Explain me why the world is upside down... [Curtis & Jasper]

explain me why the world is upside down

Jasper & Curtis

Je regarde autour de moi je ne reconnais pas mon village. TonDC, détruit par un missile. Les ruines sont partout, mais la poussière est enfin retombée. On s’active déjà pour la reconstruire, mais la guerre qui approche ralentit les choses. Il y a trop à faire, trop à penser. Le plus important reste cette bataille que nous menons contre la Montagne. C’est elle qui a tout détruit, qui a tout éradiqué. C’est elle qui se permet de nous utiliser comme de vulgaires objets. C’est aussi elle qui a permis l’alliance entre notre peuple et celui du ciel. Je suis méfiante, comme à mon habitude, mais j’ai confiance en Lexa. Sa détermination m’aide à faire fi de mes inquiétudes. Pourtant, je ne peux m’empêcher de penser à ce qui n’arrivera pas la suite. Lorsque la Montagne sera vaincue, lorsqu’on aura plus la violence pour s’unir. Pour l’instant, personne ne pose la question. On s’efforce de penser au moment présent, aux tâches à accomplir. Je suis perchée devant la tente de Lexa, comme à mon habitude. Elle n’est pas en danger et, franchement je pourrais vaquer à mes occupations, mais j’en suis incapable. C’est la seule chose qui me tient debout, qui me tient éveillée. J’observe, j’analyse, j’essaie de repérer le moindre danger, même s’il reste inexistant.

C’est là que je le vois, un skaikru. Certains d’entre eux se sont réfugiés ici, ce qui ne me plaît pas plus qu’il ne le faut. Il semble perdu, incertain, cherchant quelque chose du regard. Quelques secondes de plus et je le reconnais enfin. C’est celui que j’ai transpercé de ma lance, quelques heures après leur arrivée sur Terre. Sa blessure ne l’a pas tué, c’était voulu. Un simple avertissement, une manière de décourager toute hostilité. Ça n’a pas marché. Je m’en veux, un peu. Une petite pointe de regret qui transperce mon cœur, mais c’est tout. Il ne semble pas dangereux, mais j’ai appris à ne pas me fier aux apparences. Les hommes de la Montagne semblent si faibles, enfermés dans leur boîte de béton. Pourtant, ils ont des armes cachées, des outils qui nous immobilisent. Peut-être que ce skaikru possède plus qu’il en laisse paraître. Ses yeux se posent finalement sur moi et il sourit. Un frisson parcourt mon corps. Je ne sais pas comment réagir à ça, comment je dois l’interpréter. Je n’ai pas le temps de réfléchir qu’il est déjà devant moi. Jasper, c’est son nom. Ça sonne bizarre, je ne m’y habitue pas.

Un sourire flotte encore sur ses lèvres et mon expression se refroidit davantage. Je ne tiens pas à faire la conversation avec lui, ni avec qui que ce soit d’autre, d’ailleurs. Je ne comprends pas ses motivations, ce qui le pousse à venir me parler. Il doit se sentir seul, parmi tous ces Grounders, parmi nous. Il n’est pas habitué d’être loin des siens. Ce n’est pas ça qui va me convaincre de discuter avec lui. Je respecte les décisions de Lexa, mais je ne ferai pas d’effort pour me rapprocher d’eux, je n’en vois pas l’intérêt. « Le commandeur est occupée, revient plus tard. » Je ne sais pas quoi dire pour le faire partir, pour qu’il me laisse à moi-même. J’aurais pu être plus brusque, lui dire d’aller voir ailleurs, mais ce n’est pas dans mon caractère.

