"I think I have found her".

Teksas marchait d'un pas vif, les semelles de ses bottes de cuir heurtant le sol battu de la ruelle à chacune de ses foulées souples.
Son souffle formait des volutes blancs dans le froid hivernal, qui, à peine franchis le seuil de ses lèvres charnues, s'élevaient en petits nuages pour rejoindre les ténèbres du ciel nocturne piqueté d'étoiles.
Pas un bruit ne venait troubler le calme de la ville endormie, si ce n'était ceux de sa propre démarche et respiration, ce qui n'était pas pour déplaire au jeune homme.
Quoique sociable, ce dernier appréciait en effet les rares moments de solitude dont il pouvait bénéficier, et celui là en faisait partie. D'autant que, ces temps ci, le jeune garde se voyait plus que jamais dans l'obligation de suivre les traces de Clarke, en vu de tous les événements politiques s'étant déroulés en cette période. Et bien que la leadeuse Skaikru se soit révélée être une amie plus qu'une simple protégée, sa présence ne s'avérait pas spécialement reposante non plus...
Surtout quand elle se mettait dans l'idée de jouer à l'exploratrice en se rendant n'importe où n'importe quand, l'obligeant à suivre sa trace à travers bois -ce qui, il fallait l'avouer, n'était pas extrêmement difficile mais néanmoins légèrement frustrant- ou qu'elle décidait d'apprendre la langue des Grounders et se mettaient donc à le harceler afin qu'il lui sorte au moins un mot. Toutefois, malgré l'exaspération qu'elle pouvait parfois provoquer chez Teksas, le jeune homme était forcé d'admettre qu'il admirait son détermination à toute épreuve.
Si Clarke désirait quelque chose, on pouvait être certain qu'elle finirait par y parvenir à un moment où à un autre. Et la tâche de Clarke consistait justement à l'empêcher de n'en faire qu'à sa tête...
Le léger sourire qui avait commencé à étirer les lèvres du garde du corps s'estompa légèrement alors qu'il s'engageait dans la ruelle principale. En effet, malgré toutes les préoccupations que lui apportaient les aventures -et mésaventures- de sa protégée et amie, cela ne l'avait lui même pas empêché de se trouver ses propres sujets d'inquiétude.
Depuis quelques temps déjà, Teksas avait commencé à se renseigner au sujet de la sœur disparue de l'une de ses amies les plus proches, dont la disparition n'était que trop similaire à celle de ses défunts parents, ce pourquoi sa détermination à l'aider à la retrouver ne s'en était vue que plus décuplée.
Ce qu'il avait fait.
À force de recherches, d'indices dénichés de ci de là, de connaissances susceptibles d'en avoir entendu parler et de diverses relations, le jeune homme avait fini par retrouver la trace de la sœur de son amie. Ou, du moins, de celle qui pourrait l'être.
Teksas ne savait trop que penser de cela. Devait-il annoncer à son amie les épreuves que sa sœur avait traversées ? D'ailleurs, cette dernière voulait elle seulement retrouver quelconque lien avec son ancienne vie ? Quelque soit son choix, agirait il au mieux afin de reconstituer cette famille que la vie avait brisé ? Ou, plus exactement, que les hommes des montagnes avaient brisé.
Cependant, il avait beau tourner et retourner ses interrogations dans son esprit, Teksas savait exactement quel serait son choix. Aucun doute n'était permis. Il fallait qu'il parle à Syndeï.
Alors qu'il en était à ce stade de ses réflexions, une silhouette s'avançant vers lui attira le regard du garde du corps qui, par pur réflexe, empoigna le manche gravé de son poignard. Geste qui se figea immédiatement lorsqu'il reconnut la démarche de la personne qui se rapprochait, désormais éclairée par le mince rayon de lune qui filtrait dans l'obscurité.
À croire qu'à trop y penser, la raison de toutes ses pensées troublantes prenait forme devant lui.
Syndeï.

La lune levée haut dans le ciel, Syndeï venait de finir de boire un verre en compagnie de certains camarades dans la taverne deux rues plus loin. Elle avait décidé de se divertir un peu et éviter de trop penser à ce qui était arrivé ces derniers jours. Elle voulait oublier. Certains de ces moments lui rappelaient à quel point elle était seule aujourd'hui et tout ce qu'elle voudrait, c'est bien sur de pouvoir vivre une dernière fois et célébrer avec ses proches. Mais elle ne le peut. Elle ne le pourrait jamais étant donné qu'ils ne sont plus là. Syndeï avait perdu cette lueur d'espoir d'avoir une vie normale et meilleure entourer des gens qu'elle aime, mais elle savait que quoi qu'elle fasse, elle finirait toujours par les perdre. Comme maudite dirait-elle. C'est comme si elle n'avait pas droit au bonheur. Et dieu sait qu'en ces temps de paix, elle devrait pouvoir respirer un peu et penser à son propre bonheur, mais non. Elle n'arrive pas à ôter ce passé tragique de ses songes. Elle ne peut pas. Ce serait comme oublier sa vie, sa famille. Elle s'y refusait et c'est ce qui la rendait aussi humaine.

La musique, les percutions se jouaient à quelques pas d'elle, des rires ici et là, des coupes qui tintent les unes contre les autres, l'alcool qui coule à flot, elle était tout simplement au cœur d'une petite fête dont elle ignorait le sujet. Par moment elle regardait en arrière, les coudes plaqués sur le comptoir du bar, elle souriait, mais elle ne pouvait pas se laissait tenter par l'appel des nombreux hommes qui la demandaient car elle sait très bien comment ça se finirait et elle avait promis à Lexa qu'elle changerait. Elle fit un signe de tête à celui qui l'avait servit et termina d'un trait le fond de son verre avant de pivoter et aller en direction de la sortie. Elle avait assez perdu de temps pour continuer à rêvasser dans cette taverne. Il était temps qu'elle retourne chez elle, du moins chez Kodal, la vielle femme qui l'avait accueilli pour quelques services bien rendus.

