nobless i don't have ▬ Teksas

Ce que Clarke avait prévu comme une conversation houleuse avait pris un tournant différemment. En quoi aurait-elle dû être étonnée ? C’était souvent ainsi sur terre, qu’une mauvaise surprise les attendent et que les plans initiaux se trouvent bousculer. Il fallait de l’adaptation, de la flexibilité. Et Clarke n’aurait pas été capable de tenir rancune à Lexa quand elle l’avait ainsi si désemparée : le fruit d’une conversation avec Echo qui avait avoué son crime. La disparition de Costia avait maintenant un coupable, un visage plus qu’une identité cachée derrière un clan. Aussi étonnant que cela puisse être, Echo n’avait reçu aucune punition de la part de Lexa, pour une raison que Clarke ne s’expliquait pas, et ce n’était pas une conversation qu’elle se voulait d’avoir avec sa niron, alors qu’elle avait passé l’heure à réconforter Lexa, la rassurer et la remettre sur le droit chemin. Ensuite, oui, il y avait eu des mots à propos de Teksas, de cette marque qui parait son cou. Ca n’avait été que peu de mot et en sortant de la tente du commandant, Clarke avait ce sentiment étrange.

Ce n’était pas une finalité. Mais c’était quelque chose. La frustration était toujours là, même si Lexa lui avait expliqué que c’était ainsi, que Teksas avait été puni pour se racheter et qu’elle… et bien cela faisait partie des rares avantages d’être à la tête de son peuple. Ce n’était pas parce que c’était passé qu’elle pouvait rien y changé. La culpabilité était là. Elle ne la quitterait jamais. C’était ce qui la poussait à avancer constamment. Les rares traces qui lui restait de son humanité. Et Clarke était une humaine furieuse, surtout quand elle retrouva son garde-du-corps non loin de la tente, avec une moue ennuyée. Elle poussa un soupir et la fureur s’éveilla à nouveau. En quelques pas, elle fut devant lui, le frappant sur son torse de son poing fermé. « Tu aurais pu me le dire ! » Elle enfonça son doigt dans l’espace juste en dessous de la clavicule du guerrier marqué, exprimant son insatisfaction. « Vous et votre tendance à jouer les grands héros. » Si elle n’était pas retenue par une attelle, elle aurait leva les deux bras au ciel. A défaut, elle poussa un bruit agacé avant de s’éloigner de Teksas, encore en colère.

