EIJA + ANSGAR

A trop hésiter, le choix s'impose

Cela fait quelques jours que le groupe a quitté Polis et Eija voyage à sa place derrière Heda, aux côtés des autres membres de la garde. Arod est heureux de pouvoir voyager sur un long trajet, lui qui est habitué à ne rester que sur les terres du Trikru depuis près de cinq ans maintenant, depuis que Eija a rejoint la garde. Après tout, Arod vient des prairies et doit être heureux de retrouver les terres où il a grandi. Ce soir, elle l’attache à un piquet non loin des chevaux appartenant aux autres membres de la garde, puis elle relève la tête. Et c’est là qu’elle l’aperçoit, broutant un peu plus loin dans la prairie. Elle croit d’abord à une coïncidence, qu’il s’agit juste d’une ressemblance, mais lorsqu’il se retourne il n’y a plus de doute pour Eija. Elle donne une dernière caresse à Arod puis s’avance dans la prairie parmi les chevaux attachés pour s’approcher de celui qu’elle a aperçu. Yuj, le cheval d’Ansgar qu’elle ne pensait pas revoir avant longtemps. Elle s’approche jusqu’à toucher l’encolure de l’animal puis lui chuchote quelques mots avant de tourner la tête en quête de son propriétaire. Mais si Ansgar fait bien partie du voyage, il ne se trouve pas par ici pour le moment. Alors Eija délaisse le cheval et part chercher des informations pour retrouver cet homme qui lui a sauvé la vie et qu’elle n’a pas revu depuis des années.

Elle a trouvé une personne pour la renseigner, qui lui a indiqué que le vieil ermite était plus loin dans la prairie. Eija sourit en se rappelant le surnom qu’a donné l’homme pour décrire Ansgar mais se dit que cela lui correspond très bien. Lorsqu’elle arrive à quelques mètres de l’homme qui semble être perdu dans ses pensées, Eija s’arrête d’un coup. Elle ignore ce qu’elle doit dire ou faire, Ansgar est un morceau de son passé qu’elle a mis de côté en entrant dans la garde. Il savait qu’elle souhaitait retrouver son frère à Polis mais il ignore ce qu’il s’est passé pour lui par la suite. Eija a changé depuis ce jour-là, elle n’est plus la même qu’il y a cinq ans. Mais elle a quand même envie de revoir Ansgar, de tout son cœur, et c’est pour cela qu’elle s’approche un peu plus. Silencieuse, discrète, comme elle l’a appris à l’être. « Je savais bien que je connaissais cette voix. » Elle sourit puis parcours les derniers mètres qui la sépare de lui afin de le prendre dans ses bras, en un geste spontané. « Je suis si contente de te revoir ! » Peut-être qu’elle a gardé une toute petite part de celle qu’elle était il y a cinq ans finalement.

Les volutes de fumées dansent devant mes yeux. Elin s'y dessine, petite fille joyeuse qui court dans les hautes herbes après sa mère. Elle revient vers moi, pour m'apporter un présent. Pas plus haute que trois pommes et les mains accrochées autour d'une bougie ronde. Je suis sûre que si je me penche, je pourrais presque sentir le parfum de citronnelle. Juste une bouffée de plus....  J'ouvre les yeux. Une silhouette menue apparaît. Je ne sais pas trop dans quelle mesure mes sens me trompent ou disent vrai. Je me remets debout mais dois attendre les premiers mots de la silhouette pour revenir à la réalité. Eija se précipite sur moi. J'en lâche ma pipe.

Un mince sourire fait frémir mes lèvres. Ma gorge est nouée par l'émotion. Les mots me semblent trop lointain pour être accessible. Je la serre contre moi. Petit corps fluet qui m'étreint avec force. Je ne peux pas m'empêcher de la soulever légèrement de sol avant de la reposer. Eija. Je pose mes mains sur chacun de ses joues pour observer son visage. Toute trace de l'enfant a disparu. Il n'en reste qu'un fond dans ses yeux noisettes. Elle est vivante. Mon coeur bondit de joie à cette idée. Combien de fois ai-je senti la peur m'envahir la nuit à la pensée de la savoir seule et perdue à Polis ? Je peux laisser de côté ses inquiétudes aujourd'hui.