Ses pas étaient plutôt lourds. Plein de réflexion, elle marchait plus lentement que d'habitude et c'était un signe comme quoi elle pensait. Elle réfléchissait. A quoi ? J'aimerais aussi bien le savoir que vous. Elle déglutit et tout en relevant le menton elle vit au loin une silhouette qu'elle reconnaîtrait entre mille. Teksas était là. A marcher ou airer dans cette même rue qu'elle avait décidé d'emprunter pour rentrer. Coïncidence ? Peut-être. Teksas était bien le seul ami qu'elle avait ici, ou du moins qu'elle oserait appeler ainsi. Ils se comprenaient voilà tout et c'est ce qui fit qu'elle appréciait sa compagnie plus qu'un autre. Elle s'approcha de lui, les deux mains, enfouies dans les poches de sa veste faite de cuir. Elle ne décrocha pas son regard du bleu de ses iris. Elle lui sourit en ajoutant.

- Vous ici! - dit-elle d'un ton faussement surpris. - Tu va à la taverne ? Parce qu'il s'y passe bien des choses là-bas... A ces mots, elle leva sa main droite pour montrer la direction du bout de son pouce. Toujours le sourire au lèvre, elle pencha la tête pour constater qu'il était tout seul, puis revint sur son ami.

- Tu es tout seul ?

Elle pensait bien sur à Clarke en disant cela, et le fait de relever expressément les sourcils à la fin de sa question voulait tout dire. Lui qui était le plus souvent au basque de la leader des Skaikru, ça l'avait surpris. Elle n'aimait pas trop ça, que son ami soit à ce poste. Il méritait mieux que de servir et être à la disposition de ces étrangers. Mais c'était le fond des pensées de Syndeï ça. Elle n'avait jamais osé le lui avouer. Enfin, les choses s'amélioreront surement avec le temps, de son côté comme de celui de son ami. En tout cas, ils étaient là, en pleine nuit, au beau milieu d'une rue sombre où il fit tout de même froid malgré les température plutôt chaleureuse de la journée.

Teksas s'arrêta presque brutalement, ses yeux bleu-vert toujours rivés sur la silhouette nonchalante de celle qu'il avait à première vue prise pour une parfaite inconnue, mais qui se révélait être l'une de ses plus proches amies.
Dans l'obscurité de la nuit, la vivacité qui émanait de la jeune fille paraissait resplendissante : ses joues rougies par le froid, ses prunelles luisantes.
L'espace d'un court instant, Teksas se demanda si Syndeï ressemblait à sa sœur. S'il rencontrait cette dernière, serait-il seulement capable de remarquer qu'un lien de parenté les unissait ?
Agacé par sa propre obsession, le garde secoua doucement la tête, comme pour chasser d'un simple mouvement les pensées qui l'accablaient.
Si seulement cela pouvait être aussi simple...
- Vous ici !
L'exclamation faussement surprise de Syndeï fit pleinement reprendre ses esprits à Teksas, qui esquissa un léger sourire.
- En personne. Qui aurait cru que cette soirée nous permettrait en belle rencontre... ?
Une légère pointe de sarcasme teintait sa voix. Pourtant, le jeune homme était sincèrement heureux de retrouver son amie. Les événements s'étant déroulés ces derniers temps ne lui avaient pas vraiment laissé l'occasion de respirer, et ces retrouvailles fortuites semblaient lui offrir l'opportunité de s'accorder un peu de détente en agréable compagnie. Malheureusement, les choses étaient loin d'être aussi simples, désormais, et la présence de Syndeï n'apportait pas au jeune homme le recul dont il aurait eu grand besoin afin de mettre ses idées au clair...
- Tu vas à la taverne ? Parce qu'il s'y passe bien des choses là-bas...
Teksas haussa les épaules, s'efforçant d'adopter un air détaché.
- Ce n'était pas spécialement ce que j'avais prévu pour occuper ma soirée, non. Ce qui se passe ici me suffit amplement. Son sourire s'élargit quelque peu. À moins que ce ne soit une invitation ?
Le jeune homme détailla un court instant l'accoutrement de Syndeï. Veste légère de cuir, mains enfoncées dans les poches -sûrement pour se protéger du froid ambiant-, et démarche très légèrement vacillante. Rien de suffisant cependant pour laisser à penser qu'elle était saoule.
D'ailleurs, ce n'était pas spécialement le style de la jeune fille, -qui semblait curieusement par dessus son épaule recouverte d'une peau de loup, comme à la recherche d'une éventuelle présence.
- Tu es tout seul ?
- Plus maintenant. Sa réponse était simple et, encore une fois, teintée d'une once d'ironie.
Le garde savait bien pourquoi elle posait cette question, et en compagnie de qui elle pensait le trouver. Mais, pour une fois, Clarke n'était en effet pas à ses côtés.
Un court silence s'installa entre les deux Grounders, un silence que le froid pesant ne faisait qu'accentuer.
La gêne de Teksas était presque palpable, désormais, et devait transparaître par tous les pores de sa peau.
Finalement, il inspira profondément, prenant son courage à deux mains. Ce qu'il avait découvert à peine quelques jours auparavant devenait une révélation beaucoup trop dur à garder pour soi. Une révélation qui s'apparentait davantage à un poids écrasant qu'à une bonne nouvelle.
- Syndeï... J'ai quelque chose à te dire.
Ses mots résonnèrent étrangement à ses oreilles. Comme si sa voix était celle de quelqu'un d'autre, ou que l'air alentours la déformait.
Il ne restait plus qu'à espérer qu'il ne déforme pas la vérité.

Syndeï était fatiguée et tout ce qui lui tardait de faire, c'était de pouvoir enfin goûter au matelas doux et moelle que Kodal lui aurait préparé. Elle était bien assez préoccupée à ce moment pour s'adonner à une fête dont elle se fichait éperdument. A son retour chez la vielle dame qui l'accueillait, elle aperçu un visage qui lui était familier dans la rue qu'elle avait emprunté. Teksas. Elle ne pouvait faire autrement que d'arborer au coin de ses lèvres un large sourire. Elle était heureuse de le croiser à l'orée de la nuit qui battait déjà son plein dans la capitale. En effet, quelles étaient les probabilités pour qu'il se retrouve ici par une nuit aussi agitée ? Elle en était satisfaite cependant et ne pu contenir un rire lorsque son ami la taquina d'une invitation pour rejoindre la taverne. Elle en avait eu assez pour la soirée. Elle hocha négativement la tête pour lui donner une réponse claire et nette.