explain me why the world is upside down

Jasper & Curtis

Le skaikru… Jasper semble surpris de ma réponse. Ses yeux s’écarquillent et le doute s’installe sur son visage. Je reste perplexe. Ne sait-il pas que c’est la tente du commandeur? Que la seule raison valable pour venir me parler est de demander à la voir? Ses motifs sont tout autres et lorsqu’il ouvre à nouveau la bouche pour parler, c’est avec incertitude. Il ne veut pas parler au commandeur, même qu’il semble rejeter la seule possibilité de le faire. Son attitude est étrange, imprévisible. Je l’ai souvent vu en compagnie de Lexa, elle lui fait confiance. Après tout, il a réussi à s’échapper de la Montagne, le premier à échapper aux griffes de l’ennemi. Pourtant, il agit comme si le fait de parler au commandeur est un privilège auquel il n’a pas droit. Je ne comprends pas. Je reste silencieuse, mes yeux durs et froids comme la glace. Peu importe ce qu’il désire, il ne l’obtiendra pas de moi. Une idée semble soudainement traverser son esprit et il se met à parler, encore une fois. Décidément, il n’arrête jamais. Ce qu’il dit me dérange plus qu’il ne le faudrait. Il pense que je suis le commandeur. Il ne sait pas qu’il s’agit de Lexa. Il ne sait pas qu’il côtoie quotidiennement la personne la plus importante des Grounders. Il ne sait pas tout ça, ce qui semble parfaitement idiot. Nous formons une alliance et pourtant, nous ne savons rien les uns des autres. Je secoue la tête et soupire, exaspérée. S’il cherchait à monter dans mon estime ou à avoir mon approbation, c’était raté.

Je ne dis pas un mot, le laissant patiner dans ses idées. Il réalisera bien vite que je ne suis pas le commandeur. Lorsqu’un sourire amusé se dessine sur son visage, mes mâchoires se crispent. Je ne comprends pas ce qui l’amuse, ce qui le rend si décontracté en ma présence. Si seulement il savait ce que j’étais capable de faire, ce que je lui avais déjà fait, il n’oserait plus m’approcher. Pourtant, je ne veux pas lui dire. Je ne veux pas lui révéler que je suis responsable de ses blessures. Ce n’est pas quelque chose dont je suis fière. C’était nécessaire à ce moment, je ne regrette pas de l’avoir fait, mais je ne le clamerai pas sur tous les toits. Depuis la Nation des Glaces, depuis les tortures, je suis plus sensible à la violence. Ça ne m’empêche pas de me battre, mais ça me ronge parfois. Ce qu’il dit par la suite me fait pourtant tressaillir, mes mains se forment en poings. Je ne suis pas impulsive, mais ses paroles mélangées à son air niais me fâchent. « Non, je ne suis pas le commandeur et franchement, si tu ne sais pas encore qui c’est, je ne comprends pas ce que tu fais encore ici. » Mes paroles sont dures et franches. Je ne peux m’en empêcher, moi qui suit si silencieuse, il me fait exploser. « Je n’ai pas peur de toi, petit skaikru. Sait à qui tu t’adresses avant de dire n’importe quoi, ce sera mieux pour tout le monde. » J’essaie de me calmer. Je ne cherche pas le conflit, après tout, je respecte l’alliance.

explain me why the world is upside down

Jasper & Curtis

Jasper semble surpris de ma réaction. Son peuple doit être moins froid que je le suis présentement avec lui, mais son peuple n’a jamais eu à vivre dans la Nation des Glaces. J’ai peine à l’admettre, mais les années passées là-bas ont forgé mon caractère d’une façon que je n’apprécie pas toujours. Je n’ai jamais été très aimante ou très ouverte. J’ai toujours eu du mal à créer des liens, à me rapprocher des autres. Le froid et le vent ont seulement endurci mon cœur et crispé mon visage. Le peu de légèreté et d’innocence qui pouvait se tarir au fond de mon cœur n’est plus. Ou peut-être le sont-ils encore, mais il me semble impossible de les atteindre. C’est peut-être pour cette raison que j’ai tant de mal à déchiffrer les intentions des Skaikrus. Que je perçois le danger où il n’y en a pas. Que le sourire de Jasper me trouble. Moi qui suis censée être experte pour observer les gens, pour planifier leurs actions, pour comprendre ce qu’ils ont en tête, je me retrouve face à une situation qui me rend perplexe. Je ne suis pas à l’aise et je me sens agressive. J’aimerais que Lexa puisse me guider un peu, elle qui semble avoir tant de faciliter à communiquer avec les gens du ciel. Ce sont des pensées en l’air, je ne risque pas de lui faire la demande, mon désir n’est pas assez fort. À quoi bon essayer? L’alliance se tiendra aussi bien si je discute avec Jasper ou pas. « Clarke. » Je hoche la tête. Je sais de qui il parle. La fille aux cheveux de paille. C’est avec elle que Lexa entretient le plus de liens, elle semble diriger les Skaikrus, mais contrairement à nous, la hiérarchie n’est pas tout à fait établie parmi eux. Ç’a créé des conflits.

