Ses paupières étaient lourdes, et entourée de bandages elle commençait à trouver le temps long sur ce lit. Elle était plutôt bien, mieux. Elle ne savait pas trop, et elle n’avait pas vraiment d’idées d’où elle était, ni d’a quoi ça ressemblait autour d’elle, ni d’a quoi ressemblait la ville. Forcement, elle avait été conduite dans ce lit, elle avait été soignée, lavée un peu, et elle avait été recouverte de nouveaux vêtements, qui lui allaient plus ou moins bien. Elle s’en fichait un peu à vrai dire, tout ce qu’elle savait c’était qu’elle n’était plus nue, ou déchirée, et qu’elle avait mal partout. Les premières nuits - étaient-ce des nutis – avaient été douloureuses, chargées de cauchemars, et elle revoyait en boucle cette folle aux osselets, les regards inquiets des gens de l’arche, et l’autre femme, la femme aux yeux clairs qui hantait même sa fuite. Elle lui avait dit des mots, elle devait s’en rappeler maintenant. Leida Skaifaya. Elle ne savait pas ce que ça voulait dire. Mais elle savait… Elle savait que c’était important, qu’il ne fallait pas qu’elle l’oublie. Elle verrait un jour. Tout ce qu’elle savait aussi pour le moment c’est que les hommes, ses sauveurs ne l’avaient pas vraiment quitté, meme dans la fièvre et les angoisses. Et elle avait peur. Elle voulait retrouver ses amis, parce qu’ils comptaient pour elle. Parce qu’elle se rappelait les grandes mains de Pike, mais ne se rappelait pas vraiment du regard de Lily. Avait elle réussi à fuir ? Etait elle en vie ? Et Bryan ? Etait il de ceux qui survivaient maintenant, si survivants il y’avait. Elle s’inquietait pour eux. Pour ces gens qui étaient un peu son peuple, même si elle haïssait l’idée d’être de l’arche.

Elle ouvrit les yeux, en sueur, et elle regarda autour d’elle dans la petite chambrette qu’on lui avait attitré. Ce n’était pas si mal. Mais elle commençait à se lasser d’être la, et maladroitement elle tenta de se lever, le ventre rugissant sa faim, tandis qu’elle s’échouait sur le sol. Toujours guère douée dans ses mouvements. Toujours maladroite et brisée peut être. C’était irritant, cette impuissance. Elle voulait sauver ses amis. Voir la ville. Decouvrir la terre et le monde.

Elle en avait marre Luka, de gouter le sol et la poussière. Et si ce lit avait été confortable, il ne l’avait pas été autant que son lit sur l’Arche. Alors elle sourit malgré elle, d’un rictus presque amer, aigri. Parce qu’elle n’aurait jamais cru que l’Arche pourrait lui manquer un jour. Elle ne serait plus jamais la même désormais, elle était si faible, et si brisée, que plus rien n’aurait jamais le même gout, pas même la découverte de ce monde. Et pourtant, elle avait aimé voir Snack, voir les faons, et voir une culture qui n’était pas la sienne. Elle aurait tant donné pour parcourir cette terre deux mois avant les privations, les tortures. Deux mois avant que son ame entière ne disparaisse avec l’espoir. Elle voulait pleurer parfois. Ces quatre jours avaient été l’enfer. A chaque mouvement autour d’elle, elle s’était traquée, acculée, et quand elle avait realisé qu’elle avait du mal à marcher, elle avait failli lâcher toutes ces larmes qu’elle retenait en elle. Mais elle avait tenu bon. Elle avait serré un bras à un moment, du moins elle le croyait, pendant une fièvre plus forte que les autres. Un cauchemar. Et elle avait eu mal, à l’interieur de la gorge, à l’interieur d’elle même, quand elle avait réalisé qu’elle était quelque part, dans un intérieur encore.

Et la contre le sol, elle voulait pleurer, elle voulait hurler, elle voulait juste se relever et trouver quelque chose, pour se ruer vers l’Est – elle croyait que c’était vers l’Est- et retrouver ses amis. Ou bien… Elle voulait juste se rouler en boule ici et ne jamais plus avoir de compte à rendre à qui que ce soit. Elle les avait trahis. Elle était sure qu’elle les avait trahi. Et si la partie d’osselet avait été le moment où ils avaient le plus souffert a cause d’elle. Il n’y’avait pas eu que ça. Ils avaient souffert par sa faute, et elle n’étiat pas sure de pouvoir les affronter du regard.

