Il y avait une véritable richesse de se trouver à Polis, et surtout, d’avoir la chance d’évoluer dans la Tour du Commandant, de voir l’émulation que les clans entretenaient et surtout les forces protectrices qui se mettaient en œuvre quand une menace apparaissait à l’horizon, ou plus spécifiquement à l’ouest. C’était ce qui avait animé le conseil de la veille, que Aden avait suivi de loin, dans un coin où il s’était fait silencieuse, car c’était ainsi qu’il était le plus efficace. Mesure les forces des alliés d’aujourd’hui pour comprendre les motivations de tous, ce qu’ils avaient à perdre et à gagner à défendre le clan des prairies. Ici, c’était évident que l’équilibre du trigedakru reposait sur la situation des éleveurs de l’ouest qui se faisaient massacrer. Pour lui, ça ne serait pas encore l’occasion de se faire remarquer. Déjà, il profiterait d’un voyage au Camp Jaha, sous peu. C’était une occasion en or pour découvrir de plus près ces skaikrus. Il avait déjà eu la chance de discuter avec ceux qui étaient venus jusque la capitale (il était toujours sceptique sur les motivations de cette Clarke) et les échanges n’avaient fait qu’entretenir encore plus sa curiosité. Il était curieux, de voir à quoi ressemblait cette Arche et la manière de vivre de ces derniers.

Mais son intérêt pour ce nouveau peuple n’était en rien une excuse pour que le Nightblood néglige ses obligations quotidiennes. Ainsi, au lendemain du conseil, après une sessions matinale de discussions avec Titus et d’autres précepteurs, il s’était rendu sur le terrain d’entrainement. Il avait une nouvelle arme à laquelle il devait se familiariser et entretenir son corps, l’art du combat serait toujours une valeur sure. Au bout du compte, ne pouvait compter que sur lui-même, car dans les situations désespérées, ce serait bien ses réflexes et tous les acquis enregistrés dans la chair qui le sauveraient. Aden ne perdait pas ça de vue, ni aucun autre de ses frères et sœurs. L’esprit ne pouvait qu’être fort dans un corps fort. Ainsi, en faisait tourner la nouvelle lame, un peu plus lourde que la précédente qui s’était malheureusement brisée, après un bref échauffement, il avait commencé un duel avec un adulte, un maitre d’armes qui étaient mis à leur disposition en tout temps – comme à tous les guerriers qui veillaient sur la tour.

Aden ne se considérait pas bon au combat. C’était sa modestie et son esprit critique qui faisait ça. Ce petit sentiment d’éternelle insatisfaction qu’il entretenait de manière calculée, pour le forcer à se dépasser toujours, ne pas s’autoriser le luxe de l’erreur, qui aurait été fatale pour lui en tout temps. Mais alors qu’il assenait un violent coup d’épée qui désarma son opposant, il ne put cacher cette mince satisfaction. Oui. Aden n’était pas bon, il était doué, précis, méthodique, calculateur. Et c’est avec un mince sourire sur les lèvres qu’il avait remercié son opposant. Un peu essoufflé par l’effort, c’est en désirant aller chercher de l’eau qu’il reconnut la figure d’un des gardes de Heda qu’il reconnut Eija. Essuyant le peu de sueur qu’il avait sur le front, et ce malgré le froid ambiant, il observait les tentatives de lancer de dague de celle qu’il estimait respectueusement, avant de cacher son amusement quand celle-ci parvint enfin à atteindre la cible de manière potable et qu’elle montra elle-même sa joie.

Et quand elle se retourna, pour tomber nez-à-nez avec Aden, celui-ci lui offrit un haussement de sourcil, qui s’il restait passablement neutre, la lueur dans ses yeux verts, ce pétillement prouvait bien qu’il n’avait rien raté de la scène. « Aden ! Bonjour ! » Il lui adressa un mouvement de tête pour lui rendre silencieusement les salutations. Mais, parfait diplomate, comme on le lui enseignait (parfait truand quand les temps s’avéreraient nécessaires), il n’évoqua en rien la bref démonstration d’entrain. « Le geste de ton poignet doit être plus ample, à la place de ton épaule. Ca te permettra d’être plus précise. » Expliqua-t-il, de sa voix qui muait toujours un peu, ajoutant un accent rauque au trigedasleng qu’il utilisait. Et il n’y avait rien du sermon, c’était un conseil. Ce qui vint, par la suite, sonna plus comme un ordre. « Recommence. » Mais il n’y avait pas la rigidité d’un futur commandant, juste celle de celui qui savait que le meilleur était à venir, à travailler.

