Cela fait plusieurs jours maintenant que ma maman n'est plus là. Ce sont mes voisins qui s'occupent de moi. Les enfants, ils ont été tristes comme moi. Surtout mon ami Atiu. Il aimait bien aussi les histoires de ma maman. Kiwa. Je ne veux pas l’oublier. Mais Lyn, elle dit que quand quelqu’un s’en va, au bout d’un moment il s’en va aussi des souvenirs et du cœur. Moi je ne veux pas oublier. Alors tous les jours depuis que Céleste m’a dit qu’elle allait s’occuper de moi jusqu’au retour de mon papa, je pense à ma maman. Je me rappelle son prénom, ses jolis yeux marron et son joli sourire. Je me rappelle de ses histoires et de sa voix quand elle me les racontait. Oui. Tous les jours et même plusieurs fois par jour. Ça me fait un peu mal au cœur, mais la douleur s’en va un peu. De toute façon, depuis quelques jours, les habitants de la péniche ils m’ont un peu bousculée pour que je recommence à faire ce que je faisais avant : les aider, joueur, rire. Mais c’est encore un peu douloureux de rire.

Mais quand elle m’a réveillée ce matin, Céleste m’a dit qu’on allait à Seron, voir mon papa. Elle m’a expliqué qu’à partir de maintenant, il s’occuperait de moi, parce qu’elle ne pouvait pas le faire toute seule. Et que les autres habitants de notre péniche avaient déjà assez à faire avec leurs propres enfants. Elle a emballé quelques affaires – les miennes et un peu de celle de ma maman – et elle a dit qu’on reviendrait chercher les autres plus tard. Puis, on est allée sur un plus petit bâteau et on a regagné la terre. Moi j’aime bien le sable. Alors j’ai commencé par en prendre un peu dans mes mains pour le toucher. Mais Céleste m’a demandé de ne pas traîner. Alors je l’ai suivie, bien emmitouflée dans un manteau parce que l’hiver est arrivé. Je suis déjà venue à Seron mais pas beaucoup et j’ai oublié beaucoup de choses. Alors moi, je regarde autour de moi avec de grands yeux, pour voir ce que font les gens. Mais je ne lâche pas la manche de Céleste pour ne pas me perdre et pour ne pas tomber. Par ce que ce qu’il y a de bizarre à être sur le sol c’est que ça ne bouge pas comme la péniche, et moi j’ai un peu du mal à rester debout parfois, parce que je ne suis pas habituée. Et finalement, elle s’arrête devant une maison en bois. Elle est graaaande. Plus grande que notre péniche. Je me cache un peu derrière Céleste, en m’accrochant à sa jambe alors qu’elle frappe à la porte. Et quand la porte s’ouvre, elle se râcle un peu la gorge et elle demande : « Tu es Marek, le maître d’arme ? ». Moi je lève un peu les yeux pour voir qui a ouvert. Et je m’accroche encore plus fort à la jambe de Céleste. Il est grand, immense, il a des long cheveux et il fait vraiment très très peur. Alors moi je chuchote à Céleste : « Viens on rentre… ».

Marek&Naya

La bataille contre les barbares n’est plus qu’un lointain souvenir maintenant et cela fait à peine deux jours que Marek a de nouveau posé le pied dans les rues de Sérön. Il doit bien l’avouer, la ville lui a manqué. Le clan entier lui a manqué d’ailleurs car cela fait tout de même plus d’un mois qu’il a quitté Sérön sur le dos de ce fichu poney, pour suivre Sekhmet jusqu’à TonDC. Et il est heureux d’être de retour dans cette capitale qu’il aime tant et qui lui a tant manqué. Il a d’ailleurs gardé le poney et l’a fait redescendre à Sérön avec lui, mais il n’est toujours pas retourné le rendre à la femme qui lui avait tendu les rênes au moment de son départ pour l’est. Il faut bien dire qu’il s’y est un peu attaché à ce foutu animal et que ça l’embête un peu de devoir le rendre. Il verra, pour l’instant il n’est pas pressé et il profite de son retour chez lui. Il a encore beaucoup de choses à faire, notamment prendre des nouvelles de son bâtard et de sa formation à bord du Requin. Et aussi lui dire que non, il n’est pas mort au combat contre les barbares, même si ceux-ci ont bien failli l’achever à l’aide de leurs lames empoisonnées. Mais Marek a tenu bon et malgré les deux coups qu’il a reçus, il est aujourd’hui quasiment entièrement rétabli. Il ne lui reste que deux nouvelles cicatrices qui viennent s’ajouter aux plus anciennes, une à l’épaule et une sur le flanc, et quelques douleurs résiduelles qui finiront par s’estomper. Et il ira se faire faire un nouveau tatouage prochainement.

Il ira aussi chercher ces foutus perles dans l’océan, d’ici quelques jours – voir peut-être quelques semaines – quand il sera au meilleur de sa forme, histoire de ne pas se faire tuer par les anguilles et autres bestioles mutantes présentes dans l’eau. Et il ira offrir ces perles à Neith, parce qu’il l’a un peu promis à Sethen lors de leur rencontre à Kalawen et qu’il se doit bien de faire cela. Mais il a le temps pour ça, il devra préparer minutieusement son expédition et se donner pas mal de courage. Pour l’instant, il se contente de ranger ses affaires qu’il a juste envoyé valser en posant le pied dans cette maison qui est la sienne lorsqu’il est à Sérön.