Le sol craqua, son cœur s’emballa, et un bras se saisit du sien, tandis que résonnait la voix de Jakob. Laisse moi t’aider. Il était vraiment gentil, et un jour peut être qu’elle serait en état de parler d’avantage avec lui. De le remercier. Elle lui devait probablement sa vie, tout comme à Nox. « Merci. » Ça venait plus facilement maintenant, et elle se releva grâce à lui, heureuse de pouvoir poser ses deux pieds sur le sol. « Je crains de n’avoir jamais été trop adroite. » Et si il y’avait toujours cette lueur d’agonie au fond de ses grands yeux, elle essayait de parler comme si elle était un être humain, et pas une victime. Elle hocha la tête. « Je veux bien. Je n’ai pas encore eu la chance de bien voir ton village. » C’était vrai, elle dormait en arrivant. Alors, en passant un bras autour de celui du grand Jakob – ils étaient tous grands à coté d’elle - elle commença à marcher jusqu'à ce qu’ils ne sortent de la maison, où Snack semblait les attendre. « Hey » Et lâchant le bras à ce moment la, comme si elle était requinquée rien que de voir l’animal dont elle frotta la tête avec tendresse, adressant à son maitre ce qui ressemblait à un sourire

«  Je ne sais pas. Je dois dire que je n’ai pas vraiment eu l’occasion de vraiment marcher sur Terre. »   Au moins ça avait le mérite d’être clair, et quelque chose réchauffa le cœur de Luka dans la phrase qu’elle venait de prononcer, elle n’avait pas perdu de sa verve en fait. Ça revenait. Ces légers sarcasmes qui quittaient parfois ses lèvres. Ce n’était pas méchant bien sur, c’était juste… La vérité au fond. Elle était restée coincée dans une grotte, juste après avoir passé si peu de temps sur Terre, et ça avait été l’enfer. Elle y repensait. Elle ne voulait pas y penser, mais elle repensait quand même, continuellement. C’était plus fort qu’elle au final.  Ce qu’elle avait fait dans cette grotte, ce qu’elle avait vécu, elle ne l’oublierait jamais maintenant.  Et elle ne savait pas si elle pouvait vivre avec ça.  Alors c’était un peu avec le regard brisé qu’elle regardait le village. Il était beau, different, un peu comme elle aurait pu imaginer des villages du passé. Mais voilà, elle manquait de cette soif de le découvrir mieux. Deux mois plus tôt, elle aurait voulu courir partout, renifler les plantes et admirer l’architecture des maisons, maintenant elle n’était qu’un simulacre d’humain qui tremblait un peu.  Et elle ne doutait pas que Jakob soit fier, elle aurait aimé être capable de l’assaillir de questions.  Elle n’y arrivait juste pas. A trop s’interesser.

Par chance, Snack était la et elle tenait debout un peu en le câlinant. Lui il semblait heureux, et le cœur de Luka se brisa en pensant à l’innocence – celle qu’elle n’avait jamais vraiment eu cela dit – qu’elle avait perdu.  Elle eut presque un sourire, un peu forcé peut être. « Nous n’avions pas d’animaux la haut. C’est… nouveau. »  Oh, elle avait vu des animaux dans les grottes. Elle préférait ne plus y penser. Et elle se concentra sur le chien qu’elle caressa, prenant l’autre replique de Jakob comme une plaisanterie.   Et tandis que Nox se rapprochait , elle releva les yeux pour lui adresser à lui aussi un sourire. «  Merci. »  De la croire en forme, d’avoir été la. Elle caresse les oreilles du chien, en essayant de rester concentré sur ses sauveurs. «  Nous allions essayé. Tu… Tu viens avec nous ? »  Et elle était si hésitante maintenant quand elle parlait aux gens. Ils l’avaient aidés, mais ils ne savaient pas à quel point maintenant ses mains étaient teintées de vermeil.

« Aucun. Au début je suppose qu’il y’en avait, et puis je ne sais pas nos ancêtres ont du avoir besoin de viande, et c’était une perte d’oxygène. Ils ont préférés les achever. » Et elle réalisait clairement que c’était barbare comme méthode, que ça faisait passer les archéens pour des êtres sans pitié. C’était le cas en fait. Ils l’étaient. Ils avaient prit des mesures pour survivre, et ceux qui n’avaient pas été d’accord avaient été exécutés. Fin. C’était comme ça voilà tout. Et peut être que Jakob les jugerait, elle, elle ne savait pas vraiment ce qu’elle en pensait encore, de l’Arche, des lois, et de ces choses la. Elle avait un peu perdu tous ses repères et elle qui avait aimé par le passé défendre les injustices un peu, elle s’était retrouvée ébranlée. Par tout. Par la chute de l’Arche. Par les grottes. Par tout ce qui s’était passé. Elle n’épilogua pas, elle le ferait si Jakob avait des questions, mais elle n’était pas sure de pouvoir parler de l’arche, pas tout de suite. Ça lui rappelait les gens. Ceux qu’elle avait heurté. ceux qui étaient morts. Même si elle ne les aimait pas vraiment. – Et elle n’aimait personne n’est ce pas ? Pas vraiment. Elle appréciait des gens parfois - Et lui, il lui parlait d’animaux, alors elle était curieuse d’en savoir plus, et elle eut les yeux qui brillaient un peu. « Ça doit être fabuleux. Ici alors. J’aimerais avoir la chance de voir les lézards géants de ta chef. » Peut être ressemblaient ils à des dragons ? Non, ça n’existait pas vraiment les dragons n’est ce pas ?