"Eija..." Ma voix est rauque, enrouée. Je dépose un baiser vif sur son front, comme je l'aurais fait avec une enfant et lâche un éclat de rire sonore. Je me doute que le geste la surprendra. " Tu as l'air en forme."

Je lâche son visage pour l'observer dans son entier. Le changement pourrait paraître minimum mais il est immense. Elle a gagné en confiance en elle, je le vois à sa façon de se tenir. J'ai tant de question à lui poser mais aucune ne me semble adéquat à la situation. Je ne saurais lui dire combien elle m'a manqué. Mes bras retombent le long de mon corps. Je dois avoir l'air mal à l'aise, gêné. C'est puéril et stupide.

" Comment va Arod ? Tu t'es bien occupé de lui ? " De toutes les questions logiques que j'aurai pu lui poser, c'est celle-ci qui a réussi à sortir. Ridiculisons-nous un peu plus. J'ai l'impression de ne pas avoir le droit de lui demander ce qu'elle fait ici. Ni celui de prendre des nouvelles de son frère. " J'espère que tu as curé ses sabots et que tu l'as brossé quand vous avez fait halte." Le ton est paternaliste. J'aurais aimé qu'il soit plus léger. Me fera-t-elle payer ma maladresse ?

Je me penche pour récupérer ma pipe, histoire de me donner de la contenance. Je me laisse glisser contre le tronc et invite Eija à s’asseoir à côté de moi. Je tire une longue bouffée avant de lui tendre l'objet pour lui proposer de fêter nos retrouvailles. Ce bref interlude me permet de trouver le courage de l'interroger.

"Tout s'est bien passé à Polis ? "

EIJA + ANSGAR

A trop hésiter, le choix s'impose

Il lui a manqué durant ces dernières années. De nombreuses fois elle a été tentée de faire demi-tour dans les prairies pour retourner le voir, pour lui proposer de venir avec elle et pour tout lui expliquer sur la particularité d’Axom. Mais Eija n’a jamais voulu être un poids pour Ansgar qui a déjà bien veillé sur elle durant les quelques mois qu’elle a passé chez lui. Alors elle n’a jamais fait demi-tour. Oh, elle aurait pu retourner chez lui après être arrivée à Polis, elle aurait pu aller lui expliquer toute l’histoire et peut-être même lui exposer son idée de vengeance envers Lexa, mais elle ne l’a jamais fait. Peut-être parce qu’au fond d’elle-même elle savait très bien ce qu’il lui dirait en connaissant ses intentions, qu’il essayerait sans doute de l’en dissuader. Mais par respect pour son petit frère, pour cet enfant innocent qui a été tué par plus fort que lui, elle ne renoncera pas. Jamais. Alors elle sait déjà, avant même que la conversation ne vienne sur le tapis, qu’elle ne lui dira rien de ses projets.

Pour le moment, elle profite du câlin donné par Ansgar en se délectant de cette odeur si singulière de fumée et d’herbes qui lui a tant manqué. Elle esquisse un sourire tandis qu’il l’observe, les mains sur son visage, et elle a la sensation de redevenir cette jeune fille qu’elle était encore en quittant Orst’. Mais elle a bien changé, elle n’est plus l’adolescente qui a quitté Orst’ pour se lancer à la poursuite de son père. Même si le geste d’Ansgar la fait tout de même sourire. A croire qu’elle a quand même gardé une petite part d’enfant en elle, une toute petite. « Je le suis. L’entrainement aide à rester en forme. » Sans compter sur la prochaine bataille qui aura lieu d’ici quelques jours et qui demande de l’être. Mais Eija comprend ce qu’il veut dire par là, elle aussi est heureuse de voir qu’il est en vie et qu’il va bien. Ils vivent dans un monde où beaucoup de choses peuvent changer en quelques semaines à peine, alors en plusieurs années… Elle sourit lorsqu’il parle de son cheval, comme si parmi toutes les questions qu’il avait à lui poser, celle-ci lui semblait être la plus importante. Mais après tout, c’est lui qui lui a appris à s’occuper de l’animal et il est normal qu’il demande de ses nouvelles. « Arod va bien, il a toujours son petit caractère. Je m’occupe bien de lui, comme tu me l’as appris. Ne t’en fais pas. » Elle lui sourit. Elle prend bien soin d’Arod, elle passe le voir tous les jours lorsqu’elle reste à Polis et veille toujours sur lui. Après tout, ce cheval lui a un peu sauvé la vie aussi et elle lui en est reconnaissante. « Je l’ai attaché pour la nuit, non loin de Yuj. C’est comme ça que j’ai su que tu étais ici. » Elle serait peut-être tombée sur lui lors de la bataille et elle est plutôt contente de l’avoir fait maintenant.