Le temps était maussade. Les nuages gris crachaient une brume dense, créant un amas de boue brunâtre sur le sol, et faisant goutter les boucles de Teksas sur ses larges épaules, simplement protégées par une fourrure épaisse.
D'ailleurs, Teksas, lui aussi, était maussade. Le froid environnant engourdissait ses muscles -pourtant endurcis par des années d'entraînements intensifs- accentuant encore son agacement. Il s'était planté près de la tente de Clarke depuis près d'une heure à la demande ce celle-ci, mais il n'y avait toujours aucun signe de la jeune femme blonde à l'horizon.
Légèrement irrité, Teksas se mit à faire les cent pas devant l'habitacle de toile imperméable, ouvrant et desserrant les poings afin d'empêcher ses mains de succomber aux effets de la fraîcheur qui le gagnait.
Ses bottes laissaient des traces dans la terre humide à chacun de ses pas, provoquant ainsi des gerbes de boue tout autour de lui. Gerbes qui ne tardèrent pas à s'incruster dans les semelles du Trikru, s'infiltrant dans le cuir épais de ses chaussures.
Étouffant un juron, le garde arrêta ses allers-retours continus, tâchant vainement de chasser l'humidité qui l'enveloppait en tapant son pied contre un rocher tout proche, ne parvenant qu'à faire gicler davantage de boue sur ses vêtements.
Affichant une moue presque boudeuse, Teksas se détourna pour voir Clarke se diriger à grandes enjambées vers lui. Un court instant, le garde fut tenté de lancer à sa protégée une réplique ironique sur la ponctualité, mais il s'abstint rapidement en voyant la mine féroce affichée sur les traits de celle-ci.
- Tu aurais pu me le dire !
Teksas ouvrit la bouche pour tenter de répliquer qu'il n'avait pas la moindre idée de ce qu'il aurait du dire au juste, mais Clarke ne lui en laissa pas le temps, martelant son torse sec d'une pluie de coups, avant d'enfoncer un doigt sous sa clavicule, sans prendre en compte l'incompréhension manifeste de son interlocuteur.
- Vous et votre tendance à jouer les grands héros.
Ses yeux bleus luisant de colère, Clarke laissa échapper un bruit à mi-chemin entre l'agacement et le mépris, avant de faire volte-face et de s'en aller à grands pas, laissant dans son dos un Teksas complètement déboussolé.
Pourtant, celui-ci ne tarda pas à comprendre ce que lui reprochait la jeune femme... Et partit aussitôt à sa poursuite, se moquant complètement, cette fois, de la boue et de l'eau qui le maculaient.
- Clarke !
En quelques foulées, le garde se trouvait déjà devant la leadeuse des Sky People, et posait la mains sur son épaule indemne pour l'empêcher d'aller plus loin, pour la forcer à l'écouter.
- Cela n'a aucun rapport. Je suis un garde, pas un héros. J'ai échoué et j'en ai payé le prix, qu'aurais-je du te dire de plus ? Ce n'est que justice. Et puis, quelle importance ? Nous sommes là, aujourd'hui. J'ai eu le droit à une nouvelle chance, et j'ai réussi à te ramener. Qu'importe le reste ?
Mais la fureur de Clarke semblait toujours bouillonner en elle, et son regard était chargé d'une telle colère que, sur le coup, Teksas eut le sentiment de se faire foudroyer sur place.
Il resserra son emprise sur l'épaule de la jeune femme, et la secoua légèrement, tout en prenant soin de ne pas lui faire mal.
- Et qu'est ce que ça aura changé, après tout ? Si je te l'avais dit, qu'est ce que tu aurais pu faire ? Je t'ai déjà perdu une fois, je ne voulais pas prendre le risque de le faire une seconde fois ou de te faire sentir coupable pour une chose dont tu n'es même pas responsable ! Nous avons tous nos cicatrices de guerre, Clarke. Et j'ai de la chance d'être encore en vie, et surtout encore à ton service après ce que j'ai laissé arriver ! Lexa n'a fait que son devoir, et contrairement à moi, elle n'a pas failli, elle. C'est ce que nous sommes, Clarke, et il n'y a rien à dire sur ça.
Un peu essoufflé par sa tirade, Teksas laissa retomber ses bras le long de son corps et expira profondément, son souffle formant un nuage blanc qui s'éleva aussitôt parmi ceux, d'un gris lourd et sombre, qui peuplaient le ciel orageux de cette journée.

Et c’est qu’il avait une expression perdue en plus, son Poney. Elle préférait quand il lui faisait la morale, au moins il ne se laissait pas marcher sur les pieds et n’avait pas cette expression coupable qu’elle ne lui supportait pas. Elle aurait préféré, peut-être, qu’il lui dise que ça ne la regarde pas. Qu’avec le plus grand aplomb du monde, il lui fasse comprendre que ce n’était pas le cas. Mais non, il l’avait rattrapé et elle se recula immédiatement après qu’il l’ait tenue par les épaules. Clarke tenta de se dégager, mais il était à nouveau devant elle, l’empêchant de partir. « Qu'importe le reste ? » C’était ça alors ? Ce qui comptait, ce n’était que le présent et le reste, ils pouvaient l’oublier aussi légèrement ? Clarke, elle n’était pas comme ça. Elle était plutôt du genre à ressasser les évènements pour se motiver à donner le meilleur d’elle la prochaine fois. Est-ce qu’une marque permettait vraiment d’absoudre ses péchés ? Est-ce que la souffrance physique suffisait à excorciser les défauts de l’âme ?

Clarke n’y croyait pas, mais qui était-elle pour remettre en question presque une centaine d’années de traditions ? Etre le pseudo leader du skaikru ne lui donnait certainement pas le droit, et ceci s’ajoutait à sa fureur. Maintenant, elle faisait partie d’un plus grand ensemble qu’elle pouvait changer. Ah si seulement… si seulement elle avait réussi à ne pas se faire prendre par la montagne pour la deuxième fois, elle aurait pu éviter le châtiment chez Teksas, qui continuait de parler, expliquant ce qui lui avait déjà été expliqué par Lexa. « Lexa n'a fait que son devoir, et contrairement à moi, elle n'a pas failli, elle. » Elle leva les yeux au ciel à ces propos, se retenant de dire que le devoir n’était qu’une notion abstraite et qu’elle invitait Poney à se le mettre où elle pensait. Ca n’aurait pas été très poli de sa part et elle doutait qu’il comprenne le fond de sa pensée. Finalement, la tirade prit fin et il la lâcha enfin. Clarke le jaugea d’un œil mauvais, avant d’appuyer à nouveau sous la clavicule de Teksas. « Oh, mais j’aurais pleinement à en dire. » C’est qu’elle pouvait être de mauvaise foi, quand ça lui prenait.