Aden ne regarda nullement la cible. Ses yeux vifs étaient fixés sur la posture d’Eija et il l’observa, détailla l’amplitude de ses mouvements. C’est une lisant la satisfaction sur le visage du garde du corps qu’il comprit que la dague avait visé juste et, seulement à ce moment, se tourna-t-il vers la cible, détaillant la lame qui était enfoncée, non loin du centre. Il y eut un remerciement, que Aden chasse d’un geste de la main. Ce n’était pas grand-chose, tout juste une parole. Même si elle pouvait l’amener à lui sauver la vie, ou celle de quelqu’un d’autre dans un futur. Ils étaient là pour ça, pour s’entraider. La cohésion les rendait plus fort, comblaient les lacunes de chacun. L’entrainement restait nécessaire et il l’observa récupérer les dagues d’entrainement. « Je préfère tout de même tirer à l’arc. » Il acquiesça un peu. « Et je préfère quand tu tires à l’arc. Tu es plus efficace. » Ils étaient là pour ça, améliorer leur efficacité. Qu’ils ne deviennent pas bon ; ils devaient être mortels, sinon, le coup de l’autre aurait raison d’eux. Et le rôle d’Eija était d’autant plus important, puisqu’elle protégeait Lexa. Si le moment fatidique arrivait, il était attendu à ce qu’elle se sacrifie, plutôt que Heda ne perde la vie. C’était ainsi. Un individu était remplaçable, un autre beaucoup moins.

« Et toi, as-tu une arme de prédilection ? » Il regarda son arme, et plissa faiblement les lèvres, avant de hocher la tête. Le silence dura moins longtemps, alors qu’il répondait, toujours avec cette même prudence, ce ton calculé, posé. « J’aime manier les hallebardes. » Cela faisait longtemps, qu’il ne s’était plus entrainé avec celles-ci. Il irait chercher Edène, prochainement, pour qu’elle s’entraine avec lui. Ca ressemblerait à une demande timide, alors que le Nightblood savait que personne ne pourrait rien lui refuser, après tout, il était en lice pour accueillir l’esprit du commandant. Ce qui faisait qu’il y avait aussi un certain degré d’exigence auquel il devait parvenir. « Mais ce n’est pas ce qu’il y a de plus efficace. » Et oui, définitivement, dans son expression, il y eut un petit pincement, qui jurait – si peu – avec l’impassibilité qu’il montrait en tout temps. Aden pouvait se permettre un écart de ce genre, il était en compagnie d’Eija. Elle ne le jugerait pas, n’est-ce pas ?

Aden, oui, pouvait avoir de préférences, mais elles seraient écrasées, oubliées, car il devait rentrer dans un moule bien définit, qui régulait tout de sa vie, ses leçons, ses armes, sa manière de pensée. Aden ne se plaindrait pas, jamais. Ca ne faisait pas partie des choses qu’il pouvait faire, et ça, il n’aimait pas non plus le faire. « C’est une nouvelle lame ? » Il acquiesça distraitement, alors qu’il soupesait encore la lame, s’habituant au poids de sa nouvelle épée. « L’autre s’est cassée lors d’un entrainement. » Elle était un peu trop grande pour lui, mais Aden grandissait, mois après mois. Bientôt, il dépasserait Lexa, et probablement la femme qui était en face de lui. « Je n’y suis pas encore habitué. » C’était calme, et, puis, il trancha l’air, d’un geste précis, avec la force qu’il fallait. « Ca viendra. » Et il y eut ce petit sourire confiant sur les lèvres.

