Whisky était triste. Cela faisait des jours qu’il n’arrivait pas à se consoler. Ruby était morte, elle avait succombé à la balle qui l’avait blessée lors de la bataille contre Mont Weather. Il se retrouvait seul. Pendant des jours, il s’était caché quand il pleurait, parce qu’il était pas une fiotte et que son père n’aurait eu de cesse de lui rabâcher d’arrêter de chialer comme une femmelette. S’il avait eu droit à une poigne compatissante de la part de son paternel quand la nouvelle était tombée, ça avait été tout et maintenant les deux Whisky étaient chacun en deuil de leur moitié. Alors, le jeunot, pour ne pas donner honte à son père, avait voulu trouvé Murphy… qui avait disparu. Inquiet de la disparition de son ami, il était allé voir Kane pour obtenir des réponses, mais il avait répliqué que Murphy était surement parti ailleurs, comme beaucoup le faisaient. Whisky il avait eu du mal à la croire, son con d’ami ne serait pas parti sans un au-revoir, mais il ne le trouvait pas. Il était passé à TonDC et à la Montagne, mais il n’avait trouvé personne avec les cheveux aussi gras de Murphy.

Puis il avait tenté de trouvé Jimmy. Même si elle trouvait les gens tristes, moches, ça lui aurait changé les idées. Il se serait défoncé avec elle l’espace de quelques heures. Mais elle était partie elle aussi jusque Polis avec un autre clan au nom imprononçable. Du coup, il avait passé quelques jours à être morose en compagnie de Rhodan – qui faisait décidément très bien ça. Mais il ne pouvait pas se lamenter toute sa vie, alors il était retourné à son premier amour : les coques de métal. Il passait des heures à travailler, le grincement de la tôle le rassurant comme à son habitude. Mais c’était pas suffisant, il avait recommencé à se battre un peu, on lui avait collé un blâme au cul, mère Griffin avait dit qu’elle était désolée pour lui, mais Whisky restait triste. Il le montrait pas, non, il le cachait derrière son air un peu con et ses sales manies dignes de quand il était dans l’espace. Il avait besoin de se changer les idées, mais être près de l’Arche ne l’aidait pas.

Là, il revenait d’une brève pause, prêt à remonter en hauteur pour décortiquer la cabine sur laquelle il était occupé. L’idée était de récupérer le plus de métal possible pour faire une fortification au Camp Jaha, autre que les pauvres morceaux de barbelés électrifié. Donc il avait du boulot. Et il était en chemin, quand on lui attrapa le bras et qu’il crut faire trois petites gouttes dans son calbut. Whisky était grand et balaise. Mais ce qui se trouvait en face de lui faisait bien son double et il échappa un petit cri surpris quand la langue qu’il ne comprenait pas s’éleva. Instinctivement, sa main se porta sur le marteau qui pendait à sa ceinture à outils. Puis il se rappela que les grounders n’étaient pas méchants, ne mangeaient pas leurs cerveaux au petits dejs. Mieux encore, il y avait une alliance. Rappelons que c’était la première fois que Whisky était si proche d’un grounder depuis… longtemps. « Où est l’auberge ? » Son regard fut encore plus perdu et après avoir passé une dizaine de secondes le bouches ouvertes, Whisky secoua la tête, et puis balbutia « de… de quoi ? » Il se racla la gorge, se rappelant qu’il avait une paire de couilles (ou une paire de noisette en l’occurrence sur ce coup). « C’est quoi une auberge ? C’est encore un de vos mots chelous ? »

Whisky il tardait toujours à être rassuré quand il voyait un grounder. Une part de lui, assez instinctive, était prête à partir en courant pour sauver sa peau si le moindre signe d’agression se faisait voir. Le fait qu’il soit en face d’une montagne humaine ne changerait rien à tout ceci, accentuait plutôt sa tendance faux-jeton. Mais bon, il était toujours en vie 10 secondes après le contact qui n’était pas si hostile et Whisky le regarda avec un air de petit chiot perdu, parce qu’il ne comprenait pas le sens du mot du grounder et il se demanda si c’était du ‘slang (ou un truc compliqué du genre). « L’auberge, là où on boit l’alcool. » Auberge… hum. Oui, il était probable qu’il ait déjà entendu ce mot, une fois lors des cours. Mais il y avait jamais été très attentif, Whiwhi. Puis il avait arrêté les classes assez tôt pour aller travailler avec son père, du coup, c’était pas impossible que le sieur grounder qui se trouvait devant lui parlait un meilleur anglais que celui du 100. Fin soit, ils étaient pas là pour parler grammaire et vocabulaire, surtout que le géant venait de dire le mot magique, celui qui assurerait les bonnes grâces du soudeur à vie. Si le foie survivait à cette rencontre. « Il y a ça ici non ? » Le grand sourire qui fleurit sur les lèvres, alors que le mec –appelons-le Babar-  tentant d’expliquer ce que c’était de l’alcool.