Mais quelqu’un vient le déranger dans son rangement et Marek grogne un peu. Il vient tout juste de rentrer et n’a même pas encore pu aller profiter de l’auberge, alors il se demande qui peut bien venir l’importuner à cette heure-là. Et il ouvre la porte pour tomber sur une femme qu’il ne connait pas du tout – du moins, il ne se souvient pas d’elle, mais cela lui arrive bien souvent – qui lui demande s’il est bien Marek, le maître d’armes. Alors il hoche la tête. « Oui c’est moi. » Et il se demande ce que vient faire la femme chez lui. Et c’est là qu’il entend une toute petite voix, à peine chuchotée, et qu’il baisse les yeux vers une petite fille, haute comme trois pommes, qu’il n’avait pas vu au début. « Je peux vous aider ? » Il ne sait pas trop, mais quelque chose lui dit que cette femme n’est pas là pour faire du tourisme.

L’homme il a une voix grave. Comme beaucoup des autres hommes du clan. Surtout les guerriers. Ils sont forts et ils parlent avec une voix grave et ils ont toujours le dos droits et les épaules bien relevées, imposantes. L’homme il est comme ça. Il fait vraiment peur. Et moi je ne comprends pas pourquoi Céleste elle veut me laisser ici. Parce que moi, je ne le connais pas le monsieur et que lui non plus il me connait pas. Alors il faudrait vraiment que je reste là ? Dans ma nouvelle maison que je ne connais pas ? Et si je n’ai pas envie ? Si je préfère rester sur la péniche, dans l’eau ? Pour voir les méduses brillantes qui reviennent avec la marée. Elles sont vraiment belles. Mais je ne dois pas mettre la main dans l’eau parce qu’elles piquent très fort. Juste les regarder. Mais ici, je ne pourrais plus voir les méduses. Ni les poissons. Ni les poulpes. Juste les oiseaux blancs dans le ciel. Et je suis un peu triste.

Il dit que c’est bien lui, Marek. C’est quoi un maître d’arme ? J’aimerais bien demander mais déjà Céleste recommence à parler. Elle lui dit : « Je suis… J’étais une amie de Kiwa, la couturière. Elle est morte il y a quelques jours maintenant… ». Elle fait une pause, un instant. Elle a l’air un peu triste. Mais Céleste, elle ne pleure pas, elle ne pleure jamais. La cuisinière elle ne se laisse pas marcher sur les pieds par les autres et elle ne leur montre jamais ses faiblesses. Elle est vraiment géniale, moi je l’aime beaucoup Céleste. Puis elle reprend : « Elle laisse derrière elle une petite fille dont je ne peux malheureusement pas m’occuper, et d’après ce que j’ai cru comprendre, elle est de toi… ». Elle le regarde puis elle se décale un peu, se dégageant de mon étreinte pour que je ne sois plus cachée derrière elle. Et elle me regarde en me faisant un petit signe de tête encourageant. Alors moi je lève mon regard sur le monsieur en penchant un peu la tête parce qu’il est grand et je lui dis : « Bonjour, je m’appelle Naya, et je n’ai plus de maman maintenant. Céleste elle dit que tu es mon papa, mais je sais pas vraiment c’est quoi un papa. C’est vrai ? Tu veux bien ? ». Il me fait un peu peur, mais Céleste m’a dit que je n’avais pas le choix, que maintenant je ne vivrais plus sur la péniche. Et s’il ne m’aime pas, il ne voudra plus de moi, alors moi je n’aurais plus de maman et plus de maison non plus. Il faut que je sois grande. Et puis, il a peut-être des histoires à me raconter !

Marek&Naya

Marek observe cette femme qui se trouve devant sa porte ouverte et il a comme l’impression que celle-ci va lui apporter quelques soucis. Il ne sait pas pourquoi, mais il le pressent. Alors il la regarde et il l’écoute lorsqu’elle lui dit être une amie d’une femme nommée Kiwa, une couturière. Et Marek se souvient vaguement d’elle, de cette femme qu’il a rencontrée il y a plusieurs années lors d’un retour à Sérön. Il se souvient d’elle et de son physique un peu atypique, difficilement oubliable, et ça le fait doucement sourire. Moins quand la femme lui annonce que Kiwa est morte quelques jours auparavant et qu’elle laisse une petite fille. Qui apparemment serait la sienne…

Alors Marek relève les yeux vers la femme, surpris. Ce coup là, on lui a déjà fait il y a trois ans mais il est tout aussi surpris que la dernière fois. Et comme la dernière fois, il a un peu du mal à y croire, à se faire à cette idée à nouveau. Il se souvient de Kiwa, vaguement cependant, mais il se souvient d’elle et en regardant la petite fille qui se cache derrière la femme, il voit la ressemblance entre elle et sa mère. Ça ne fait aucun doute. Mais comme pour Marko, Marek cherche la ressemblance entre lui et la gamine qui se trouve devant lui. Et comme pour Marko, il n’y en a aucune. Il n’a aucun moyen de savoir s’il est bien le père de cette enfant, même si elle semble avoir à peu près l’âge de sa dernière rencontre avec Kiwa, mais il ne peut même pas l’affirmer parce que la gamine est toute petite. Haute comme trois pommes.