Ils parlaient armes, c’était une part importante de leurs vies. Ils étaient guerriers, les deux membres du trigedakru, bien que leurs statuts dans la société soit différentes, s’unissaient sur ce point. Le champ de bataille est un lieu qui fédère, et il n’était pas impossible qu’un jour, ils se tiennent côte-à-côte contre un ennemi commun. Aden attendait ce jour, où il serait autorisé à croiser le fer avec d’autres individus que ses partenaires d’escrime. Donc oui, ils parlaient d’arme, car c’était un sujet qu’ils maitrisaient tous les deux. « Il n’y a pas une arme plus efficace qu’une autre. C’est la façon dont tu t’en sers qui détermine son efficacité. » Il eut un maigre sourire, Aden, qui disparut en un fragment de secondes, tout aussi vite qu’il était apparu. Il regarda la lame de son épée nouvellement acquise, avant de répondre, toujours avec cette même tranquillité dans la voix, dans son trigedasleng qu’il affectionnait plus que l’anglais. « Dans ce cas, ma façon de m’en servir est moins efficace. » Ca le peinait, vraiment. Mais il avait appris, ça avait été une des premières leçons (et peut-être que le fait d’être arraché à sa famille servait aussi cette utilité), de ne pas être attaché. Accepté de fermer les yeux sur ce qui n’était pas important, pour pouvoir se concentrer sur ce qui l’était vraiment. Aden était façonner pour diriger, pour tuer. Il fallait qu’il soit le meilleur. Point.

« Tu es un bon guerrier Aden. » Il inclina légèrement la tête, geste silencieux pour prouver qu’il acceptait les paroles d’Eija. Il appréciait la garde-du-corps, et son avis importait. L’avis de tous, importait. Car c’était le peuple qui le soutiendrait et celui-ci comptait pour lui. « Et je suis sûre que tu deviendras un bon commandeur si tu en as l’occasion. » Il se redressa, et il resta silencieux de longues secondes, alors qu’il considérait ce que Eija venait de lui dire. Ce n’était pas un compliment qu’il entendait pour la première fois. Mais il avait du mal à le prendre comme un compliment. S’il devenait commandant, cela voulait dire que Heda n’était plus. Et il ne pouvait imaginer un monde sans Lexa, elle qui était l’une des rares figure qu’il connaissait depuis ce qui semblait toujours. Finalement, la modestie prit le dessus. « Je suis formé pour ça. » Le sérieux était là, presque grave. C’était sa vie, et s’il ne devenait pas le réceptacle pour l’esprit du commandant, il ne serait plus. Le jour viendrait où Aden serait prêt à tuer ses frères et sœurs, ceux qui comptaient tant à ses yeux. Eux, ces enfants qui deviendraient un sacrifice. « J’espère que ce jour n’arrivera pas trop tôt. » Il aurait été sermonné, s’il avait adressé ces paroles à Titus. Ce n’était pas le Fleimkipa qui se tenait devant lui, et il avait cette facilité de s’exprimer face à Eija. Il eut une petite grimace et puis, son expression redevint neutre.

« Es-tu impatient de te rendre au Camp Jaha, de rencontrer les membres du Skaikru ? » Il acquiesça lentement, d’un geste unique. « Sha. » Et son ton était un peu moins régulier, le trigedasleng appuyant sur la dernière voyelle. S’il avait été un enfant normal, il aurait souri. « Heda m’a invité à la joindre, j’en suis heureux. » C’était un faible mot, même. Il avait cette hâte, de se rendre dans la résidence des Skaikrus, d’en rencontrer plus que la poignée d’individus qui avaient suivi Clarke jusque Polis. « Y es-tu déjà allée ? » Après tout, Eija avait accompagné Lexa lors de la bataille contre la montagne.

« Je ne l’espère pas non plus. Cela voudra dire que j’ai failli à ma tâche. Moi ou un autre garde. » Ils seraient très certainement punis pour ça. Qu’en serait-il, si celui qui avait été incapable de protéger le commandant, soit amené à en protéger un autre ? Suivant la logique du trigedakru, c’était impossible. La disparition de Heda serait le pire des fléaux et le plus gros échec qu’un garde-du-corps pouvait rencontrer. Alors, encore grave, Aden eut un mouvement de tête, un simple mouvement de menton, qui appuyait les paroles d’Eija. « Alors il ne faut pas faillir. » La mort de Heda, comme le premier domino qui tombe, entrainera sa succession d’autres morts. Les responsables, avant tout. Ensuite les incapables. Finalement, les Nightbloods qui seraient amenés à s’entretuer. C’était un équilibre, qui se devait d’être maintenu, aussi longtemps que ça soit possible. « Tu fais bien de t’entrainer. » C’était chercher à atteindre la perfection dans un monde qui l’acceptait difficilement. Apprendre à manier plusieurs armes, c’était se rendue doublement efficace et autour de Heda, il ne pouvait qu’y avoir les meilleurs. Arrivé à la position de Eija, ne l’autorisait pas pour autant à se reposer sur les lauriers.

