Je suis en pause. Assise au sol, adossée à une caisse de fournitures. Mon fusil est à côté de moi, et j’ai mon uniforme de garde sur le dos. Je profite d’une petite accalmie dans le programme. Hier, le commander est arrivée au camp Jaha. Du coup, nous avons renforcés nos tours de gardes. J’ai pas mal patrouillé. J’ai fait un peu de bricolage aussi, ce qui m’a permis de faire la connaissance d’Eija. Elle est un peu bizarre. Mais pas méchante. Elle m’a appris des choses. Je lui en ai appris d’autres. Et comme Lincoln, Nyko et Indra, elle contribue un peu à changer mon avis sur les grounders. Mais je dois avouer qu’ils me font encore un peu peur. Bon, beaucoup moins que ceux de la montagne. Mais à les voir là, dans le camp, autour du camp, avec leurs tenues et leurs armes… Et quand je repense à leur masque et à la fois où Jasper s’est fait empaler. J’en ai des frissons. Mais non. Bref. Je fais une pause en essayant de me vider l’esprit justement. Dans le bunker que nous avons trouvé avec les autres délinquants, j’ai trouvé une balle. C’est une balle de baseball, dans un état assez pathétique. Mais elle a assez de rebond pour que je puisse la faire rebondir sur le sol, sur la paroi de l’arche en face de moi pour revenir ensuite dans mes mains. Un triangle parfait, en rythme : toujours le même.

Sauf, que visiblement je dois déranger quelqu’un qui bosse. Ce type, je l’ai déjà vu. Je crois qu’il est mécano ou un truc du genre. Parfois, il bosse avec Sinclair. Parfois, Monty va le voir pour récupérer des trucs. Et lorsqu’il me voit il aboie : « Harper ! Y’en a marre à la fin ! ». Je sursaute et je me tourne pour voir ce qu’il veut. Il s’approche et prend la balle me l’arrachant de la main et la balance au loin. Je regarde ma balle et je le regarde. Je me relève en ramassant mon fusil et en passant je le bouscule d’un coup d’épaule bien senti : « Sale con… ». Je passe la lanière de mon fusil pour le caller dans mon dos puis je vais chercher ma balle qui semble avoir percuté un garçon. Il a l’air jeune. Un peu plus que moi. Mais il y a quelque chose dans son regard qui donne l’impression qu’il est plus vieux. Je ne l’ai jamais vu au camp et vu son allure, il vient de la forêt c’est sûr. Il fait surement partie de la délégation grounders. Je m’approche et je récupère ma balle en lui disant : « Désolée… Je crois qu’il ne doit pas aimer le baseball… ». J’esquisse un sourire amusée en essuyant un peu ma balle avant de demander : « Tu cherches quelque chose ? ». Je le regarde simplement, avec le sourire, essayant de faire un peu taire l’angoisse que j’ai toujours quand je suis avec des grounders. Je chasse le naturel. Je chasse le naturel.

Le garçon qui est en face de moi me détaille. Je le laisse faire, j’imagine qu’il a le droit. Je l’ai fait aussi. Peut-être d’une façon moins insistante, mais tout de même. Je fais tourner distraitement la balle entre mes doigts. Plus je l’observe et plus je me dis qu’il fait plus vieux que l’âge qu’il a sans doute. Et que je ne sais pas ce qui peut lui donner cette prestance. L’entraînement ? La férocité ? Est-ce que tous les jeunes grounders sont comme lui ? La question me rend curieuse et mériterait d’être approfondie je l’avoue. Et puis lui, qui est-il ? Le fils de Lexa ? Le frère de Lexa ? Le fils de l’un des hommes qui composent la délégation ? Quelle espèce d’importance a-t-il pour faire partie de cette délégation à son âge ? Quel rôle a-t-il ? Apprenti quelque chose ? Les questions qui me traversent l’esprit sont nombreuses mais pour le moment je ne les pose pas. J’attends qu’il ait fini son examen visuel. Honnêtement, je ne peux que comprendre. Moi aussi je l’ai fait avec d’autres membres de son peuple. Mais aussi du mien. Je me souviens de la première fois que j’ai vu Octavia, la fille qui a grandi sous un plancher. Bien sûr, c’est dans l’ordre des choses d’explorer ce que l’on ne connait pas. Physiquement ou visuellement. Alors cela ne me dérange pas tant que cela dans le fond même si son regard empli de cette intensité si étrange me perturbe un peu. Quel âge il a ce gosse bordel ? Lorsqu’il prend la parole, je l’écoute. Sa voix semble jeune mais commence déjà à muer. J’esquisse un léger sourire à sa réponse et je me tourne vers la dite Arche. Quand je suis revenue ici de la montagne j’ai été impressionnée. Je n’avais vu l’Arche que depuis des hublots et la voir là, au sol, en grand, en vrai m’a fait bizarre.

