there is weakness in your hope ▬ Rhodan

Lizz posa son regard peu sympathique sur la flèche qui indiquait la direction de l’infirmerie. Ça n’avait pas changé ; elle en avait toujours horreur. Et ses visites régulières de ces derniers temps n’arrangeaient en rien son opinion sur ce lieu. Il y avait beaucoup de blessés, encore. Moins que lendemain de leur défaite. Mais il y avait toujours trop de monde au goût de l’enfant qui avait grandi trop vite. Elle serra son poing, regardant la marque rosée qui reposait sur son avant-bras. Hier, on lui avait enlevé les fils de sa blessure volontaire. Elle avait voulu profiter de son passage pour voir Rhodan (son ventre se tordait un peu, à chaque fois qu’elle cherchait une raison derrière ce besoin constant de voir le traitre, et elle refusait d’y penser, se concentrant sur la brulure acide, sous son diaphragme, pour se déconcentrer) celle-ci dormait. Lizz n’avait pas été déçue. Lizz n’avait pas été soulagée. Elle était simplement partie, et elle avait vite oublié l’existence du militaire. Ou elle aurait voulu oublier. C’est pour ça qu’elle était revenue si vite.

Lizz tremblait un peu, mélange d’appréhension et de dégout. Elle n’aimait vraiment pas l’infirmerie. Elle poussa un soupire, jeta un coup d’œil sur ses chaussures noires. Elle était relativement propre, car elle ne revenait pas du travail. Elle avait dormi un peu, avait grignoté un bref repas dans les cuisines. & bientôt elle irait travailler. Ca lui semblait être un bon plan. Une sorte d’ultimatum, pour ne pas rester trop longtemps Tu es pitoyable d’avoir besoin de ça. Elle le savait, ça l’énervait. Ca la fatiguait. De se retrouver à gravir un peu plus proche de Rhodan, cette femme qu’elle avait passé une décennie à haïr. A présent, elle se sentait vide, un peu égarée. Parce qu’elle n’avait plus cette colère caractéristique et qu’elle ne savait pas vers qui diriger la méfiance de la vie – ce conseiller, Marcus, pourrait être un substitut convenable, mais elle n’aimait pas l’homme. Elle soupira légèrement, se remettant à marcher, après être restée plantée là pendant plusieurs minutes, hésitante sur le fait de faire marcher arrière. Elle ne prit pas la fuite. Plus maintenant. Ça n’aurait pas été justifié. Tu veux tellement voir Rhodan. Brûlure dans son estomac. Elle ferma un peu les yeux, se cogna volontairement à un homme du ciel qui passait par là. Elle lui jeta un regard noir, il l’insulta. La brulure était toujours là.

Lizz ignora parfaitement les autres blessés, se rendant – lentement, il ne fallait pas qu’elle montre qu’elle était pressée – jusqu’au lit du traitre. Elle avait le regard fermé, la mâchoire serrée. Elle passa une main dans ses cheveux détachés, se posant sans le moindre bruit sur le tabouret aux pieds du lit. « T’as toujours l’air de revenir d’entre les morts. » La monotonie de sa voix rauque s’arrêta là. C’était sa manière de saluer Rhodan. Car il était impossible qu’elle dise ‘j’avais envie de te voir, je m’inquiétais pour toi.’ Stupide. Elle joua avec ses doigts, son regard s’échappant de celui de la plus vieille.

Sa vie était faite de sommeil et de douleurs en ce moment. De personnes qui l’insultaient parfois en passant et d’autres personnes qui… la regardaient avec les yeux grands d’admiration. Sa vie était pathétique, maintenant qu’elle y pensait. Et si, oui… elle aurait preferé mourir, et bien il fallait bien qu’elle s’adapte. Elle était bien vivante – la douleur ne lui permettait pas d’en douter – et elle allait continuer à vivre ici, elle allait devoir trouver un nouveau but à sa vie. Elle verrait bien ! Un infirmier passa a coté d’elle et s’assura qu’elle aille bien, avant de reprendre la route vers d’autres victimes, d’avantage blessées qu’elle. Des gens qui avaient d’avantage besoin de soin, d’avantage besoin que l’on s’occupe d’eux. Elle, elle était juste la loque sur le lit du fond.