Alors Marek se passe la main derrière la nuque et observe la gamine, sans trop savoir quoi dire, quand celle-ci prend la parole, avec cette petite voix toute fluette. Il soupire doucement puis se baisse pour se mettre à sa hauteur. « Bonjour Naya, moi je m’appelle Marek. Je suis désolé pour ta maman. » Il l’observe un peu tout en repensant à ce que la femme vient de lui dire et à ce que cette petite fille vient de dire aussi. « Je ne sais pas vraiment non plus ce qu’est un papa. » Même s’il a eu la chance d’avoir le sien auprès de lui durant les dix premières années de sa vie, mais c’est bien différent ici. Alors il se relève et pose les yeux sur la femme. « Et vous voulez que je m’occupe d’elle, c’est ça ? » Il le sent bien venir ce coup là aussi, la mère de Marko lui a dit la même chose il y a trois ans. Il jette un œil à la gamine et secoue un peu la tête. Celle-là, il ne pourra pas l’envoyer en formation quelque part, elle est bien trop petite pour ça et en plus c’est une fille. « Il n’y a vraiment aucune autre solution pour elle ? » Et il grimace un peu, parce qu’il ne sait pas trop ce qu’il va faire d’elle sur ce coup.

Je ne sais pas ce qui va se passer maintenant. Mais comme l’a demandé Céleste, je fais la grande. Parce que de toute façon, maman elle me le disait aussi. Il faut être forte, parce que sinon les autres ils risquent de vouloir me faire du mal. Etre plus forte qu’eux, même si je ne deviens pas une guerrière. Je ne sais pas si je veux devenir une guerrière. Sur la péniche avec les autres, parfois, on utilise des bâtons comme pour s’entraîner. Mais je ne suis pas si forte, ce sont souvent les autres qui gagnent. Et puis moi je m’en fiche, parce que c’est juste un jeu. Alors je ne crois pas que je devienne une guerrière. Mais je ne sais pas vraiment non plus. La cuisine de Céleste est très bonne et c’est amusant de faire comme elle. Le gros appareil de maman pour faire les vêtements, il est très compliqué, et je ne trouve pas ça très drôle. C’est dur de grandir.

Quand le monsieur il se penche, il se met à ma hauteur, je baisse la tête pour l’observer. Il a de beaux yeux, ils sont verts. Et il y a des plis sur son visage : aux creux de ces yeux. Mais pas autant que Céleste. Et il a une barbe aussi. Je me demande comment c’est la barbe : est-ce que c’est doux ? Mais je ne touche pas, parce que je ne sais pas si j’ai le droit. D’abord, il me dit qu’il s’appelle Marek et qu’il est désolé pour ma maman. Je lui fais un petit sourire. J’essaie d’être grande, mais elle me manque quand même. C’est bizarre de ne plus la voir penchée sur un vêtement qu’elle prépare pour quelqu’un ou de ne plus l’entendre rire. Après, il me dit qu’il ne sait pas non plus ce que c’est qu’un papa. Lui non plus il en a pas ? Il est comme moi alors ? Je lui souris parce qu’il a l’air plus gentil maintenant qu’il fait ma taille et qu’il me parle comme ça. J’ai un peu moins peur que Céleste me laisse avec lui, toute seule. Alors je réponds : « Comment on va faire alors ? ». Bah je préfère savoir. Parce que s’il sait pas, je ne veux pas être toute seule. Alors je m’accrocherais à la jambe de Céleste si fort qu’elle ne pourra pas me détacher et qu’elle sera obligée de rester avec moi.

Puis, il se relève et il regarde à nouveau Céleste avant de lui parler. Alors moi j’écoute. Mais j’attrape quand même le pantalon en toile de Céleste dans ma main, un peu effrayée par tout ça. Mais je regarde aussi autour de nous. Serön c’est très différent de la vie sur la péniche. Et très différent de Haven aussi. Peut-être que je vais m’amuser ici ? Et trouver de nouvelles choses à apprendre ? Je les regarde à nouveau quand Céleste lui répond : « Aucune. Kiwa n’avait plus de famille et je ne peux pas le faire moi-même… Cette petite a besoin d’un père… Ne croit pas que je n’entends pas les futurs guerriers parler de ta réputation de bon professeur… ». Céleste, elle a toujours l’air très grave quand elle parle, comme si elle disputait. Mais là, je sais que ce n’est pas le cas, parce qu’il y a cette petite étincelle dans ses yeux. Je ne sais pas bien ce que c’est. Maman elle disait que c’était de la bienveillance et le vieux guerrier du respect aussi. Mais je ne comprends pas très bien.

Marek&Naya

Marek pose la question à la femme parce qu’il tient tout de même à savoir s’il n’y a pas une autre solution que lui. Il n’a pas la fibre paternelle, pas du tout et il préfèrerait clairement que la femme lui dise que l’enfant a de la famille ailleurs qui pourra s’occuper d’elle. Mais la femme lui répond l’inverse, lui explique que la petite fille n’a plus aucune famille et qu’elle a besoin d’un père. Marek soupire un peu. Ce que l’enfant a besoin c’est surtout d’une mère, de quelqu’un qui sache réellement s’occuper d’elle. Pas de lui qui n’y connait pas grand-chose et qui ne sera sans doute pas la personne la mieux placée pour veiller sur elle et lui apprendre des choses. La seule chose qu’il pourrait éventuellement lui apprendre, c’est le maniement des armes et peut-être la lecture, voir l’écriture. Mais il n’en est même pas sûr. « Enseigner aux plus jeunes est bien différent qu’éduquer un enfant. Si petit en plus. » Et Marek jette un œil à cette petite fille qui s’accroche à la jambe de la femme. C’est vraiment très différent et il ignore s’il sera capable de faire un telle chose, de l’éduquer correctement ou de la façon dont sa mère l’aurait voulu.