Elle le contourna, alors que ce dernier lui spécifia qu'il n'était plus tout seul en présence de Syn. Elle en était satisfaite, et comprit alors son intention et elle lui sourit. Finalement son envie de partir se coucher s'était envolée et elle pourrait passer toute la nuit en sa compagnie ça ne la dérangerait certainement pas. Mais lui, peut-être qu'il avait besoin de repos ? Elle voyait qu'il était préoccupé. Elle fronça les sourcils alors qu'il prononça son prénom, d'une façon assez détachée. Il était nerveux. Elle sentait que quelque chose de lourd lui pesait sur la conscience et elle n'hésita pas à s'approcher de lui. Opérant sous le contact de sa main, déposée sur l'avant bras de Teksas, elle l'obligea à croiser son regard.

- Dis-moi. Elle savait que c'était quelque chose d'important. Qui la concerne ? Ça elle ne pourrait le dire. Mais elle voyait dans l'attitude de son ami que c'était quelque chose qu'il ne pouvait garder plus longtemps. Elle se devait de l'écouter comme elle l'a toujours fait. Confident l'un pour l'autre, ils ne se sont jamais ignorés. Un silence presque de mort s'installa entre eux deux et malgré qu'ils soient les yeux dans les yeux, elle n'arrivait pas à déchirer ce qui le préoccupait tant.

- Tu m'inquiètes. Qu'est-ce qu'il y a ? répéta-elle à voix haute, mais aussi en résonance avec ses pensées. Sa main n'avait toujours pas quitter l'avant bras de Teksas et si elle avait voulu un court instant oublier son passé pour aller trouver la sérénité et le repos chez elle, elle n'allait pas être déçue d'apprendre la nouvelle qui allait se fendre sur elle comme l'épée de Damoclès qu'elle gardait en permanence au dessus de sa tête. Elle ignorait ce qu'allait lui annoncer son ami, mais la vibration dans sa voix exposa sa nervosité. Les rayons de la lune brillant plus intensément au dessus d'eux, comme si, la lune elle-même attendait de connaître cette vérité. Syndeï avait la boule au ventre. Elle devait savoir.

Les sourcils de Syndeï à l'entente des mots du jeune homme. Visiblement, elle était perplexe. Peut être un peu confuse, ou un brin inquiète.
Teksas n'avait jamais été très doué pour interpréter les émotions des gens. À vrai dire, il avait déjà assez de mal à les interpréter chez lui même.
- Dis moi.
La main fine mais ferme de Syndeï se posa sur son avant bras, se pressant autour, tant et si bien qu'il put presque ressentir la fraîcheur qui émanait de sa peau, due au froid hivernal.
Il croisa ses yeux mordorés, les sonda comme pour y trouver un signe, n'importe quoi qui puisse l'aider. L'aider à lâcher la vérité, une ancre à laquelle il s'accrocherait pour relancer l'espoir.
Un espoir qui, il l'espérait, ne s'avérerait pas trop destructeur.
Pourtant, il n'arrivait pas à trouver ce signe. Tout ce qu'il pouvait lire dans le doré des iris de son amie, c'était une curiosité dévorante, une angoisse presque palpable, qui dilatait le noir d'encre de ses pupilles.
- Tu m'inquiètes. Qu'est ce qu'il y a ?
Elle semblait nerveuse. Très nerveuse. Autant que lui, sûrement. Et il y avait de quoi.
Après tout, Teksas aurait sûrement réagi de la sorte, si on s'apprêtait à lui révéler une chose aussi énorme. Si on s'apprêtait à apporter à sa vie la lumière qu'il croyait disparue au fin fond des ténèbres.
Il inspira profondément, avant de soupirer tout aussi lourdement, son souffle s'élevant en un grand volute blanchâtre vers la voûte céleste qui les surplombait.
- Ça fait un moment, maintenant. Le garde marqua une pause et se ressaisit. Ça fait un moment que je fais des recherches sur ta sœur. Pour essayer de la retrouver. Depuis que tu m'en as parlé en fait. Nouvelle pause, suivie d'une profonde inspiration. Et je crois que j'ai réussi. Je crois que j'ai retrouvé sa trace.
Un lourd silence s'abattit dans la ruelle. Plus lourd que ceux qui les opposaient auparavant.
Non, là, c'était un silence pesant, presque comme si le temps s'était arrêté, que la Terre s'était arrêtée de tourner.
Teksas avait le sentiment d'avoir lâché une pierre dans de l'eau. Tout ce qu'il lui fallait faire, c'était d'attendre que les éclaboussures jaillissent, que les conséquences de cette chute s'abattent sur lui.
D'un geste très doux, il dégagea son avant bras de la poigne de Syndeï, scrutant intensément le visage de celle ci, cherchant à discerner une expression, n'importe laquelle.
Et ce fut à son tour de poser sa main sur son bras, délicatement, simplement pour lui montrer qu'il était là, à ses côtés et ; en quelque sorte, pour l'aider à surmonter cette révélation.

Rp :

Syndeï avait du mal à entrevoir la vérité dans les prunelles de son ami. Elle s'avait qu'il cachait bien quelque chose d'important, sinon il se serait déjà empressé d'en parler avec elle, mais sa respiration et cet hésitation qu'il avait dans sa voix n'indiquait rien de bon pour les révélations à venir. Syn était nerveuse, plus que ça, elle était frustré de ne pas connaître la réponse à cette question qui lui trotter dans la tête : qu'est-ce qu'il avait de si important à lui dire ? Syndeï avait toujours son regard ancré dans celui de son ami, elle ne s'était pas une seule fois détacher de lui et tout en prenant une profonde inspiration, imitant presque Teksas, elle finit par entendre ce qu'il avait à lui dire.