Yeux fermés, elle entendit quelqu’un se trainer vers son lit, et elle reconnu l’odeur, la façon de bouger, sans même besoin d’ouvrir le regard sur la nouvelle forme. « T’as toujours l’air de revenir d’entre les morts. » Elle ne put empêcher le sourire épuisé qui se dessina sur ses lèvres. « Lizz. » Elle s’installa un peu mieux sur son lit, se relevant pour être en position assise. « Je te manquais déjà ? » Elle voulait juste plaisanter un peu, elle voulait… détendre l’atmosphère. Même si elle n’était pas bonne pour ça. Elle était juste bonne pour …. Non, elle ne savait même plus pourquoi elle était bonne. Elle savait juste qu’elle devait être bonne à quelque chose parce qu’ils l’avaient gardé en vie, malgré ce qu’elle avait fait. Etait elle un bon soldat ? Oui, probablement, mais qui voulait d’un soldat traitre…. ? était elle une bonne amie ? Non. Assurement pas. Elle ne valait rien. Elle ne valait plus rien. Elle avait menti à tout le monde. Elle…

Elle poussa un soupir, et regarda la blonde à ses cotés. Ca lui faisait bizarre, sa présence. C’était… C’était comme un baume au cœur, et une souffrance à la fois. Elle voulait se sentir responsable de Lizz. Elle voulait rattraper le temps perdu. Être pour elle, une sœur une amie. Mais elle n’était pas sure d’en être capable. Elle n’était même pas sure de pourquoi la jeune blonde venait à son chevet. L’appréciait elle ? Voulait elle se repaitre des traits de sa douleur ? Voulait elle juste… ? Elle cessa ses pensées. « Tout va bien ? » C’était bien elle, tiens. De s’inquieter pour l’autre, avant de s’inquieter du reste.

Lizz était mitigée et maintenant qu’elle était là, sous le regard de Rhodan, elle avait juste envie de tourner les talons et de ne plus revenir avant quelques jours. Elle se sentait ridicule et elle expira longuement pour chasser ce sentiment pitoyable qui la prenait à la gorge. Elle ne faisait rien de mal. Elle restait sur la logique de ce qu’elle avait dit, de reconnaitre ses fautes sur tout ce long terme ; que Rodan n’était pas une vermine… elle restait un traitre et l’idée avait souvent fait sourire l’enfant qui n’en était plus une. Soit, à présent, elle était là, dans l’infirmerie, relativement tendue et mal à l’aise. Même si elle tentait de ne pas le montrer sous son expression ennuyée. Elle regarda le soldat se remettre droit, n’esquissant aucun mouvement pour l’aider (elle restait relativement gauche avec l’espèce humaine. Si ça ne se baladait pas sur quatre pattes, Lizz ne serait jamais totalement à son aise). « Lizz. Je te manquais déjà ? » Elle tourna un peu la tête, regardant ailleurs, sans réellement voir ce quoi se trouvait là. Elle se gratta un peu la pommette, sentant le rouge qui lui montait aux joues. Tu te fais du mal. Oui, elle n’était définitivement pas habituée à ça. A s’inquiéter pour les autres. Elle attendit quelques secondes, que l’embarras lui passe. « J’ai dit que je passerais te voir. » C’était presque timide dans sa bouche et elle baissa la tête, commençant à jouer avec ses doigts.

C’était gênant et elle sentait à nouveau cette brulure au sommet de son estomac. Elle serra les dents. Dis-le. Non. Elle le tairait que, effectivement, Rhodan lui avait manqué. Et que c’était une plaie de le reconnaitre, car elle n’était pas encore habituée à ça, le rapport avec les autres. Mais de tous, le traitre était bien la seule à mériter cette place. « Tout va bien ? » Elle refusait encore de regarder celle qui avait été la meilleure amie de sa sœur. Elle n’était pas douée pour faire la conversation, Lizz. De base, elle n’aimait pas ça, parlé d’elle. Il n’y avait aucun risque, à présent, qu’on la prenne pour une rebelle, qu’on comprenne à quel point elle n’aimait pas cette montagne – à quel point, parfois, elle ne s’aimait pas.  & Rhodan avait bien été la seule à comprendre la petite Heath, ce malgré ses silences prolongés et son refus de rencontrer les choses. Tu avais promis que ça changerait. Elle n’aimait pas se faire des promesses infondées. C’était que, maintenant, elle se sentait redevable envers celle qui était blessée. Et elle avait dit, qu’elle ne voulait pas que Rhodan soit seule. Le silence n’était pas une solution, parce qu’elle l’avait vécu, de la part d’Andrea, quand elle avait été trop jeune pour comprendre. La seule chose qu’elles étaient de trop, c’étaient d’être brisées. Il n’y avait rien à perdre. A l’exception d’un peu d’amour propre. Et Lizz, en toute honnêteté, pouvait très bien vivre sans.