Le courant ne passe pas entre nous. Je ne comprends pas cette expression. Que peut-il dire par courant? Ce doit encore être un truc technologique que je ne comprends pas. C’est une obsession pour eux, ils l’insèrent partout où ils peuvent. Je décide de ne pas poser la question, je ne veux pas engager la conversation, même si c’est peut-être déjà trop tard. Ça ne m’intéresse pas, toutes ces histoires. Jasper parle ensuite de plaisanterie, de compliments. Je ne sais pas pourquoi il insiste, pourquoi il reste là, planté devant moi. Je ne comprends rien et ça commence à me frustrer. J’espère que quand la montagne sera tombée, nous partirons chacun de notre côté. Je ne veux pas me battre contre eux, je ne veux pas d’une énième guerre. Je ne veux pas non plus les côtoyer. Un sourire s’affiche toujours sur le visage de Jasper, mais il semble tout de même un peu plus crispé. S’attend-il à ce que je lui fasse du mal? C’est peut-être que je devrais faire, après tout. Un petit coup, juste pour le faire déguerpir. L’envie se fait ressentir dans mes poings, mais le dégoût me prend à la gorge. Je ne suis plus comme ça. Je ne veux pas l’être. La violence est le dernier recours.

Il me demande de me présenter, une petite lueur de triomphe dans les yeux. Je grogne presque. C’est la dernière chose que j’ai envie de faire. Je ne veux pas qu’il sache qui je suis, ce que je fais, ce que je pense. Mais je me résigne. Je ne sais pas exactement pourquoi. Je me sens à court d’options. Peut-être que c’est la meilleure option, finalement. Peut-être que de résister ça me nuit plus qu’autre chose? J’en doute, mais je ne peux plus me borner. Il faut bien réussir à avancer, qu’on le veuille ou non. « Curtis. Officiellement, espionne. Officieusement garde du corps du commandeur, Lexa. » J’ai l’impression d’en avoir beaucoup trop dit. J’ai toujours cette impression à chaque fois que j’ouvre la bouche. J’aurais aimé naître sans pouvoir parler. Tout aurait été beaucoup plus simple. On n’attendrait de moi que des hochements de têtes.

explain me why the world is upside down

Jasper & Curtis

Jasper me demande si j’aime bien Clarke et je ne me sens pas la force de répondre. Si je l’aime bien? Je ne saisis pas comment il peut utiliser le mot « aimer » si facilement, d’une façon nonchalante. C’est peut-être pour ça qu’ils sont si bizarres, les Skaikrus, parce qu’ils ne saisissent pas l’importance de leurs mots ou de leurs actions. Ils n’ont pas conscience qu’une phrase peut tout changer, qu’un mot suffit à déclencher une guerre. Je le regarde froidement, plus qu’il m’est possible de le faire. S’il n’a pas encore compris que je ne souhaite pas lui parler, c’est qu’il doit avoir un problème sérieux. Et ça me déstabilise, encore une fois. C’est ça, la force des Skaikrus? La persévérance. Je peux leur enlever bien des choses, mais pas ça. Pas en ce qui concerne Jasper en tout cas. Je me demande seulement si son insistance est preuve d’idiotie ou de force. Je ne peux me prononcer. Je ne sais pas quoi dire sur Clarke. Je ne sais pas quoi dire pour amoindrir mon opinion négative. Parce que depuis le début de l’alliance, je m’efforce d’être impartiale. Enfin, dans mes paroles et mes gestes. « Elle me laisse indifférente. » C’est la chose la plus neutre que je puisse dire, ça me satisfait. Est-ce que ça suffira à Jasper? J’en doute, mais ça n’a pas plus d’importance que ça. Lorsque je lui dévoile mon nom et mon occupation, il semble impressionné. Il dit être content de me connaître, mais j’en doute. Une forme de politesse, sûrement. C’est plutôt inutile, dans une situation comme celle-ci. Il cherche sans doute à éviter un coup de poing ou de lance. La lance. Je m’en veux toujours un peu plus et je ne comprends pas pourquoi. Je n’ai pas causé sa mort, il a fini par s’en remettre. Il était pourtant innocent, à l’époque. Cette pensée commence à faire son chemin, elle m’affaiblit.