─ « Ça fait un moment, maintenant. » Un moment ? Donc il est au courant de ceci depuis un certain temps ? Syndeï arqua un sourcil à l'approche du silence qui succédait à ces mots. Elle était en apnée totale et son cœur battait tellement fort, qu'elle l'entendait raisonner dans ses oreilles. Tellement angoissée de connaître maintenant cette vérité, elle resserra un peu plus sa prise sur l'avant-bras de Teksas et c'est là que l'épée fut relâchée avec brutalité sur son cœur qui rata un battement. Les yeux écarquillés comme si elle venait de voir un fantôme de son passé, elle n'arrivait pas à parler. Elle continuait à écouter sans entendre, à haleter sans respirer. Elle était sous le choc de cette nouvelle. Sa sœur ? Retrouvée ? Elle pensait qu'elles étaient toutes deux mortes après que les hommes des montagnes les lui aient enlevé. Elle n'arrivait pas à savoir si tout ceci était un rêve ou bien un cauchemar car ça raviva au plus profond d'elle-même des souvenirs douloureux. Des souvenirs qui lui avaient emporté ses deux sœurs chéries. La bouche grande ouverte, elle n'arrivait pas à y échapper une syllabe. Ce n'est que lorsqu'elle sentit la fraîcheur de la main de son ami sur son bras qu'elle détourna son regard, humide par la monter des larmes qu'elle ne voulait pas laisser paraître.

Elle ravala difficilement, tout en s'écartant de lui. Elle n'arrivait pas à faire le vide dans sa tête et à faire le lien entre le passé et le présent qui venait de s'abattre sur elle. De quelle sœur il était question ? L'aîné ? Celle la succédant de deux années seulement ? Elle ne le savait pas et ne savait pas si elle voulait vraiment le savoir. La plaie était encore bien trop ouverte pour y replonger le poignard dedans. Elle se décida enfin à se retourner face à Teksas qui était encore là, comme si de part sa présence, il espérait que Syn soit réconfortée. Et c'était en partie le cas, mais vous connaissez Syn, une fois que ça touche à ses sentiments, elle a du mal à s'ouvrir. Elle bafouilla. Elle ne savait pas quoi lui dire. Ses prunelles ambrées s'ancrèrent à nouveau dans celle de son ami et elle finit par expirer tout cet air qui avait stagné dans ses poumons l'espace d'un instant. Ravalant ses larmes qu'elle ne laissa pas couler, elle s'approcha et parla enfin.

─ « Comment ? Et pourquoi ne pas me l'avoir dit plus tôt Teksas ? Où est-ce qu'elle est ? » Maintenant c'est un mélange d'émotions contraire qui remplissait son coeur, elle était en colère contre lui de lui avoir cacher ça, qu'il avait participé à des recherches la concernant. Concernant ses sœurs. Mais elle était à la fois soulager, ou bien heureuse de savoir que l'une d'elle avait survécu. Peut-être, car Teksas n'était pas non plus certain de ce qu'il avançait, mais tout portait à croire que ça l'était. Syn était partagé entre joie et rancœur. Mais elle ne fit rien, elle attendait seulement encore plus de réponse maintenant qu'il l'avait mise au courant. Syn voulait tout savoir.

hrp:

Syndeï donnait l'impression de s'être pris une gifle. Une gifle magistrale.
Ses grands yeux d'ambre paraissaient plus dilatés que jamais, ses lèvres roses étaient ouvertes en un cercle parfait, signe manifeste de son incrédulité.
Visiblement, elle ne s'attendait pas à ça. Pas du tout. Le contraire aurait été étonnant.
Le choc de la révélation passé, la jeune femme sembla reprendre son souffle en même temps que ses esprits, et détourna brusquement le visage, tâchant de masquer aux yeux de Teksas sa douleur  et les larmes qui perlaient au coin de ses paupières, que la lune ne faisait que faire étinceler davantage.
Teksas sentit son cœur se serrer en voyant la faiblesse d'une fille si forte transparaître ainsi. Peut être n'était ce pas une si bonne idée après tout... Peut être aurait-il mieux fait de supporter seul le poids de ce secret.
Cependant, une fois que le regard ambré de Syndeï croisa la sien, il prit pleinement conscience de l'égoïsme de ses pensées.
Syndeï était une Trikru ; elle était forte, courageuse. Il en faudrait bien plus pour la briser et, au contraire, sa réaction démontrait bien quelle était la force de l'espoir et de l'amour.
Se penser capable de garder cela pour lui par peur de faire "souffrir" ou douter son amie était sans conteste la chose la plus stupide qu'il avait pu faire.
- Comment ? Et pourquoi ne pas me l'avoir dit plus tôt Teksas ? Où est-ce qu'elle est ?
Un maelström d'émotions se mêlaient dans sa voix. Soulagement, reproche, angoisse et rancœur.
Comment l'en blâmer ? Lui même aurait été bien incapable de se trouver plus détaché qu'elle, en pareilles circonstances. Bien qu'il n'ait de son côté plus rien à espérer en ce qui concernait l'éventuelle survie de sa famille.
Il ne lui restait plus aujourd'hui que son oncle et, à moins que celui-ci ne vienne à mourir dans peu de temps, cela risquait bien de durer un moment.
Légèrement mal à l'aise sous la pression qu'exerçait sur lui le regard et les paroles de Syndeï, Teksas passa sa main dans le creux de son cou, où la chair se trouvait encore boursouflée par la marque qu'il s'était vu infliger par Heda en personne suite à son échec à protéger Clarke -marque indélébile de la défaite, de la honte. Ses doigts migrèrent ensuite jusque dans ses boucles brunes, qu'il agita nerveusement.
Il était hors de question qu'il répète cette erreur une deuxième fois. La montagne avait beau être tombée, il ne la laisserait plus jamais porter préjudice de par ses actions passées aux personnes qui comptaient pour lui. Il ne laisserait pas le simple souvenir des atrocités commises par la montagne détruire la famille de son amie, et l'avenir qui s'ouvrait à eux.
Il ne le permettrait pas.
- J'ai fait des recherches autour des ruines du mont Weather. J'ai interrogé les bonnes personnes : des Trikrus, même des Skaikru ; des anciens Faucheurs ou des survivants. À force, ça a fini par me donner une piste tangible. Si c'est bien elle, elle vit à l'écart, pas loin d'un village à l'ouest des ruines, dans la forêt. Il marqua une pause. Je ne t'en ai pas parlé avant parce que je n'étais pas sûre que ce soit bien elle. Mais tout correspond. Et aussi... Nouvelle pause. Elle ne veut pas qu'on la retrouve, Syndeï. Du moins, tout dans son comportement porte à croire qu'elle se cache, qu'elle fuit quelqu'un. Il se pourrait que ce soit toi.  
Teksas s'interrompit et se mordit la lèvre, gêné. Il savait bien pour quelle raison la jeune fille voudrait éviter sa sœur, il espérait juste qu'il n'aurait pas à le lui dire tout de suite.
Syndeï venait d'apprendre que le sang de son sang était sûrement en vie, quelque part, et ce n'était certainement pas le moment de briser cette joie naissante par une nouvelle aussi morbide que celle qu'il avait apprise quelques temps plus tôt.
D'ailleurs, cela ne devrait pas être à lui de faire part à cela à Syndeï, mais bien à la sœur de celle ci elle même.