Surtout, ce qui la dérangeait, c’était que Teksas se soit fait blesser pour ce dont elle se sentait responsable (quand bien même Lexa lui avait assuré qu’il n’en était rien et qu’elle portait une responsabilité plus grande en tant que leader de son peuple). Alors, elle regarda son garde-du-corps avec un œil noir. « Tu parles comme Lexa, ça me met encore plus hors de moi. » Puis, son attention glissa jusqu’où se trouvait la marque. « Ca ne te fait pas mal, au moins ? » Et il y avait tout cette dureté qui ne partirait pas avant un moment.

Avant même que Teksas ne puisse achever sa tirade, il sut à la façon dont Clarke roula des yeux qu'elle n'écouterait pas ses arguments. À peine eut-il finit d'ailleurs, que ses efforts furent récompensés par une œillade mauvaise, qui lui arracha un soupir exaspéré. Les mules que Teksas avait parfois du dresser pendant son enfance lui paraissaient soudain douces et dociles, quand il se trouvait avec Clarke.
- Oh, mais j’aurais pleinement à en dire.
Le doigt de Clarke revint se placer sur sa clavicule, sans que le garde ne sache réellement comment interpréter ce geste. Il se contenta donc d'écarter les bras, sans lui même savoir si c'était là une preuve de son impuissance ou simplement un moyen comme un autre de laisser libre court à son agacement.
- Dans ce cas, dis les ! Dis tout ce que tu as à dire, si tu n'es pas contente que je n'en fasse pas autant !
Il était irrité, et ne s'en cachait même plus. Mais aucun d'eux n'en étaient encore au stade où ils se préoccupaient des limites à ne pas franchir -elles avaient toutes été bafouées avant même que leur dispute ne commence. Toutefois, Clarke pourrait toujours tirer la situation à son avantage en se servant de cet argument, bien qu'elle ne soit pas du genre à jouer de son statut pour en tirer un résultat en de telles circonstances.
Et, d'ailleurs, cela ne ferait ni chaud ni froid à Teksas. Il avait beau protéger Clarke -et, plus que cela, pouvoir répondre au nom d'ami en ce qui la concernait- il n'en restait pas moins un Grounder. Un Grounder avec son honneur, ses principes, et des années de mœurs. Il n'en restait pas moins au service de Lexa plus que de n'importe qui d'autre.
- Tu parles comme Lexa, ça me met encore plus hors de moi.
L'évocation du nom de la Commandante lui arracha un sursaut.
- Tu en as parlé avec elle ?!
La colère et l'indignation se mêlaient dans l'attitude entière du guerrier. Dans son ton autant que dans sa posture.
- Bon sang, Clarke ! Tu ne peux pas arriver comme ça et te permettre de lui faire la morale sous prétexte que vous partagez la même couche ! Tu as beau être son amante, tu n'en restes pas moins une Skaikru, et ta réaction est la preuve même que tu ne pourras jamais comprendre notre peuple ! Qui es tu pour juger ? Qui es tu pour remettre en question notre façon de vivre ?! C'est ce que nous sommes, je te l'ai déjà dit, et tu n'as pas à dire quoique ce soit, et encore moins à faire des reproches à Heda à cause de mes échecs !
Teksas avait explosé. Il ne se rappelait pas avoir déjà eu un tel accès de fureur envers qui que ce soit -et encore moins Clarke- mais la perspective qu'elle soit allée se plaindre auprès de Lexa pour lui reprocher d'avoir appliqué sa justice le mettait hors de lui. Quelle image aurait-on alors de lui, du guerrier incapable de défendre sa protégée et allant se plaindre d'une pauvre cicatrice à la moindre occasion ? Il se faisait l'effet d'un enfant pleurnichard, minable, méprisable. Comme si son honneur avait été sali.
Néanmoins, il se força à se calmer, portant un main à son front, fermant les yeux et inspirant profondément, conscient d'avoir cette fois franchi une frontière bien trop grande pour qu'elle soit tolérée, cette fois.
Il rouvrit donc les paupières et planta son regard dans celui, étincelant, de la leadeuse du Ciel.
- Pardonne moi. Je n'aurais pas du dire ça. Et ça n'arrivera plus. Jamais.
Encore fallait-il qu'elle veuille lui accorder son pardon. Ce qui était sûrement loin d'être gagné, après ce qu'il venait de faire -et de dire...
- Ça ne te fait pas mal, au moins ?
Le ton demeurait dur, et froid -presque glacial. Mais la question démentait les apparences. Plus que la façon de faire des Grounders, c'était actuellement la santé de son garde qui préoccupait Clarke.
- Non. Plus maintenant. Certaines douleurs sont bien pires que ça.
Il jeta un coup d’œil rapide au bras en écharpe de Clarke, tout en songeant à tout ce qu'elle avait du traverser pour en arriver là.
Non, assurément, il y avait des maux beaucoup plus douloureux que ceux infligés par sa simple cicatrice.