Soit, la conversation prit un tournant plus agréable pour les deux esprits et Aden se détendit un peu. Si cela ne se vit pas – car il montrait si eu de choses – il sentit la tension s’amoindrir entre ses omoplates et sous ses épaules. Il avait hâte de se rendre jusque camp Jaha et de ce qu’il comprenait, Eija non plus n’avait eu cette chance. S’il gardait le visage neutre, comme à son habitude, l’expression de son regard montrait la compassion qu’il avait pour la garde-du-corps. « Mais il est vrai que Galaad est plus impressionnant que moi et qu’il dissuade plus facilement les gens d’approcher. » Il secoua un peu la tête, Aden. « Tu ne dois pas en voir un désavantage pour toi. » Les apparences étaient trompeuses, bon nombre le savaient. Il fallait apprendre à en tirer avantage, comme il le faisait lui-même en restant majoritairement silencieux et observateur. Ceux qui ne le connaissaient pas le prenaient pour un garçon timide, en retrait, alors qu’il n’en était rien. « Discrète comme tu peux l’être, tu verras plus facilement approchés ceux qui n’oseraient pas le faire en présence de Galaad. » Autant aimait-il l’autre garde avec lequel il avait un certain nombre d’affinité, il connaissait aussi les défauts d’avoir un protecteur de cette envergure. « Vous avez chacun votre utilité. Et pour mettre les skaikrus en confiance, tu es celle qui convient. » Il y eut un semblant de sourire, continuant. « Aussi pour leurs intimer de ne pas être trop en confiance. » De ce qu’il avait compris, un certain nombre de ceux venus du Ciel avaient un comportement familier en présence de Heda. Ils étaient encore jeunes sur la terre, cela se comprenait. Ca ne voulait pas dire, pour autant, qu’il fallait laisser passer le manque de respect et autres sympathise dont les skaikrus étaient friands (il y avait aussi un rapprochement entre Heda et Clarke kom Skaikru que Aden n’appréciait pas, mais ça ne serait jamais une opinion qu’il exprimerait).

« Que pense Titus du fait que tu accompagnes Heda au Camp Jaha ? » Il haussa faiblement un sourcil, croisant les mains dans son dos, toute la prestance de son statut surgissant, alors qu’il n’aurait dû rien en être pour un garçon de 14 ans. « Oserais-tu te moquer du Fleimkipa ? » Soit, il passa, ce petit rappel à l’ordre serait suffisant. « Il n’a pas apprécié, mais nous avons parlé. » La conversation avait été faite à bâtons rompus et si son mentor n’appréciait toujours pas l’idée de se rendre jusque Camp Jaha, il ne pouvait pas empêcher Aden de vivre cette expérience qui serait plus qu’enrichissante.

Les skaikrus. Depuis qu’ils étaient descendus sur Terre en une gerbe de feu et de peur, ils ne cessaient jamais d’être le sujet de discussion, d’une manière ou d’une autre, toujours non loin des pensées de tous. Ils avaient mis en branle les forces en présence, mais ce n’était pas nécessairement un mal. Grâce à eux, l’ennemi de toujours était tombé et maintenant, il fallait apprendre à les connaitre. « Mais ils ne connaissent pas nos coutumes et ont parfois du mal avec nos lois. Ils devront apprendre pour ne pas faire d’erreur. » Aden ne pouvait qu’être d’accord avec le garde-du-corps. Toujours droit, il acquiesça légèrement, d’un unique mouvement de tête, alors que le ton qu’il prit, de sa voix légèrement muée, ne laissait rien transparaitre comme à son habitude. « Nous devons transiger avec eux, et nous montrer patient. Ils pensent déjà trop facilement que nous sommes des êtres cruels. » Et là, presque invisible, il y eut une pointe d’amusement dans son regard. Oui, leurs méthodes de survies n’étaient pas des plus… simples. Ils ne faisaient pas dans la demi-mesure, car l’hésitation pouvait être mortelle. Ils savaient se tenir, cependant. « Nous aussi avons à apprendre d’eux. » Heda avait été la première à le percevoir, en ayant accepté l’Alliance avec le peuple du Ciel. Et si des esprits étriqués comme le fleimkepa ne les voyaient que comme une pestilence, ils devraient bientôt changer leur regard. « Même si j’ai cru comprendre qu’ils manquaient cruellement de respect à certaines occasions. » Depuis lors, ils auraient eu tout le temps de retenir les manières de saluer et le statut qu’avait le commandant. Soit, l’ennui fut là, que même des adultes ne soient pas capables de montrer le respect qu’il fallait envers la personne la plus importante de leur clan.

