I loved and love made me many times stronger. [Maya & Jasper]

   

Les bras de son père ont du mal à la laisser s'échapper de son étreinte protectrice, et ce malgré les paroles rassurantes que Maya s’échine à lui murmurer. Il a peur pour elle et elle aussi a peur pour lui. Mais s'ils venaient à rester trop longtemps au même endroit, ensemble, il n'y aurait plus personne pour se soucier de qui que ce soit. L'ambiance était tendue, le temps compté. Depuis l'évasion des délinquants du niveau 5 pour se fondre dans la masse avec l'aide de famille sympathisante à leur cause, il pouvait y avoir un contrôle surprise n'importe où et n'importe quand. Et la famille Vie était sur la ligne de tir de l'usurpateur Cage Wallace, conscient du lien que la jeune femme avait avec le groupe et en particulier avec l'un d'eux. C'était l'un des inconvénients à vivre dans une si petite communauté : tout se savait très vite. D'ailleurs, son empressement à quitter son père n'était pas étranger à Jasper. Elle avait maintenant une nouvelle personne importante qui l'attendait et pour quielle se faisait du souci.
MAYA - Papa, je dois aller le prévenir et toi... toi, tu dois retourner à la maison. Ils sont peut-être déjà en train de t'attendre.

Elle le voit hésiter, peu désireux de laisser sa fille se soustraire à son regard une fois encore. Sa petite fille, si semblable à sa mère, il craignait de la perdre comme il avait perdu sa femme, car après tout, le combat était le même. Mais il était très certainement attendu par les militaires de Mount Weather à son domicile pour être une énième fois questionné sur sa fille et ses nouveaux amis, aussi desserrait-il son étreinte pour lui permettre de se mettre en sûreté.
MAYA - Ne t'en fais pas pour moi. Je t'aime.

Le laissant sur l'image d'une cascade de cheveux noirs s'éloignant, elle rase les murs, disparaît dans l'ombre pour rejoindre les habitations au niveau 6. Si elle s'était aventurée à la rencontre de son père, c'était non seulement pour se rassurer, mais aussi pour obtenir des nouvelles des autres disséminés un peu partout. Deux par deux ou en solitaire, les 47 avaient étés repartis selon la capacité d'accueil des familles ayant acceptées de les aider et déjà, des déplacements avaient du être effectués pour cause de délation ou de contrôle impromptu. Elle devait en informer Jasper au plus vite. La porte du domicile des Peters se profilait devant elle quand soudain, une silhouette armée surgi au bout du couloir, la forçant à retenir son souffle après s'être précipitée derrière le pan de mur le plus proche. Focalisée sur les bruits environnants, elle estime la distance qui la sépare du garde. Un pas, deux pas, trois pas, stop. Pivotement des talons qui crissent sur le sol. Un pas, deux pas, trois pas, le bruit s'éloigne. Elle patiente encore une trentaine de secondes avant de risquer un œil dans le couloir. La voie est libre. Elle se précipite alors vers la porte pour y frapper deux coups, pause, puis un autre coup plus sec. C'était le code dont ils avaient convenu pour se reconnaître, même à travers un panneau de bois. Elle piétine et son regard court autour d'elle, attendant anxieusement qu'il lui ouvre. Elle frappe une nouvelle fois : deux coups, une pause, un coup plus sec. Les propriétaires vaquaient certainement à leurs tâches quotidiennes, il fallait que tout semble normal dans une situation qui était loin de l'être et Jasper, lui, devait être dans la chambre ce qui expliquait pourquoi il ne réagissait pas tout de suite. Et quand enfin, il le fait, elle s'engouffre alors même que l'espace est tout juste suffisant, soulagée d'être du même côté de la porte que lui.
MAYA – Tu as eu de la visite ? J'ai vu passer un garde dans le couloir. Elle l'observe et porte une main sur l'avant-bras du garçon, soulagée d'une angoisse qu'elle ne se rappelait pas avoir développée en le voyant debout devant elle. On a déjà deux cas de déplacements en urgence. Mais tout le monde va bien, mon père s'en est assuré avant de me voir.

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C'était le même contact qu'un peu plus tôt avec son père, mais la sensation était différente dans les bras de Jasper, c'était une promesse informulée qu'elle tenait contre son cœur. Ses préoccupations s'envolaient chaque fois qu'il prononçait son prénom, qu'il posait le regard sur elle, qu'il l'effleurait du bout des doigts. Chacune de ses actions envers elle était une autre promesse qu'il lui faisait et, oh !, comme elle mourrait d'envie d'y croire ! Mais elle se devait de garder les pieds sur terre, de ne pas s'imaginer un avenir qu'elle n'aurait peut-être jamais et se focaliser sur la mission qu'ils s'étaient tous confiée, afin de ne plus jamais voir l'homme en face d'elle s'inquiéter d'être traqué, enfermé et maltraité. Du moins pas entre les murs de ce qu'elle appelait sa maison. Ni lui, ni les autres tombés du Ciel ou les habitants de la Terre.
JASPER - C’est une chance qu’on vous ait de notre côté.

