NEW WORLD.

Je poussais la porte du sas, et enfin, je me retrouvais à l'air libre. Le vent fouetta mon visage et mes cheveux, ma respiration se coupa un instant, et je fermais les yeux, complètement éblouie par la lumière de l'extérieur. Enfin. Après des années d'attente interminables, j'étais dehors, et bien vivante. J'ignorais ce qui m'était passé par la tête, mais j'avais envie de voir le soleil se coucher pour la première fois de ma vie, j'avais envie de voir la nature, la vraie, dont on m'avait parlé mais que je n'avais jamais pu voir. Ici, ce n'était pas une prison, j'aurais pu sortir depuis longtemps mais j'avais préféré attendre que les choses se calment. Après tout, on risque le pire, dehors, quand on a pas d'arme. Je n'ai prévenu personne que je sortais, alors si je disparais, ce sera la fin pour moi, mais je suis prête à prendre ce risque.
Je finis par ouvrir les yeux, lentement, et je mets ma main en visière devant mon front. Devant moi, une forêt immense s'étale. Des arbres, des sapins, et d'autres plantes dont je ne connais pas leur nom, sauf pour la cuisine. L'herbe sous mes pieds n'est pas aussi verte que ce que j'avais espéré, mais elle est quand même joli. Le ciel est teinté de dorés, et brille de mille feux. Mes yeux pleurent, peu habitués à cette lumière soudaine. Je suis pourtant heureuse d'être là. Je tâte ma combinaison, et je vérifie que le couteau emprunté en cuisine est bien au niveau de mon avant-bras, caché sous le tissu si jamais j'en ai besoin. Il est là, alors j'avance de quelques pas pour commencer, mais je ne sais pas où aller. En vérité, j'ai peur de me perdre, mais je ravale ma fierté, je peux m'en sortir, je suis forte, et la moelle osseuse qui est en moi est bel et bien efficace. Je me mets en route, décidant d'emprunter un sentier dans les bois. L'odeur de la fraîcheur est agréable, mais le vent qui souffle me donne froid dans le dos, je ne suis pas habituée à ces températures. Dedans, il fait toujours bon, on a de la nourriture à volonté, et j'en passe. D'ailleurs, en parlant de nourriture, mon ventre commence à crier famine, mais je l'ignore et je continue d'avancer. Je crois que je marche pendant de longues minutes avant de m'arrêter, et je m'assois par terre, avant de boire un peu d'eau de ma gourde. Alors que je revisse le bouchon, un bruit me fait sursauter, et je me relève, attrapant le couteau dans la manche pour me défendre. Mes yeux parcourent les environs, mais ils sont tellement peu habitués à cet environnement qu'ils ne savent pas où chercher. Finalement, c'est mon oreille qui m'indique la direction d'un potentiel intrus. J'essaie d'être la plus discrète possible et j'avance, quittant le chemin, pour m'enfoncer dans les bois. Une silhouette m’apparaît, à un mètre de moi, et je m'arrête complètement pétrifiée. Une gosse est là, toute seule. Mon premier réflexe est de regarder autour pour savoir si quelqu'un l'accompagne, mais en voyant que non, je range mon arme, et je tente d'engager la conversation.  « Bonjour, tu es toute seule ? » Je m'efforce de sourire, de jouer la comédie mais ça me fout les jetons, de me retrouver avec une gamine au milieu de bois que je ne connais pas. Elle semble innocente, mais je sais combien les enfants peuvent être trompeurs. Si c'est une espionne, je serais obligée de la tuer pour protéger mon peuple, mais on m'accusera d'avoir tué une enfant innocente. Le choix est compliqué, alors je me tais, et je la regarder.