« Rien n’est facile. » Mes phrases sont courtes et directes, comme elles ont toujours été. Je ne cherche pas à dire plus qu’il ne le faut, parce que c’est comme ça que les malentendus sont créés. Quand on va droit au but, ça a le mérite d’être clair. Je me surprends à me demander quelle est son occupation principale du côté des Skaikrus qui ne semblent pas très organisés. Je me rattrape et chasse l’image de ma tête. Je ne suis pas curieuse au point de m’informer auprès de lui. Je ne comprends même pas ce qui me pousse à me poser ce genre de question. M’intéresser au Skaikrus? D’une façon stratégique, logique, peut-être. Mais là, ça devenait personnel. L’inconfort me tiraille. Jasper avoue ne pas comprendre la hiérarchie des Grounders ce qui me fait presque rouler des yeux. Les évidences ne semblent pas lui sauter aux yeux ou alors, il sous-estime mon esprit de déduction. Je ne cacherai pas qu’à ce moment, j’ai du mal à saisir ce qu’ils peuvent bien nous apporter dans cette alliance. Mais c’est une généralisation. Tous les Skaikrus ne sont pas pareils. Il y a des crétins chez les Grounders aussi, je dois assumer. Grounders. Ce mot me grince aux oreilles. C’est le mot qui nous désigne, tout clan compris. Nous sommes reliés à la terre comme ils sont reliés au ciel. Si prêt et si différent.

Jasper soupire et l’incertitude m’envahit. Le soulagement s’installe d’un côté, et la déception de l’autre. Je ne comprends plus. Je désire tant qu’il s’en aille, qu’il me laisse tranquille. Mais la curiosité s’est installée et elle prend une certaine place. Je m’insupporte moi-même. Une raison de plus pour rester le plus loin possible de ces Skaikrus. Il enchaîne en expliquant qu’il cherche seulement à comprendre. Puis, il utilise ce mot pour nous décrire; « glacé ». Un frisson parcourt mon dos. Sans s’en rendre compte, il me rappelle à cette époque où j’étais à la Nation de Glace. Quand mon cœur était véritablement de glace et que mon expression était plus dure que celle-ci. Il n’a pas connue Curtis de cette façon et je ne lui souhaite pas non plus. « Notre approche est peut-être dure, glacée, comme tu dis, mais c’est la façon dont nous vivons. Ce n’est pas en discutant jovialement que les combats sont gagnés et que la survie est assurée. Nous ne sommes pas froids, nous sommes réalistes. » Trois phrases complètes, c’est le plus que j’ai pu dire à un Skaikru. Les mots sortent d’eux-mêmes et j’ai du mal à les retenir. Cette descente de l’espace n’amène vraiment rien de bon.

explain me why the world is upside down

Jasper & Curtis

Jasper semble surpris lorsque je lui dis que Clarke me laisse indifférente. Il a raison, ce n’est pas vrai. Aucun Skaikru ne me laisse indifférente. Ils m’inspirent le danger et l’irresponsabilité, le chaos. Nous avons l’habitude d’un système organisé où chacun à sa place. Eux, ils sont partout à la fois. Un instant ils mènent le groupe et l’autre ils suivent des ordres. Ce n’est pas le moyen le plus efficace de communiquer, ça laisse passer beaucoup de choses, beaucoup d’informations. Et quand on manque d’information, on fait des choses irréfléchies, stupides. Oui, à mes yeux les Skaikrus pouvaient être stupides. Mais ils étaient toujours là, devant mes yeux. Ils ont réussi à tuer trois cents des miens et à créer une alliance. Je ne comprends pas comment et je ne sais pas pourquoi. « Tu as raison. Je préfère ne pas me prononcer sur le sujet. » Les mots ont du mal à sortir de ma bouche. Est-ce que je viens vraiment de dire qu’il a raison? Ça me donne presque le tournis. Comment il est capable de m’amener à m’ouvrir alors que c’est la dernière chose que je veux. C’est ça, le secret. Ils sont magiciens. Ils aiment créer des illusions et inspirer le sentiment de confiance. Jouer avec le sourire et l’innocence. Il y a longtemps que je n’accorde plus ma confiance, je ne ferai pas exception cette fois. Ma carapace perd de ses couches, mais elle reste bien solide. Jasper veut rendre les choses plus agréables. Je ne sais même plus ce que ça veut dire. Après toutes ces années passées à la Nation de Glace, je ne sais plus comment alléger les choses, seulement comment les alourdir. Ils ont gardé leur cœur d’enfant, ces Skaikrus, pas moi. « Je n’ai pas la tête au plaisir. Chaque jour les gens de mon peuple se font enlever par les habitants de la Montagne. Il n’y a pas si longtemps plusieurs ont péri sous vos mains. Il y a longtemps que je ne trouve plus le moyen de rendre les choses agréables. » Je n’essaie même plus de me retenir de parler, il a réussi à me sortir de ma tanière, mais je reste un animal sauvage, méfiante.

