Cela fait plusieurs jours que l’on marche. Et heureusement pour moi, j'ai Yuj, le cheval d'Ansgar dont Eija m'a fait cadeau. Je n'arrive pas bien à réaliser encore... Je pense que je dois avoir de suffisamment beaux yeux pour réussir à convaincre les gens de me prêter des choses. Je suis plutôt fière de moi, puisque je suis encore à moitié blessée de la bataille. Le docteur Griffin dit que je peux doucement recommencer à marcher pour essayer de d'assouplir et de remuscler un peu ma cheville. Mais ça me fait mal, je dois bien l’avouer. J’essaye de ne pas trop utiliser la béquille mais je pense que je force un peu. Alors à défaut je m’appuie sur l’animal qui semble bienheureux de ne plus avoir à me porter sur son dos. Je souris un peu en grattouillant son épaule sur laquelle je suis appuyée. Mais alors que je me prends les pieds dans une racine, je m’écroule en partie sur lui et lui me repousse en renâclant d’un coup d’épaule, ce qui m’envoie un peu sur le côté. Je fais quelques pas pour retrouver mon équilibre et dans le mouvement, je bouscule quelqu’un. Alors je me tourne en entendant la voix qui me recommande de faire attention. Je n’ai pas besoin de le regarder pour le reconnaître. C’est Galaad, le garde du corps de Heda, celui qui m’a aidé à franchir le mur de feu. Je ne sais pas si Heda avait vraiment besoin de mon aide, mais le combat n’était pas juste.

Il reprend vite la parole, me prouvant par ses paroles qu’il se rappelle de moi. Heureusement d’ailleurs. Cela aurait surement été un peu dommage qu’il oublie celle qu’il a balancé par-dessus un mur de flamme. Je souris un peu, amusée et respectueuse. Il m’a aussi aidé à porter cette poutre pendant que je parlais à Heda à Kalawen. Les quelques jours après la bataille ont été riche en émotion : me banquet avec les barbares attachés aux poteaux pour être torturé mais aussi les soins des blessés, la découverte de la taverne et la reconstruction de la ville. Enfin, le début. J’ai vraiment essayé d’y participer, malgré mes blessures, je pense avoir pu être un peu utile. Oh bien sûr, il reste encore du travail mais bon, au moins maintenant, ils sont en sécurité. A sa question je souris un peu plus et je réponds : « Désolée de t’avoir bousculé… ». Je fais craquer un peu mon poignet tout en le regardant. Il y a beaucoup de respect et une certaine admiration dans mon regard. Je suis plutôt heureuse et honorée d’avoir combattu à ses côtés. Je reprends la parole pour dire : « La route m’a paru moins longue à l’aller. Mais à part ça, ça va. Et toi ? ». Je ne sais pas s’il a été blessé. Il avait l’air plutôt bien portant à Kalawen et là encore, il semble plutôt solide et bien moins fatigué que certains autres. Même les grounders semblent souffrir de la route. Ce qui me rassure un peu, en un sens. Je tends le bras pour attraper les rênes du petit cheval gris histoire qu’il ne s’éloigne pas du chemin, je pense bientôt avoir besoin de remonter sur son dos.