Alors, après de longues secondes, elle hocha la tête, brièvement. Tout n’allait pas bien, loin de là. La destruction de ses repères de vie qu’elle avait passé plus d’une dizaine d’années à construire n’était pas bien grave, aux yeux de l’humain lambda. Du moment qu’elle avait ses animaux, c’était le principal. et Rhodan. Elle pinça les lèvres. « Ca va. Ils commencent à nous foutre la paix. » Eux. Le ciel. L’extérieur. « Les choses changent. Un peu. » Elle grimaça. Lizz aimait pas le changement. Elle avait pas le choix, non plus. « Et toi, ton hm. Ventre ? » Ouais, elle aimait vraiment pas ça non plus, discuter de tout et de rien.

«  J’ai dis que je passerais te voir. »  Dans la bouche de n’importe qui, cela aurait fait grimacer Rhodàn. Elle n’était pas, et ne voulait pas, être considérée comme un fardeau. Mais voilà, elle connaissait un peu la manière de fonctionner de la blonde à ses cotés. Elle se doutait que c’était une occasion comme une autre ? Une raison. Un pretexte. Elle s’en fichait. Elle était hueruese a vrai dire de savoir que Lizz’ se tenait à ce qu’elle avait dit. Et elle ne put réprimer le sourire qu’elle voulait lui offrir.  Alors non, elle ne lui ferait pas l’offense d’un «  tu n’étais pas obligée de venir » , d’un «  il ne fallait pas ». Elle était contente, que Lizz soit la. Et elle savait que c’était déjà assez difficile en soit, de venir au chevet d’une traitre, pour ne pas avoir besoin d’en rajouter. Dans tout ça, la seule personne, qui n’avait pas besoin de vivre, c’était elle. Mais c’était autre chose. C’était une longue histoire qui passait sans cesse dans sa tête. C’était le cycle de ses pensées du moment. Elle tenta de les chasser. «  Et tu es la. »  C’était aussi proche d’un «  je suis contente de te voir » qu’elle avait pu faire, sans brusquer la plus jeune. Et diable, elle était contente.  Lizz, était une raison comme une autre de rester en vie non ?

Alors, Rhod’ tenta de passer par la cordialité. Par les protocoles de dialogue. Parce que c’était poli, mais aussi… Oui, aussi parce que ça l’interessait vraiment, d’en savoir plus. Sur Lizz. Sur la montagne. De savoir ce qui allait. Ce qui n’allait pas. Elle restait une femme qui protegeait les gens. Qui voulait leur apporter quelque chose.  

Quelques instants, le silence lui fit peur, et elle crut avoir braqué Elise. Mais ce n’était pas le cas. La tête se hocha, Rhodan sourit faiblement. Et les paroles tombèrent.  Elle n’avait pas besoin de demander au fond, qui leur foutait la paix, et elle savait que ce n’était pas à Lizz qu’elle pouvait demander des nouvelles de Whisky. A quelqu’un d’autre. Plus tard.  Elle verrait. «  Les choses changent. Un peu. »  Elle se mordit la lèvre, culpabilisa presque à la grimace de la sœur d’Andrea. Et se fustigea de l’avoir appelée ainsi dans sa tête. Elle était Lizz.  Elle n’était plus la sœur de personne. Elle ne voulait pas penser à elle comme ça. «  Tous les changements ne sont pas mauvais à prendre. Mais je suppose que ça doit être perturbant. »  Elle voulait en dire plus. Elle avait envie de proposer à Elise, d’être son ancre dans ce monde. De l’aider avec les choses qui se passaient. Mais pour l’heure, elle n’était qu’un fantôme dans une tenue stérile, au milieu de l’hopital. «  Je ne vois pas grand changement d’ici. »  C’était dit comme une plaisanterie. «  Même la nourriture ne change pas. »  Et elle tentait de le garder comme ça. Et pourtant, elle crevait d’envie – c’était presque le cas de le dire – de se lever, et d’aller parcourir la Nouvelle montagne.