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Si on m'avait dit que je croiserais quelqu'un dans ces bois, je ne serais pas sortie. Ici, c'est beau, on ne s'attend pas particulièrement à y voir du danger. Dans le Mont Weather non plus, me direz-vous, et pourtant une guerre y avait éclaté il y a quelques semaines de cela. C'était à peine terminé, on nous surveillait de toute part, et pourtant le lieu était clos et on le connaissait par cœur. Je ne connais rien de cette forêt, je devrais être un peu plus effrayée que cela mais j'en avais tellement vu pendant la bataille de novembre que plus rien ou presque ne pouvait me choquer, ou presque. Quand cette gosse est apparue devant moi, j'ai cru que j'allais m'évanouir. J'ai du mal à faire confiance aux adultes, mais aux enfants, c'est encore bien pire. Ils étaient facilement manipulables, tellement innocents qu'ils ne s'en souviendraient même pas plus tard. Et puis, pour manger, ils étaient les pires de tous. Autant les adultes, je pouvais les nourrir, Mountain men ou pas, mais les enfants... Je soupire, je lui demande quand même pourquoi elle est toute seule ici. C'est bizarre, de voir une enfant se promener sans adulte à ses côtés alors que la forêt peut être dangereuse. Je m'accroupis pour être à sa hauteur alors qu'elle m'assure pouvoir me taper avec son bâton, et je rigole. Je suis complètement désemparée. « C'est ça petite, si je suis vilaine, tente toujours de me taper. » Sa tenue m'informe qu'elle est une petite archéenne. Il y a des heures de route pour arriver d'un camp archéen à ici, je suis étonnée de la voir si peu fatiguée.
J'ai la confirmation par sa bouche qu'elle vient du camp Jaha, et un sourire s'élargit sur mon visage. Je me redresse et m'avance avec prudence vers elle. Je lui tends la main, même si j'ai horreur de ça, surtout du contact physique. Je préférerais qu'elle me fuit, en cet instant. Mais comme je l'ai déjà dit, je pourrais avoir sa mort de reprochée. Je décide de me remettre à sa hauteur après avoir pris le peu de courage qui me restait. Je vais lui parler tranquillement, elle va me suivre et elle ne m'embêtera plus. Oui, ce sera aussi simple que cela. « Ce n'est pas prudent de te promener toute seule vers Kalawen. Ils sont en train de faire des choses de grand, c'est dangereux pour toi. » Je pose ma main sur son épaule avec hésitation, et très doucement pour ne pas me faire avoir par cette enfant. Elle a l'air très maligne et m'inspire très peu confiance. « C'est à une semaine d'ici à pieds, tu vas avoir faim d'ici. Tu veux manger quelque chose, d'ailleurs ? » Avant qu'elle ne répodne, je m'empresse de rajouter : « Je vais t'emmener chez moi, je vais te donner à manger, tu pourras dormir un peu et après, promis, on t'emmènera à Kalawen. Est-ce que ça te va ? » Je n'aurais même pas du demander son avis, mais peu importe. Cela me semblait plus prudent pour le moment. D'ailleurs, pour lui montrer que je n'étais pas méchante, je sortais ma gourde, la déverrouillait et la lui tendait gentiment. J'avais hâte que ce calvaire ce termine, et j'espérais qu'elle ne s'accrocherait pas trop à moi. J'ignorais encore si j'allais dire aux gardes de la ramener à Camp Jaha ou à Kalawen. Disons que je n'étais pas la bonne personne pour juger cela. « Bois un peu, c'est de l'eau et il y a du sucre dedans. » En vrai, c'est juste de l'eau, mais il faut savoir user de stratégie. « Comment tu t'appelles ? » J'ose finalement demander, étant en train de bouillonner intérieurement, de peur.

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Ce que je trouve idiot chez ces gosses, c'est cette naïveté sans fin. Ils croient aux fées et aux princesses, et ce, même si on leur met un ogre sous les yeux. Ils sont là, dans leur monde, et seul le temps leur permet de grandir. J'ignore ce que les archéens lui ont dit pour qu'elle soit aussi stupide à son âge, mais niveau éducation et surveillance, ils ont bien des progrès à faire. Une enfant ne disparaît pas comme ça, toute seule sans raison. Ils font de bien piètres parents, je comprends mieux pourquoi leurs attaques le sont aussi. Je soupire, je meurs d'envie de lui dire de se débrouiller, mais le devoir m'appelle. Elle se croit grande, soit. Elle pourra toujours tenter de m'attaquer, je lui ferais sûrement beaucoup plus mal qu'elle sur moi. Enfin, il faut se méfier des enfants comme de la peste. Son bâton, il est peut-être empoisonné ou je ne sais quoi. En attendant de le savoir, j'agis comme quelqu'un d'à peu près raisonné et normal. Je souris, je hausse les épaules et je la noie de douces paroles sans fin. Mignons les enfants ? Pas vraiment, à mon avis.