Elle s’assoit lorsqu’il lui fait signe et attrape l’objet qu’il lui tend avant de l’observer quelques secondes. C’est une chose propre à Ansgar et Eija n’a jamais vraiment aimé ça. Son père aussi aimait certaines herbes mais elle avait une absolue interdiction d’y toucher. Mais là c’est différent, les retrouvailles se fêtent et Eija tire une bouffée avant de tousser, peu habituée à tout ça. Elle profite des quelques secondes qu’elle prend pour retrouver son souffle pour réfléchir à la réponse qu’elle doit lui donner. « Pas comme je l’aurais espéré… » Elle lui tend l’objet puis continue. « Lorsque j’ai rejoint Polis, il était trop tard pour Axom. J’ai appris sa mort en arrivant sur les terres du Trikru. » Elle ne dit pas qu’en apprenant qu’un nouveau commandeur avait déjà été élu elle a compris que son petit frère n’avait pas survécu. « Mais son meurtrier paiera pour son crime, je peux te l’assurer. » Elle est déterminée à faire payer à Lexa pour ce qu’elle a fait. Elle attend juste d’avoir l’occasion de le faire, peut-être lors de cette bataille là ?

EIJA + ANSGAR

A trop hésiter, le choix s'impose

Peu de gens savent pour son petit frère. Certaines personnes qu’elle a croisé durant ses voyages sont au courant, savent ce qu’elle partait faire à Polis lorsqu’elle a pris la route mais beaucoup ignorent qu’elle est à présent seule. Quand Ansgar lui dit qu’il est désolé, Eija esquisse un petit sourire triste. Elle ne pensait pas forcément que tout cela viendrait dans la discussion, pas tout de suite du moins. Et ça n’a rien de réjouissant. Mais elle sait aussi que lui a subi des pertes, bien plus qu’elle et sans doute des pertes bien plus douloureuses que la sienne. « Merci. Je m’en souviendrais. » Mais pour l’instant, elle n’a pas besoin d’aide. Elle a appris à se faire à la mort d’Axom même si elle pense toujours à lui, elle espère juste pouvoir le venger un jour. Mais elle doute qu’Ansgar soit tout à fait d’accord avec son idée de vengeance, surtout s’il apprend qui elle souhaite tuer. D’ailleurs les quelques paroles qu’il prononce par la suite la conforte dans cette idée, il n’est clairement pas pour la vengeance. Elle ne l’était pas non plus, du moins elle n’a jamais pensé être ce genre de personne. Elle a toujours respecté les lois et les coutumes de son clan de naissance, elle a toujours détesté voir ces exécutions auxquelles son père la forçait à venir, ne comprenant pas forcément ce besoin qu’avaient les gens de faire du mal ou de se venger. Mais maintenant, c’est différent. « Je ne veux pas apaiser la douleur. Je veux juste rendre justice à un enfant. » Chose qu’elle ne peut pas faire dans les règles, juste en réclamant justice devant le peuple. Si le meurtrier d’Axom avait été quelqu’un d’autre, elle aurait pu. Mais devant la position de Lexa, il est impossible qu’elle réclame vengeance de cette façon. A moins d’exiger un combat contre Lexa, ce qu’elle ne fera jamais fait parce qu’elle n’est pas folle non plus. La jeune femme est bien mieux entrainée et bien meilleure au combat qu’elle, il suffit de voir ce que donne un entrainement entre les deux. Il n’y a peut-être que Galaad et de rares privilégiés qui arrivent à porter un coup à Lexa. « Oh mais ne t’inquiètes pas, je ne compte pas me faire prendre. » Tant qu’à faire. Même si elle n’a rien à perdre, elle aimerait bien éviter d’y rester aussi, le jour où elle arrivera à atteindre son but. Si elle y arrive un jour, évidemment…