«  Et toi, ton hm. Ventre ? » Elle sourit. C’était comme si Lizz s’inquietait. Et elle supposait que dans une certaine mesure, c’était le cas en fait. Comme elle s’inquietait pour elle. Elles n’étaient pas de la même famille, mais il y’avait quelque chose, qui ne disparairaitrait pas. Et pour Rhodan, ça n’avait jamais été de la haine. «  Ca se soigne. D’ici quelques jours j’espère pouvoir marcher. »  Il y’avait des demandes sur le bout de ses lèvres qu’elle n’osait pas dire. «  J’espère ne pas être trop perdue en sortant. »  C’était pathétique.

C’était un petit mensonge, de la part de Lizz, de s’inquiéter si superficiellement de l’état de santé de Rhodan. Elle le savait déjà : elle avait volé son dossier médical pour le lire (elle n’avait pas osé, elle n’avait pas envie de le demander aux médecins) et elle avait compris, partiellement. Parce que l’homme restait un animal, et qu’elle comprenait mieux tout le reste du classement de Carl von Linné, que la propre place de l’humanité dans ce grand schéma. Mais elle ne reconnaitrait jamais, Lizz, qu’elle l’avait fait. Ca aurait été donné trop d’importance à Rhodan et celle-ci prenait déjà une certaine place dans ses pensées quotidiennes, que pour qu’elle le fasse savoir au traitre. C’est trop tard pour faire marche arrière, tu es déjà en plein dedans. C’était vrai, ça. Sinon, elle ne serait jamais revenue. Elle aurait pu retourner dans sa vieille routine d’ignorer la vie de l’autre blonde. Elle l’aurait oublié, jusqu’à ce qu’elle apprenne sa disparition, d’une manière ou d’une autre. Ça aurait été douloureux, mais ça n’aurait pas duré longtemps. Ca aurait été supportable, surtout. Elle serra un peu les poings, Lizz, sentant encore la rougeur qui s’estompait sur ses pommettes. Elle ne le voulait pas. Elle n’était plus l’adolescente ingrate qu’elle avait si bien incarné. Elle reconnaissait son erreur, sa mauvaise interprétation. Elle avait besoin d’être là. Pour une raison qu’elle ne voulait pas s’expliquer. « Et tu es la. » Elle se tendit un peu plus, se contenta de hocher la tête. Non, elle n’aimait vraiment pas ça.

Mais ça semblait faire plaisir à Rhodan, parce que la conversation s’enclenchait et que Lizz remarquait chez la blessée le même soulagement que ses collègues, quand ils s’étaient rendu comptes qu’elle savait parler, ou plus particulièrement, faire des phrases complètes. Et dieu, ça n’avait jamais été aussi compliqué d’aligner sujet, verbe, complément ; que maintenant. Ce que Lizz disait ne plaisait pas vraiment, c’était ce qu’elle affectionnait, d’une certaine manière. Elle ne suivait pas les lignes quand on voulait qu’elle les suive. Et elle ne mentirait pas à Rhodan. Pas à propos de ça. Il y avait toujours cette manie, cette satisfaction, de pouvoir faire regretter celle qui avait été très importante dans son enfance – et qui quelque part le redevenait. « Mais je suppose que ça doit être perturbant. » Elle acquiesça, se souvenant des regards qu’elle recevait – que tous recevaient – des sky people. Certains les voyaient comme des monstres, d’autres comme de victime. Lizz, tout simplement, aurait voulu ne jamais les voir. « Les animaux se sentent stressés. » Elle eut un claquement de langue, son visage s’animant un peu plus, comme à chaque fois qu’elle parlait de ses bêtes. Elle fronça les sourcils, alors que son regard était toujours fixé sur un point autre que le regard de Rhodan – en l’occurrence, c’était les jambes sous le drap d’hôpital. « Ce n’est pas bon pour eux. » Elle ne pouvait pas les empêcher de rentrer dans la section d’élevage et elle avait découvert qu’un grand nombre de ses originaires de l’espace n’avaient jamais vu de ruminants en vrai. Une grosse perte pour eux. « Même la nourriture ne change pas. » Elle bougea, Lizz, sans même s’en rendre compte. Elle se pencha un peu en arrière, tapant du dos de sa main la cuisse de Rhodan. Finalement, ses iris se plantèrent dans les yeux de son vis-à-vis. « Eh, Howard fait du mieux qu’il peut. » Elle l’aimait bien, cette grande asperge fragile. Parce qu’il était facile de le tourmenter et qu’il la laissait toujours manger dans les cuisines, quand elle trouvait qu’il y avait trop de monde dans la salle commune. Mais c’était trop léger pour être une réelle remontrance et Lizz préféra ne pas y penser, se repositionnant droite sur le tabouret.