Whisky le coupa de grands gestes. « Oui oui, alcool, éthanol, CH3-CH2-OH, température d’ébul-… » Bon, il s’arrêta là, parce qu’il s’emballait et qu’il était pas là pour sortir le peu de science qu’il avait dans son crâne. Ca donnerait une image trompeuse qu’il était un gars intelligent alors que nous savons tous que Whisky pensait avec son estomac et son slip, pas sa tête. « On a ça ici, bien sûr. » Il eut un petit rire. « Je sais pas comment on aurait survécu là-haut sans ça. » Il rit encore un peu, avant de se retourner vers le bâtiment central. Ses mains se posa sur sa ceinture, l’air un peu moins inquiet, alors qu’il réfléchissait. « On fête pas grand-chose ces temps-ci, mais y a de quoi faire. » Surtout qu’il avait retrouvé ses alambiques, qu’il s’était pressé de planquer avant qu’ils ne soient confisqués. Parce qu’il doutait que la contrebande soit devenue légale et puis, c’étaient ses bébés et son plus beau secret. Qu’il ne partagerait qu’avec les personnes de confiance. « On a pas vraiment d’auberge. Mais y a la cantine et on pourra trouver de quoi boire. » Oui, parce que c’était devenu on en pas longtemps. EH. Whisky n’allait pas laisser lui échapper une occasion de se saouler. En plus Babar était l’excuse idéale, il aurait qu’à dire qu’il avait été menacé. Ah ! quel plan génial ! « J’vais vous montrer. » et il était déjà parti, ouvrant la marche.

Whisky n’aurait jamais cru qu’il donnerait des indications à un grounder. Oui, ils avaient fait amis-amis avec eux, mais bon, ça c’était passé pendant que lui il était enfermé dans la montagne, donc il avait toujours eu un peu de mal à croire que ceux du trimachingroupe soient gentils. Et avoir le grand Babar dans son dos le rassurait pas des masses, mais il tentait de chasser cette inquiétude et puisque Whisky était assez doué pour oublier ses sentiments, ça passait plutôt bien. Y avait pas eu de coup de dague dans sa colonne, et si l’alcool était si cher au cœur du grand grounder, il avait tout intérêt à garder le bébé canard en vie, non ? « Comment est l’alcool ici ? » Il se retint de sursauter à la voix grave de Babar, et à la place il jeta un coup d’œil tout excité à celui qui le suivait. Ca, c’était un sujet de conversation qui était fait pour Whisky ! « Fort. » Dit-il… fort. « C’est pas terrible en bouche et ça brule la gorge plus qu’autre chose. » Il eut un petit rire. C’était le mieux qu’ils pouvaient faire avec ce qu’ils avaient eu dans l’espace. « Mais ça fait son effet, donc c’est le principal je crois. » Il se gratta un peu la tête. « Maintenant qu’on est ici, je pense que certains pourront faire des trucs plus agréable… J’ai toujours voulu gouter de la bière. » Il eut une petite moue pensive, en se demandant si ça existait quelque part. « Vous avez ça, ici ? Enfin, l’un des douze, il doit bien y en avoir qui en font, non ? » Voilà, la conversation était lancée. D’un autre côté, parlé alcool à un gars qui s’appelait Whisky, c’était comme de demandé à un maitre d’arme de parler arme…

« Et les femmes ? » Il se figea pas, Whisky, parce qu’il était pas assez sensible pour le faire, alors ce fut seulement lancé dans un rire qu’il pensa à Ruby, pour se forcer à ne plus y penser. Elle était morte. Point. Ca faisait mal à son petit cœur, mais il avait connu pire. Oui ? Non ? Non. « Tu perds pas le nord toi. » Et si ça avait été un pote, il lui aurait tapé dans l’épaule. Mais il tenait à sa main, Whisky, alors il garda les doigts sur sa ceinture, alors qu’il avançait. « Y en a des vachement bien foutues. Je sais pas si tu aurais tes chances par contre ? J’veux dire, y a bien Octavia qui a craqué pour Lincoln, mais qui ne craquerait pas pour Lincoln ? » Il eut un sourire bienheureux, s’arrêta quelques secondes, avant de reprendre. « Faudra essayer je suppose ? Mais je sais pas qui serait intéressée par toi ? Sûr, t’es viril, il y en aura bien une ou deux qui mouillera sa culotte… » Fallait juste trouver lesquelles.