Je la laisse boire, puis je récupère ma gourde que j'accroche de nouveau à ma ceinture. L'air froid me cingle le visage, et j'ai juste envie de rentrer au Mont pour me mettre derrière les fourneaux. Pour l'instant, j'ai du temps libre, mais l'heure de préparer à manger va bientôt arriver. « Tu es un peu jeune pour décider de ce que tu dois faire. Mon chef décidera de ce qu'il fera de toi. Ce n'est pas mon travail, de te ramener. Tu te plieras aux ordres et tu seras une gentille petite fille, d'accord ? » Je me redresse parce que j'ai mal au dos d'être ainsi placée, et je jette un nouveau coup d'oeil autour de nous alors que ses paroles me font beaucoup rire. Moi, archéenne ? Jamais de la vie ! Je la regarde et lui tapote la tête gentiment. Coriace, la petite. « Chez moi c'est juste au bout du chemin. Viens avec moi, il fait froid ici. Et puis, c'est dangereux. » Je lui fais signe de me suivre pour regagner le sentier, où je me sens un peu plus en sécurité. « Dépêches-toi, moi j'ai du travail, on ne peut pas rester dehors trop longtemps. Il y a des monstres dans la forêt la nuit. » J'ai l'impression de mal m'y prendre avec elle mais je n'ai pas envie de jouer sa mère pour le moment où je ne sais qui. Je croise les bras sur ma poitrine, frissonnant à cause du vent. Je ne sais pas comment elle peut faire pour être comme ça, si peu couverte, dehors et seule pendant plusieurs jours. Il est certain que ma mère ne m'aurait jamais laissé dans une telle situation, j'étais trop précieuse à ses yeux. Parce que je suis une fille, et qu'elle souhaitait que je porte un enfant pour que notre lignée ne s'éteigne pas. Dommage pour elle, elle ne verra jamais cela se réaliser. De un, parce qu'elle n'est plus de ce monde, et de deux, parce que sa fille chérie ne voit pas l'intérêt de s'accoupler avec un crétin pour créer des petits êtres aussi peu attirants. Ah, si cette petite savait ce que je pensais, elle pleurerait sûrement. « Tu veux monter sur mon dos pour que je te ramène ? » J'en ai pas forcément envie, mais peu importe. On doit lui avoir inculqué la peur terrible de la montagne, et si elle est sur mon dos, au moins, elle ne me ralentira pas. Et puis, si ça pouvait la bercer et l'endormir ça m'arrangerait bien. « Tu peux m'appeler Cinzel, mais hors de question que tu m'appelles tata, sinon je demanderais aux messieurs de la montagne de te ramener au camp Jaha, et tu pourras bouder autant que tu le veux, ils ne te laisseront pas faire. » Je souris, fière de mon petit marchandage, ça marche avec tout le monde, d'habitude.

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Et voilà qu'elle me pique une crise, me rendant encore plus nerveuse ! J'ai envie de lui dire que je les connais pas ses parents, que je vais lui montrer qui est le chef, mais j'ai l'impression qu'elle me sauterait à la gorge au moment-même où j'aurais prononcé ces mots. Cette petite n'est pas fiable, et elle se croit grande. Parfois, je me demande pourquoi les gens aiment les enfants et leur naïveté alors que ça n'a rien de chou et que c'est quelque chose de vraiment agaçant. Si ma mère m'avait montré un beau modèle de fermeté dans son éducation, peut-être que j'aurais pu l'appliquer à cette enfant, mais malheureusement, ce n'est pas le cas et je dois faire avec, que ça m'agace ou non. Je soupire, maintenant elle croit qu'elle peut décider de faire ce qu'elle veut, mais certains n'auraient aucune cruauté à la tuer, surtout les bêtes sauvages. C'était étonnant qu'elle soit arrivée jusqu'ici sans une égratignure d'ailleurs. « Papa et maman sont beaucoup mieux dans le ciel, crois-moi ! » Surtout sans elle, en vérité. Je l'aurais abandonnée dès que j'aurais pu. Sans aucun regret. Alors je continue à parler et à  marcher un peu, je lui propose des trucs qu'elle est censée accepter, mais encore une fois, petite fait de la résistance. Je sens que je vais bientôt faire mon insolente !