« J’espère ne pas être trop perdue en sortant. » Elle haussa un sourcil, alors qu’elle portait ses mains jusqu’à son genou droit, sur lequel elle ferma ses doigts. Elle se pencha un peu en arrière et déjà son regard fuyait celui de Rhodan. « Ils ne vont pas défoncer les murs, tu sais. » C’était volontaire, de ne pas parler de ce qui dérangeait. De Wallace Senior qui était revenu au pouvoir. De l’autonomie qu’ils n’auraient plus jamais. Du programme pour accélérer le processus de ceux qui sortiraient de la montagne, pour découvrir le monde. Lizz poussa un soupir. L’extérieur. Elle ne voulait pas y aller. Mais Rhodan… Elle la regarda à nouveau, une moue sur le visage. « Quand tu pourras bouger, tu ne vas pas… Tu ne vas pas rester ? » Joli. Elle ne paraissait même pas intéressée. Mais pour que Lizz pose la question, aussi directement, c’est qu’elle nourrissait un grand intérêt. Ca restait Rhodan. Et c’était détestable.

Elles n’arrivaient pas spécialement à parler peut être, parce qu’il y’aurait toujours en elles une ombre si vague, si perturbante qu’elle… Oh, elle n’en savait rien Rhodàn, tout ce qu’elle savait c’était qu’elle avait horreur d’être la, couchée, impuissante, sur ce lit au milieu de la haine. Et Lizz était une ancre à la réalité. Quelqu’un qui la détestait sans la détester vraiment. Quelqu’un pour qui elle, la soldat, l’amie, était prête à se battre. Quelqu’un qui apportait une lumière qu’elle n’était pas sure de savoir accepter.  Tout ce qu’elle savait, c’était qu’elle ne savait plus grand chose. Et qu’elle essayait de parler de tout, pour ne pas parler du futur, pour ne pas penser à ce qui deviendrait, à ce qui pourrait être. Ca la rendait malhabile – elle ne l’avait jamais été trop, verbalement parlant - ; ça la rendait… stressée ?  Ça…  Oh tant pis. La conversation s’était tant bien que mal lancée sur des sujets bateaux.  Et Rhodàn fronça les sourcils. «  Il n’y’a pas que les animaux qui le sont je pense. »  Elle pensait bien n’est ce pas ? Elle n’avait pas besoin de poser une question, pour se douter de ce qui se passait dans la tête de la jeune blonde non ?    Alors elle changea un peu de sujet oui, elle parla de la cuisine, et elle esquissa un petit sourire.  Elle avait eu une réponse qu’elle désirait avoir. Howard était en vie. «  Ses muffins me manquent. »  C’était dit. C’était presque une plaisanterie, mais elle apprécierait des sucreries à l’occasion. Enfin, jusqu'à ce qu’elle soit en état d’aller les chercher seule.

   Et puisqu’elle parlait de ça… Du futur, elle… elle se perdit quelques instants dans le silence.  «  Quand tu pourras bouger, tu ne vas pas… Tu ne vas pas rester ? » Le silence resta encore, et Rhodan se releva mieux, pour attraper la main de Lizz, et fixer la jeune femme. Elle ne faisait pas trop dans le sentimentalisme, dans ces merdes la, mais voilà. Elle tenait à Lizz, et visiblement malgré tout, Lizz pouvait tenir à elle, elle ne voulait pas casser tout ça, sur un coup de tête. Elle voulait lui faire comprendre, qu’elle serait toujours la pour elle, même si la plus jeune n’avait pas l’impression d’en avoir besoin. «  Je ne sais pas. »  Et peut être qu’elle avait besoin de Lizz elle aussi. Parce qu’elle était la familiarité. Parce qu’elle s’apparentait plus ou moins à de la famille. A une amie. A une cause. Elle ne savait pas.  «  Je n’ai pas forcement envie de partir. Mais je ne sais pas si je suis en capacité de rester. »  Et elle était honnête avec la jeune femme. Parce que son avis comptait. Parce qu’elle voulait savoir.