C’était une parfaite dissonance qui se jouait à présent, et la fatigue la gagnait lentement, chez Clarke. Ce n’était qu’une répétition de l’échange qu’elle avait eu avec Lexa, et toute l’amertume qu’elle avait gardée à la fin de l’échange avec son amante – liée à ce qu’elle avait appris à propos de Costia, la fragilité évidente chez la brune, l’échange à propos de son garde-du-corps si agaçant à l’instant – n’en était que plus dérangeante et elle ne tentait plus de la maintenir. Elle avait beaucoup d’affection pour Teksas, Clarke lui devait la vie. S’il avait été une tête de mule lors de leurs premiers jours passés ensemble, à présent, elle l’appréciait réellement. Sauf quand il était aussi buté qu’elle et qu’il se permettait d’hausser la voix sur un sujet qui ne le regardait en rien. Dommage, elle avait été sur le point de lui dire, d’une manière détournée, qu’il avait raison. Et cette persuasion éclata en même temps que la colère de celui qui lui servait d’ombre. « Tu n'en restes pas moins une Skaikru, et ta réaction est la preuve même que tu ne pourras jamais comprendre notre peuple ! » Ce fut ce qui la blessa le plus, dans le flux de parole de Teksas. Ces propos qui lui donnèrent envie d’affaisser les épaules. Mais elle restait Clarke, et si le sentiment tournoya dans le fond de son estomac, lui faisant monter la bile à la gorge, elle releva un peu plus la tête aux propos de son garde-du-corps, une dureté sans nom figea le bleu de son regard.

Elle comprit soudainement les réactions qu’avaient les trigeda, quand ils plaquaient l’un des leurs au sol pour le rouer de coups. Mais elle n’aurait jamais pu faire ça avec Teksas, encore moins dans son état. Alors, elle ferma les poings, les deux, se concentrant sur la brulure qui s’éveillait dans son épaule pour arrêter l’image mentale d’elle en train de gifler Poney. « Mes échanges avec Heda ne te concernent en rien, Poney. Tu sembles avoir pris trop de liberté. J’apprécie tes petits commentaires, mais ces jugements vont trop loin. » Elle ne prendrait pas la peine de se défendre pour des accusations qu’elle jugeait totalement fausses. Elle avait toujours dit le fond de sa pensée à Lexa, bien avant qu’un quelconque échange sentimental ne soit impliqué. Que Teksas fasse un tel amalgame maintenant… c’était décevant. Et ce fut visible, dans la manière dont elle soupira. Il n’y avait rien d’autre. Elle n’enfonçait plus son doigt sous la clavicule de Poney, n’envahissait plus son espace personnel. Non, il y avait cette distance, froide et calculée, qu’elle se forçait de maintenir, pour ne pas verser dans le même excès que son garde-du-corps.

Ce dernier semblait avoir pris conscience de la limite qu’il venait de franchir et elle le jaugea, avec cette même dureté, qui ne la quittait plus. « Pardonne-moi. Je n'aurais pas dû dire ça. Et ça n'arrivera plus. Jamais. » Elle se raidit un peu plus, se demanda l’espace d’un instant, quand est-ce que Lexa avait commencé à déteindre sur elle. « Tu n’aurais pas dû, en effet. C’est trop tard maintenant. A l’avenir, tu surveilleras ta langue. » Ce n’était pas un conseil, c’était un ordre. Ca la peinait, elle qui considérait Teksas comme un ami. Au moins, maintenant elle savait ce qu’il pensait de sa relation avec Lexa… Rien de bien étonnant des autres. « Non. Plus maintenant. Certaines douleurs sont bien pires que ça. » Elle vit son regard sur l’épaule qui guérissait et elle pinça les lèvres en sa petite moue. « Oui, certaines le sont. » Mais elle ne parlait pas de ces blessures physiques, ayant un tout autre genre de douleur en tête. Elle ne prit même pas la peine de cacher à quel point ce fut amer. « Je n’ai pas besoin de toi pour le moment, tu peux disposer. » Non, elle ne l’avait pas pardonné, et la manière dont elle le congédia fut assez évocatrice. Restait à voir si Poney se rappellerait son rôle de garde-du-corps ou s’il empiéterait encore.