Il se sentait pas vraiment en confiance, le petit canard. Mais c’était pas une nouvelle sensation. Au contraire, il y était plutôt habitué, depuis que la navette des 100 s’était écrasée sur la terre. Donc, rien de bien nouveau là-dessus. Et il espérait que si le grounder derrière lui avait des envies de meurtres, il se retiendrait quand même. Paraissait qu’il y avait une alliance et c’était toujours mieux d’éviter de tuer ceux du clan allié, non ? En tout cas, depuis que Clarke avait fait amie-amie avec les grounders, le taux de mortalité avait franchement diminué parmi eux. Ca plaisait à Whisky, pour sûr. (même si les plus importants n’étaient plus là. Soit, il était pas doué pour les sentiments, alors il n’y penserait pas). Puis, le grand Babar qui était avec lui occupait assez ses pensées. Non, ce n’était pas le coup de foudre, mais il restait toujours sur ses gardes, le soudeur. On sait jamais. Même s’il paraissait sympathique et qu’il parlait de bière. « Non, pas ici. Faut du houblon et on produisait pas ça, là-haut. » Dit-il d’un geste du menton, alors qu’il désignait le ciel d’un geste du menton. Il s’agita un peu, ses doigts chipotant sa ceinture à outils, plus par reflexe qu’autre chose. « J’irais voir chez le tree crew alors, un de ces quatre. » Il était pas encore chaud d’aller payer une visite de courtoisie chez leurs nouveaux voisins – de mauvais souvenirs – mais pour l’alcool, le bébé canard pouvait faire une exception.

Ils entrèrent dans la cantine et Whisky repéra une table de libre, qu’il désigna d’un doigt. « Va t’asseoir là, j’vais chercher l’alcool. » Il était pas trop sûr qu’on donne de la gnôle au premier grounder qui passait par là. Puis, Whisky, il était d’office connu de ceux qui avaient accès à l’alcool. Celui-ci était peut-être réglementé, mais parler de décantation rapprochait tous les amateurs du genre. Soit, il fallu moins de deux minutes pour que Whisky se pose avec toute la grâce du monde sur la chaise de métal, en face de Babar. « Lincoln ? » Il releva les yeux des verres qu’il remplissait généreusement, clignant un peu des yeux. « Ouais, le grand chauve ? » C’était une définition assez vague et il fronça un peu les sourcils. « Attends, il y en a beaucoup, des grands chauves chez toi ? » Hum, c’était une possibilité à laquelle il avait jamais pensé. « Enfin, pour toi il doit sembler petit ? » Il savait pas, il était perdu Whisky et dans le doute, il préféra trinquer rapidement avec son compagnon de beuverie improvisée.

L’alcool glissa dans sa gorge, provoquant cette sensation familière de brulure et il sourit un peu. « J’irai voir alors, si tu dis que les femmes sont jolies ici. » Il haussa un peu les épaules. Oui, elles étaient franchement baisables. « Fais gaffe de pas te faire prendre, j’suis pas sure que tout le monde aime ça. » L’échange entre les groupes. Lincoln ça passait, mais il avait été torturé en chemin, donc, c’était une autre histoire. Un grand Babar qui s’amenait pour s’amuser avec sa trompe, c’était peut-être un peu plus difficile à encaisser. Enfin, c’était pas Whisky qui irait se plaindre, lui il avait d’autre chat(te) à fouetter. « Toi, t’as une femme ? » Il y eut une grimace sur lèvres de Whiwhi, qui détourna le regard, comme un chien un peu blessé. Il but un deuxième coup de son verre. « Non. » Il se frotta un peu la base du menton, regardant toujours ailleurs. « Plus maintenant. » Ca avait jamais été sa femme, Bee, mais elle s’en rapprochait pas mal. Et elle aurait franchement pas aimé ce qu’il faisait. Etre ami avec un grounder, être ami avec une femme de la montagne. Elle aurait pas aimé beaucoup de chose, mais elle était plus là pour lui faire une scène. Donc, il continuerait de boire avec Babar. « C’est quoi ton nom, en fait ? » C’était un bon changement de sujet, tiens…

Spoiler: