Quand elle me répond quelque chose me frappe. Rhodàn s’est battue pour la vengeance de cette fille. Et je crois qu’elle n’a plus de but. Elle n’a plus d’envie, plus d’avenir. Son avenir c’était ça. Tout simplement ça. Venger cette jeune fille, libérer les terriens, faire arrêter toutes ces tortures. Et maintenant qu’elle a réussi, qu’est-ce qu’il lui reste ? Rien. Et alors qu’elle m’explique qu’elle ne pense pas pouvoir être la mieux placée pour consolider la paix je comprends un peu mieux ce qu’elle ressent. C’est sûr que pour beaucoup elle doit avoir l’air d’une traitre. La montagne ne serait probablement pas tombée s’il n’y avait pas eu de l’aide à l’intérieur. Si nous n’avions pas eu de l’aide. Oui mais quoi ? Que ce serait-il passé pour eux ? Combien de temps encore auraient-ils pu vivre dans ces murs ? Les grounders et les skaikrus se seraient alliés pour repousser les assauts des reapers et des soldats de la montagne. Les prises auraient été de moins en moins riche, et à qui auraient-ils donc pu voler le sang et la moelle ? Personne. Alors finalement, mieux vaut pour eux que la montagne soit tombée, que certains d’entre nous soient volontaires pour donner de la moelle, pour aider ceux de dessous à venir là-haut. Parce qu’ils ne leur seraient rien rester sinon. Rien. Mais je comprends un peu mieux Rhodàn. Parce que lorsque nous étions encore là-haut, dans l’Arche, je n’avais pas réellement d’avenir non plus. Je n’aimais pas ce que l’on me destinait, mais je n’avais pas le choix. Tout était fade, tout était sans goût, sauf les fêtes illégales que j’organisais. Je regarde la femme qui me fait face. Et quelque part, je la trouve encore plus attachante d’une certaine façon. Mais elle n’a pas besoin de ça. Je l’admire quand même, silencieusement.

Alors que je suis dans ce qui ressemble à une cuisine pour laver mon verre, je me demande silencieusement ce que ce doit être de vivre seule. La liberté de pouvoir vivre comme bon nous semble. Dans l’Arche, je vivais avec mes parents. A la navette, nous n’avions pas vraiment d’intimité. Et maintenant, au camp Jaha, les couchettes ne sont pas réellement grand luxe. Bref, la promiscuité, je connais. Maintenant je me demande ce que cela ferait de vivre seule, de pouvoir faire mes choix, de dessiner mon propre avenir. Je ne sais pas. Est-ce que j’en serais capable ? Peut-être bien, qui sait ? En revenant je termine d’aller au bout de mon idée pour essayer de montrer à Rhodàn que tout n’est pas perdu. Et elle se lève à son tour pour me répondre. De me dire qu’elle m’aiderait autant que possible. Et la sincérité transparaissait dans ses yeux et dans sa voix. Avant de reprendre la parole, j’esquisse un sourire et je réponds d’abord : « Les soldats se battent pour ce en quoi ils croient. Ils le comprendront un jour, même s’ils se complaisaient dans ce système, ils finiront par comprendre tous les avantages que vous leur avez offerts… ». Je marque une légère pause avant de dire : « Quant à Dante… Il comprendra aussi… Honnêtement, il est toujours vivant, sa montagne est toujours là… Et son fils il était sacrément tordu quand même… ». Je grimace un peu avant de rire. La mort n’a rien de drôle, même s’il était un psychopathe sans morale, ça n’a rien de drôle. Et j’ai réellement compatis pour la perte dont le président a été victime. Mais c’est aussi un soulagement. C’est étrange de ressentir ça. Je grimace un peu. Puis, je la regarde un moment. Je ne sais pas si c’est vraiment une bonne idée de lui demander ça. Je ne sais pas si je peux le faire sans demander d’abord à la chancelière Griffin. Mais tant pis. J’inspire puis je demande : « Je ne veux plus avoir peur… Apprenez moi… Vous êtes un soldat, peut-être le meilleur de la montagne… Apprenez moi ce que vous savez, s’il vous plait… ». Je suis toujours debout, je la regarde simplement. Honnêtement, j’ai tout à apprendre encore. Même si la vie sur Terre m’a déjà appris beaucoup plus de choses que celle dans l’Arche, j’ai encore beaucoup de chose à apprendre. Et Rhodàn peut m’en enseigner beaucoup. Peut-être pas tout. Mais personne ne pourra tout m’enseigner. Et si j’apprends déjà grâce aux grounders que j’ai l’occasion de côtoyer de temps en temps, les hommes de la montagne aussi ont des choses à nous apprendre. Et ça sera aussi l’occasion de montrer que nous voulons bâtir l’avenir avec eux, non ? Je ne sais pas. La politique ce n’est pas spécialement mon fort. Mais je n’ai rien à perdre à demander.