Bien sûr, elle comprenait ce qu'il insinuait ou plutôt à qui il faisait allusion : la Résistance. Pourtant, il y avait toujours ce malaise qui pointait le bout de son nez à ce sujet : il lui était difficile de se désolidariser complètement des exactions commises par son gouvernement, le sentiment d'appartenance à un groupe donné qui s'apparentait à du patriotisme étant bien trop fort chez elle. Fixant l'épaule contre laquelle elle s'était reposée un instant plus tôt, elle rétorque.
MAYA – Vous n'en seriez pas là au départ si ce n'était pas pour nous. S'excuser et vous sortir de là, c'est tout ce qu'on peut faire maintenant pour tenter de réparer nos erreurs.

Lorsqu'il lui prend la main pour l'entraîner à sa suite dans la chambre, elle y exerce une légère pression. Si les conditions avaient étés différentes, elle en aurait rougi. La pièce n'était pas très grande en elle-même, mais assez pour les accueillir tous les deux et surtout, elle offrait une porte supplémentaire pour les séparer du couloir de tous les dangers. Elle referme le panneau de bois sur eux, veillant à faire le moins de bruit possible. C'était devenu une habitude de faire le maximum pour se faire oublier, de regarder par-dessus son épaule et de chuchoter. Une fois le verrou tiré, elle se retourne pour le voir installé au bord du lit. Et pendant qu'il parle, elle l'observe : l'inquiétude sur son visage n'était pas nouvelle, il s'inquiétait à chaque heure du jour et de la nuit pour tout le monde depuis le départ de Clarke, elle le voyait bien à ses traits tirés. Les autres avaient fini par se tourner naturellement vers lui, l'élevant au rang de leader par la force des choses. Elle admirait la ferveur avec laquelle il s'efforçait de veiller au bien-être de chacun de ses amis - dans la mesure du possible, étant donné la situation. Mais Maya craignait aussi qu'il ne s'oublie complètement dans cette mission qu'il s'était fixé, alors s'il ne s'inquiétait pas pour lui, elle le ferait. Elle s'installe alors à ses côtés, les paumes de ses mains posées à plat sur ses cuisses.
MAYA - Je ne sais pas. Pas longtemps, les fouilles se multiplient dans le secteur 5. Ce n'était pas très encourageant, mais c'était la réalité et elle n'avait aucunement l'intention de lui cacher quoi que ce soit sous prétexte de le protéger. Mais pour l'instant, il y a eut plus de peur que de mal. Elle marque une courte pause. On ne laissera rien d'autre vous arriver Jasper. Elle cherchait à se rassurer plus qu'elle ne tentait de convaincre son compagnon.

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Elle n'insiste pas sur le sujet, il a raison après tout ; ces gens auraient pu décider de fermer les yeux comme ils l'avaient tous fait durant toutes ces années - elle comprise dans le lot. Mais aujourd'hui, ils ont décidé de s'élever contre la folie d'un homme et de son équipe scientifique pour protéger ceux qui, dans un monde différent, dans une autre vie, auraient pu être leur frère, leur sœur, leur oncle, leur cousin, leur mère... L'aurait-elle fait si elle n'avait pas rencontré Jasper ? Peut-être pas de cette façon, peut-être pas avec autant de passion. En tout cas, elle appréciait le temps qui leur était alloué en cet instant, cette pause dans leur course effrénée pour les sortir de là lui permettait de souffler dans un contexte à peu près sûr. Ce n'était apparemment pas le cas de Jasper à ses côtés qui supportait mal le fait de rester cacher à attendre qu'on leur tombe hypothétiquement dessus un jour. Elle n'allait pas lui en vouloir, elle n'en avait pas le cœur de toute façon. Elle avait déjà essayé de lui demander de se tenir tranquille une fois, de ne surtout rien faire de stupide et il était allé se jeter dans la gueule du loup en confrontant leur ancien président, Dante Wallace. Maya voulait le protéger, pas le brider, ce n'était certainement pas son rôle. Elle espérait juste que cette fois, ils pourraient passer un peu de temps ensemble, comme au tout début, lorsqu'ils ignoraient encore le danger qu'ils encouraient tous.