Syndeï était encore sous le choc de cette nouvelle. Dans ses yeux on pouvait bien déceler un éclat de soulagement, mais la colère arrivait à fusiller son vis à vis par delà les mots. Elle ne comprenait pas. Elle voulait avoir toutes les réponses. L'une de ses sœurs aurait donc survécu. Comment ? Et pourquoi ne pas être venue voir Syndeï directement ? Plutôt que de ce cacher dans un lieu totalement reclus de toute vie, reclus de sa famille, son unique sœur et privé du seul bonheur qui pouvait lui rester. A moins qu'elle ne voulait plus avoir affaire à ce passé qui ramenait trop de souvenir douloureux. Elle s'était fait une raison à force d'y penser, mais sa sœur, elle l'avait vécu. Cette douleur était permanente chez elle. Enfin, elle l'ignorait jusqu'à ce soir, mais maintenant elle ne pouvait s'empêchait de l'imaginer. Il hantait Syn tous les jours, mais peut-être qu'elle aussi avait du mal à oublier ? Syndeï était perdue dans ses propres pensées et trop d'émotions déferlaient dans son corps pour qu'elle en contienne les effluves. Cependant le regard toujours ancré dans le bleu profond de son ami, apaisant sa rancœur, elle ne pouvait espérer meilleure nouvelle à cet instant. Elle se rapprocha d'avantage de lui, il était nerveux, donc elle l'était encore plus. Elle n'arrivait pas à contenir cet envie de tout savoir et ses paupières grandes ouvertes en étaient la preuve.

Hochant vivement la tête alors que Teksas reprit la parole pour répondre, elle sentit son souffle se réduire, l'air commençait à lui manquer et à force qu'il conta son récit, c'est comme si une pluie de cailloux s'abattait sur elle. Chaque mot était comme la pierre qui s'abattait un peu plus fort et arrivait à la fin de cette histoire presque surréaliste pour la jeune femme, c'est carrément un torrent qui la submergea. Les larmes étaient montées d'avantage à ses yeux et elle ne les arrêta pas cette fois. Elle ne les avait même pas senti couler le long de ses joues lorsque Teksas lui certifia qu'elle ne voulait pas être retrouvée et qu'elle l'évitait probablement. Syndeï était accablée sous le poids d'une telle nouvelle. ─ « Qu'est-ce que tu dis ? » Le silence vint alors élargir cette quiétude et cette blessure qui grandissait en elle. Elle haleta, de grande bouffer d'air. Elle ramena une main sur sa poitrine, là où le cœur battait encore plus fort. Elle sentit chaque battement comme le fouet des mots de son ami. Elle avait mal. Elle avait peur, elle était attristée d'une telle nouvelle. ─ « Je ne peux pas le croire... Je... Je dois aller la voir. Il faut que je la vois. » Syndeï ne pouvait cependant pas lâcher l'affaire aussi facilement, il s'agissait de son sang. Elle avait passé toute ces années à la croire morte, et elle ne comptait pas, après avoir appris qu'elle respirait encore, la laisser partir une deuxième fois.

Son regard se fit plus noir, ses pupilles dilatées au possible remplissant presque intégralement l'iris de ses yeux. Elle fronça les sourcils, ravala sa fierté pour paraître plus forte et essuya du revers de sa main les quelques larmes qui perlaient encore sur ses joues. Elle était remontée et comptait bien retrouver sa sœur pour s'expliquer. Elle n'avait aucun droit de l'abandonner, pas maintenant. Pas alors qu'elle a le plus besoin d'elle. Elle se devait de la retrouver et c'est sans attendre la moindre réponse de son ami ou la moindre remarque de celui-ci qu'elle décida de partir. Contournant Teksas, son épaule effleura son bras, elle commençait à partir pour préparer ce qui était nécessaire pour la rejoindre, mais elle fut arrêtée brutalement par la main de son ami. Visiblement il n'avait pas finit de tout lui dire. Du moins c'est ce qu'elle pensait. Elle se tourna sèchement dans sa direction et le fusilla froidement du regard. ─ « Laisse-moi. Je dois y aller. »