Les gens ont ce qu’ils méritent. Alors quoi, cela signifie que j’ai mérité de souffrir comme ça ? Je ne suis pas sûre de devoir vraiment bien prendre ça. Parfois le destin se loupe. Ok, alors il s’est loupé pour moi ? Bon, une chose est sure, vu qu’elle regrette de ne pas être morte, elle doit penser que c’est un raté de l’univers. Je ne sais pas si c’est vrai. Mais ça a l’air de l’aider de le croire. Pour ma part, j’espère bien ne pas avoir fait de choses si horribles que l’on doive me torturer pour équilibrer la balance. Parce que franchement, sinon il faut que j’arrête de vivre… Enfin, la question n’est pas vraiment là. Les croyances sont ce qui nous permet de croire. Là-haut sur l’Arche, nos grands parents et leurs parents avant eux rêvaient du moment où leurs descendants reviendraient sur Terre. Ils y croyaient tellement fort que finalement, c’est arrivé. Nous sommes là. Et quand nous nous sommes retrouvés en guerre contre les grounders, nous avons cru en nous, les uns en les autres, nous nous sommes soutenus. Nous avons cru en nos chances de victoire. Et nous l’avons fait. Il lui faut quelque chose en quoi croire. En elle ? Cela me paraît un peu compromis. Alors en quoi ? En la vie, en l’avenir. C’est ce qu’il nous reste aujourd’hui non ? L’espoir de jour meilleurs. Oui, je crois que c’est ce qui doit nous maintenir en vie. Je crois que c’est ce qui doit nous guider. L’espoir de la paix, de la vie en harmonie avec les différents peuples habitant la terre.

Puis, elle reprend la parole pour m’expliquer que la peur est le propre des hommes. Je la regarde un long moment. C’est vrai qu’elle n’a pas vraiment tort. Mais je crois qu’il y a différent type de peur. Puis, elle me demande ce que je voudrais qu’elle m’apprenne. Je réfléchis un instant. Et je commence par lui dire : « C’est sûr, la peur est ce qui nous maintient en vie mais… Quand elle est tellement forte qu’elle est paralysante alors là… C’est autre chose, non ? ». Je la regarde un long moment avant de lui dire : « On peut apprendre à la canaliser à en faire une arme ? Quelque chose qui nous renforce au lieu de nous affaiblir… Ne pas sursauter et s’enfuir au moindre bruit… ». Je me sens pathétique et faible. Comme le jour où j’ai passé ma colère, ma haine et mes peurs sur cet arbre jusqu’à m’en ouvrir les mains. Je me suis sentie si faible, si fragile. Encore aujourd’hui. La peur m’a rendue faible, inutile. Comment survivre ici-bas en étant si fragile ? Je grimace un peu avant de me passer une main dans les cheveux puis de dire : « Vous pourriez m’apprendre ce que vous savez de la Terre ? M’apprendre à être plus forte aussi, à savoir gérer ma peur et peut-être à me battre ? M’apprendre à protéger mes amis… Enfin, c’est tellement vaste… J’ai l’impression d’avoir tout à apprendre… ». Je relève les yeux sur elle. J’ai toujours eu du mal à trouver ma place, et c’est encore pire en me sentant si faible. Je ne veux plus jamais ressentir ça. Alors c’est de la détermination qui se fait sentir dans me regard. Plus jamais.

Lorsque Rhodàn commence à me répondre, je l’écoute. Avec attention. Je n’ai jamais été très studieuse mais certains cours étaient une façon de m’évader. Comme le cours de civilisation. Apprendre toutes ces choses sur notre passé, sur la Terre, c’était une façon pour moi de m’imaginer là, en bas, au milieu de ces villes, de ces immeubles. Une façon pour moi de m’imaginer aller au lycée, ou à l’école. De m’imaginer devenir avocate, jardinière ou pilote de chasse. Et là, écouter Rhodàn me dire que la peur peut se contrôler, qu’on peut en faire quelque chose de positif c’est un peu comme un rêve. Une façon de me projeter dans un avenir où je me sens moins fragile, moins faible. Même si la peur sera toujours là, quelque part. La peur de mourir, la peur de voir mourir ceux que j’aime. Mais au moins, je pourrais en faire quelque chose et non pas rester paralysée. Et c’est rassurant de savoir que c’est possible. Je souris un peu acquiesçant à ses paroles. Je comprends l’idée. Maintenant il ne me reste plus qu’à apprendre à le faire. Et ça me semble tellement dur. Comment est-ce qu’on fait ça ? Elle doit le savoir. Elle m’apprendra. Etrangement, la perspective d’apprendre à ses côtés m’enchante plus que celle d’apprendre aux côtés des gardes, je ne saurais dire pourquoi.