Encore une fois, des promesses sont faites : à propos d'eux, à propos des autres. Il lui dit que tout ira bien tant qu'ils seront ensemble, ce à quoi elle acquiesce en regardant leurs mains jointes. C'est rassurant de s'entendre dire ce genre de chose, cela amène un peu de baume au cœur. Elle continue de fixer ce point qui les relie et, quoi qu'un peu hésitante sur la démarche à suivre, elle s'autorise à poser doucement sa tête sur l'épaule de Jasper. Ses yeux se ferment comme pour un clignement prononcé et quand elle les rouvre, son regard virevolte sur les murs, le plafond puis le plafonnier où il s'attarde. Elle cligne une nouvelle fois des yeux et reporte son attention sur la porte, sa vision dérangée par des tâches dues à l'exposition à la lumière artificielle.
MAYA - Qu'est-ce que ça fait d'être au Soleil ?

La question lui échappe presque tandis qu'elle cligne plusieurs fois des yeux pour se débarrasser de ces tâches. Elle avait voulu changer de sujet de conversation afin de penser à autre chose qu'au danger qui rôdait derrière ces portes. Et puis, pour être honnête, elle était curieuse de l'extérieur, mais elle n'avait jamais osé demander à l'un des 47 comment on se sentait d'être à l'air libre. Jasper était plus à même de comprendre ses interrogations sur le monde extérieur, lui-même étant issu d'un endroit clos, l'Arche.


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Oui, elle s'était attendue à une description haute en couleur, à quelque chose de plus concret que tout ce qu'elle avait pu lire jusqu'à présent dans la littérature ou dans les manuels scientifiques, à une image plus vivante que tous les tableaux qu'elle avait pu contempler dans sa vie - car elle en avait passé des moments devant ces œuvres à toucher du doigt les couleurs chaudes utilisées pour représenter l'astre dominant le jour sans pour autant être satisfaite des sensations qu'elle y associait. Alors ce n'était certes pas la réponse qu'elle attendait, mais celle qu'il lui donna eut au moins le mérite de la faire rire d'un rire qu'elle tenta d'étouffer contre son épaule en pivotant légèrement la tête.
MAYA - C'est pas grave, c'était une question un peu trop ambitieuse de toute façon.

Après tout, il n'avait peut-être pas eut le temps de lézarder au soleil ; de ce qu'elle en savait, l'univers tout entier semblait s'être ligué contre les 100 depuis qu'ils avaient posé un pied sur cette Terre. Le destin n'était décidément pas tendre avec ces anges déchus. Et il ne s'attendrissait pas devant son cas non plus. Jasper évoquait maintenant l'éventualité qu'elle puisse un jour se rendre compte par elle-même des sensations que le Soleil pouvait et ferait naître dans son corps exposé pour la première fois à ses rayons dorés. Son rire se tarit alors, elle ne cherche plus à se cacher dans le creux de l'épaule de son compagnon et elle se redresse pour retrouver sa position initiale. Elle n'est pas dupe et sait ce qu'il sous-entend, ce qu'il lui propose. Elle ne lâche pas sa main, mais elle est soudainement consciente de la froideur de la sienne contre celle, vibrante et chaude, de Jasper. Elle se souvient de leur première rencontre et de cette réflexion anodine à laquelle elle avait répondu que c'était un simple manque de vitamine D, contrairement à lui dont le taux battait tous les records. Il était ce qui se rapprochait le plus de l'idée qu'elle se faisait d'un soleil finalement. Comme un morceau tombé qui aurait décidé que sa mission ne devait pas s'arrêter sous prétexte qu'il n'était plus rattaché à son caillou d'origine, il rassure par sa présence, réchauffe les corps et les cœurs, mais peut tout aussi bien être dangereux si l'on venait à s'aventurer trop près sans y être préparé. Elle pouvait se contenter de ça, d'un morceau de soleil à ses côtés et ne jamais tourner le dos à ses convictions, aux convictions de sa mère. En aidant à la libération des délinquants, elle ôtait à tout une population l'occasion de ressentir la Terre dans ce qu'elle avait de plus organique, aussi ne pouvait-elle décemment pas espérer être une exception. Elle ne pouvait pas être si égoïste. Mais elle l'était déjà lorsqu'elle espérait que Jasper accepterait d'être son soleil un peu plus longtemps et qu'il la garderait dans un coin de son cœur lorsqu'il sortirait d'ici.
MAYA - Je... Je ne peux pas faire ça. Ce serait comme insulté la mémoire de ceux qui se sont opposés à ce traitement ou encore me moquer de ce qu'ont subit Harper et Monty. Son cœur bat la chamade, si forte qu'elle ne serait pas étonnée qu'il le ressente au niveau de son pouls. Je suis née sous cette montagne, ma place a toujours été ici et non sur Terre... Et puis, vu mon teint blanc, je suis sûre que j'aurais attrapé des coups de soleil à peine le nez dehors. J'ai entendu dire que ça pouvait être très désagréable alors, plutôt toi que moi ! Un trait d'humour perdu dans un discours de refus. Elle ne se départira pas de son sourire qu'elle affiche en façade.