La route est longue, mais ça va encore. J’ai de quoi m’occuper en faisant connaissance avec le cheval dont m’a fait cadeau Eija. Et maintenant que je rentre, je me demande bien ce qu’il va devenir pendant que je serais sous la montagne. Je n’y ai pas pensé sur le moment. Et puis, je n’aurais sans doute pas refusé un tel cadeau : mélange de confiance et d’amitié, de respect et d’honneur. Cela aurait sans doute été insultant pour elle. Je suis plutôt fière d’être celle à qui est revenu cet honneur et comme je lui ai promis, je prendrais soin de lui. Et qui sait, peut-être que Rhodàn n’en a jamais vu. Et puis, c’est mon premier animal, c’est… une sacré responsabilité. Et si je n’étais pas à la hauteur ? Je ne sais pas vraiment comment on s’en occupe et puis… A Camp Jaha, est-ce que les gens ne risquent pas de le tuer pour manger la viande ? Bref, même si la route est longue, elle est plutôt bien occupée. Et maintenant, elle l’est encore plus. Un peu de conversation humaine est la bienvenue. Je suis plutôt contente de voir que Galaad me reconnaît et semble plutôt de bonne humeur. Je souris un peu en l’écoutant et j’acquiesce. La route est forcément plus pénible avec les blessures et la fatigue. Puis, je ris un peu à sa réponse et je lui dis : « Ils l’ont bien cherché… Mais je suis contente pour toi alors… ». Oui, c’est une bonne chose qu’il aille bien. Lexa sera mieux gardé si ses gardes du corps ne sont pas trop blessés. Ce qui n’est pas vraiment le cas de la pauvre Eija qui a essuyé de graves blessures. Je souris de plus belle et lorsqu’il me tapote le crâne en me souriant, je le regarde un instant en penchant un peu la tête puis je me ressaisis un peu et je lui réponds : « C’est vrai que c’était dur… Mais depuis notre arrivée sur Terre, nous avons vu pas mal de choses… Et essuyé d’autres batailles aussi… ». Je repense un instant à la bataille de la navette ou à la bataille de la montagne. Ce n’était pas du joli… Moi je n’ai pas vu la bataille de la montagne, mais ce qui s’est passé à l’intérieur n’était pas génial non plus… J’en garde de mauvais souvenirs. Puis je demande : « Tu t’es retrouvé sur un champ de bataille à quel âge la première fois ? ». Je suis un peu curieuse. Je me demande même quel âge il peut avoir. C’est difficile de le déterminer. Il ne semble pas si vieux que ça et en même temps, il n’est pas forcément très jeune. Je ne sais pas trop. Dans le fond ce n’est pas si important. Mais l’âge de sa première bataille par contre, si. C’est différent… Même si sur Terre, les enfants le restent moins longtemps que nous le restions sur l’Arche… Enfin, j’imagine.

Je me demande à quel âge les grounders sont exposés aux guerres, aux batailles. A partir de quel âge, ils commencent leurs apprentissages. J’ai cru comprendre qu’ils se spécialisaient assez tôt. Comme nous sur l’Arche. C’est plutôt similaire au final. Nous apprenions un corps de métier, en fonction de nos compétences et pour certains de nos naissances et intérêts. Peut-être bien que cela dépend des clans et des coutumes. Peut-être qu’à force de parler aux autres membres des clans, j’apprendrais leurs coutumes que j’arriverais à les comprendre. Je l’écoute répondre à ma question. Je serre un peu les doigts sur mes rênes avant de faire une légère moue et de lui dire : « Je suis désolée pour eux. Puissiez-vous vous revoir… ». C’est jeune. Jeune pour voir sa famille mourir sous ses yeux et surement pas de la façon la plus douce qui soit. Je souris un peu, puis je fais une légère moue. Je ne peux qu’imaginer à quel point cela a dû être dur pour lui. Je ne l’ai pas vécu mais… La mort n’a rien d’apaisant, même pour eux qui sont plutôt endurcis. Il poursuit sa réponse en me parlant de sa bataille suivante. Plus tard, plus âgé, plus fort. Aux côtés de Lexa. J’acquiesce un peu et je lui réponds : « Cela devait être… Impressionnant… ». Celle que j’ai vécue à Kalawen l’a été en tout cas. Je crois que je n’oublierais jamais.

A son tour, il me pose une question. Je regarde le ciel songeuse. L’Arche. Des souvenirs. De bons souvenirs, de mauvais souvenirs. Un sentiment de solitude profond. Un sentiment de ne pas être à sa place. Pourtant, je ne peux pas changer cette partie de ma vie, je ne peux que construire avec. Alors je lui réponds : « Nous apprenions diverses choses. Des connaissances communes à tous sur l’histoire de notre monde, l’histoire de notre Arche, la raison de notre présence dans l’espace. Des connaissances scolaires aussi, plutôt basiques pour chaque enfant… ». Je fais une pause un instant. Les cours, l’école. C’était une période innocente de ma vie. Je souris de plus belle puis je reprends : « Puis nous apprenions des connaissances en lien avec des corps de métiers… Certains devenaient ingénieurs, ils réparaient le vaisseau et construisaient des choses, d’autres étaient médecins, ou biologistes. Nous avions aussi des agriculteurs pour s’occuper des plantes qui nous fournissaient de quoi manger. Moi, j’aurais dû devenir aquacultrice : m’occuper de cultiver des plantes aquatiques comme les algues, qui pouvaient servir à l’alimentation ou aux médicaments. ». Je reste un instant songeuse, perdue dans mes pensées. Je n’aimais pas cet avenir. Je n’aimais pas ce boulot. Ennuyeux et déprimant.