Puis je me tourne à nouveau vers lui pour l’écouter me dire que je n’ai pas à avoir peur de lui. Je passe ma main libre dans les cheveux en souriant un peu gênée d’avoir été déchiffrée aussi facilement et j’acquiesce un peu. J’aimerais bien lui dire que je suis désolée, mais cela serait mentir. Parce que non, je ne suis pas désolée d’avoir peur. D’autant plus que je n’ai plus aussi peur qu’avant. Et que c’est normal de craindre ce qui est plus fort que nous, ce qui nous dépasse. C’est à nous de choisir comment on se sert de cette peur. D’une bonne façon ou d’une mauvaise façon. Je ne compte pas laisser la peur guider mes actes et risquer de compromettre l’alliance. Le seul moyen de l’apaiser est probablement d’apprendre à connaître ce qui me fait peur. Parce que l’angoisse que je ressens en leur présence est surement liée au fait que je ne les comprends pas encore totalement, que je ne les connais pas bien. Alors je demande : « Quelqu’un t’a déjà fait visiter l’intérieur ? ». Quelle meilleure façon d’apprendre à les connaître que de passer du temps avec eux ? Monty n’en est pas mort à priori donc je peux bien essayer. Et puis ma rencontrer avec la garde de Lexa s’est plutôt bien passée également. Alors finalement je dis : « Je m’appelle Harper McIntyre. Mais ici tout le monde m’appelle Harper… ». Sauf les plus hauts gradés de la garde évidement, mais bon ça c’est le boulot…

Lorsqu’il reprend la parole au sujet de la peur je ris un peu. Il n’a pas tort. C’est comme s’il avait lu dans mes pensées et j’avoue que c’est un peu bizarre. Je suis d’accord avec lui bien sûr et j’acquiesce un peu, tout en lui répondant : « Je suis plutôt d’accord avec toi… La peur est une bonne chose. Mais parfois, elle fait faire des choses irrationnelles ou horribles… ». La peur peut amener à frapper, à tuer, à torturer. Certaines personnes réagissent mal à la peur. Ce n’est pas mon cas. Au pire, je m’enfuirais comme dans la montagne lorsque je suis tombée par hasard sur Rhodàn. Au mieux je l’utiliserais pour faire quelque chose de bien. Apprendre à les connaître par exemple. Vouloir apprendre à connaître mieux ceux de la montagne aussi pour tenter de ne plus en avoir peur. Essayer de comprendre ces deux peuples, leurs coutumes. Pour comprendre qu’ils ne sont pas si terrifiants que cela, qu’ils sont humains eux aussi. Son comportement, les mots qu’il m’a adressés m’ont rassurée d’une certaine façon. Et je me sens plus à l’aise du coup.

