The enemy of my enemy is my friend [Flash Back] -Canjun

A l'entente de la fameuse sanction, des frissons parcoururent le corps du jeune Guerrier. Ses muscles se tendirent, et son sang ne fit qu'un tour dans son organisme. Ainsi, telle était cette sanction horrible que les habitants de l'Arche avaient subis. Mais le plus horrible dans tout cela n'était autre que l'éjection des adultes. Un triste sort pour des personnes qui n'étaient peut-être pas coupables au final. Un triste sort pour des personnes qui avaient désobéis au règlement. Mais l'erreur est humaine, et Canjun ne voyait pas le Chancelier comme un homme sans cœur, un homme sans valeurs ni humanité. Oh, ça, non. Un regard désolé anima les yeux ébènes dirigés vers le membres du peuple du Ciel. « Je suis désolé, Chancelier. Cet acte meurtrier doit vous hanter chaque jour de votre vie, sans que rien ne puisse vous consoler.. » dit-il d'une voix calme et presque inaudible.



Puis, ce fut au tour de Marcus d'être curieux. Lui aussi semblait vouloir savoir ce que devenait les mécréants, ceux qui désobéissaient aux règles, ou ceux qui trahissaient les leurs. Durant un instant, les paupières du Grounder se fermèrent. Des scènes défilaient dans son esprit. Il se rappelait d'une trahison, qui le ramena à celle de son père. Sa mine se fronça. Ses mains se serrèrent. Son visage sembla se fermer. Il souffrait. De l'intérieur, son cœur qui tentait d'oublier ce mal insoutenable se mettait à pleurer. Il pleurait, et cette sensation désagréable vint déclencher l'arrivée d'un liquide au coin de son œil. S'il le pouvait, Canjun se retiendrait de verser des larmes. Mais il n'était pas de ceux qui voyaient les larmes comme une faiblesse. Pour lui, laisser son cœur parler, s'exprimer, était quelque chose d'important. Face à la souffrance, le seul moyen de la faire disparaître pour un moment était de pleurer. C'est ainsi que le Solitaire voyait les choses. Et c'est ainsi qu'il pleura.



Lentement, le liquide descendit le long de ses joues noircies par le camouflage qui s'était peu à peu asséché et enlevé. Doucement, les gouttelettes salées finissaient leur course sur le sol feuillu de la forêt verdoyante. Le cœur du jeune homme battait fort, et il l'entendait comme si son organe vital se trouvait au niveau de ses oreilles. Sa tête abaissé au sol, Canjun délivrait toute la tristesse qui résidait en lui en ce jour pourtant ensoleillé. Il pleurait en silence, et décida de se reprendre en main, se disant que, face à lui se trouvait peut-être un homme qui ne voyait pas les pleurs comme quelque chose de fort, mais plutôt comme quelque chose de faible. Portant sa main à ses paupières toujours closes, le Walker essuya les larmes qui continuaient de tracer leur chemin sur son visage meurtri par la souffrance.


Relevant la tête afin d'observer à nouveau le membre des Skaikru, il prit la parole d'une voix sanglotante après être resté silencieux quelques secondes. « Les... Les sanctions n'ont jamais été faciles à accomplir. Le mécréant devait être attaché à un arbre, ses bras et ses pieds attachés. Et, chacun son tour, les habitants prenaient un couteau et venaient entailler les points vitaux du désobéissant. Il souffrait en silence, et on le jetait au milieu d'une forêt hostile, ou tigres et insectes pouvaient venir le dévorer à tout moment. C'est ce que mon père m'a raconté, car depuis le jour de ma venue, aucune sanction ne s'est produite. C'est ce qui aurait dû se passer pour lui... » dit-il en pensant à son père défunt. « Oui... C'est ce qu'il aurait dû subir. Mais je n'ai pas procédé ainsi. Je ne le pouvais pas... » finit-il par souffler avant d'abaisser à nouveau son regard.
Sa vie ne lui avait pas donné autant de joie comme il l'aurait voulu. Mais depuis ces temps sombres, il faisait maintenant face à la réalité. La vie n'est pas toujours rose, et il faut s'adapter à tout ses caprices. Tel était ce que Canjun avait appris de ses expériences...