Les larmes débordaient des yeux de Syndeï, roulaient sur ses joues, se joignaient sur son menton, coulaient dans son cou.
Et Teksas observait, impuissant, la réaction de son amie ; la souffrance que le soulagement faisait naître en elle. Comme si, après avoir eu la tête plongée sous l'eau pendant un trop long moment, elle reprenait sa respiration, aspirait des goulées d'air si bonnes qu'elles en devenaient douloureuses.
La certitude s'était abattue sur elle au milieu d'un océan de doutes ; la tirant brutalement vers le haut plutôt que de continuer à l'entraîner vers le bas.
Parce que, quelque soit les hésitations qui habitaient quant à elles le jeune garde, ce dernier savait bien au fond de lui, quelle était la vérité. Et la vérité était la suivante : cette fille, solitaire, presque sauvage, que la vie avait mise à l'épreuve par de trop rudes souffrances, était bel et bien la sœur de Syndeï.
Aucun doute n'était possible. Il avait fait trop de recherches ; et tout ne concordait que trop bien pour qu'il ne s'agisse que d'une simple coïncidence.
Il avait réussi. Il l'avait retrouvée. Mais à quel prix ?
- Qu'est ce que tu dis ?
Teksas garda le silence, se gardant bien de répondre. Syndeï avait très bien entendu ce qu'il venait de lui annoncer, et le répéter ne reviendrait qu'à agiter un couteau dans une plaie encore vive.
Aussi, le jeune homme se contenta de baisser la tête, simple signe d'une vérité qu'il n'avait pu éviter.
- Je ne peux pas le croire... Je... Je dois aller la voir. Il faut que je la vois.
Il redressa brusquement la tête, le regard rivé sur celui de son amie ; encore brouillé de larmes, mais plus ferme et déterminé que jamais.
Syndeï voulait aller retrouver sa sœur. Maintenant. Et rien ne semblait pouvoir l'en dissuader.
Pourtant, alors que la jeune femme se préparait à partir et que son épaule frôlait le biceps du garde, Teksas lui empoigna vivement le poignet, d'un geste vif et implacable, davantage instinctif que réfléchi.
- Laisse-moi. Je dois y aller.
- Non.
La voix du Trikru s'apparentait plus à un grondement sourd qu'à autre chose. Un grondement gorgé d'autorité.
Nul doute que, si un regard pouvait tuer, le garde serait déjà mort à l'heure qu'il était. Cela ne l'empêcha pas de resserrer sa prise autour du poignet de la tanneuse, se campant solidement sur ses jambes afin de la fixer bien en face.
- Tu ne dois aller nulle part, Syndeï. Si ta sœur veut t'éviter, c'est qu'il y a une bonne raison. Et crois moi, elle en a une. Tu ne peux pas juste la retrouver après tout ce temps et faire comme si vous pouviez tout effacer et reprendre vos vies d'avant. Teksas inspira profondément, presque dégoûté par ses paroles. C'était vraiment lui qui se permettait de dire ça ? Surmontant ses principes, il s'efforça néanmoins de continuer. Vous avez besoin de temps. Toutes les deux. Tu ne peux pas aller la voir en pleine nuit alors que tu ne sais même plus qui elle est. Prends au moins le temps de faire ce qui est le meilleur pour vous. S'il te plait.
Petit à petit, le jeune homme desserra sa prise sur le poignet de son amie. Il avait beau ne croire en aucun des mots qu'il avait prononcé et savoir pertinemment que rien de retiendrait Syndeï de partir tôt ou tard à la recherche de sa sœur -comment l'en blâmer ?- il n'en espérait pas moins l'avoir amené à réfléchir aux circonstances que prendraient leur retrouvailles si elle s'y rendait maintenant...

hrp:

Syndeï était tourmentée par autant d'information. Elle n'arrivait plus à savoir ce qui était vrai du mensonge mais elle savait que son ami ne lui mentirait jamais alors sa découverte, cette trouvaille que Syn pensait à jamais défunte était réelle. Elle pouvait à nouveau souffler, soulager d'apprendre que l'une de ses soeurs avait survécu durant toutes ses années où Syn avait cru bon d'abandonner l'idée qu'il pouvait y avoir un dixième d'espoir qu'elles survivent. Toutes les deux. Mais le fait de savoir maintenant que cet espoir à porter Teksas à faire ce qui était juste pour son amie, elle ne pouvait que plus l'en remercier. Mais ce n'est pas ce qu'elle fit. Elle était soulagée, oui, mais elle était aussi bouleversée par cette nouvelle. Et les larmes ne purent être retenues plus longtemps, elle les ignora presque malgré qu'elles brouillaient sa vision et ne pouvait distinguer les traits sévère de son ami qui la retenait. Car oui, Syn voulait partir, voulait se rendre là où sa soeur demeurait à présent et voulait obtenir des réponses, mais Teksas crut bon de l'en empêcher car il savait qu'elle se risquait à plus de représailles si elle y allait maintenant, en pleine nuit. Une nuit plutôt agitée, autant dans les contrées que dans son esprits qui bouillonnait de questions.

Mais Syndeï ne lâchait pas l'affaire et malgré les avertissements et la prise qui se resserrait d'avantage sur son poignet, elle ne quitta pas une seule fois le regard cristallin de son ami. Voulait-elle lui faire peur ? De son regard noir et plein de rivalité, elle tira sur son bras, emportant avec elle cette peine qui la gagnait. Mais Teksas avait raison, elle ne pouvait pas y aller maintenant, sans savoir. « Si ta sœur veut t'éviter, c'est qu'il y a une bonne raison. Et crois moi, elle en a une. » Une bonne raison ? Il savait bien plus de chose qu'il ne lui semblait au final. Syn fronça les sourcils alors qu'il continuait toujours sa leçon. « Tu ne peux pas juste la retrouver après tout ce temps et faire comme si vous pouviez tout effacer et reprendre vos vies d'avant. » Et pourquoi pas ? Pensa Syn mais ne le répétant pas à voix haute. Car elle savait que son ami aurait le dernier mot pour l'en dissuader encore et encore. Il avait raison, elle ne pouvait pas y aller en pleine nuit. C'est pourquoi, elle soupira et décrocha un instant son regard meurtri de sur Teksas pour réfléchir. Pour panser ses mots et cette blessure qui s'était ré-ouverte en l'espace d'une seconde. Elle n'irait pas cette nuit, non. Elle secoua la tête et tout en replongeant dans le bleu de son ami, elle le rassura sur ce point. ─ « Je n'irais pas cette nuit. Mais soit en sur, je ne resterais pas les bras croisé en sachant qu'elle est en vie, là quelque part. Seule. » Syn était déterminée et ça se lisait bien sûr sur son visage. Elle irait à sa rencontre, que son amie l'est averti ou non des possibles dangers qu'elle pourrait rencontrer. Car elle savait qu'il lui cachait encore bien des choses, qu'elle ne savait pas tout, mais il lui en avait déjà bien trop dit pour lui apporter encore de mauvaises nouvelles. ─ « A moins que tu ne me dises pas tout ? Pourquoi tu ne veux absolument pas que je la vois maintenant ? Après toutes ces années... » Elle devait bien avouer que la remarque de son ami l'intrigua beaucoup. Elle savait qu'il cachait encore des choses et elle s'empressa de les découvrir, si ce n'est que de les apprendre sur le tas, une fois sa sœur en face d'elle. Mais les surprises, elle n'aimait pas trop ça. Mais cette rencontre arrivera bien assez tôt.