Et le respect, parfois même ceux de Polis semblaient l’oublier. Aden n’eut aucun remord à remettre Eija à sa place, c’était également son rôle de rappeler les limites. Il appréciait le présent et les moments qu’il passait en compagnie de cette femme, mais cela ne voulait pas dire que, pour autant, il lui autoriserait tous les écarts. Ce qu’elle sembla comprendre, alors qu’elle s’excusait. Il ne dit rien, car ça ne serait à rien de prolonger cet échange si elle avait compris. Et le Nightblood répondit quand même aux paroles de Eija. « En effet, il ne les apprécie pas. Titus représente la rigidité de Polis, mais celle-ci ne doit pas être immuable. S’il a entendu raison pour que je vous accompagne jusque Camp Jaha, il finira par entendre raison. Il lui faut du temps. » Car il ne fallait pas oublier que les méfiances de Titus s’étaient prouvées fondées par le passé. Le monde les forçait à être ainsi. Et si ces Skaikrus descendaient du Ciel, ça ne voulait pas dire qu’ils étaient vertueux. Dangereux, ils l’étaient définitivement et Aden ne doutait pas une seule seconde qu’ils étaient capables du pire… il suffisait donc de leur donner les bonnes raisons pour qu’ils ne se détournent pas de Trigedakru.

« En as-tu déjà rencontré ? » Aden cligna un peu des yeux et s’intéressa un instant aux expressions du visage de Eija, avant qu’il ne secoue la tête d’un geste unique, avant de parler, avec ce calme habituel. « Seulement ceux qui sont venus ici. J’ai échangé avec Clarke kom Skaikru. » Il parut pensif un instant, son front se plissa même alors qu’il réfléchissait à voix haute. « Heda semble proche de la skaikru. De fait, j’ai eu l’occasion d’échanger avec elle à plusieurs reprises. » Ca ne voulait pas dire pour autant qu’il s’ouvrait facilement à la jeune femme venue du ciel.

« L’enfant skaikru ? » L’appellation fut répétée par le jeune initié, une pointe d’amusement qui pouvait être repérée dans l’intonation de son trigedasleng. Était-ce ainsi que Eija percevait Clarke kom Skaikru, une enfant ? « Est-ce que je suis aussi un enfant à tes yeux ? » Après tout, le skaikru était plus âgée qu’Aden, lui qui était tout juste un adolescent. Ce n’était pas un sermon, pas ici, c’était évident. Même s’il ne se priverait pas de rappeler quelques consignes à Eija – l’un des rares avantage de posséder le rang de Nightblood. Il appréciait la garde-du-corps, elle n’était pas aussi rigide que Galaad. Ce genre de souplesse était rafraichissante, sincèrement. « J’espère que tu n’oublies pas que, avant tout, elle reste l’une des conseillères officielles de Heda. Tu dois lui montrer le respect qu’elle mérite. » Qu’importe le peuple d’où elle venait. Le rôle de tous était d’appuyer les décisions de Heda pour quand les voix dissidentes se faisaient entendre, le commander sache qu’elle est soutenue par ceux de Polis.