Jasper dit qu’il me comprend et j’en doute. Même si lui aussi a pu souffrir, même si lui aussi a perdu des êtres chers, il ne comprend pas. Parce qu’il n’a pas eu son cœur glacé par les vents froids, il n’a pas eu son cerveau lavé par les méthodes brutales de la Nation des Glaces. J’ai été conditionnée, pendant trop longtemps. J’essaie encore de me défaire de ces attaches qui sont comme une seconde nature pour moi. Je dois encore me forcer pour ne pas tomber dans le même piège encore et encore. Il ne me comprend pas et je ne le comprends pas non plus. À quoi bon chercher à en apprendre plus? La douleur est la chose qui nous réunit et qui nous sépare, c’est la seule chose à savoir. « Oui, tu peux essayer. Ça ne m’intéresse pas. » Ça non plus, ce n’est pas vrai. Ma curiosité grandit, mais j’essaie de la réprimer. Je n’ai pas l’habitude de la ressentir aussi fortement. Je comprends le sentiment que Lexa doit ressentir parfois. Ce besoin de savoir, ce besoin de se mettre au même niveau qu’eux. La seule raison qui pourrait me pousser à le faire est purement stratégique. Mon plaisir personnel n’est pas important, pas dans cette situation. Puis il me parle de la pluie. Je ne saisis pas vraiment ce qu’il veut dire par là. Comment la pluie tombe du ciel? Je ne me suis jamais posé la question. La nature est comme elle est, pourquoi faut-il chercher à tout expliquer. C’est là aussi, une manie des Skaikrus. « J’imagine que tu as la réponse à cette question. » Je ne lui demande pas d’expliquer, parce que je ne veux pas le satisfaire.

explain me why the world is upside down

Jasper & Curtis

Curtis se demandait encore comment elle avait pu se retrouver dans une telle situation. Avait-elle vraiment survécu à toutes ces tortures pour pouvoir discuter avec un étranger venu du ciel? Elle se trouvait ridicule, elle trouvait tout ridicule. Elle n’arrivait pas à leur faire confiance, mais d’un autre côté, elle n’arrivait pas non plus à s’éloigner d’eux. Elle n’arrivait pas à les faire fuir, à se distancer. C’était à croire qu’elle ne voulait pas tant que ça, au fond. Qu’une petite partie d’elle, qu’une certaine curiosité persistait. Ça ne lui plaisait pas, mais après tout, qu’est-ce qu’elle pouvait faire contre elle-même? Ce n’était pas le moment de débattre intérieurement, elle ne pouvait plus vraiment reculer, ni avancer. Il lui fallait faire face à la situation, à Jasper, aux Skaikrus. Si Lexa avait réussi à voir quelque chose en eux, elle le pourrait bien aussi… Pas vrai? « Pour l’instant, je n’accorde pas à confiance aux Skaikrus. » Pour l’instant? C’était déjà montrer un signe de faiblesse. De plus en plus, elle voulait éviter de blesser Jasper avec ses paroles tranchantes. Est-ce que c’était ça, finalement, leur pouvoir, leur attrait? Ils étaient capables de battre des cils et de créer des liens comme ça, en claquant des doigts. C’était quelque chose de difficile pour les Terriens, pour les Trigedakru. Les contacts physiques étaient rares, il était difficile de s’attacher. Parce qu’avec les guerres incessantes, il valait mieux garder pour soi, se concentrer sur son but. Lexa, c’était une exception et déjà, ça la rendait plus fragile. Mais ça la rendait aussi plus forte, dans certains cas. C’était bien grâce à elle qu’elle avait réussi à se relever, non? Ses jambes étaient encore instables, mais elle arrivait à se tenir debout, c’était déjà ça. « Je me suis perdue moi-même plus qu’autre chose. »