Spoiler:

Il y eut un soupir. Un simple soupir.
Rien d'autre. Pas d'éclat, de cris, de coups ou de mots plus haut qu'un autre. Rien.
Rien que ce soupir. Chargé de déception.
Et Teksas aurait mille fois préféré se faire marquer à nouveau, ressentir la douleur de la brûlure sur sa peau, plutôt que celle qui lui embrasait l'intérieur. Celle d'une honte bien supérieure à celle qu'il avait déjà pu éprouver, quand Lexa lui avait apposé cette fameuse cicatrice, censée le poursuivre de telle sorte qu'il n'ait plus jamais le droit à l'erreur. Hors, une erreur, il venait d'en commettre une. Impardonnable, cette fois ci.
Il lui semblait que ses mots, jetés au hasard sous le coup de la colère, avait comme éteint la fureur de Clarke, la remplaçant par une rancœur glaciale. Il l'avait déçue.  
- Je n’ai pas besoin de toi pour le moment, tu peux disposer.
Teksas resta là un moment, immobile, les bras ballants. Il ne savait pas que faire, tenaillé comme il l'était envers son rôle de garde du corps -que Clarke lui intimait explicitement de respecter- ou envers toute l'affection qu'il avait pour cette fille des étoiles.
Il ne pouvait pas la laisser partir, pas comme ça. Peut être aurait-il mieux fait de respecter son grade, mais après tout, il n'avait plus grand chose à perdre, aux yeux de celle qu'il avait toujours considérée comme -plus qu'une simple protégée- son amie.
Alors, il ne put s'en empêcher, Teksas s'élança à sa suite.
- Clarke !
Elle ne s'arrêta pas, continuant sa route sans même laisser douter qu'elle puisse l'avoir entendu. Mais il ne se démonta pas pour autant.
- Clarke, je t'en prie, je voulais juste...
Juste quoi ? Lancer des mots au hasard pour la blesser ? Lui montrer à quel point lui était blessé par la façon dont elle le voyait, dont elle voyait son mode de vie ? La blesser pour lui faire comprendre ? Mais lui faire comprendre quoi ?
- Je ne voulais pas dire ça. J'espérais juste que... Je sais que ta relation avec Hed... Lexa n'a rien à voir là dedans. Vous vous aimez et le reste n'a pas d'importance.  Seulement, je veux juste que tu comprennes...
Qu'elle comprenne. Et dire qu'il y avait à peine une poignée de minutes plus tôt, il lui reprochait justement de n'y rien comprendre.
- Je voulais juste que tu réalises à quel point l'honneur est important. Pour nous tous. Tu as même certainement plus d'honneur que la plupart des Grounders, mais moi, j'ai perdu le mien quand je les ai laissés te capturer, et alors que j'essaie de le reconstruire, tu... Tu...
Sa voix tremblait légèrement. Il ne savait pas que dire, qu'ajouter pour se justifier, et il avait la sensation malsaine que chacun des mots qu'il prononçait l'enfonçait un peu plus aux yeux de son  interlocutrice.
- L'honneur, je n'ai que ça. Je n'ai jamais été libre. Je n'ai jamais été plus libre qu'avec toi, alors que je suis à ton service, et...
Teksas balbutiait, s'emmêlait.
- Je n'ai jamais voulu te faire du mal. J'aurais préféré perdre tout l'honneur qu'il me restait plutôt que de te faire souffrir...
Il avala sa salive, péniblement, incapable de développer davantage le fond de sa pensée, se sentant aussi maladroit qu'on pouvait l'être.
- S'il te plaît, Clarke...
Et il y avait, sur le bout de sa langue, les mots qu'il mourrait envie de dire, une supplication qui ne serait probablement pas entendue, et qu'il ne pouvait se résoudre à énoncer. Pas encore.
Pardonne moi.

Rp :

Elle avait besoin d’air, besoin de reprendre ses esprits suite à son échange avec Teksas. Clarke voulait aller retrouver Lexa, mais en avait-elle le droit ? Ca la rendait encore plus furieuse, de constater à quel point les propos de son garde-du-corps l’affectaient. La colère, sourde, était encore là, rageuse et bouillonnante dans son estomac, alors qu’elle creusait la distance entre Poney, avec lequel elle regrettait d’avoir trop sympathisé. Tu ne pourras jamais comprendre notre peuple. Elle secoua vivement la tête. C’étaient des paroles vides de sens, et il se trompait éperdument. Tout ce qu’elle faisait, justement, avait pour but de se familiariser avec le Trigedakru, sinon, les deux peuples seraient encore en pleine guerre – ou le skaikru annihilé. Teksas était-il si stupide qu’il ne soit pas capable de le voir ? Vraisemblablement, ce n’était pas suffisant pour lui, car elle entendait son nom être appelé. Butée, elle ne se retourna pas, jugeant que l’échange avec Teksas était terminé.