Puis, lorsque lui demande s’il a déjà visité l’intérieur, il me répond qu’il ne l’a pas assez fait. Ce qui sous-entend qu’il ne serait pas contre y retourner. En plus, je connais bien l’Arche, comme ma poche pour y avoir organisé des tas de soirées sauvages pour avoir rencontré des gens dans des coins et des recoins pour faire des échanges illégaux. Bon, j’ai fini par me faire prendre, mais bon, au bout d’un moment, ça arrive. Et lorsque je me présente, il pose son poing sur son cœur et il s’incline avec respect en me disant que c’est un honneur de me rencontrer. J’esquisse un léger sourire, et lorsqu’il se présente, je fais la même chose que lui, avec un peu moins d’aisance surement et je lui réponds : « C’est un honneur pour moi aussi, Aden de Polis… ». Je dois avouer que je suis très curieuse d’en apprendre plus sur le jeune homme mais aussi sur Polis. Alors l’idée de lui faire visiter l’Arche me plaît de plus en plus. Alors je lui dis : « Aller viens, je vais te faire visiter l’Arche en détail et si tu as des questions je pourrais peut-être y répondre en même temps ! ». Je souris de plus belle, puis je lui fais un signe de tête pour l’entraîner jusqu’à l’entrée la plus proche. Et je lui demande : « Qu’est-ce qu’on t’a déjà fait visiter ? Et qu’est-ce qu’on t’a déjà expliqué du coup ? ». Je vais lui faire faire tout le tour, mais il n’a peut-être pas besoin d’entendre une seconde fois la même histoire. Donc autant être sure de ne pas faire de répétition inutile. Je m’arrête juste avant de rentrer dans l’Arche. Pendant la visite je profiterais pour essayer d’en apprendre plus sur lui, parce que oui, je suis curieuse maintenant.

Assez vite, il prend conscience de mon âge visiblement, puis qu’il me demande si je fais partie des 100. Alors j’acquiesce un peu, et je réponds : « En effet oui, j’en fais partie… ». Nous ne sommes plus aussi nombreux qu’à notre arrivée. Et certains de ceux qui sont morts faisaient parties de mes amis. C’est encore difficile de nous dire qu’ils sont morts tués par les grounders ou à cause d’eux et que nous n’avons pas réellement pu nous venger autrement qu’en les brulant à l’anneau de feu. Même la mort de Finn a laissé une marque vive dans mon esprit. Pourtant nous n’étions pas spécialement proches. Mais j’estime toujours faire partie des 100. En fait, le fait de nous envoyer sur Terre comme ça, sans nous prévenir, sans nous demander notre avis, c’est un peu ce qui me fait plus me sentir une 100 qu’une Archéenne. C’est comme ça. Puis il complète que la peur fait ressortir le meilleur comme le pire en nous. A nouveau j’acquiesce et j’avoue : « Comme toutes les émotions… ». Est-ce les émotions qui nous différencient des animaux ? Est-ce les animaux qui font de nous des êtres doués de raison ? Probablement oui. Mais ce sont aussi nos émotions qui nous mènent parfois à faire des choses horribles. Alors il est difficile de dire s’il faut continuer à les écouter ou non. Je ne sais pas vraiment. Mais elle nous permette d’embellir la vie. Le sourire, la joie, la chaleur. Tout cela, c’est juste… Comment pourrait-on s’en passer ?

Lorsqu’il me dit être reconnaissant, j’incline un peu la tête. Ça ne va pas me prendre tant de temps et puis si cela peut contribuer à la paix. Et j’espère bien qu’il me raconte aussi des trucs sur eux, sur son peuple, sur lui. Puis, je l’écoute quand il me parle de ce qu’il a vu : le périmètre de garde, le truc ultra passionnant quoi ; le système d’acheminement de l’eau histoire de bien l’achever, le pauvre. Je souris un peu amusé. De l’intérieur il n’a vu que les couloirs et me demande ce que je pense important de voir. Je ris un peu et je lui dis : « Je n’ai jamais vraiment aimé l’Arche, enfant, je voyais plus ça comme une grande prison qu’une maison… ». Sur ces bonnes paroles je l’entraîne à l’intérieur. J’imagine que lui s’en moque un peu. Alors je vais faire en sorte de lui montrer ce qui est important pour le reste des gens. Alors je lui dis : « Ce qui est dommage c’est que l’Arche s’est divisée en entrant dans l’atmosphère. Plusieurs stations ont été détruites avant et pendant l’atterrissage. Ici, nous sommes dans la station Alpha. ».