Mais en attendant le tout ils allaient faire une promenade tous les trois. Non, tous les quatre, et elle sourit d’avantage, avec son sourire perdu, un peu brisé. Ils arrivaient à la faire penser à autre chose. Ils arrivaient à lui faire penser à autre chose, en lui parlant, en la promenant aussi ? Et elle regarda longuement la main tendue de Jakob. Maintenant qu’elle n’était plus trop blessée, elle retrouvait ses appréhensions du contact humain. Enfin, ce n’était pas si… Ce n’était pas dangereux, et elle attrapa la main. « Je vous suis. » Elle attendait qu’ils se mettent en route. En espérant qu’ils se mettent à lui raconter une histoire.

C’était une question un peu étrange, que Jakob lui posait. Et peut être que l’ancienne Luka se serait fait un plaisir de lui dire qu’elle voulait tout visiter, qu’elle voulait tout savoir. Mais la nouvelle Luka, celle qui avait vécu le pire dans les mains des démons des grottes, elle ne savait pas vraiment ce qu’elle voulait. Alors elle figea un instant, quelques minutes peut être, et elle serra la main de Jakob dans la sienne. Dans cette tenue – une petite tunique beige que Jakob lui avait fait venir, un pantalon fin et une veste assez chaude – elle se sentait un peu différente de tout ce qu’elle avait pu être sur l’arche, et elle se sentait un peu… moins différente des gens de ce village. C’était étrange, mais elle s’y ferait. Un peu. Peut être. Et tandis qu’elle réfléchissait un peu plus, un garçon se rapprocha des hommes, et plus principalement de Nox auquel il posa une question, dans une espèce d’anglais approximatif. Tout n’était pas correct,  et son esprit essayait déjà de tout analyser. Pour comprendre mieux ? Elle comprit néanmoins que ça parlait d’elle, et Nox disait qu’elle avait été malade et perdue.  L’enfant la regard avec des grands yeux après ça, et Nox se pencha vers lui pour lui murmurer quelque chose, Luka elle, serra un peu plus la main de Jakob se surprenant par la même occasion. C’était étrange pour elle de chercher le contact, c’était douloureux un peu de se dire qu’elle n’avait pas été tactile avec beaucoup de gens finalement.

L’enfant se rapprocha. « Tu viens d’où madame dit ? Tu t’appelles comment ? » Et elle fixa l’enfant quelques instants, avant de chercher la meilleure manière de lui répondre. C’était un peu trop dur pour elle, les discussions sur le moment, et si elle avait l’habitude de parler à des enfants de par son métier, elle était perplexe sur la manière dont elle devait s’adresser à lui. Alors elle lui tendit la main – celle qui était libre et un peu blessée - «  Luka. Je m’appelle Luka, et je viens de très loin. Et toi ? Tu vis ici ? »  Elle avait essayé, c’était un grand effort de sa part et quand le gamin reprit la parole en souriant avec ses dents en moins, elle figea un peu. Parce qu’il avait l’air innocent, bien que vif et curieux, et que c’était une lueur qu’elle n’avait plus jamais cru voir dans les yeux de quelqu’un. « Kanhu madame ! Je vis ici oui et un jour je deviendrais un guerrier ! »  Et puis il sourit encore plus et elle serra un peu plus la main de Jakob encore, espérant qu’il comprenne que trop ça devenait un peu trop sur le moment.

«  Je crois que j’ai réfléchis, j’aimerais voir des ruines, de l’ancien temps, des anciennes civilisations. »  Puis son cœur se brisa en disant cette phrase, parce que ce n’était pas avec deux terriens bien qu’ils soient des plus sympathiques et avenants, qu’elle aurait voulu visiter ce monde. Mais maintenant… Maintenant elle ne pouvait plus penser à tout dont elle aurait pu rêver jadis.