─ « Pourquoi me supplier de rester, d'attendre, alors que ça fait des années que je la croyais morte. Et là tu m'annonces qu'elle est vivante mais tu ne veux pas que j'aille la retrouver ? Qu'est ce que tu me caches encore Teksas ? Dis le moi. » Maintenant les rôles étaient pour ainsi dire inversés. Syndeï avait toujours se regard réprobateur envers son ami et elle n'avait aucune pression, aucun contact sur lui, mais le simple fait qu'elle n'osa décrocher son regard du sien, cela valait tous les reproches du monde qui restait sous silence. Elle se devait de savoir avant de rentrer chez elle, enfin chez Kodal, pour passer une nuit blanche à repenser à tout ça. Car il était maintenant bien trop tard pour trouver le sommeil.

Teksas serra et desserra le poing, tâchant d'effacer l'étrange sensation de "brûlure" que la peau de Syndeï avait laissé sur sa paumes. Il avait le sentiment de sentir le poul de la jeune fille battre au creux de sa main, y laisser sa marque.
Poing ouvert. Poing fermé. Poing ouvert. Poing fermé.
C’était un geste incessant, inlassable ; et presque inconscient. Presque.
- Je n'irai pas cette nuit. Mais sois en sûr, je ne resterai pas les bras croisé en sachant qu'elle est en vie, là quelque part. Seule.
Le garde ferma momentanément les yeux ; signe furtif de son soulagement. Au moins, il aurait réussi à "retarder" l'instant fatidique des retrouvailles, et à davantage préparer Syndeï à ce qui l'attendait. Ou, en tout cas, il aurait essayé de l'y préparer.
- Je sais. Je n'en attends pas moins de toi.
Ce qui était la stricte vérité. Quoiqu'il puisse dire ou faire pour l'en empêcher -même s'il se mettait à l'attacher à un arbre le plus solidement possible-, il était certain que la seule force de se détermination suffirait à la faire retrouver sa sœur et se délivrer. Cette fille était une battante. Hormis Clarke, il devait admettre qu'il n'avait jamais vu personne mettre tellement d'ardeur à obtenir ce qu'elle voulait. Surtout quand il s'agissait d'un sujet aussi important.
- À moins que tu ne me dises pas tout ? Pourquoi tu ne veux absolument pas que je la vois maintenant ? Après toutes ces années...
La jeune fille marqua une pause, comme si elle même cherchait les réponses à sa question, cherchait à deviner quelles pourraient être les raisons de ce silence.
- Pourquoi me supplier de rester, d'attendre, alors que ça fait des années que je la croyais morte. Et là tu m'annonces qu'elle est vivante mais tu ne veux pas que j'aille la retrouver ? Qu'est ce que tu me caches encore Teksas ? Dis le moi.
L'intensité du regard de Syndeï vrilla celui du garde, qui s'efforça de ne pas broncher. Il se sentait exposé, mis à nu. Incroyablement démuni.
Qu'est ce que tu me caches encore Teksas.
Les accusations dissimulées dans ce simple petit mot "encore" transpercèrent le cœur de Teksas, y laissant entrer un flot de culpabilité, y créant un gouffre de remords.
Le malaise s'insinuait en lui, s’infiltrait sous sa peau ; le faisant trépigner d'un pied sur l'autre, équilibre précaire entre les secrets cachés et la vérité dévoilée.
D'un geste presque brutal, le jeune homme frotta ses mains devenues moites sur la toile de son pantalon.
Il était étrange de constater à quel point le simple fait de parler s'avérait plus difficile et ô combien plus angoissant que de se jeter en plein cœur d'une bataille.  
Il déglutit, la bouche sèche, avec le sentiment de s'être desséché intérieurement.
- Je ne te cache rien. Et je ne te supplie pas.
Quelle réponse brillante... Teksas ferma les paupières, s'efforçant d'ignorer la petite voix qui lui intimait de se taire, de ne pas se mêler de ce qui ne le concernait pas, de laisser cette famille se retrouver entre elle, faire ses révélations entre elle, sans que personne ne vienne s'intercéder entre elle.
Pourtant, il ne pouvait pas se taire. Pas avec Syndeï, pas avec ce qu'il savait.
- Ils l'ont changé, Syn'. Ces salauds de la montagne l'ont changé en Faucheuse.
Il rouvrit les yeux, les plongea dans ceux de son amie. Il ne pouvait pas s'arrêter. Pas maintenant.
- Elle est redevenue humaine mais... Elle cherche juste à se reconstruire. Elle a besoin de temps. D'espace.
Teksas se passa une main nerveuse sur la nuque, secoua ses boucles brunes, déjà désordonnées. Ses mots avaient laissé un goût amer sur sa lange. Un goût de cendre, d'espoir et de rêves brisés.
- Je suis désolé.
Désolé pour quoi, il ne le savait pas exactement. Pour avoir brisé les illusions de son amie, peut être. Pour lui avoir "caché" une vérité, afin qu'elle resurgisse de façon plus douloureuse encore.
Oui. C'était ça.
Il était désolé pour elles.

hrp :

Syndeï ne pouvait plus cacher d'avantage sa détermination, toute cette rage qui l’emplissait. Son souffle se faisait plus lourd, elle avait du mal à garder un esprit rationnel à la situation. Tout ce qu'elle désirait c'était avoir des réponses maintenant que la bombe venait de s'abattre sauvagement sur elle. Teksas semblait ne plus savoir quoi lui dire. Elle sentait sa compassion, mais elle décelait aussi sa nervosité au travers de ses gestes et du son de sa voix. Elle ne quitta toujours pas son regard. De ses prunelles braisées, presque transperçant le calme de cette infinité qui se reflétait dans ces prunelles argentées. Celles de Syn étaient aussi vives que le feu ardant qui bouillonnait dans son sang. Même la fraîcheur du dehors, les picotements qui se répandaient sur tout son corps ne la détourner pas de son but. Avoir des réponses. Alors elle attendit que celles-ci viennent à elle.