Le couloir est basique. Gris, les panneaux sont métalliques, dans chaque section de mur, il y a des circuits ou des fils pour acheminer le courant des panneaux solaires aux différentes parties de l’Arche. Mais je ne peux les déboiter là. Alors je lui dis : « Dans la station qui est restée dans l’espace, il y avait notre station médicale et la salle de contrôle. Autrement dit l’endroit où l’on nous soignait et l’endroit d’où nos ingénieurs contrôlaient toute l’Arche. Tout ça fait qu’il a fallu qu’on change beaucoup de choses… ». Je n’arrive pas à me rendre compte de la simplicité de ce que je dis, ou non. Pour moi tout est tellement simple et évident que c’est facile de m’y retrouver, mais j’imagine que pour lui, les choses seront un peu différente. Je m’arrête devant le réfectoire et je lui dis : « Voici donc notre nouveau réfectoire. ». L’endroit où l’on mange. Mais ça je ne le dis pas, parce que c’est évident. Je l’entraîne à ma suite et je lui explique un peu le fonctionnement de l’endroit, jusqu’à revenir à l’entrée du réfectoire, une fois qu’on en a fait le tour et j’attends quelques secondes pour savoir s’il a des questions sur tout ce qu’on a déjà vu. Commencer par le réfectoire me semblait important dans la mesure où c’est ici que l’on mange et que l’on se regroupe aussi. C’est un lieu de vie, une pièce commune.

L’espace d’un instant je marque une pause à la question du jeune grounder. Oui, il y avait les nôtres à l’intérieur. Et si ici la mort est honorée avec respect et bravoure, nos morts à nous sont traitées différemment. C’est étrange de voir les différences entre nos deux façons de voir. Ils n’ont pas l’air tristes eux, ils honorent leur mort puis avancent à nouveau comme si la mort ne les effleurait pas. Pour quelles raisons ? Est-ce parce qu’on leur apprend ? Est-ce parce que la mort les prend jeunes ? Parce qu’ils ont affronté de nombreuses guerres ? Je ne saurais vraiment le dire. Tout ce que je sais c’est que pour eux, la mort est différente. J’esquisse un léger sourire : « Bien sûr oui… De nombreux Arkéens sont morts durant l’atterrissage… C’est difficile mais nous ne pouvons pas changer ce qui est. ». Mon sourire s’élargit un peu plus, bienveillants, en songeant à ceux que nous avons perdus. A ceux que je connaissais qui ont rejoint le ciel. Qui sont à présent passé dans un autre monde, qui ont accéder au repos éternel. Une autre vie ? Une vie après la mort ? La réincarnation ? Je ne sais pas. De toute façon, on ne peut pas revenir en arrière et je n’aurais eu aucun pouvoir de décision sur l’Arche, je serais probablement morte moi aussi. Alors je n’ai aucun regret. « Nous avons tous perdu des proches. Mais nous sommes là aujourd’hui pour construire l’avenir à vos côtés… ».

Puis, une fois hors du réfectoire, je me tourne vers le côté du couloir dans lequel nous allons nous engager maintenant tout en l’écoutant. Il me parle de l’infirmerie et de la médecine. C’est vrai, nous n’avons plus notre infirmerie. Je réfléchis un instant. Puis je réponds : « Maintenant que la montagne est tombée, je crois que le personnel médical travaille avec l’infirmerie du Mont Weather. Et j’espère qu’ils pourront aussi apprendre de vos guérisseurs, que l’on puisse découvrir un peu mieux vos remèdes. ». Je le regardant un instant, avant de sourire à nouveau et de l’entraîner pour aller jusqu’à la salle d’entraînement. Dans le couloir, je lui explique quelques petits détails sur l’Arche comme le fonctionnement électrique, les panneaux solaires qui nous alimentent en courant par exemple. Une fois devant la salle d’entraînement je lui dis : « C’est ici que nous nous entraînons… Je passe beaucoup de temps ici pour m’endurcir… J’ai encore beaucoup de progrès à faire… ». J’esquisse un sourire amusée. Si je ne m’en sors pas trop mal avec un fusil d’assaut, j’ai encore quelques faiblesses – beaucoup même – au combat. Et les autres gardes aussi y passent. Quelques autres aussi. Pour rester en forme mais surtout pour assurer notre fonction : la protection des nôtres. Je ne suis qu’apprentie garde, mais je ne me suis jamais senti aussi bien, aussi utile. Je me sens mieux maintenant. A ma place, vivante. « Tu suis une formation ? ». Je suis curieuse je l’avoue, mais j’aimerais en apprendre plus sur mon nouvel ami.