Il regarde la fillette un peu longtemps, cherchant la bonne réponse à toutes ces questions qu’il se pose, puis il se baisse à nouveau à sa hauteur, conscient qu’il est très grand et que cela ne doit pas être pratique pour elle. « Qu’est-ce que tu en penses toi ? Est-ce que tu veux que je sois ton papa, est-ce que tu veux rester ici avec moi ? » Marek préfère lui poser la question à elle aussi, parce qu’après tout elle doit bien savoir ce qu’elle souhaite. Et si l’enfant ne souhaite pas rester avec lui, il ne devrait pas avoir à la forcer et la femme non plus. Alors il regarde encore cette petite fille et esquisse un petit sourire pour la réconforter un peu et tenter de la rassurer aussi, parce qu’il sait que tout cela ne doit pas être simple pour elle non plus. Puis il relève les yeux vers la femme et soupire un peu. « D’accord. Tant qu’elle voudra rester ici, je la garderais. Mais si elle n’est pas heureuse avec moi ou qu’elle veut partir, je la ramènerais. » Cela lui semble plutôt logique.

Je ne comprends pas tout ce qu’ils disent tous les deux. Je crois qu’ils parlent d’autres enfants. Mais l’homme, il dit que ce n’est pas facile, quand on est si petit. Moi je ne sais pas de qui il parle parce que moi je suis grande ! Je suis une grande fille. Je suis courageuse, même quand la vie est difficile. Ma maman elle me manque. Mais elle ne reviendra pas. Alors je sais que je dois faire avec. C’est comme ça. Et Céleste elle ne veut pas que je reste avec elle. Elle dit qu’elle est trop vieille pour s’occuper d’un enfant. Mais moi je suis sage. Je ne l’embêterais pas. Je pourrais même l’aider. Mais elle veut quand même pas.

Quand le monsieur il se penche à nouveau vers moi, je le regarde et je l’écoute. Il me demande si je veux rester avec lui. Il me demande si je veux qu’il soit mon papa. Peut-être que ça serait bien d’avoir un papa. Il n’a pas l’air méchant, même s’il fait un peu peur. Et puis de toute façon, Céleste elle ne veut pas que je reste avec elle. Alors quoi ? Moi il faudra que j’aille où si je ne peux pas rester ici ? Et comment ça va se passer ? Je vais me faire manger par les méchants requins ? Je ne sais pas. C’est quand même un peu triste. Alors moi je lui dis : « Je veux bien… Tu me raconteras des histoires toi aussi ? ». Je le regarde toujours. Moi j’espère qu’il va me raconter des belles et grandes histoires. Céleste elle dit qu’il est allé à la guerre et qu’il a vu d’autres clans. Il doit avoir pleins de choses à me raconter !

Puis, il se redresse et il recommence à parler à Céleste. Il dit qu’il est d’accord. Mais que si je ne suis pas heureuse, il me ramènerait. Quoi ? Où ? Mais non. Pas possible ça. S’il ne veut plus de moi qu’est-ce que je vais pouvoir faire ? Mais Céleste elle lui dit : « Personne ne pourra s’en occuper Marek… Les autres ont déjà des enfants. Leur place de péniche sera sans doute réattribuée… Tu sais bien commence ça fonctionne… Elle sera heureuse, Naya est une enfant qui est souriante, tant que tu lui racontes des histories et que tu la nourris, elle se portera bien… ». Elle baisse le regard sur moi et moi je la regarde en lui souriant. Céleste elle a raison, moi j’adore les histoires et je fais oui de la tête, parce qu’elle a raison. Moi j’adore les histoires. Elle reprend la parole pour dire : « Kiwa avait un métier à tisser de bonne facture, le reste de leurs affaires est là... A toi de voir ce que tu veux en faire. ». Un métier à tisser. Maman elle me disait souvent ça. La grande et grosse machine en bois pleine de fil. Mais moi je la trouve bizarre et étrange cette machine. Mais si Marek n'en veut pas, elle ira où ? Alors je me tourne vers lui pour écouter ce qu'il va dire.

Marek&Naya

Marek sourit devant la bouille de la fillette. Elle ressemble à sa mère, il n’y a aucun doute, et Marek cherche encore la ressemblance qu’elle pourrait avoir avec lui. Mais il ne la trouve pas et il se dit qu'il est peut-être qu’il est condamné à avoir des enfants qui ne lui ressemblent pas. Si ce sont bien ses enfants cependant, parce qu’il n’a pas vraiment de moyen de savoir si tout cela est vrai ou non. « Je t’en raconterais. Mais je ne sais pas si elles seront aussi bien que celles de ta maman. » Marek préfère de loin les écouter les histoires, surtout lorsqu’elles concernent sa jolie chef de clan. Mais avec toutes celles qu’il a déjà entendues, il pourra sans doute en raconter un peu à la fillette devant lui. Si elle aime les histoires de batailles et de guerres.