Il est impossible de vivre sans se sentir mal de certaines choses tout au long de sa vie. L'erreur est humaine, et à chaque erreur ou acte meurtrier, un nouveau fardeau est à porté sur la conscience. Tel était ce que pensait Canjun. Chaque jour. Chaque heure. Chaque minute. Chaque seconde. Pas un jour ne défilait sans qu'il ne repense à son acte assassin envers son propre père. Un acte qui le rongeait, mais qui semblait aussi atteindre Marcus Kane, Chancelier du peuple du Ciel qui se tenait face à lui, et qui le remercia de la compréhension qu'avait le jeune Guerrier envers lui. Mais cela était tout à fait normal, et le jeune homme n'avait donc pas réagis. Mais ce fut avant les pleurs qui avaient surgis en plein milieu de leur conversation.


Car à présent, son regard toujours abaissé vers le sol, Canjun reniflait, tremblait légèrement. Il avait montré la souffrance qu'il traversait au quotidien. Mais ce n'était pas fini. Le Chancelier voulait en savoir plus. Il voulait savoir quelque chose dont le jeune garçon ne parlait pas facilement. Mais avec tout ce que l'homme brun lui avait dit, le Solitaire souhaitait partager cela avec lui. Non pas que des liens amicaux se soient créés entre eux -ou en tout cas, pas pour le moment-, mais devant lui se trouvait un être humain ayant accompli des choses aussi noires que lui. Alors oui, il pouvait lui dire.


Relevant donc ses yeux ébènes et tournant sa tête, Canjun observa le corps mort du Garde de Kane. Et à ce moment là, le corps de son père défunt vint remplacer celui du Garde. Il était là, allongé sur le sol, les yeux ouverts. Son cœur ne battait plus. Et son fils se tenait à ses côtés, sa tête posée sur le torse inerte de celui qui lui avait donné la vie, mais aussi de celui qu'il l'avait trahie lui et son clan. Il se voyait, pleurant de toute ses forces après le dernier combat qu'il mena sur ses terres d'origine. Des pleurs, accompagné d'un dernier mot : Je t'aime. Car malgré tout ce que son père avait fait lors de cet épisode tragique de sa vie, Canjun l'aimait. Oh, ça, oui. Il l'aimait. Fort. Très fort. Tout comme sa mère. Tout comme son peuple. Mais tous avaient disparus. Tous n'étaient plus que corps en décomposition, leur âme ayant trouvé un nouvel havre de paix au paradis.



Reprenant ses esprits, les yeux fixés sur le corps de l'homme de main de Marcus se tournèrent vers son interlocuteur, attendant une réponse à sa question en lui précisant qu'il ne devait pas avoir de remords. Mais c'était plus facile à dire qu'à faire, et Canjun savait que Kane était au courant de cela.


Portant sa main au couteau qu'il avait pris à son créateur, le Grounder prit la parole, sa voix un peu moins sanglotante, mais qui trahissait tout de même encore la tristesse qui l'envahissait. « Mon père.. Mon père a pactisé avec le Diable pour survivre au massacre de mon Clan. Il a souhaité se ranger aux côtés de nos ennemis afin de garder la vie sauve. Ou, en tout cas, c'est ce qu'il espérait. Moi, je fus abasourdis par ses propos. Et les autres aussi. Nous le dévisagions. Et puis, tour à tour, les hommes périssaient sous les flèches aiguisées de ces envahisseurs. Moi seul réussit à fuir. Moi seul réussit à m'en sortir. Mais la trahison de mon père me resta en travers de la gorge. Il avait trahi les siens. Il avait sacrifié beaucoup de vie pour sauver la sienne. Et ça, je ne devais pas pardonner. Je ne pouvais pas. Je devais le tuer. Et je l'ai fais. Je l'ai tué. J'ai vu son corps s'écrouler face à moi. Je l'ai vu s'en aller. Mais je ne l'ai pas tué de sang-froid... Je l'aimais. Il était mon père, j'étais son fils. Mais sa trahison devait être corrigée par sa mort... » dit-il, son regard devenant légèrement vide, comme s'il était de nouveau parti dans ses pensées.