Les morts sont partis et les vivants ont faim. Cela me décrit tellement bien. Malgré la disparition de mes parents, je reste une jeune fille pleine de vie. La mort de Finn pourrait m’avoir plus affectée car il comptait plus pour moi que ces gens qui ne me connaissaient pas et qui ne me comprenaient pas. Ceux des 100 qui sont morts aussi me manquent. Mais la vie continue. Elle continue et j’ai tellement envie de la vivre, de la vivre à fond qu’il serait idiot de perdre du temps à désespérer. Il faut apprendre des erreurs d’hier pour construire demain, honorer les morts en les gardant à l’esprit, mais continuer à vivre. Alors j’acquiesce un peu. J’aime ces mots, cette formule.

Puis, il m’explique que la délégation est composée de bâtisseurs et de guides pour nous aider à construire nos maisons et à visiter les environs. Apprendre ce que l’on peut faire ou non, nous renforcer en vue de l’hiver qui arrive. Bref, ils sont là pour nous aider. Puis, il me répond sur les mountain men. Effectivement, nous serons tous gagnants. Alors je réponds : « C’est vraiment un grand honneur de pouvoir apprendre à vos côtés et de pouvoir travailler avec ceux de la montagne. ». J’acquiesce un peu, puis je regarde autour de nous tout en avançant. Puis, il me dit que Clarke apprend déjà avec leur maître guérisseur. Sainte Clarke. Oui, bien sûr. Sainte Clarke qui a permis la paix, Sainte Clarke qui passe son temps à suivre leur commandant comme un chien. Mais cette fois, je ne laisse rien paraître. Cela fait des jours que je garde tout ça pour moi parce que les autres – les autres 100 – l’apprécient. Alors je ne dis rien. « J’essaierais de pouvoir profiter des initiations proposées par vos guides, j’ai hâte de pouvoir en apprendre plus sur notre nouveau chez nous… ». Je le regarde et j’esquisse un sourire. C’est vrai. Il faut reconstruire nos vies. Nos lois, nos règles vont changer. Notre avenir aussi. Nous pourrons vivre plus libres, observer les étoiles d’en bas et entendre le chant des oiseaux. Cela semble tellement niais. Mais pour ceux qui viennent du ciel, c’est vivifiant.

Une fois à la salle d’entraînement, Aden me pose une question sur les gens qui viennent ici. Je le regarde et je réponds : « Principalement les gardes et leurs apprentis. Mais parfois certains autres archéens viennent ici pour apprendre quelques gestes de défenses ou juste se défouler… ». Mais chacun à son poste, son rôle. Les ingénieurs passent du temps au hangar, les scientifiques dans le laboratoire, les médecins dans l’infirmerie de fortune installée ici. Bref, chacun à sa place. Comme toujours. Il n’est pas question de papillonner, d’être multifonction. Cela serait tellement plus utile. Mais bon, je ne suis qu’une gamine, qui n’y connait rien à la vie. Puis, il répond à ma question. Je l’écoute avec sérieux puis je souris un peu, ma curiosité ayant été attisée : « Alors tu apprends tout ce qu’il faut pour commander ? La politique, les tactiques militaires ? ». Je suis impressionnée, mais cela explique beaucoup de chose : son charisme, son attitude. Mais bon, il ne reste qu’un enfant, même s’il est peut-être destiné à devenir Heda un jour, là aujourd’hui pour moi il n’est qu’un enfant qui visite le camp Jaha. J’esquisse un sourire et je lui dis : « On vous laisse rire un peu ou pas du tout ? ».

