drums of war (brynja)

Brynja ... Ce nom, à Skjer, presque tout le monde le connaissait. Toi, l'enfant terrible qui courait partout. Toi, la grande gueule qui attendrissait même les cœurs les plus endurcis. Toi, qui faisait sourire avec ton épée en bois et tes cheveux en bataille. Toi, dont la lueur dans le regard semblait vouloir dire que tu allais conquérir le monde. C'était ton intention, en tout cas. Skjer était bien trop petite pour toi, pour tes ambitions. Tu voulais monter à bord de l'un de ces bateaux et explorer ce monde qui semblait si grand, si beau, si vaste, qui semblait n'attendre que toi. Tu voulais l'explorer d'est en ouest, de nord en sud, et tu étais prêt à en démordre avec n'importe qui qui tenterait de t'en empêcher. Ton futur est tout tracé : tu seras guerrière, comme ta mère.

On ne te voit jamais sans ton fidèle compagnon, Bruno. Plus petit que toi, plus maigre, plus timide. Tu le protèges, tu le défends, et lui, il te suit partout. Vous faites un bien étrange duo, mais tu l'aimes bien, Bruno. Et puis, il te fait toujours de beaux cadeaux. Au début, c'était des fleurs. Puis, des colliers, ou des bracelets. Un jour, il t'a ramené une dague, ta première, juste pour toi. Il t'a fait promettre de ne le dire à personne, et tu as tenu ta promesse. Pourtant, tes parents ne l'aiment pas, ce Bruno. Il n'en a pas, lui, des parents. Il ère dans la rue, on dit que c'est une mauvaise graine, qu'il ne fera jamais rien de bon de sa vie. Ils ne comprennent pas. Ils sont méchants. Bruno, lui, il est gentil, et au fond, c'est tout ce qui compte. Vous grandissez, mais jamais vous ne vous vous séparez. L'amitié se meut en amour, et vous avez tout juste seize ans lorsqu'il te demande de l'épouser. Tu es jeune, sans doute trop, mais tu es pleine de fougue, et prête à faire taire toutes les mauvaises langues, alors tu acceptes. Ce n'est pas un grand mariage, pas grand monde n'est venu et tes parents refusent à présent de te parler. Mais c'est leur problème et pas le tien. Tu es adulte à présent, tu es ce qui est bon pour toi. Tu es fière, et forte, et plus heureuse que jamais. Qu'est-ce qui pourrait t'ébranler ? Rien. Rien ne le pourra jamais.

Idyllique. C'est le mot qui convient à ta vie. Tu es une apprentie guerrière foutrement douée, ce n'est plus qu'une question de temps avant que tu ne prouves ta valeur au combat. Tu es amoureuse comme au première jour, et ton mari te comble de bonheur. Plus encore, tu es enceinte. Dix huit ans, c'est jeune, c'est vrai, mais quelle importance ? C'est ce que tu veux. Tu as toujours su ce que tu voulais de toute façon, et tu l'as toujours obtenu. Pourtant, les jours, les semaines passent, et s'assombrissent. Les ragots s'élèvent, salissent ta moitié. Ils l'ont toujours fait, tu ne les écoutes pas. Mais quelque chose a changé. Bruno s'absente, passe moins de temps à tes côtés. Une mauvais pressentiment te noue les entrailles. Et si ... Non. Ils ne peuvent avoir raison. Tu ne peux pas te laisser démonter par des rumeurs. Bruno n'est pas un voleur. Il n'a jamais rien fait de mal. Il a toujours été honnête. N'était-il pas sincère quand il te disait qu'il t'aimait ? Si ... Ou du moins, tu le croyais. Quand nait ta fille, pourtant, il n'est pas là. Où est-il ? Tu n'en sais rien. Tu ne le reverras jamais.

C'est la fierté ravalée que tu retournes chez tes parents, un petit être fragile dans les bras. Tu ne sais pas quoi dire, tu n'oses pas les regarder, eux non plus. " Elle s'appelle Helga ... " finis-tu par prononcer, dans un soupir qui tient un peu du sanglot. Helga, comme ta mère, cette grande guerrière que tu ne seras sans doute jamais. Envolés ces rêves de gloire, tu dois t'occuper de la chaire de ta chaire à présent, personne ne le fera à ta place. Tu ne sais si c'est par pitié, ou par amour, mais tes parents t'indiquent une ferme entre Skjer et Kujik, elle appartenait à ton oncle, mort l'année passée. Elle est en piteuse état, mais il y a de quoi faire. Tu pourras cultiver la terre, et vivre de tes récoltes. Quel autre choix as-tu, de toute façon ? Alors tu vends tout ce que tu as pour t'acheter un cheval, et tu te mets à l'ouvrage. Disparue l'enfante turbulente qui rêve de contrées lointaine, il ne reste qu'une femme misérable qui tente de nourrir sa fille. Et qui y parvient tant bien que mal.

Helga a deux ans, toi vingt. Ton sourire est revenu, ton sale caractère aussi. Tu cultive toujours la terre de ton oncle, et avec l'argent de ta première récolte, tu as acheté des bêtes pour faire du lait et du fromage. Tu fais ton propre alcool également, et au final, tu t'en sors pas trop mal. L'argent, tu le réinvestis, en te disant qu'il te servira demain. Ou plutôt, qu'il servira à Helga. Elle est la prunelle de tes yeux. Bien sûr, ce n'est pas toujours évident, mais il te suffit de l'entendre rire, ou de la voir courir en secouant ses boucles blondes pour savoir que tu as fait le bon choix. Tu ne possèdes pas grand chose en dehors de cette ferme, et de ta fille. C'est plus facile de voyager léger. Helga ne te quitte jamais bien sûr. Elle aime les bateaux, et pourrait passer des heures à les admirer lorsque vous allez à Kujik. Elle te ressemble, elle te ressemble tellement, et tu espères au fond de ton coeur qu'un jour elle réalisera ces rêves que tu as dû abandonner. Si tu es heureuse ? Oui. Oui, au fond, tout au fond, tu es heureuse.