Il la rattrapa et c’est un regard noir qu’elle lui adressa, alors qu’elle croisa son bras valide sur celui qui était toujours en écharpe, attendant la suite. « Je sais que ta relation avec Hed... Lexa n'a rien à voir là dedans. » Elle ne cilla pas. Il voulait qu’elle comprenne le fonctionnement de hiérarchie ? Clarke allait lui montrer la différence entre la connaitre et l’appliquer. « C’est Heda pour toi. Ne l’oublie pas. » Elle le coupa sans aucun remords, alors qu’elle l’observait s’enfoncer dans ce qui ressemblait à des excuses, de la manière un peu gauche que tous les membres du trigeda avaient de s’exprimer quand il était question de reconnaitre leurs erreurs. « Je n'ai jamais voulu te faire du mal. » Il y eut encore quelques paroles et puis, il y eut un regard baissé. « Tu as fini ? » Demanda-t-elle, le semblant de calme qu’elle avait gardé jusque-là s’émiettant petit à petit. « Puisque l’honneur est si important à tes yeux, tu n’as rien à craindre, je pense qu’il est bien conservé. » Ah, elle était là, cette fureur, dans le moindre de ses propos. « Tu as certainement gagné l’approbation de quelques-uns des tiens en me criant ainsi de manière publique. » Elle inspira un peu, bloqua sa respiration dans le creux de ses poumons.

Puis, elle s’approcha, s’arrêtant tout juste à quelques centimètres de Teksas, levant la tête, à presque s’en faire mal à la nuque. Elle n’était pas le moins du monde inquiétée par la figure de son garde-du-corps, c’était évident. Surtout quand, dans le bleu de son regard, il y avait ce sentiment profond, de blessure, qui la rendait encore plus virulente, Clarke. « Tu m’as fait mal, Poney. » Le nom fut presque craché. « Je n’irais pas en parler à Heda. Nous savons tous les deux ce qu’il adviendrait si elle venait à l’apprendre. » Une deuxième marque, ou une punition corporelle encore plus douloureuse. « Mais je vais t’apprendre comment cela fonctionne chez moi. Ça s’appelle le repentir. Et ça prend du temps. »  Elle inspira à nouveau, sentant l’odeur de Teksas, l’odeur de la boue aussi. Elle appuya un peu sur son torse, le forçant à reculer. « Oui, ton honneur est sauf. Tu as juste perdu une amie. » Maintenant, il revenait de voir lequel serait le plus douloureux pour son garde-du-corps.

Clarke tremblait de rage. Une rage à peine contenue, à laquelle il prit soin de ne pas faire trop attention. S'il voulait s'expliquer, il lui faudrait passer outre des éclairs meurtriers qui luisaient dans les yeux de son amie. Du moins, si elle répondait toujours à ce terme...
Elle s'approcha sans prévenir, d'un pas rapide. Si près qu'il pouvait la sentir fulminer, vibrer, si près qu'il avait la sensation que des vagues de colère brûlante s'écrasaient contre lui. Les yeux bleus le fixaient sans ciller, et Teksas se sentait surplombé par toute la grandeur de Clarke, par la puissance de ses émotions. Pourtant, celle ci devait sûrement courber la tête à s'en faire mal pour pouvoir le dévisager ainsi. Mais il ne broncha pas, s'efforçant de rester de marbre, de soutenir le contact bouillant de ses prunelles assombries qui le toisaient. Il ne fallait pas qu'elle puisse lire sa crainte, sans désarroi. Il ne s'était jamais senti aussi perdu -hormis peut être, le jour où il avait laissé la Montagne l'emmener. Et la sensation qu'il ne pouvait rien faire pour y remédier le rongeait comme de l'acide.
Son expression se durcit toutefois alors que les paroles de Clarke continuaient de s'écouler comme du venin, de se distiller au goutte à goutte dans ses veines.
- Je suis peut être stupide, Clarke. Mais pas imprudent au point de risquer d'informer les Grounders sur tes sentiments envers Heda. Il prit soin d'insister sur ce mot, de l'asséner presque. Crois tu sincèrement que je me soucie de ce que ces gens pensent de ma façon d'agir auprès de toi ?
Il désigna les Grounders au loin d'un geste vague. Sa voix était basse comme un grondement. Il avait conscience de s'être emporté, d'avoir laissé ses mots dépasser sa pensée, mais il avait aussi conscience de n'avoir jamais mis Clarke en danger potentiel de façon volontaire. Le pense-t-elle sincèrement capable de déballer de telles vérités sans au moins s'assurer que personne ne laisse traîner une oreille susceptible de les surprendre ?  
Et encore une fois, Clarke s'approcha un peu plus, crachant ses mots, ce surnom, -auparavant si affectueux- comme s'il s'était agi d'un insulte.
Teksas tressaillit sous la violence du ton mais ne répliqua pas. Il laissa le sang battre férocement contre ses tempes, et la veine sur sa mâchoire palpiter tant elle était contractée.
- Je n'ai pas besoin de Heda pour m'infliger une punition, Clarke. Il y a des marques bien pires que celles qui marquent nos peaux. Toi et moi en sommes la preuve même.
Ses yeux brillaient dans la faible lueur du jour. On pourrait presque penser à des larmes, s'il n'y avait ce petit éclat vert, sauvage et dur, qui bannissait toute démonstration de faiblesse de la part de ce guerrier au cœur pourtant trop tendre.
Il secoua doucement la tête, un rictus amer et tordu aux lèvres, semblable à celui d'un chasseur blessé.
- Tu ne comprends toujours pas, après tout ce temps. Mon honneur dépend de toi. Et ce depuis le jour où j'ai commencé à te servir. Je suis sensée vouer ma vie à la tienne, ne l'oublie pas.
Il baissa légèrement la tête afin de se retrouver à la même hauteur que Clarke.
- Parce que cela ne changera jamais.

