Cela fait environ deux jours que Nox est arrivé à Kalawen. Il a demandé l’autorisation à Feyn de venir jusqu’ici. Il voulait faire partie de cette guerre, il voulait apporter sa pierre à l’édifice. Comme lors de la bataille de la montagne. Bien sûr, Nox ne combat pas. Il n’est pas vraiment adroit avec une arme. Le bougre serait surement capable de se trancher un doigt lui-même. Sauf peut-être avec son marteau qu’il pourrait surement envoyer défoncer un crâne sans difficulté. Mais face à des barbares surentraînés et habitués aux combats, il sait qu’il ne fait pas le poids. Même avec
Snack à ses côtés. Parce que si l’animal a une chance insolente, il ne la transmet pas forcément à Nox. Pire encore, ça a tendance à concentrer la malchance sur le forgeron. Il ne sait même pas pourquoi il l’a gardé ce chien. L’animal a survécu, inexorablement. Puis, il l’a suivi. Alors Nox ne se voyait pas le tuer ou l’abandonner. De toute façon, il n’arriverait surement pas à l’abandonner : c’est comme s’il avait un radar, l’animal est aussi collant que les sangsues des rivières sur les terres du Dragedakru. Nox s’est installé dans les forges de Kalawen, il prête main forte au maître forgeron de leur clan et à ses apprentis. Il s’occupe aussi bien des armes, que des boucliers ou des diverses pièces dont peuvent avoir besoin le clan et les combattants : fixations de selle, côtes de maille, armures ou divers équipements pour protéger les maisons et la ville. Il n’est pas du genre à se ménager et depuis qu’il est là, il a travaillé jour et nuit, avec ses lunettes et son marteau. Il ne s’est arrêté que pour manger, boire et se détendre un peu les bras et les jambes.
Comme maintenant. Il fait une pause à la recherche de celui qui est venu lui demander d’aiguiser son épée ou de lui en trouver une nouvelle. La sienne ne lui ayant pas servi depuis de trop nombreuses années, encore chargé des malheurs qu’il a traversé. Nox n’est pas superstitieux, mais dans une guerre, il vaut mieux éviter d’avoir des charges négatives ou d’avoir l’esprit ailleurs. Cependant, forger une épée entière est impossible : cela nécessite plusieurs jours d’ouvrages et de repos. Heureusement, Nox avait un petit stock d’armes forgées mais non utilisées qu’il a eu l’esprit de prendre avec lui. Au jugé de la stature d’Ansgar, Nox a pris celle qui lui semblait la plus adaptée et l’a aiguisée. Il a pris le temps d’en vérifier la solidité et l’a terminée. Puis, il a enveloppé l’ancienne épée et la nouvelle dans un linge et a délaissé son plan de travail pour aller remettre les armes à l’homme qui a passé commande. Snack sur les talons, le forgeron avance en regardant autour de lui. Il est déjà venu dans le clan des prairies, il en connait quelques coutumes, quelques habitudes. Il a partagé plusieurs de leurs nuits et de leurs repas. Il a appris à connaître certains des habitants du clan. Alors il n’est pas trop dépaysé, il a l’avantage de se sentir chez lui un peu partout. Finalement, après quelques minutes il retrouve l’homme et s’avance vers lui :
« Ansgar ! J’ai terminé ! ». Il s’avance vers lui en le regardant. Nox ne sourit pas, mais c’est naturel chez lui. Il est avare en sourire, surement l’habitude de vivre seul. Il reprend ensuite la parole pour dire :
« J’ai préféré travailler sur une nouvelle épée, j’en avais quelques-unes en stock. Mais si tu as envie, pour plus tard je pourrais aiguiser l’ancienne… C’est encore une belle épée. ». Et il lui tend les épées, toujours enveloppées dans un linge pour les protéger.