Marek observe la vieille femme lorsqu’elle lui redis que personne d’autre ne pourra s’occuper de l’enfant et il soupire un peu, parce qu’il n’est pas sûr de pouvoir assurer son éducation lui-même. Mais il trouvera toujours une solution, comme il en a trouvé une pour Marko au final, même si cette enfant-là est peut-être un peu trop jeune encore pour être envoyée en formation. Mais bon, au pire s’il n’arrive pas à s’occuper d’elle, il essayera de trouver une femme pour le faire. Avec le nombre de femmes qu’il connait, cela ne devrait pas être trop difficile pour lui au final. Alors il hoche la tête devant les paroles de la vieille femme et l’écoute parler de ce métier à tisser qu’avait la mère de l’enfant. Marek réfléchit quelques secondes. « Garde la, ou confie la à quelqu’un qui en aura besoin. Quand aux affaires, je lui en trouverais d'autres. » Lui ne saura pas vraiment quoi faire d’une telle machine de toute façon, donc autant que la femme s’en serve elle-même. Ou l’échange contre autre chose.

Alors que je lui dis que je suis heureuse si on me raconte des histoires et que je lui demande s’il m’en racontera, il me répond qu’il le fera. Il me dit que oui, il me racontera des histories. Mais qu’il ne sait pas si elles seront moins bien que celles de maman. Ah bah ça, c’est sûr. Celles de maman, elles sont parfaites. Mais elle n’est plus là pour me les raconter. Alors tant pis. Mais lui, au moins, il pourra le faire. Et même si elles sont moins bien. Peut-être qu’elles seront mieux avec le temps ? Il apprendra. Moi aussi j’apprends. Et je peux lui en raconter aussi moi des histoires. J’adore ça ! Alors je lui souris encore et je lui fais oui de la tête : « Les histoires c’est toujours bien ! ». Oui, toujours. Les histoires, elles nous font apprendre des choses, elles nous disent comment nous comporter, elles nous permettent de ne pas refaire deux fois les mêmes erreurs. Quand on se trompe, les histoires le disent, et comme ça, on peut faire mieux après. Les histoires, elles sont toujours mieux quand elles sont racontées plusieurs fois et par plusieurs personnes. Elles sont toujours mieux parce qu’elles ont pleins de petits trucs en plus et que du coup ça fait de grandes et belles histoires. Alors on fera des histoires à deux.

Puis, Marek il répond à Céleste. Il lui dit qu’elle peut garder le métier à tisser ou l’échanger. Moi, je ne sais pas m’en servir et lui non plus surement. Et puis, il faut partager. Maman elle donne toujours beaucoup aux autres et beaucoup à moi aussi. Alors peut-être que quelqu’un en aura besoin ? Moi je ne veux pas faire comme maman de toute façon. C’est trop difficile, il y a trop de fils partout, c’est très compliqué. Alors Céleste acquiesce et dit : « J’honorerais sa mémoire… ». Puis, elle se penche à son tour et me regarde. Moi aussi je la regarde. Elle a beaucoup de plis sur le visage. Maman dit que c’est parce qu’elle est vieille. Moi je trouve ça bizarre. Mais elle est jolie Céleste. Et elle me dit : « Je passerais te voir de temps en temps, d’accord ? Et je t’apporterais du poisson lune, je sais que tu adores ça… ». Je souris encore plus et j’acquiesce vivement. Moi je suis contente. Et d’ailleurs je lui fais un câlin en la serrant le plus fort que je peux puis je lui dis : « Tu vas me manquer… ». Elle me relâche et se redresse en me tapotant la tête. Je lui souris encore en prenant sa main. Je ne suis pas sure de vouloir qu’elle parte. Je la connais bien Céleste. Elle a toujours fait attention, elle m’apprend des choses. Mais finalement, elle regarde une dernière fois Marek et lui dit : « Fais attention à elle… ». Puis elle me dit une dernière fois en revoir, et moi je lui fais un petit signe de la main en la regardant s’éloigner. Je suis triste. D’abord, maman est partie. Puis maintenant Céleste. Je suis triste. Je ne veux pas être toute seule. Alors je me décale et je m’agrippe à la jambe de Marek. Je ne veux pas qu’il parte aussi. Sinon je serais vraiment toute seule.

Marek&Naya

Si quelqu’un avait dit à Marek le matin même qu’il devrait gérer ce genre de chose en se levant, peut-être qu’il n’aurait pas quitté son lit. Peut-être même qu’il ne serait pas rentré à Sérön après la bataille de Kalawen ou qu’il se serait roulé en boule sous la tente des soigneurs pour ne plus jamais en sortir. Même s’il a accepté de s’occuper de l’enfant qui se trouve devant lui – et qui, apparemment, se trouve être à lui – il ignore s’il sera capable de le faire parce que Marek est bien loin d’avoir l’instinct paternel avec les enfants. Il n’y a qu’à voir comment il s’en est sorti avec Marko sur les quelques jours qu’ils ont passés ensemble, avant qu’il ne l’envoie en formation sur le Requin. Sans ça, Marek ignore totalement ce qu’il aurait fait du gamin. Peut-être qu’il l’aurait collé dans les pattes d’un quelconque instructeur. Mais voilà, cette gamine devant lui est un peu trop petite pour être confiée à un instructeur et Marek doute que le navire accepte une enfant aussi petite pour le moment. Mais bon, il a promis qu’il allait essayer, alors il va faire un effort et tenter d’être quelque chose qui se rapproche le plus d’un père pour cette gamine. Après tout, il a eu le sien durant les dix premières années de sa vie et il en a été plutôt heureux, non ? Alors Marek se dit qu’il devrait réussir à la maintenir envie pendant quelques temps.