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Il tente de lui faire entendre raison selon lui. Et pour ce faire, il joue allègrement sur la corde sensible, au grand dam de Maya. Ses réticences ne feraient pas long feu, elle se perdait déjà dans l'avenir contrairement à ce qu'elle s'était promis en arrivant dans cet appartement littéralement un instant plus tôt. Elle tentait pourtant de s'en tenir à son discours qu'elle n'avait de cesse de se répéter, ce sentiment de culpabilité qui l'empêchait de céder complètement à l'appel de l'extérieur, à Jasper. Il lui avait déjà tellement donné, jusqu'à son sang, aussi ne pouvait-elle pas supporter l'idée qu'il subisse une opération pareille pour la sortir d'ici. Il avait beau lui dire que les médecins de l'Arche rendraient la chose moins douloureuse que la séance de torture qu'avaient infligée les médecins de Mount Weather à leurs patients, qu'il était volontaire contrairement à Monty, Harper, et même Fox, Maya n'en aimait pas plus l'idée. Mais il n'en démordait pas et utilisait ses paroles contre elle. Elle aurait pu lui rappeler que contrairement à eux, qui n'avaient eu aucun problème à s'adapter à l'atmosphère de la Terre en arrivant, les habitants de la Montagne ne pouvaient pas poser un pied à l'extérieur de leur bunker géant sans mourir. Mais ce serait juste rabâcher un fait connu de tous et chercher à se faire plaindre. Alors elle lui présente les faits différemment pour couper court à ses élucubrations concernant sa propre présence sur Terre.
MAYA - Les éléphants ne peuvent pas grimper aux arbres, mais les oiseaux volent et marchent. C'est la même chose pour nous : tu peux faire des choses que je ne peux pas.

Elle espérait juste qu'avec les radiations, des ailes n'avaient pas poussé aux éléphants, auquel cas sa belle explication tomberait à l'eau. Jasper, de son côté, ne lui laissait pas de répit, lui prêtant des pensées qu'elle n'avait jamais eues. Était-ce simplement pour la faire réagir ou se posait-il vraiment ses questions ? Elle était pourtant certaine qu'il était au courant des sentiments qu'elle éprouvait pour lui... Prenait-il son refus d'accepter sa moelle osseuse comme une volonté de sa part de s'éloigner de lui ? La chaleur quitte son être quand il lâche sa main, la surprenant. Elle pense qu'il s'éloigne d'elle, déçu par son attitude et elle panique légèrement. Pas longtemps puisqu'il se positionne de façon à lui faire face du mieux que la position lui permet et pose finalement ses mains sur ses genoux. Il insiste, faisant vibrer sa corde sensible avec une telle intensité qu'elle sent ses dernières résistances céder sous l'assaut de sentiments. Elle secoue légèrement la tête et ferme les poings sur ses cuisses.
MAYA - Je veux rester avec toi, je le veux de tout mon être. Elle le lui affirme avec force. Il n'avait pas le droit d'en douter. Ça n'aurait pas du se passer comme ça, on devrait être en train de manger du gâteau au chocolat plutôt que de parler de ponction de moelle osseuse tout en se cachant. C'est déjà un miracle qu'on en soit arrivé là... Si j'accepte ta proposition, j'ai peur que d'une façon ou d'une autre, le destin choisisse de nous retirer ce qu'il nous a accordé. On irait contre l'ordre naturel des choses Jasper, ça ne donne jamais rien de bon.

Elle était butée, mais surtout apeurée. Elle savait au fond d'elle-même que leur histoire était une opportunité que le destin leur avait offerte, mais aussi que le destin était souvent tragique. Alors elle hésitait à le braver cette fois. Pouvait-elle y arriver, pour lui ? Elle inspire puis expire profondément pour tenter de calmer son cœur qui s'affole depuis le début de cette conversation.
MAYA - Mais si je venais à accepter... Je voudrais que tu me promettes que si la greffe ne prenait pas ou s'il y avait le moindre problème empêchant cette opération de se faire, on arrêterait tout.