    «  Je ne sais pas si les gens d’ici pourront trouver la place de m’accepter à nouveau. Après ce que j’ai fais. » Les rebelles oui. Les autres, elle n’était pas trop sure. Et elle ne savait meme pas si Lizz, elle, l’accepterait encore dans ces murs la.

« Il n’y’a pas que les animaux qui le sont je pense. » Le vide revint, car c’était le seul statut de ses sentiments que Lizz maitrisait. C’était le seul confort qu’elle connaissait. Se détacher, au lieu de s’ancrer trop fort, pour ne risque que les blessures permanentes et suffocante. Rhodan était un problème, un blessure qui était déjà présente et dont elle ne pouvait se persuadée de se détacher, Lizz. Pitoyable. Oui, elle l’était, jusqu’au bout des ongles et de toute la rancune qu’il y avait sous ceux-ci. Rhodan, elle l’avait dans la peau, de cette manière d’une scarification dont il était impossible de se défaire. Une empreinte d’une rancune trop longtemps portée, qui ne disparaitrait jamais. Et qui se prolongeait sur toute sa réalité. « Je ne m’intéresse qu’aux animaux. » C’était plat, renfrogné, vrai. Son regard se posa sur un ailleurs où elle n’aurait pas à deviner la forme du soldat alité et puis, vint le début de son mensonge. Parce qu’elle mentait quand même, Lizz. Il y avait pas que les animaux dans sa vie. Il y avait quelques fragments de personne qu’elle considérait. Il y avait ses collègues. Il y avait Howard. « Ses muffins me manquent. » Il y avait Rhodan. Tu peux pas te le cacher. Si, elle pouvait. Elle espérait qu’elle le pouvait. Alors, elle resta renfrognée et enfonça les mains dans les poches de son pantalon de travail, ne répondant rien à ça, laissant le silence se distiller dans l’air. Elle lui apporterait des muffins. Jusqu’à ce qu’elle soit celle qu’il le brise.

T’as jamais été une grande menteuse. Surtout, c’était Rhodan. Sa dernière attache avec son passé. Sa dernière attache avec Andrea, partie depuis si longtemps maintenant. Dans quelques années, elle aurait passé plus de temps à subir l’absence de sa sœur qu’à réellement profiter de sa vie. L’idée l’effrayait. Mais il y avait plus effrayant, ici. Là, dans cette main qui attrapa la sienne et qui serra ses doigts. Lizz fronça les sourcils, divisée entre le fait de rendre l’affection ou pas. Alors, elle se persuada qu’elle n’en était pas capable et garda le bras tendu malgré tout. « Je ne sais pas. » La façade de la petite Heath se fissura. Sa mâchoire se crispa et la détresse passagère, traitresse, fut remplacée par un éclat d’incompréhension furieux. « Je ne sais pas si les gens d’ici pourront trouver la place de m’accepter à nouveau. Après ce que j’ai fais. » Lizz aurait voulu dire que c’étaient des cons, des incapables. Mais elle était comme eux, comme tout ce bout de peuple qui craignait les évènements futurs. Alors, Lizz faisait ce qu’elle faisait le mieux : elle se forçait à ne pas y penser. A ne pas évoquer les possibles d’une vie différente, qui était en train d’arriver, instoppable dans ses changements et ses fractures avec la routine bien huilée du Mont Weather. Ce qui avait été sa maison, son enfer, n’était plus qu’un amas de pierre et Lizz était incapable de se trouver une raison. Elle n’avait aucun but dans la vie, à par les animaux.

Et puis il y avait Rhodan, dérangeante dans son rôle de héros solitaire. Lizz ne savait pas comment réagir, alors elle réagit comme elle l’avait fait depuis tant d’années, maintenant, quand le capitaine Andersen était le sujet de ses réflexions morose : elle s’énerva. Lizz arracha sa main de celle de l’autre blonde. Puis, après de longue secondes passées à dévisager les yeux de Rhodan, elle fuit ce regard. « Ils ne t’accepteront pas. » Dur, et ça durcit son cœur. « Ils pourront même tenter de te tuer. » Cette perspective la rendait malade, mais elle était probable. C’était pour ça que Lizz, en partie, passait si souvent, que Rhodan soit éveillée ou non : pour s’assurer que le traitre était bien en vie. « Tu n’as pas besoin de rester ici. Tu peux partir. » Car elle avait la capacité de partir, Rhodan. « C’est ce que tu veux, non ? Ce que tu as toujours voulu. » Avec Andrea. Voir le monde, ces saloperies d’étoiles. Agitée, Lizz se releva, portant sa main à son poignet où reposaient de vieilles cicatrices. Elle caressa la peau. La gratta, presque.