Et il observe la vieille femme faire ses adieux à la gamine, qui semble plutôt bien prendre la chose. Au moins elle ne se met pas à pleurer en s’accrochant à la jambe de la femme, c’est déjà ça, parce que Marek ne saurait sans doute pas quoi faire face à une crise de larmes. La gamine prend sur elle et Marek salue la vieille femme avant de hocher la tête, posant son regard sur la gamine qui s’accroche désormais à sa jambe. Elle est si petite comparé à lui qu’il a juste à tendre le bras pour lui toucher le haut de la tête. Il va falloir qu’elle grandisse un peu parce qu’elle risque de se faire marcher dessus au sein de la ville. Il secoue doucement la tête puis regarde la femme se fondre dans la foule de gens qui marche dans la rue, avant de baisser les yeux vers cette petite fille qu’on lui a confié. Il se demande encore comment il a pu accepter une chose pareille… Alors il pose sa main derrière la tête de la gamine. « Allez viens, on va te trouver un coin. » Et il fronce les sourcils en se disant qu’il va avoir pas mal de choses à faire s’il doit s’occuper de cette petite fille haute comme trois pommes. À commencer par lui faire une place dans cette maison où il vit lorsqu’il se trouve à Sérön. Et à trouver quelqu’un pour s’occuper d’elle quand il ne s’y trouve pas, parce qu’il doute qu’elle puisse rester toute seule pendant plusieurs jours au cas où il doive s’absenter pour une raison ou une autre. Et il voit déjà le fou rire d’Altaïr si celui-ci apprend la nouvelle, encore une fois. Alors Marek pousse doucement la gamine dans la maison puis referme la porte. Il sent déjà que les prochaines heures - et les prochains jours - vont être difficiles.

C’est une nouvelle vie. Mais j’aurais préféré rester avec maman. Je déteste ça. Maman me manque. Mais elle ne reviendra pas, je le sais bien. Alors je dois faire ce qu’on me dit maintenant. Céleste ne me laisserait pas là, si j’étais en danger. Elle ne me laisserait pas là si le monsieur est méchant. Marek. Mon papa. C’est bizarre d’avoir un papa. Les autres enfants de la péniche, ils avaient un papa et une maman. Moi je n’ai qu’une maman. Non. Non plus de maman. Mais un papa. Un nouveau papa. Je sais pas ce que c’est un papa. Il va m’apprendre. Mais lui non plus il sait pas ce que c’est un papa. Ça va être bizarre tout ça. Peut-être que je devais suivre Céleste. Peut-être que ça serait mieux. Elle peut s’occuper de moi. Je comprends pas pourquoi je dois rester ici.

Puis Marek il pose sa main à l’arrière de ma tête et moi je le regarde. Je tiens toujours sa jambe pour qu’il ne parte pas. Et il me dit qu’on va me trouver un petit coin à l’intérieur. Ça veut dire que je peux entrer ? Qu’il ne va pas partir ? Au moins je serais à l’abri de la pluie. Je souris un peu et j’acquiesce en me laissant pousser un peu à l’intérieur. Je soulève mon sac mais il est un peu lourd quand même. Je regarde partout en tirant mon sac pour le rentrer dans la maison et je souris un peu. Je regarde la maison et comment elle est à l’intérieur. C’est grand. Plus grand que la péniche en tout cas. Et il n’y a pas autant de monde. Personne d’autre en fait. Je fais un tour de moi-même pour regarde partout puis je pose mon sac contre un mur et je coure partout pour visiter. Puis je reviens vers lui et je lui demande : « C’est ta maison ? ». Je le regarde en levant la tête bien haut parce qu’il est toujours grand quand même. Puis je demande encore : « Il y a quelqu’un d’autre avec toi ? Une autre maman ? ».

Marek&Naya

Marek ne sait pas trop comment tout cela va se passer par la suite mais il préfère éviter d’y penser maintenant. Une chose à la fois. Déjà, faire entrer la gamine dans la maison et lui présenter ce qui, apparemment, sera maintenant son « chez elle » aussi. C’est bizarre pour Marek de se dire qu’il va devoir partager sa petite habitation avec une enfant haute comme trois pommes et qu’il ne sera plus seul ici maintenant. Il a encore du mal à digérer tout cela et espère encore que tout ceci n’est qu’un rêve et qu’il va vite se réveiller. Mais non, pour l’instant il continue à être piégé dans ce qui semble être un cauchemar, un vil cauchemar. Peut-être qu’il aurait dû rester à Kalawen et ne jamais revenir ici, la vieille femme aurait trouvé une porte close et il n’aurait sans doute jamais récupéré cette petite fille qui semble être apparemment la sienne. C’est difficile à dire, elle ne lui ressemble pas vraiment. Pas du tout même… Il l’observe à nouveau tandis qu’elle pose ses affaires contre un mur et qu’elle fait une visite rapide des lieux, en courant. Et Marek se dit que cette petite fille a de l’énergie à revendre et qu’il va bien avoir du mal à la gérer dans les prochains jours. Et il baisse les yeux vers elle, calmement, quand elle lui pose sa première question. « C’est ma maison oui. Je suppose que maintenant c’est aussi un peu la tienne. » Non, décidemment il y a un truc étrange dans ses paroles, c’est vraiment bizarre de se dire qu’elle va devoir vivre avec lui. Marek a besoin d’un verre. De beaucoup de verres. Il lui faut digérer la nouvelle comme il a dû digérer celle qui est arrivée avec Marko trois ans auparavant.