Rp :

Il avait du cran, Teksas. Clarke pouvait au moins lui reconnaitre ça, lui qui soutenait son regard. Peut-être aurait-elle dû l’appeler Âne, au lieu de Poney, car sur le moment, c’était ce qui lui seyait le mieux. Et ça la rendait encore plus furieuse, qu’il ne s’abaisse pas et continue de se confondre dans encore plus d’excuses maladroites. En même temps, ça la rassurait, de voir qu’il ne changerait pas, juste pour satisfaire Clarke dans cette fureur qu’elle ressentait, et qui persistait, immuable, sans considération pour les propos que Teksas lui adressait, qu’importe que ceux-ci soient terriblement vrais. Clarke le savait parfaitement, oui, qu’il y avait des douleurs plus terribles que celles que le corps pouvait porter. Son garde-du-corps s’égarait simplement sur le sujet et Clarke jugea bon de lui rappeler. « Là n’est pas la question. » Ca restait dur et brulant de cette fureur qu’elle ressentait encore, ressentirait pour quelques jours, surement. Clarke n’avait nullement envie de se prendre au jeu de celui qui avait subi le plus de choses dans cette existence, c’était stérile et elle reconnaissait sans mal les épreuves de chacun. Quand elle ne se sentait pas personnellement offensée sur un sujet qui la tenait à cœur.

Car oui, elle appréciait beaucoup trop Teksas, Lexa aurait certainement son mot à dire sur ça. Mais il était trop tard et la blessure était là, se mélangeant petit à petit à la déception de ce qui avait été dit par le garde-du-corps qui ne comprenait pas ce qu’elle voulait dire. « Tu ne comprends toujours pas, après tout ce temps. » Était-ce là la limite de leur entente, eux qui semblaient être sourds aux propos de l’autre ? Clarke n’aurait pu le dire, car tout commençait à se brouiller dans son esprit, qui désespérait de plus en plus de prendre de la distance, de la distance avec cet échange qui ne faisait qu’empirer, de la distance avec ce feulement qui ne cessait de s’échapper des morceaux brisés de son cœur. « Mon honneur dépend de toi. Et ce depuis le jour où j'ai commencé à te servir. » Elle se retint de cracher sur cette notion qui la dépassait de plus en plus. Clarke ne prêtait pas attention à l’honneur, car elle aurait tout fait pour sauver les siens, quitte à se dépouiller de toute forme d’humanité. Pour ceux du Trigedakru, cela faisait partie d’eux, aussi sûr que le sang était vital pour leur corps, l’honneur l’était pour leur esprit – ou en tout cas, pour la paix de celui-ci.