Ne pas faire des erreurs qui nous seraient mortelles. Si nous avions su en arrivant… Peut-être les choses auraient été différentes. Wells, Charlotte, Finn… Peut-être ne seraient-ils pas morts. Mais honnêtement, peu importe les idées, tout ce que l’on peut penser, essayer de se dire, les solutions alternatives que l’on aurait pu prendre, les décisions que l’on aurait dû prendre, cela ne les ramènera pas. Non, jamais. Alors, aujourd’hui, tout ce qu’on peut faire c’est apprendre de nos erreurs, apprendre des grounders et ne pas en faire de nouvelles. Ne pas en faire d’autres, ne pas en faire de différentes. Et ça, je suis déterminée à le faire. Je veux pouvoir profiter de la vie, alors pour cela il faut apprendre à survivre. J’acquiesce aux paroles de Aden que je trouve censée évidemment. Puis, il m’interroge sur le fait de se défouler. Au moment où je vais répondre, je me ravise. Soudainement, je viens de comprendre la raison de son interrogation. J’imagine que cela ne doit pas avoir de sens pour lui, pour eux. Tout ce qu’il fait à une fonction, une utilité. Il ne fait rien sans rien, il ne prend aucune décision à la légère. Alors, je comprends que cela puisse l’étonner. Je le regarde et je lui dis : « Quand on grandit dans un espace clos et limité, il faut trouver une façon d’évacuer la pression sans mettre en danger les autres. Le moindre écart de conduite pouvait tuer des dizaines d’entre nous, abîmer les parois de l’arche, ses moteurs, ou ses composants électroniques aurait pu être très dangereux. J’imagine que certains préféraient venir ici que de faire une erreur sous le coup de la colère. ». J’hausse un peu les épaules. Moi, j’avais un moyen tout trouvé pour me détendre. Les fêtes, l’oubli. Mais c’était illégal et dangereux. La preuve, j’ai fini dans un espace encore plus étroit.

Puis, il répond à ce que j’ai lancé. Ma pique sur le rire. Je l’écoute et je ris un peu. C’est une façon plutôt polie de me remettre à ma place. Je le regarde et je lui dis : « Je ne voulais pas paraître intrusive ou je ne sais pas… Mais je comprends ce que tu veux dire… ». Bien sûr que je comprends. La compétition, l’enjeu de la formation, l’envie du pouvoir, les rivalités. Nous aussi nous avons connu ça. D’une façon différente, bien sûr, mais nous l’avons connu. Il est évident que pour eux cela doit être différent. On ne parle pas de n’importe quel pouvoir mais bien de devenir Heda. Le chef des 12 clans. Je le considère un long moment en silence avant de sourire à nouveau et je lui dis : « En tout cas, si un jour tu as envie de rire, moi je serais ravie de le faire avec toi, sans aucun risque de vexer qui que ce soit… ». C’est bien connu ici, je ne suis pas la dernière à rire, à m’amuser. Tout le monde le sait. Mais certains sont plus capables que d’autres de savoir que je suis aussi sérieuse quand il le faut et que je suis quelqu’un sur qui on peut compter. Je lui adresse un clin d’œil avant de l’entraîner pour continuer la visite. Après le réfectoire et la salle d’entraînement, je l’emmène au hangar. Cela me semble intéressant pour lui de découvrir l’endroit où nous assemblons nos technologies, où nous construisons nos abris. Je pousse la porte puis je lui dis : « Nous voilà au hangar. ». Je fais une petite pause, un instant, pour le laisser regarder. Je fais quelques pas dans le hangar, lui laissant le temps de découvrir par lui-même les différents établis, les ingénieurs qui construisent, détruisent et reconstruisent en parlant, en riant, en chantant. L’ambiance ici est différente, les ingénieurs sont différents. Ils sont dans leur monde. Enfin, c’est comme ça que je la perçois. Je lui dis : « C’est ici que les plus intelligents d’entre nous construisent ce qu’il nous manque pour nous installer confortablement… ». Les ingénieurs créent, les mécaniciens construisent et parfois, certains font les deux pour aller plus vite.

Aden reprend la parole en exprimant le fait que nous n’avons plus besoin d’être aussi prudent. C’est sûr que ne plus devoir redouter les grounders est une grande avancée. Ils étaient de loin la plus grande menace pour nous. Doués, connaissant le terrain par cœur, capables de tendre des pièges, de viser à des kilomètres de distance, sanguinaires. Oui, en fin de compte, maintenant que nous sommes alliés, nous n’avons plus grand-chose à redouter. Bien sûr, il y a de nombreux prédateurs en forêts, panthères mutantes, serpent aquatique géant et autres animaux venimeux. Mais nous apprendrons à les connaître et à résister contre eux. Nous avions beaucoup plus peur des hommes que des animaux. Cependant, Aden a raison, nous l’avons appris à nos dépends. Octavia a failli finir dévorer par le serpent géant, par exemple. Alors j’acquiesce un peu et je lui dis : « Nous devons rester attentifs et prudents, apprendre à connaître la forêt pour survivre. Heureusement, nous ne sommes pas seuls pour le faire ! ». Cela renvoie à ce dont nous avons parlé plus tôt : le fait que les membres de son peuple nous aident.