Rhodan ne serait qu’une autre de ses erreurs avec lesquelles elle apprendrait à vivre.

« Je. » Et les mots s’étranglèrent dans sa gorge, incapable de dire ce qu’elle voulait dire. Incapable de supplier Rhodan de ne pas la laisser seule, ça aurait rendu cette attache tellement insupportable. Oui, vraiment, Lizz ferait mieux de ne s’intéresser qu’aux animaux. Eux, ils ne la blessaient pas.

« Je ne m’interesse qu’aux animaux. » Et vraiment Rhodàn aurait pu rire – avec un peu d’amertume – si elle n’était pas toujours clouée dans ce lit, si les choses étaient différentes. Mais non elle se contenta de garder son visage un peu fermé, un peu… froid vide oui. Parce qu’elle savait peut être que ce n’était pas tout a fait vrai, mais elle savait aussi que Lizz ne voudrait pas qu’elle, elle plus que tout les autres probablement – ne le lui fasse remarquer. Alors oui, elle garda le silence, perdant son regard sur un point sur le mur. Ils étaient propres les murs de l’hopital, elle avait eu le temps d’en faire les plans dans sa tête, de remarquer la moindre petite fissure. Elle devenait folle ici peut être. Et non, elle ne trouvait toujours pas sa place. Enfin, elle essaya de parler des muffins d’Howard, pour une plaisanterie, pour quelque chose de léger. Pour détendre cette atmosphère malheureusement trop tendue. Et c’est le silence qui se fit cependant.

Parce que parfois converser avec Lizz était trop douloureux, parce que l’une disait des mots qu’elle voulait mauvais, pour cacher peut être ce qu’elle ressentait, et que l’autre disait les mots qu’elle voulait dire, parce qu’elle ne voulait plus jouer des faux semblants. Alors c’était le silence, qui pourtant lui aussi avait son coté tranchant, coupant comme une lame acérée. Coupant, comme le froid de la mort, qui n’était finalement pas venu chercher la rebelle. Coupant comme la culpabilité qui ne quittait jamais ses épaules.

Coupant comme la question de Lizz sur son futur dans la montagne, à la quelle elle ne put répondre qu’honnetement. Elle ne savait pas, et oui elle avait peur. Parce qu’elle savait qu’elle était un héros pour les rebelles mais que pour les autres, pour ceux que le régime de Cage avait comblé, elle n’était qu’un assassin. Diable. Elle ne savait meme pas ce qu’elle était pour Lizz, et ses yeux se fermèrent quelques instants, tandis qu’elle tentait de récupérer du courage dans la main qu’elle tenait. Et qui la lâcha avec virulence. Le froid s’insera à nouveau, cassant, coupant, douloureux, mais néanmoins bienvenue. Elle était toujours persuadée de le mériter. De mériter qu’on la haïsse, de mériter la mort. Et c’était égoïste, de prendre tout sur ses épaules comme ça, mais elle avait passé tant d’années dans la souffrance de la vengeance, qu’elle ne savait plus si ell était capable de faire autrement. « Ils ne t’accepteront pas. » C’était dur. Mais en un sens Rhodàn savait qu’elle l’avait merité. Tout comme le reste des mots qui suivirent. Elle savait qu’ils essayeraient de la tuer, et elle ne repondit pas. Elle n’allait pas dire qu’elle pensait le mériter. Que chaque révolution se faisait dans la mort, que la liberté ne s’obtenait pas avec des mots doux et des gens heureux. Elle n’allait pas dire que la mort serait une fois pour toute son salut, et qu’elle l’attendait. Parce qu’elle ne savait meme plus vraiment si c’était ce qu’elle attendait au fond. Elle savait juste que Lizz venait de sceller son sort. SI la jeune Heath ne l’acceptait pas, il n’y’avait aucune raison qu’elle reste.