Et ça restait léger oui, malgré la position extrêmement droite que gardait Aden, les épaules dégagé, la tête haute, lui qui était tout juste aussi grand que Eija. « En effet, je ne pense pas qu’elle soit une menace. » Il était évident qu’elle était autre chose qu’une menace. Aden ne pouvait pas le nier, comme il ne pouvait ignorer le peu de jalousie qu’il ressentait, quand il constatait le temps que les deux femmes passaient ensemble. Mais ce n’était pas son droit de juger, loin de là. « Heda peut se rendre inatteignable. Quant à Teksas, je ne le connais pas bien. » Il était tout juste rentré dans les fonctions, quand il fut assigné à Clarke kom Skaikru. « Mais ne penses-tu pas que c’est la mission de tous ceux qui veillent sur Heda, de devoir aussi veiller sur son entourage ? » Il inspira un peu, détourna son regard de l’archère. Son attention s’éleva, alors qu’il étudiait le ciel et les nuages qui le composaient. « Il n’y a pas que son intégrité physique qui doit être assurée, n’est-ce pas ? » Que serait-il du mental de Heda – de Lexa – si elle venait à perdre les êtres qui lui étaient proches ? Oh, Aden ne doutait pas qu’elle se relèverait comme elle l’avait déjà fait avec la perte de Costia. Mais Aden se souvenait sans mal du Nightblood qu’avait été Lexa. Le clivage entre les deux personnalités était marquant. Il n’osait imaginé ce qu’il adviendrait de Heda, si une telle perte se faisait ressentir. Ou de la disparition de tout être proche, comme de Titus ou de Dunlaith. Car il n’oserait jamais avancé que Lexa et Clarke eut été proches de cette manière, jamais…

Il n’y avait pas de reproche de la part d’Aden. Face à l’expression gênée de Eija, il se contente d’un bref sourire, tout juste perceptible dans le fond de son regard. Il ne se formalisait pas pour si peu, conscient que l’on ne demandait pas la perfection en tout cas, à toute personne. Celle-ci était impossible et la réflexion que la garde-du-corps avait eu, à propos de la conseillère, Aden trouvait cela rafraichissant. Même s’il l’avait corrigée pour la forme, il ne la punirait pas pour ça. Ce n’était pas son rôle et ce n’était pas une grave erreur non plus. « Tu me rappelles mon petit frère. » Il se redressa à cette notion, le Nightblood. Il n’était pas son petit frère, non. Il savait qu’il pouvait compter sur Eija, mais ce n’était pas parce qu’il la considérait comme une grande sœur – la seule personne qui s’était rapprochée de cette position, c’était Lexa, avant qu’elle ne soit Heda. Maintenant, tout ce qu’Aden avait, c’était des tuteurs, des gardes-du-corps et ses frères et sœurs initiés. C’était sa famille, et c’était tout ce qui lui suffisait. « Puis je te vois manier tes armes et ce n’est plus un enfant qui se trouve face à moi. » Il acquiesça, satisfait, sans creuser le sujet de la famille de Eija. C’était son histoire personnelle et Aden aimait la discrétion. « J’espère que les autres ne me perçoivent pas comme un adulte uniquement quand je m’entraine. » Il était dans cette tranche d’âge Aden, où il n’était pas tout à fait un enfant, et pas tout à fait un adulte. Si son corps s’épanouissait, bientôt il serait aussi reconnu pour son mental. Il n’était pas pressé, il savait que tout arrivait en son temps. Mais il ne pouvait non plus se satisfaire de la manière dont les autres le percevaient. En tant que potentiel Heda, son rôle consistait, majoritairement à changer la perception des autres. C’était un enjeu crucial qu’il avait compris depuis longtemps, maintenant.

« Tu auras l’un de nous derrière toi lors de ta visite au Camp Jaha. » Les mains dans le dos, il eut une fois encore un bref mouvement de tête. A nouveau, suivit un bref silence, comme il avait l’habitude de faire quand il pesait ses mots. Il n’y avait jamais une parole irréfléchie qui s’échappait de ses lèvres – ou alors, ceci était extrêmement rare. « Comme certains m’accompagnent déjà quand je suis à Polis. » Comme Galaad avait pris Heda sous son aile avant qu’elle ne devienne le réceptacle pour l’esprit du Commandant. C’était un passage qui se faisait par étape. « Je ne pense pas que le skaikru osent faire quoique ce soit au Camp Jaha. » Puis, il y eut le semblant d’un véritable sourie sur ses lèvres. « Mais nous devons préserver les apparences. » De ce qu’Aden avait compris, ils avaient longtemps été considérés comme des bêtes sauvages, par ceux qui venaient du Ciel. Amusant, vraiment. « Seras-tu derrière moi, au Camp Jaha ? » Il n’oserait jamais arracher les garde-du-corps de Heda, loin de là. Mais puisque Eija lui avait déjà été affectée, elle pourrait l’être à nouveau. Sa présence était l’une qu’il remarquait le moins, après tout.