est joli a regarder au moins ? Ou bien c’est Mademoiselle Fox ? » Pas qu’elle n’apprécie pas Pearl, mais esthétiquement ce n’était pas son genre. Non, Luka préférait les femmes plus blondes, et plus mures… Peut être. Longue histoire ? En tout cas Charlie et son humour… C’était quelque chose qu’elle préférait entendre, que l’entendre se plaindre de sa mère oui. « Je pense que je serais curieuse de savoir la vengeance que tu as prévu. Tu me racontera ? » Et c’était complice un peu, mais Luka n’était pas spécialement une prof comme les autres. Elle n’était meme pas vraiment une humaine comme les autres. Parce que franchement, soyons honnête, qui était assez cinglé pour faire les devoirs des autres ? Surtout après s’être sorti du cycle scolaire n’est ce pas ?

Ah ! Elle fronça les sourcils à l’evocation du Français . « C’est quoi le livre ? » Mais voilà, elle fut perturbée par autre chose. Par les blessures et la fatigue sur le visage de Charlie. Et ça, ça ne lui plaisait clairement pas. Elle avait vu des gosses battus, elle avait vu des gens qui aimaient souffrir pour avoir l’impression d’exister. Elle s’était vu dans un miroir aussi. Parfois. « J’parle de ça. Ton œil, ta gueule. T’as un soucis avec quelqu’un ? »

Bien sur, ça devait avoir un petit coté chiant que Luka se mele de ce qui ne la concernait pas et de manière générale elle évitait, mais pour le coup ça avait été plus fort qu’elle. Enfin, Charlie avait été plus ou moins claire dans son ton et la leçon était comprise. Au temps pour elle, ça lui apprendrait de vouloir jouer les bons samaritains. Soit, elle se contenta d’haussa les épaules, et de changer de sujet. Ouais, parler de cours ce n’était pas forcement beaucoup plus intéressant, mais au moins ça ne braquait pas vraiment Charlie. Pas vraiment.

« Ah ces profs de matières sérieuses, qui se prennent trop au sérieux. » Elle soupira avec un air dramatique Luka. Elle enseignait peut être une matière que peu de gens aimaient – seuls les meilleurs humains peut être pouvaient apprécier ce qui avait été - mais au moins, elle ne faisait pas d’intero surprises à chaque cours. Non, à vrai dire, ses cours étaient plutôt sympa, elle faisait des ateliers pour avoir l’attention des gosses, et elle racontait des histoires, fascinantes qui parfois les endormaient. Mais au moins, ils avaient une note de temps en temps et tout le monde était content. D’ailleurs quasiment aucun élève n’avait loupé sa matière depuis qu’elle enseignait ça. Elle. Pour les professeurs d’avant c’était une autre histoire. « Sauve le tiens peut être. C’est déjà suffisant. » Et puis elle sourit, bien sur qu’elle attendrait qu’elle lui raconte. Ça reviendrait, à une autre rencontre peut être.

Tout reviendrait plus tard d’ailleurs, les devoirs, les plaisanteries. Parce que sur le coup, l’état de mini Prior, rendait Luka un peu plus qu’inquiète. Surtout avec cette agressivité dont elle faisait preuve maintenant. Un peu comme un animal acculé. Luka haussa les épaules.

« Parce que les murs te foutent souvent un œil au beurre noir. » C’était dit, avec tout le sarcasme dans sa voix, mais elle se reprit, et d’une vois basse, pour que les curieux en les entendent pas elle recommença à parler. « Ecoute, je sais ce que tu te dis. Je suis une adulte, j’apprécie ta mère, j’suis pas le genre de femme à qui t’as envie de parler. Et je comprends. Mais j’suis prof, et je suis accessoirement parfois un être humain aussi. Alors si t’as besoin de parler, j’te promets le secret. J’ne sais que trop ce que c’est quand les gens qui ne sont pas concernés se mêlent de blessures qu’ils n’auraient pas du voir. » C’était un autre cas. La seule personne coupable de ses blessures à elle quand elle était jeune, c’était elle même. Et on voyait ce que ça lui avait couté. Enfin, elle n’était pas la pour parler d’elle. Bien qu’elle n’aurait peut être pas hésité si ça avait rendu Charlie en confiance un peu plus.