La journée s'écoulait peu à peu, mais le temps semblait s'être arrêté pour le jeune homme qui se retrouvait dans ses pensées les plus noires qui concernaient son histoire tragique. Des images défilaient à travers son esprit qui n'avait jamais réussi à faire le deuil de tout cela. Les moments où il se sentait sans trop de remords étaient rares, car la solitude remontait des actes passés. Des actes qui étaient un fardeau pour lui chaque jour. Mais Canjun était fort. Il n'était jamais tombé à genoux face à ça. Il était toujours resté debout malgré tout, et même si les larmes coulaient le long de ses joues dans les moments où tout ces souvenirs sinistres semblaient s'abattre sur lui, il était là. Il continuait d'avancer sur le chemin qui se traçait devant lui sans faiblir.



Un vent frais extirpa soudainement le jeune Guerrier de ses pensées, et son regard plus tôt vide se remit à vivre. Ses yeux ébènes regardèrent un instant son environnement, comme s'il était déstabilisé, et une voix retentit dans ses oreilles, son regard se posant sur son interlocuteur. Marcus venait de lui poser une question. Une question qui paraissait évidente pour le Chancelier qui lui demanda pourquoi il n'avait tout simplement pas fui.


Ce dernier mot raisonna dans la tête de Canjun. Fuir. Oui, c'est vrai, il aurait pu fuir. Il aurait pu laisser son père en vie. Il aurait pu prendre ses jambes à son cou et partir loin de ces terres dévastées par ceux qu'il appelait « envahisseurs ». Mais non, il n'avait pas fui. Il n'avait pas fait ce choix là. Quelle en était la raison ? Elle était bien simple. Son peuple, victime de ces actes barbares, avait fait face à la mort. Chaque membre décédé du clan avait gardé fidélité à Osgiliath. Mais pas son père. Pas ce chef. Pas cet homme qui imposait le respect. Il avait préféré rester en vie plutôt que mourir aux côtés de ceux qui lui dévouaient une loyauté sans faille. Que faire à un homme qui avait agit de la sorte ? Tout acte de déloyauté devait être puni de mort. Et le Solitaire le savait. Alors, il n'avait rien fait d'autre que suivre les règles et rendre hommage à son peuple qu'il aimait tant. Et de ces mains barbares avaient coulé le sang de sa mère défunte et de sa bien-aimée. Et Paw, son père, avait décidé de rejoindre les meurtriers, assassins de sa femme et de son clan tout entier, dans l'unique but de sauver sa peau. Pour Canjun, tout cela était impardonnable. Et malgré le fait qu'il l'aimait, il n'aurait pas pu le laisser en vie. Alors il l'avait tué. Il l'avait tué férocement malgré tout l'amour qu'il lui portait.


Un léger soupir s'échappa des lèvres sèches du Guerrier qui continuait d'observer le Chancelier des Skaikru, et il prononça ces quelques mots d'un ton toujours aussi calme et posé malgré tout. « Non, je ne le pouvais pas... Je ne pouvais pas fuir. Ces assassins ont tué ma mère, et dans la seule intention de préserver sa vie, mon père a décidé de ne pas faire face à la mort et de ne pas rester loyal au Clan dont il était le chef. Les règles sont les règles, Chancelier... Il a payé sa trahison par la mort... Mais je l'aimais, et je continuerais de l'aimer de tout mon cœur malgré ce qu'il a pu faire et malgré le fait qu'il soit tombé de mes mains. J'ai simplement agit comme mon peuple l'aurait fais, et je pense que vous comprenez cela... N'est-ce-pas ? » dit-il. Depuis le début de cette conversation, Canjun s'était peu à peu ouvert à lui. Ça n'était pas dans ses habitudes. Ça n'était pas dans sa nature d'ordinaire méfiante. Mais il avait l'impression qu'un lien de confiance s'était tissé entre lui et cet homme brun.