Il y eut d’autres mots, Teksas se mit à sa hauteur et elle se retint de marquer un pas en arrière, Clarke, juste pour un peu plus de confort. Mais non, elle resta là, dans l’espace personnel de son garde, à quelques centimètres de lui, ne cillant pas, ne bronchant pas de cette désillusion qui dansait tristement dans son regard bleu, nullement impressionnée par cette rancune que Teksas retenait, et qui donnait une teinte légèrement plus rouge à sa peau. « Cela ne changera jamais. » Elle ferma les poings, à nouveau, malgré la chaleur diffuse qui continuait de lui vriller l’épaule. « Avant de vouer ton honneur et ta vie à la mienne… » et tout le monde savait à quel point il était difficile de le faire avec une personnalité telle que Clarke « tente de vouer ton esprit au mien. Tu as demandé le pardon, c’est très bien. Tu comprendras certainement que cela va me demander du temps. » Si jamais elle considérait de le lui offrir. « A moins que tu n’arrives pas à le comprendre. » Elle haussa son épaule valide et finalement, elle se détourna de Teksas, avec toute la rigidité qui habitait son corps. « Jamais peut être terriblement long, Poney. Tu auras peut-être la patience de tenir jusque-là… Pas moi. » Et c’était bel et bien un avertissement qu’elle lui adressait, avant de tenter de partir, une nouvelle fois.

Spoiler:

Les poings de Clarke étaient si serrés qu'il suffit d'un regard au garde pour voir la jointure de ses mains blanchir. À croire qu'elles contenaient toute sa colère en un geste.  
- Avant de vouer ton honneur et ta vie à la mienne…
Teksas se figea, avec la sensation que son souffle restait coincé dans sa gorge comme les mots de Clarke l'étaient sur sa langue.
- ... tente de vouer ton esprit au mien. Tu as demandé le pardon, c’est très bien. Tu comprendras certainement que cela va me demander du temps.
Du temps. Teksas passa une main rapide sur ses traits tirés par le regret et la fatigue. Il était prêt à lui donner tout le temps dont elle avait besoin. Il attendrait dans l'ombre, comme toujours, que son heure vienne. Alors, il sortirait à la lumière et reprendrait sa tâche. C'était ainsi que cela fonctionnait, pour lui. Il avait payé le prix de ses erreurs passées par le feu, et s'il lui faudrait se racheter de celle-ci en donnant de son temps, alors il le ferait.
- À moins que tu n'arrives pas à le comprendre.
Il comprenait parfaitement, au contraire. C'est d'ailleurs la réponse qu'il adressa à la fille des étoiles, comme pour la rassurer :
- Je comprends, Clarke. Et je te donnerait tout le temps qu'il te faudra.
Pourtant, au regard que lui décocha la leadeuse avant de se détourner, Teksas sait qu'il n'a pas donné la bonne réponse. La raideur de ses mouvements alors qu'elle hausse sont épaule valide ne fait que confirmer ce sombre pressentiment.
- Jamais peut être terriblement long, Poney. Tu auras peut-être la patience de tenir jusque-là… Pas moi.
Jamais.
C'est au tour de Teksas de serrer les poings. Si fort que ses ongles rongés s'enfoncèrent dans ses paumes calleuses, y laissant leur marque. Mais, cette fois, le garde ne broncha pas. Il resta immobile, le regard fixé sur le dos de sa protégée, sans esquisser le moindre geste pour la rattraper.
- Je fais des efforts, Clarke. Tu ne t'en rends peut être pas compte, mais c'est vrai. Tout ce que j'ai fait, je l'ai fait pour toi. Crois-tu que ce soit facile pour moi d'être à ton service ? D'obéir à tes ordres, même lorsque je sais qu'ils te mettent en danger, sans avoir le droit de broncher sous peine d'être puni ? De risquer ma vie sur un de tes coups de tête, en priant pour que cela épargne la tienne ?
Sa voix chevrota un instant, mais il s'empressa de se ressaisir.
- Parce que ça ne l'est pas. Je suis peut être un guerrier, mais j'ai peur. J'ai peur de mourir, j'ai peur de me battre, peur de perdre des proches, peur de te perdre, toi. Je risque ça tous les jours, je déteste ça, mais je le fais quand même, parce que je n'ai pas le choix. Toi non plus tu n'as pas le choix, Clarke. Mais pour toi, la vie a un prix. Seulement tu n'as pas le droit de parler en mon nom à Lexa, de risquer tout ce que j'ai -parce que, oui, il ne me reste plus que ça-, et ensuite me blâmer. Je suis ton garde, certes, mais je suis aussi humain. Je fais des erreurs, et tu en as fait aussi, tu ne peux pas prétendre le contraire. Mais moi, j'ai fait des efforts. Moi, j'ai essayé de comprendre, de changer pour toi. Alors ne me le reproche pas.
Au fur et à mesure qu'il avait parlé, Teksas avait ouvert les mains, les laissant à présent ballantes, le long de son corps.
Sans rien à quoi se raccrocher.