Surtout que l’enfant semble un peu plus agitée que ne l’était Marko quand il est arrivé devant la porte de la maison. Mais Naya semble être beaucoup plus jeune que ne l’était son bâtard quand il l’a rencontré. Et c’est une fille, c’est peut-être là toute la différence aussi. Puis l’enfant pose une autre question et demande s’il y a quelqu’un d’autre avec lui. Une autre maman. Marek a du mal à comprendre ce dont elle veut parler lorsqu’elle pose la question, puis la lumière se fait dans sa tête et il ne peut s’empêcher de rire doucement. « Non, personne d’autre ne vit ici. Et il n’y a pas non plus d’autre maman. » Et peut-être qu’il va devoir finir par en trouver une, de maman, pour ses deux gamins, maintenant qu’il en a deux. Qu’il semble en avoir deux… Mais il n’y a qu’une femme dans son cœur à laquelle il demanderait de partager sa vie et il ne peut décemment pas lui proposer aussi une telle chose. Marek se doute déjà très bien que Neith n’acceptera peut-être pas sa demande en mariage avec les perles – qu’il est censé aller chercher prochainement – alors de là à lui proposer d’accepter aussi les deux gamins, c’est autre chose. Autant l’ainé est grand et n’a pas nécessairement besoin de faire partie du lot, mais cette enfant devant lui a clairement besoin d’un peu plus de présence dans sa vie que Marko. D’une nouvelle mère peut-être. Et Marek n’est sans doute pas le mieux placé pour lui offrir une telle chose, alors il ne peut s’empêcher de se demander si cette petite fille qui pose toutes ces questions ne serait pas mieux dans une autre famille. Une famille avec deux parents aimants et attentionnés, et une maman. « Pourquoi cette question ? Est-ce que tu voudrais une nouvelle maman ? » On ne sait jamais.

La maison elle est chouette. Elle n’est pas si grande finalement. Mais elle est agréable. Il y a la grande porte pour entrer. Et la première pièce est la cuisine. Il y a même une cheminée pour faire du feu. Moi j’ai jamais vu de cheminée alors je me suis approchée pour voir. Je crois que c’est là qu’on met les chaudrons pour faire les plats. Dans la péniche ce n’est pas comme ça. Je regarde un moment puis je continue. Dans l’autre pièce, il y a un lit. Un grand lit. Surement pour le grand monsieur. Mais moi du coup, je vais aller où ? Je finis le tour et je reviens pour lui poser mes questions. Parce que du coup moi je suis curieuse. J’ai des questions alors je les pose parce que j’aime bien savoir. Je lui offre aussi un sourire. Parce que je suis une petite fille gentille et polie. C’est ma maman qui le dit. Toujours être gentille et sourire. Polie mais intelligente. Pour ne pas me laisser marcher sur les pieds. Je ne comprends pas très bien, cependant. Le monsieur il dit que oui, c’est sa maison et que maintenant c’est surement un peu la mienne. Alors je souris encore plus et je regarde autour de moi. J’aimerais bien. Je crois que ça va être différent de la péniche mais que ça peut être bien aussi. Je vais apprendre de nouvelles choses !

Après le monsieur il me dit qu’il vit seul ici et qu’il n’y a pas d’autre maman. Je me tourne et je le regarde. Je penche un peu la tête. Je ne sais pas trop quoi lui répondre. Ce n’est pas très grave dans le fond. Moi je sais pas comment c’est quand on est grand. Maman, elle vivait juste avec moi et ça lui allait. Elle n’avait pas d’autre personne avec elle. Pas de papa. Pas d’autre papa. Juste elle et moi. Alors peut-être que c’est normal ? Peut-être qu’il y a des gens qui préfèrent être seuls ? Moi je veux pas être toute seule. Je suis trop petite. Et quand il me demande si je voudrais une autre maman je le regarde un moment. Est-ce qu’il va en trouver une ? Est-ce qu’il va me donner à quelqu’un d’autre ? Je fais une petite grimace et je lui dis : « Je sais pas… ». Je le regarde et je lui dis : « Je veux ma maman, mais elle peut pas revenir… ». Bah non. Quand on est mort, on ne peut pas revenir. C’est comme ça. Je regarde la maison puis je dis : « C’est bien ta maison, tu ne me donnes pas à quelqu’un d’autre hein ? ». Et je le regarde à nouveau, inquiète. Je ne veux pas qu’il m’emmène ailleurs chez des gens que je ne connais pas. Maman elle le connaissait. Alors peut-être que je dois rester ici. Oui. Je ne veux pas aller ailleurs. Et je suis prête à m’accrocher à sa jambe aussi fort que possible. D’ailleurs je cours jusqu’à lui et je m’accroche à nouveau à sa jambe très fort en disant : « Me laisse pas toi aussi… ».