C’était troublant à quel point cette simple phrase pouvait être vraie, sincère. Elle n’avait pas l’habitude d’être si ouverte, c’était à peine si elle osait ouvrir sa bouche, la plupart du temps. Et voilà qu’elle ne pouvait plus la refermer. C’était étrange et pourtant, ça ne lui faisait pas autant de mal qu’elle aurait cru. Parce que c’était ça qui l’empêchait de parler, souvent. Elle ne voulait pas s’exposer à la douleur, elle ne voulait pas qu’on puisse prendre avantage sur elle. Mais là, c’était différent, sans qu’elle puisse vraiment savoir pourquoi. Pour Jasper, c’était important d’en apprendre davantage sur les Terriens. De partager les connaissances, les acquis. Ce pouvait être utile, dans le contexte de l’alliance, mais s’ils venaient à se rebeller, c’est là que ça devenait dangereux. Puis de son côté, elle n’avait pas besoin de lui poser des questions pour en apprendre plus. Elle était espionne, après tout. Elle savait observer, elle savait déduire. Elle en savait sûrement plus sur lui qu’il en savait sur elle, et ce, même avant qu’il vienne lui parler. Elle savait déjà qui était responsable pour cette cicatrice dans son torse, mais ça, c’était toute autre chose. Puis il s’était mis à parler de la pluie, de ce phénomène naturel qu’il semblait pouvoir expliquer. C’était déjà un sujet plus neutre, ça avait le mérite de détourner l’attention sur elle. Il avait commencé son explication et déjà, elle avait du mal à saisir comment l’eau pouvait monter jusqu’au ciel. Ce n’était pas visible comme phénomène, comment pouvait-il en être si certain? Peut-être était-ce simplement une histoire à raconter, comme ça. Peut-être qu’il n’y avait rien de vrai dans tout ça. Curtis restait méfiante. « Elle retombe? » C’était la suite logique des choses. Elle ne possédait peut-être pas tout le savoir des Skaikrus, mais elle possédait tout de même une certaine intelligence.

explain me why the world is upside down

Jasper & Curtis

Jasper faisait mine de comprendre mes réserves à son égard et à l’égard des Skaikrus. Parce que lui aussi, à ses dires, avait du mal à faire confiance aux Terriens. J’arrivais à saisir pourquoi. Il s’était fait empaler dès sa première journée sur Terre, après tout, et j’en étais la responsable. Sa peur ne l’empêchait tout de même pas d’avoir cette discussion avec moi, et je fus tentée pendant un instant de lui révéler mon rôle dans ses tourments, sa douleur. Je me retins, et je ne savais pas vraiment pourquoi. Il continuait de me sourire et je continuais d’afficher cet air qui m’avait tant servi à la Nation des Glaces. Il était froid et sans pitié, mais sûrement assez doux pour l’inciter à venir m’aborder. Mon visage qui rappelait l’enfance, c’était un atout et un handicap à la fois. Parce que ça pouvait surprendre, parce que ça inspirait la confiance. C’était utile lors des missions d’espionnage. Dans ce cas-ci, c’était un fardeau. J’aurais aimé être plus intimidante, pouvoir le faire fuir d’un seul regard. J’aurais aimé qu’il ne m’aborde pas, car il commençait à influencer mon opinion sur les Skaikrus et c’était la dernière chose que je désirais.

Jasper continua son explication en la ponctuant de gestes bizarres que je n’arrivais pas à identifier. Il essayait peut-être de mimer la pluie qui tombait? Je n’avais pas l’habitude de gesticuler, et sur le moment, c’était plutôt amusant. Je gardai pourtant une expression des plus sérieuses, je ne voulais pas l’encourager. « La nature en soit est impressionnante. C’est même mieux, parfois, lorsqu’on ne sait pas toute la mécanique derrière. » Parce que oui, c’était intéressant de savoir pourquoi la pluie tombait. Pourquoi les nuages flottaient au-dessus de leur tête. Mais c’était bien aussi, de pouvoir observer tous ces phénomènes sans chercher à comprendre, sans chercher à vouloir tout savoir. Parfois il suffisait juste d’observer et d’admirer, et c’était suffisant. Je ne savais que dire de plus. Je ne voulais pas poser de questions, parce que même si la présence du Skaikru ne me dérangeait plus autant, elle restait inconfortable. La présence des gens, en général, me rendait inconfortable. « Les éclairs, le tonnerre… Je n’ai pas besoin d’explication pour apprécier leur force. » Et voilà que ma bouche continuait d’articuler, sans que je puisse y faire quoi que ce soit.