Lorsque la surprise passe sur les traits du jeune nightblood, un léger – très léger – sourire victorieux passe sur mon visage. J’aurais au moins réussi à le dérider. A défaut de le faire rire, il aura au moins été surpris. Et je suis flattée de l’entendre dire qu’il accepte l’invitation. Ça ne doit pas être facile comme position. Avoir le sang noir des chefs de guerre… Il grandit à Polis où il est formé pour devenir Heda. Et cela au prix d’un combat à mort. Un frisson remonte ma colonne vertébrale. Il est difficile de dire quand aura lieu ce combat. J’espère que Lexa vivra encore de nombreuses années. Elle le mérite. Et plus elle vivra, plus ces enfants vivront. Il n’y aura pas besoin de les laisser s’entretuer. Mais un jour, il le faudra. Et peut-être qu’il ne s’en sortira pas. Même si j’imagine qu’il est surement le plus fort d’entre eux puisqu’il a eu l’honneur de faire partie de la délégation. Pourquoi sinon ? Je ne sais pas trop, leurs traditions sont un peu compliquées parfois. Un peu cruelle aussi. Ceci dit, je ne me permettrais pas de critiquer réellement. Ils n’ont pas vécu dans un endroit aussi protégé que nous. J’acquiesce un peu en réponse, sans approfondir sur le sujet. J’espère que s’il revient au camp Jaha, il s’en souviendra. Et puis qui sait, peut-être qu’un jour je me rendrais à Polis.

Un fois au hangar, je le regarde observer les lieux. Cette pièce ci est une des pièces que je connais le moins. Parce que je ne suis ni ingénieur, ni mécanicienne et que je n’en ai pas la prétention. Je m’y connais un peu en bricolage, assez pour rafistoler une radio grâce à Monty et Jasper mais sérieusement, à part ça… C’est bien tout. Lorsqu’il me demande si on nous a mis au courant que l’hiver serait rude je le regarde et je dis : « On nous en a parlé oui… Nos ingénieurs essaient de voir comment réussir à augmenter la température dans l’Arche. Entre autre grâce à l’énergie qu’ils produisent avec les rayons du soleil… ». C’est un peu compliqué, même pour moi. Je continue à avancer dans le hangar sans me soucier des regards intrigués des gens qui travaillent et je reprends : « D’autres gens s’entraînent à la chasse pour pouvoir nous ramener des fourrures... Ce qui semble un excellent moyen de pouvoir nous protéger du froid… ». Ça et autre chose… mais je ne lui dis pas, il est un peu trop jeune pour ça. Enfin… Trop jeune. Je le regarde un instant me demandant quel âge il peut bien avoir. Il semble plus jeune que moi mais il a l’air d’avoir déjà tellement d’expérience et de connaissances. La sagesse et le calme dans son regard. C’est assez déroutant je trouve. J’esquisse un nouveau sourire avant de sortir du hangar pour prendre la direction des couloirs où des appartements ont été aménagés. Ce n’est pas bien grand mais bon. Et puis, moi je dors sous une tente, dehors. J’ai un petit coin à moi avec un lit de fortune et un morceau de parachute pour me séparer du lit voisin. J’avoue que ce n’est pas le grand luxe… Mais c’est chez moi. Enfin… Je vais pouvoir lui expliquer tout ça. Et les bâtisseurs de Lexa vont aussi pouvoir nous aider à construire des abris solides, pas de simples tentes. Je vais lui expliquer tout ça. Je l’entraîne donc en dehors du hangar pour suivre un nouveau couloir. Pendant que nous marchons je lui demande : « Tu as grandi à Polis ? Comment c’est là-bas ? ». Je ne connais pas cette ville, je n’en ai qu’entendu parlé. Alors s’il peut m’en dire un peu plus, j’en serais heureuse.