« Tu n’as pas besoin de rester ici. Tu peux partir. » Elle accepta, les yeux vides, le visage froid, dur. « C’est ce que tu veux non ? C’est ce que t’as toujours voulu. » Et peut être qu’une larme perla au bord d’un oeil, elle la chassa bien vite. Lizz avait prit la décision pour elle, et elle l’accepterait. Alors elle attendit avant de se mettre à parler, et elle parla, d’une voix monocorde. « Bien. C’est peut être la meilleure des choses à faire oui. » et au fond, ça l’était probablement. Même si, et elle ne l’avouerait jamais, voir les étoiles dehors, ça n’avait plus d’interet maintenant. Les étoiles étaient pour Andrea, et pour Andrea aussi, elle était prete à sacrifier sa liberté pour préserver Lizz. Mais Lizz… Si Lizz voulait qu’elle parte, elle partirait. Elle avait imposé bien trop longtemps sa figure à la jeune femme blessée. « Tu n’as pas besoin d’en dire plus. Je comprends ce que tu veux dire. » Et elles se fourvoyaient peut être, se cachant derrières des mensonges, parce que la vérité était bien plus compliqué. Mais Rhodàn, qui n’avait jamais été une lâche si ce n’était en apparence, avait envie de l’être sur le moment. Se battre, n’avait plus vraiment de sens de toute façon.

C’était plus facile. C’était plus douloureux. Ca s’enfonçait, profondément dans la chair, laissant une souffrance invisible et oppressante. Lizz vit la larme sur la joue de Rhodan et elle se força à y retrouver cette satisfaction qu’elle aurait ressentie, quelques années auparavant. Savoir que ses mots blessaient, savoir que Rhodan pouvait être un pantin entre ses mains comme Lizz devenait un pantin en présence de la plus vieille. Savoir que c’était à double sens. Qu’elle partageait quelque chose avec Rhodan, une connexion qu’elle n’aurait jamais voulu ressentir. Et qui était là. Dans ses os et dans ses muscles. Qui la faisait trembler, alors qu’elle continuait de libérer ces mots. Vrais. Incompris. Tu as toujours été incomprise. Elle ne voulait pas l’être autrement. Lizz ne savait pas y faire avec les humains. Rhodan était dangereuse, d’une certaine manière. « Bien. C’est peut être la meilleure des choses à faire oui. » Elle ferma les poings, pour ne pas enfoncer ses doigts dans la peau de son avant-bras et gratter la blessure qui cicatrisait tout juste. Lizz refusait toujours de regarder Rhodan, mais elle n’avait aucun mal à deviner ce que le soldat ressentait. Ca rayonnait. Ca puait. Dans cette expression vide que la petite Heath utilisait elle aussi. Concours de poupées vides. Concours de poupées brisées.

« Tu n’as pas besoin d’en dire plus. Je comprends ce que tu veux dire. » Et ça la frappa, seulement à cet instant. Lizz devint de pierre. Pierre dans son estomac, pierre à la place du cœur. Ce n’était pas ce qu’elle voulait dire. Elle n’avait jamais voulu dire ça. Elle ne l’avait pas dit ! Elle n’arriverait jamais à le dire. Lizz ne pourrait jamais prendre position par rapport à Rhodan. Pas oralement. Pas quand sa mauvaise foi était revenue et qu’elle avait peur de se blesser, plus qu’elle n’avait peur de blesser Rhodan – et l’habitude revenait vite, alors que la satisfaction fausse se peignait sur son visage et que sur ses traits se trouva ce qui était comparable à l’acceptation. Lizz marqua un pas, replaça le tabouret à sa place. « Non. Tu ne comprends pas. » Et c’était vrai. L’autre blonde ne comprenait pas. Lizz savait qu’elle s’exprimait mal. Encore. Qu’elle aurait dû se jeter sur le lit de Rhodan et lui expliquer que ce n’était pas ce qu’elle voulait. Que le traitre comprenait tout de travers. C’était une tentative, mais elle reconnut ce ton ferme et détaché qu’elle prenait. Peut-être était-ce mieux ainsi ?

Alors, avant qu’elle ne soit persuadée que c’était une erreur ; Avant qu’elle n’ait envie de revenir sur ses pas. Lizz se détourna de Rhodan. « Au revoir. » Et elle se sentit se fendre, les larmes échappant de ses yeux bleus, le dos tourner à la blessée, qu’elle ne regarda pas une seule seconde, alors qu’elle quittait l’infirmerie.