« Je ne te cache rien. Et je ne te supplie pas. » prononça son ami alors que la brune redressa sa tête, toujours plus haut au dessus de ses épaules. Elle la pencha sur un côté, fronçant férocement les sourcils soutenant toujours milles reproches. Elle ne comptait pas avaler pareilles absurdités. Elle agita doucement la tête. « Ah vraiment ? » Elle savait qu'il mentait mais elle comprit qu'il avait dit ça sans réfléchir, pour éviter de trop la blesser. Mais au final, il ne put se retenir plus longtemps et Syn ne put attendre d'avantage qu'il se justifie. Il crache plus vite "le morceau" et à la grande surprise de Syndeï, ce fut un énième coup de poignard qui s'abattit à nouveau sur elle. Ouvrant encore et encore cette blessure du passé. Une Faucheuse. La montagne avait fait de sa sœur aînée une abomination de la nature, un démon parmi les ombres. Elle n'en revenait pas et à nouveau, pendant un instant, elle en oublia de respirer. Teksas continuait toujours son récit mais elle ne l'écoutait plus. Ce n'était plus qu'un brouhaha inaudible pour la jeune femme. Son esprit naviguait parmi les tumultes de cet eau qui ne désirait que sortir de ce corps bien trop petit et menu pour le conserver. Les larmes montèrent mais aucunes ne coulèrent car Syndeï ne le voulait pas. Elle ne voulait plus pleurer. Elle en avait assez de se sentir faible. « Je suis désolé. »

A ces mots, elle relâcha une expiration trop courte, presque éphémère. Elle sortit de ses songes et revint à la lueur bleuté de son ami. « Ne le sois pas. Tu n'y pouvais rien. C'est ma faute. Je l'ai abandonné, pensant qu'elle était morte. » Elle s'arrêta de parler et fit quelques pas devant le garde. Elle savait ce qu'elle devait faire maintenant. Elle irait forcément la retrouver et elle ne reviendrait pas à Polis tant qu'elle n'aura pas convaincu sa soeur de l'y accompagner. Elle ne pouvait plus refaire cette même erreur du passé. Maintenant qu'elle savait, elle se devait d'honorer ce pacte qu'elles s'étaient toutes trois faites car elle le pouvait à nouveau. Etre toujours ensemble, unis, se soutenir et s'aider peu importe les difficultés à traverser. Syndeï n'avait plus peur, Syndeï n'avait plus cette quiétude. Elle n'aspirait qu'à cette volonté de retrouver sa soeur. Elle s'arrêta alors, puis se retourna vers son ami. « Si quelqu'un doit en être blâmé c'est moi, pas toi. Tu ne voulais que me protéger. Mais maintenant, c'est à moi de prendre les choses en main et tu ne peux pas m'en empêcher Teksas. » Elle déposa sa main sur l'épaule du garde, toujours le regard ancré dans le sien. Elle cligna une première fois des paupières tout en inclinant la tête, signe de respect et de remerciement quand à tout ce qu'il a fait pour elle. « Merci. C'est ce que j'aurais dû te dire depuis le début. Merci... » Elle s'approcha finalement encore plus près et déposa son front sur le torse armuré de Teksas. Merci, fut le dernier murmure qu'elle prononça avant de refermer ces bras autour de lui en une étreinte qui voulait dire bien des choses. Qui n'avait besoin d'aucun mot pour la justifier. Elle était reconnaissante envers lui et avant de se séparer pour s'abandonner dans les bras de Morphée, elle ne pouvait refréner ce geste.

hrp:

La colère semblait émaner de chaque pores de la peau de la jeune femme. Une colère qui se muait presque un rage, une colère lourde de menaces.
On avait presque l'impression de se trouver devant une lionne qui défendrait ses petits et, en un sens, la comparaison n'était pas si mauvaise.
Pourtant, malgré la fureur qui faisait trembler Syndeï, Teksas ne bougea pas. Il resta immobile, simplement à la fixer de ses yeux bleu-vert, sans émettre le mouvement le plus infime.
C'était quelque chose que l'on apprenait aux plus jeunes, de là où il venait : face à la colère d'un autre, garder son calme, en toutes circonstances. La personne n'en serait que déstabilisée et, au bout d'un moment, forcément plus encline à se calmer à son tour. Jusque là, le jeune homme avait toujours fait en sorte de respecter ce conseil, qui s'était toujours révélé utile dans les instants les plus durs.
D'ailleurs, les vagues de calme apparent qui émanait de sa personne semblait s'être encré dans la personne de Syndeï, qui se détendit petit à petit, alors que son souffle se faisait plus mesuré.
- Ne le sois pas. Tu n'y pouvais rien. C'est ma faute. Je l'ai abandonné, pensant qu'elle était morte.
Le jeune homme secoua brusquement la tête :
- Ce n'est pas ta faute, Syn. Tu n'as jamais demandé ça. Les hommes des montagnes sont les seuls responsables. Et tu n'as jamais abandonné ta sœur. Jamais.
Teksas ouvrit la bouche, en quête d'autres paroles réconfortantes, mais ne parvint pas à trouver ses mots. Il était difficile de rajouter autre chose. Si ce n'est que Syndeï était bien la dernière coupable de l'histoire.
- Si quelqu'un doit en être blâmé c'est moi, pas toi. Tu ne voulais que me protéger. Mais maintenant, c'est à moi de prendre les choses en main et tu ne peux pas m'en empêcher Teksas.
À nouveau, Teksas ouvrit la bouche, mais ne parvint qu'à hocher la tête. Pour la énième fois depuis le début de cette froide soirée.
- Je ne t'empêcherai jamais de rien, Syn. Tu devrais le savoir.
Mais la jeune femme ne lui répondit que par un regard plus profond encore, posant sa main sur son avant bras d'un geste doux, presque léger.
- Merci. C'est ce que j'aurais dû te dire depuis le début. Merci...
Et elle l'enlaça.
Teksas resta un moment interdit, surpris par cette brusque et inattendue marque d'affection. Mais à son tour, il referma ses bras puissants autour de la fine silhouette de son amie et l'attira contre son torse armuré, presque comme s'il était un rempart entre elle et le reste du monde.
Ce qui était peut être un peu le cas.
- Tu n'as pas besoin de me remercier. Je ferai toujours en sorte que tu sois heureuse, Syn. Toujours.
Il la serra un peu plus fort contre lui, sans prononcer un mot de plus. C'était la stricte vérité.
Syndeï était presque la petite sœur qu'il n'avait jamais eu. Et aussi longtemps qu'il vivrait, il ferait en sorte de lui venir en aide.
Et ils restèrent ainsi, immobiles, dans le silence glacé de la nuit, noires silhouettes enlacées sur un fond d'encre, tellement proches qu'ils paraissaient presque disparaître et se fondre dans le décors du ciel étoilé.

Rp :