Je continue mon chemin en l'attendant parce qu'elle ne marche pas vite à côté de moi, et elle refuse que je la porte. Je lève les yeux au ciel. « Eh bien marche, mais ne me ralentis pas sinon je laisse les loups te manger. » Le pire, c'est que je suis sérieuse quand je dis ça. Heureusement, il n'y a personne pour m'entendre, et si elle tente d'en parler à quelqu'un, c'est pas grave, on la prendra juste pour une petite folle qui n'a rien à faire ici, enfin, c'est ce que j'espère. Je rigole d'ailleurs quand elle précise comment s'écrit son prénom, parce que je ne sais pas écrire, et que donc, je ne sais pas de quoi elle me parle. Je sais seulement comment mon prénom doit être écrit, et c'est suffisant. Ma mère m'a éduquée pour la cuisine, et sans l'écriture, je développe une meilleure mémoire. Seuls les hauts placés devraient en avoir besoin.
Je soupire une nouvelle fois quand elle me demande ce que c'est qu'une tata. D'un air las, je lui explique, en souhaitant qu'elle comprenne parce que je n'ai pas envie de m'étaler sur le sujet. « Une tata, c'est la sœur de ta maman. Si ta maman a une sœur, bien sûr. Parfois ça sert à rien d'en avoir. » Ma mère avait une soeur, d'ailleurs, qui a construit sa vie de son côté à cause de moi. Ma famille me reniait toute entière à cause de mon comportement, et ils avaient l'impression que j'aurais des problèmes mentaux. Mais je n'en ai pas, on a fait des tests et on m'a seulement jugée incapable de tenir des rapports sociaux et humains. Ils ont dit que c'était normal, étant donné que ma mère était trop laxiste avec moi et que je n'ai pas eu de figure paternelle. Je me contente de ça, je n'ai pas besoin de plus. Et puis, j'ai le pouvoir de les faire douter si besoin.
Elle commence à me parler des gens de la montagne, et là, je m'arrête. Mon visage avait beau tenté d'être souriant, là, ce n'était plus le cas. Je me tournais vers elle en la laissant parler, mais au fond, j'étais déjà en train de bouillonner. C'était nous les méchants ? Bien bravo, qu'est-ce qu'on faisait croire aux gosses ! Vraiment, c'était eux qui nous avaient tués presque tous, et c'était nous les méchants... Là, je ne tenais plus, je secouais négativement la tête. Je m'accroupis pour me mettre en face d'elle et je tente de garder mon calme en souriant. Trop curieuse, elle allait être déçue. « Peut-être que la montagne est méchante d'avoir envoyé des bombes, mais les archéens le sont encore plus d'avoir envoyé des milliers de papa et maman dans le ciel, comme tes parents. » Il est temps que je lui dise d'où je viens, même si je devrais assumer le fait de me prendre un coup juste après. « Écoute Zoey... avec un "nigrec" à la fin. Je ne vis pas dans le camp Jaha, je ne vis pas chez les grounders, et je ne vis pas non plus dans une cabane au milieu de la forêt, et je ne sais pas qui est Octavia. » Même si j'avais entendu parler d'elle, surtout grâce à Jasper, je ne la connaissais pas plus que ça. « Est-ce que tu me trouves méchante, moi ? » Je prends le risque de poser la question juste pour lui faire comprendre que nous sommes pas comme ils le disent. Nous avons eu nos raisons de le faire, et ça s'appelle la survie d'un peuple en détresse. « Ma maison c'est la montagne, d'accord ? On est gentils, sinon je t'aurais déjà mangé les bras. » Pas très joli comme image à envoyer à une petite fille, mais qu'y puis-je...