« T’es trop jeune pour que je te dise ce que j’en pense. » Parce que non, Luka avait beau aimer les femmes, l’idée même de regarder les arrières train ou de juger du physique de ses élèves et anciens élèves était à milles lieux de sa façon de penser. Non, elle préférait les femmes adultes Luka un peu plus vieilles qu’elle, brunes, blondes, et puis parfois, il n’y’avait pas besoin que le physique soit particulièrement agréable tant que… Soit ! Ce n’était pas le sujet du tout.

Par contre, le sujet avait changé et était mille fois plus intriguant peut être, mais important aussi, pour la jeune professeur. Jeune professeur qui n’aimait pas vraiment qu’on se paye sa tête, mais qui n’aimait pas forcement non plus forcer les gens à parler quand ils ne le voulaient pas. Elle savait trop de choses de la vie d’une adolescente, de ce qui se passait parfois, et elle était mitigée parce que ça pouvait être grave, parce qu’il y’avait peut être quelque chose d’horrible qui se passait dans la vie de Charlie et qu’elle ne voulait pas être un témoin muet comme l’avaient été ses parents a elle. Mais aussi, parce que Charlie n’avait pas forcement besoin qu’on l’empeche d’exister comme elle le voulait. Alors elle ne savait pas vraiment ce qu’elle devait faire. C’était plus facile de ne pas s’en mêler. C’était plus facile de… elle poussa un soupir.

« Faudra que tu me presente ton mur. J’ai toujours rêvé d’en rencontrer un qui réplique quand je lui fou un coup de poing. » Au moins, elle essayait de le prendre un peu avec plaisanterie. « Enfin ok, j’te croirais presque si tu me regardais dans les yeux. Mais j’vais pas insister. C’est ta vie Charlie. C’est pas celle de ta mère, c’est pas la mienne, et c’est pas non plus celle de tes camarades avec qui tu fais probablement des petites soirées animées. Fais y juste attention parce qu’elle est importante. » Et elle ne savait que trop, Luka, que marcher, parler et respirer n’étaient pas synonyme de bien aller.

Et bim ! Une prof qui avait visé juste ! En même temps, ce n’était pas comme si elle n’était pas au courant que certains gosses faisaient des soirées clandestines, elle connaissait même une femme, une scientifique géniale, qui en organisait, alors… Enfin, comme elle l’avait dit, elle n’allait pas insisté. La réaction de Charlie venait juste de lui donner raison, c’était tout ce qu’elle avait besoin de savoir. Rien de vraiment grave du coup. Pas une querelle importante, ou quelqu’un qui s’en était pris a elle sans raison. Au pire c’était une baston d’ado alcoolisés. Fin de l’histoire.

La plaisanterie sur le mur avait fait mouche en tout cas et Luka fut ravie de voir le sourire revenir sur le visage de Charlie tandis qu’elle déblatérait un peu sur le mur. « Mon cœur est déjà pris par les miroirs de ma cabine, mais je pourrais faire un effort et essayer de lui tenir compagnie de temps en temps oui. » Et si Charlie prenait cette phrase comme un aveu de la part de Luka sur le fait qu’elle tape parfois dans des miroirs jusqu'à s’en faire saigner, et bien… Tant pis ? Elle n’allait pas cafter à sa mère et de toute façon, Lily était bien au courant, le nombre de jour où Luka finissait à l’infirmerie pour telle ou telle blessure avait largement depassé le compte sur les doigts des deux mains. Chacun faisait ce qu’il pouvait pour continuer d’exister c’était tout.

Une question vint néanmoins, et la professeur fronça les sourcils avant de réfléchir un peu. « Je dois avoir quelques anti douleur. » on lui en avait prescrit et bien… Luka était Luka, elle n’allait pas prendre quelque chose pour atténuer les peines qu’elle se causait elle même n’est ce pas. « J’peux aller te chercher ça dans ma cabine, mais si tu pouvais éviter de dire à ta mère que je te refile des médoc en douce ça serait cool. » Parce que clairement, si elle ne s’en servait pas elle aurait du les rendre, fin de l’histoire. Mais elle s’était toujours dit que ça pourrait servir à quelqu’un. La preuve.