Elle esquisse un sourire et observe Ansgar fumer sa pipe avant de reporter son attention sur la prairie qui s'étend devant elle. Puis lorsqu’il parle de sa fille, elle tourne les yeux vers lui, esquissant un petit sourire devant ses paroles. « C’est toi qui m’a tout appris. J’ai confiance en ton enseignement. » Bien plus qu’en celui que son père lui a donné. Ansgar a été là pour elle dans les prairies et c’est grâce à lui qu’elle en est là aujourd’hui, qu’elle a pu entrer dans la garde et se trouver à Kalawen ce soir. Il se rapproche bien plus d’un père aux yeux d’Eija que l’homme qui l’a élevée. « Tu ne parles jamais d’elle. Comment était-elle ? »

EIJA + ANSGAR

A trop hésiter, le choix s'impose

Elle sait que tout ce qu’elle vient de dire ne plaira pas forcément à Ansgar. Se venger, vouloir tuer quelqu’un sans suivre les règles et les lois, ce n’est pas ce qu’il lui a enseigné et ce n’est pas ce qu’il voudra pour elle. Eija le sait bien. C’est aussi pour cette raison qu’elle ne lui dit pas vraiment qui elle compte tuer, parce qu’elle sait qu’il essayera sans doute de la dissuader de le faire. Et il aurait probablement raison. Eija elle-même se dit parfois que c’est trop risqué, que ses idées ne sont pas réalisables ou tout simplement qu’elle ne devrait pas faire une chose pareille. Ou même juste y penser. Mais elle n’y peut rien, elle veut venger la mort de son petit frère et elle est déterminée. Pour l’instant elle est déterminée et toutes les éventuelles paroles d’Ansgar ne pourraient lui faire changer d’avis.

Et c’est peut-être pour cela qu’elle oriente la conversation sur autre chose. Elle aurait aimé tourner ça autrement, ne pas rappeler à Ansgar sa petite fille perdue il y a des années. Mais rien d’autre ne lui est venu à l’esprit et elle doit bien avouer qu’elle est tout de même curieuse d’en savoir plus sur Elin, sur cette petite fille que Ansgar a perdu et dont il ne parle quasiment jamais. Et quand il prononce les mots, le cœur d’Eija se serre parce qu’elle se rend compte qu’elle lui fait se rappeler de choses dont il n’a pas forcément envie de se remémorer. Mais elle sourit devant le portrait que lui dresse ce père encore en deuil, Elin était une petite fille pleine de caractère qui aurait sans doute fait une belle et courageuse jeune femme. Peut-être une guerrière aussi. « J’aurais aimé la connaître. Je suis sûre que je l’aurais appréciée. » Elle en est sûre, même si elle n’a pas beaucoup d’amies en ce moment. Et elle sourit doucement avant de tourner la tête pour observer la prairie face à elle. Jusqu’à ce que Ansgar lui dise de rester en vie. Ça lui fait chaud au cœur qu’il s’inquiète pour elle et tourne la tête vers lui pour l’observer. « Je ne compte pas mourir bientôt, ne t’en fais pas. » Elle lui sourit. « A moins qu’un barbare n’en décide autrement. » Elle pose sa main sur la sienne. « Mais je ferais attention, je te le promets. Et tu dois me le promettre aussi ! »