Puis, elle reprend la parole. Elle accepte. D’abord elle me dit qu’elle peut le faire, puis qu’elle m’apprendra. Et elle le fait avec le sourire. Bon pas un sourire radieux mais un sourire. Et venant de sa part, je prends ça vraiment comme une réponse sincère et voulue. Mon propre sourire s’élargit. Je suis vraiment heureuse de l’apprendre. C’est comme si enfin quelqu’un voulait bien de moi. Enfin, d’une certaine façon. Pas comme mes parents par exemple. Je la regarde et je me sens tellement euphorique soudainement. Rien à voir avec mon état d’il y a encore quelques instants. Je suis debout, je la regarde et j’ai presque envie de sautiller tellement je suis contente. Mais bon, je me contiens un peu. Mais je lui dis : « Merci. Merci merci merci merci ! ». Bon ok. J’ai eu un petit débordement d’émotion. Je souris de plus belle puis je lui dis : « Je serais une élève modèle promis ! ». Je la regarde toujours. J’ai presque envie de la prendre dans mes bras là maintenant. Mais je ne le fais pas, je ne suis pas sure qu’elle accepterait. A sa question sur le fait de savoir de me servir d’une arme je réponds : « J’ai appris à me servir d’un fusil. Et c’est à peu près tout. ». Je fais une légère moue. Je suis nulle, j’avoue. Mais bon il faut bien commencer quelque part non ? Je suis impatiente de raconter ça à Monroe et à Monty et aux autres aussi. Clarke et Octavia ne seront plus les seules à avoir trouvé comment s’intégrer. Bon, en réalité, elles ne sont pas les seules. Il y a aussi Jimmy et Valak. Mais bon. Et c’est là que je me rends compte qu’il va surement falloir que j’aie l’autorisation de le faire. Même si techniquement, je ne vois pas qui pourrait m’en empêcher. Alors je nuance un peu quand même : « Par contre, il va falloir que je demande à la chancelière Griffin. Depuis que l’Arche est tombée nous sommes de nouveau soumis aux lois de notre peuple… ». Alors ça, ça ne m’a pas manqué…

Lorsqu’elle me répond, Rhodàn lui dit que je ne pourrais pas être pire que Whisky. Je ris un peu. Je comprends totalement ce qu’elle veut dire. Il n’est pas méchant mais il est un peu dissipé. Mais j’aime bien son sens de l’humour, c’est un type sympa dans le fond. Heureusement qu’il était là. Parce que lui, contrairement à certains, sait s’amuser. « Oh ça, je veux bien vous croire ! ». Je ris à nouveau. Je me sens tellement mieux maintenant. Au camp Jaha, j’ai été intégrée dans les apprentis gardes parce que j’ai réussi à me servir d’un fusil et que je ne m’en suis pas mal sortie. Et parce que l’aquaculture n’a pas vraiment repris son cours au camp Jaha. Mais mon mentor, la garde Oosterhoff n’a pas vraiment eu le choix au final. Elle est sympa mais au final elle connait moins bien la terre que moi. Alors oui, elle peut m’apprendre le combat, les techniques qu’elle connait, mais pour survivre j’ai besoin d’autres enseignements et de quelqu’un qui a vraiment traversé des épreuves, des batailles. Et Rhodàn semble vraiment la plus apte à faire ça. Et elle est d’accord. Elle veut bien de moi. Pas par contrainte, elle a choisi d’accepter. Alors, c’est comme si j’étais vraiment à ma place. Je souris de plus belle. Puis, je bois ses paroles.

Elle m’explique que s formation initiale est une formation de sniper et qu’elle pourra reprendre là-dessus. J’ai tellement hâte. En plus, dehors, un sniper peut être vraiment utile. J’essaie de ne pas sautiller sur place, vraiment mais j’ai du mal. Je crois que ça doit être la première fois qu’un adulte me prête une telle confiance et une telle attention. Puis, elle me dit que je pourrais apprendre à tirer au pistolet, ce qui serait plus facile à manier, alors j’acquiesce. Puis, elle parle de corps à corps. Définitivement, j’adore. Et elle pourra aussi me dire tout ce qu’elle sait sur la terre, sur l’histoire des grounders mais aussi me parler de la montagne. Lorsqu’elle poursuit, en me disant que je voudrais peut-être m’installer ici, je suis trop excitée pour comprendre ce que cela sous-entend pour ma peur idiote. Je me contente de répondre : « Tout ça à l’air vraiment passionnant… Et oui, je crois que ça serait plus pratique en effet de pouvoir rester ici… ». Je souris de plus belle. Jusqu’à me rappeler que je ne peux plus faire ce que je veux. Après ma remarque sur le conseil, elle semble presque triste de l’entendre. J’essaie de ne pas sourire de plus belle. Si vraiment elle est triste, c’est qu’elle est vraiment heureusement de pouvoir le faire. Alors je réponds : « Je ferais tout pour les convaincre. De toute façon, c’est une bonne chose de nouer des échanges avec le mont weather. Et puis, il faudrait peut-être l’autorisation du président également, non ? ». J’attends sa réponse, toujours debout, toujours rayonnante. Oui, il ne m’en faut pas beaucoup pour retrouver la joie de vivre. Enfin… C’est plus que tout ce qu’on m’a jamais donné. La confiance, c’est quelque chose que je ne connais pas vraiment. Et d’un coup, je me rappelle que je dois lui remettre un message donc je dis : « D’ailleurs, il faut que j’aille lui remettre un message ! ». Hors de question de rentrer au camp jaha sans lui avoir remis ce message. Je peux le faire.