Marek&Naya

Marek n’a pas promis à la vieille femme de garder l’enfant avec lui. Il lui a juste dit que tant que celle-ci voudrait rester avec lui, il la garderait. Mais si un jour la petite fille venait à ne plus vouloir vivre ici et à vouloir avoir deux parents plus aimants que lui, Marek n’irait pas contre sa volonté. Et peut-être que c’est ce qu’elle finira par vouloir, parce qu’elle n’a connu que l’amour de sa mère et qu’elle ne sait pas vraiment ce que c’est qu’un père. D’ailleurs Marek ne sait pas vraiment non plus, il n’a jamais élevé d’enfant et il ne sait pas vraiment quoi faire de ce côté-là. Il essayera, bien entendu, mais s’il s’avère qu’il n’est pas doué pour cela, il ira sans doute la confier à quelqu’un d’autre. Quelqu’un qui sera plus à même d’aimer cette petite fille et de lui apprendre les bonnes choses. Mais pour l’instant, il a dit qu’il allait essayer alors il compte bien le faire, au moins pour quelques jours.

Et il regarde la petite fille après lui avoir posé la question. Elle ne sait pas, elle voudrait sa maman mais ça, ça n’est pas vraiment possible et Marek soupire doucement avant de fermer les yeux. Il espère franchement qu’elle ne se mettra pas à pleurer en réclamant sa mère parce qu’il ne saura pas vraiment quoi faire dans ce cas-là. Pour l’instant elle a l’air de bien prendre tous les changements dans sa vie. Et il rouvre les yeux d’un coup en sentant cette petite chose haute comme trois pommes s’accrocher à sa jambe. Ça le déstabilise durant quelques secondes et il se contente de baisser les yeux pour l’observer tandis qu’elle lui demande de ne pas la laisser lui aussi. Alors, un peu maladroit, il tapote doucement sa tête pour tenter de la réconforter. « Je ne compte pas te laisser. » Du moins pas pour le moment, mais ça il ne le dit pas. Doucement, il écarte ses bras pour qu’elle lâche sa jambe et la fait reculer un peu pour pouvoir se baisser à sa hauteur et l’observer. « On va se faire une promesse tous les deux ? Tu vas rester ici avec moi mais si jamais un jour tu n’as plus envie ou que tu veux avoir un autre papa ou une autre maman, tu dois me promettre que tu me le diras, d’accord ? » Marek pense bien que même si elle est petite, elle peut comprendre ce qu’il est en train de lui dire. Parce qu’il ne veut pas l’obliger à rester avec lui si elle ne le souhaite plus ou si elle veut juste trouver de nouveaux parents plus aimants que lui. « On fait comme ça ? »

Moi je ne veux pas qu’il me laisse. Parce que c’est quand même la seule personne qu’il me reste. Je n’arrive pas vraiment à savoir si je veux rester, partir, ou retourner avec Céleste. C’est quand même un peu bizarre tout ça. J’ai un peu peur. Moi je suis trop petite pour être toute seule. Je ne sais pas chasser et j’ai encore du mal à pêcher. Je vais pas survivre toute seule. Il faut absolument qu’il reste avec moi. Il me tape encore sur la tête et il me dit que non, il ne va pas me laisser. Je lève le regard sur lui et le regarde un moment. Il a l’air de ne pas mentir. Alors je l’écoute. Puis, il se met encore à ma hauteur et commence à me parler. Il m’explique qu’on va se faire une promesse : je peux rester ici et vivre avec lui mais si un jour je ne veux plus, que je veux un autre papa ou une autre maman alors il faut que je lui dise et qu’on trouvera une solution. Enfin quelque chose comme ça. Mais pourquoi est-ce que je voudrais un autre papa ? J’en ai un, c’est lui. Et j’ai plus de maman. Mais si lui un jour il a une femme, elle deviendra ma nouvelle maman peut-être ? Mais pour le moment j’en veux pas. C’est trop dur déjà de devoir dire au revoir. En plus j’ai même pas pu lui dire que je l’aime très fort. Elle me manque.

Alors moi je fais oui de la tête et je dis : « D’accord… Je promets… ». Et je lui fais un grand sourire. Puis, je regarde à nouveau la maison. Elle est jolie la maison. Mais la terre ça bouge pas, c’est drôle quand même. Alors je demande : « Ça bouge jamais la terre ? Parce que sur la péniche ça bougeait avec l’eau de la mer… C’était facile pour s’endormir ! Ici ça doit être moins facile… ». Je cours jusqu’à son lit pour voir s’il bouge. Mais il bouge pas. C’est triste. Moi je sais pas si je réussirais à m’endormir. Je monte dessus et je m’assois pour voir si ça bouge. Mais toujours pas. C’est triste. Je regarde autour de moi. Comment on pourrait faire ? Je suis sûre on peut faire un lit qui bouge juste pour moi. Je fais la grimace, je pose mon doigt sur mes lèvres pour réfléchir. Puis je le regarde et je demande : « On peut me faire un lit qui bouge ? ».