Le ton est faible cette fois, presque résolu. Elle finit par considérer la proposition sans pour autant encore l'accepter.

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Oh, bien sûr qu'elle voyait qu'il n'était, pas le moins du monde, convaincu par ses arguments, qu'il continuait par ailleurs de démonter l'un après l'autre comme s'il soufflait sur un château de cartes. Son visage trahissait facilement ses émotions, ce qui pouvait à la fois être une qualité et un défaut en fonction de la situation. Dans cette situation, où ils n'étaient pas d'accord et ne le seraient probablement jamais, elle ne saurait dire si elle aimait pouvoir lire aisément en lui ou si elle détestait ça. En tout cas, il relativisait beaucoup plus facilement qu'elle, ce qui était un comble quand on savait ce que lui avait vécu et qu'il lui racontait en ce moment même pour essayer de la convaincre de braver ce destin qu'elle tenait en adoration, de faire comme lui qui avait déjoué la mort, qui avait dit merde au destin. Transpercé par une lance... Menacé de mort par les siens... Elle était admirative de sa dévotion à la vie et de la façon qu'il avait de pardonner à ces gens qui avaient voulu l'éliminer et qui aujourd'hui l'élevait au rang de leader, défenseur des opprimés. Ce groupe était décidément un grand mystère qu'elle ne résoudra probablement pas de si tôt.

Plus il parlait, plus il la faisait réfléchir. Et si elle cessait de croire en une chose immatérielle qui régissait sa vie sans qu'elle n'ait aucune prise dessus ? Et si elle commençait à croire en elle ? Après tout, elle avait techniquement commencé à braver son destin chéri le jour même où elle avait adressé la parole à Jasper puis aux 46 autres l'accompagnant. C'était ridicule de continuer de s'attacher à cette illusion, elle était tout à fait capable de prendre en main sa vie et choisir la direction qu'elle prendrait, non ? Il était prêt à lui offrir le monde, littéralement et elle n'avait qu'à tendre la main... Et si elle ne croyait pas encore en sa propre capacité à tenir tête à la vie, Maya savait qu'elle pouvait croire en Jasper le temps qu'elle soit prête à affronter le monde par elle-même. Elle était profondément touchée de l'entêtement qu'il affichait à vouloir l'avoir à ses côtés dans l'avenir, aussi restait-elle muette. Non, elle ne laisserait pas sortir cette belle personne de sa vie, celle qui la faisait se sentir comme la personne la plus chanceuse sous Terre, la plus heureuse, la plus... tout. Elle se sentait réellement vivante depuis qu'il était là. C'était cliché, c'était guimauve, c'était doux, c'était chaud, digne des romans à l'eau de rose qu'elle dévorait par dizaines. C'était son premier amour, celui qui lui faisait tourner la tête.

Alors, elle abdique. Son corps se relâche progressivement, ses doigts se détendent pour ne plus être un poing crispé. La peur était toujours là, mais elle l'enferme dans un coin de son cœur, scellée pour le moment par son affection pour le jeune homme. Sa main droite s'élève pour venir, légère, se poser sur la joue de Jasper et son regard s'ancre dans le sien. Elle lui sourit enfin, reconnaissant le sacrifice qu'il était prêt à faire pour elle.
MAYA – Alors... J'ai de la chance. Et elle s'avance finalement pour déposer un baiser à la commissure de ses lèvres. Merci d'exister. Merci d'avoir survécu à cette lance. Merci d'avoir voulu du gâteau au chocolat ce jour-là. Merci.

Peut-être qu'elle allait regretter cette décision, peut-être que tout ne se passerait pas comme ils le voulaient. Ils pouvaient mourir à tous moment, mais il lui avait aussi montré qu'on pouvait vivre si l'on croyait un tant soit peu à la vie. Si elle devait croire une dernière fois au destin, elle regarderait ses papiers d'identité : c'était son nom de famille après tout, pourquoi n'y croirait-elle pas ?

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Elle restait bien évidemment une optimiste de nature, mais même les plus croyants avaient parfois besoin d'extérioriser les peurs qui pouvaient de temps à autre entacher leur foi en un avenir meilleur. Aussi, même si elle n'aimait pas se faire plaindre, elle appréciait que Jasper prenne le temps de la rassurer. Elle était comme les autres survivants, elle comptait énormément sur lui, voyant en lui un potentiel immense. Mais elle avait elle-même la capacité d'encaisser et de se relever pour frapper plus fort, métaphoriquement parlant bien entendu. La violence n'était pas la première réponse que Maya offrait à ses adversaires quand elle était persuadée qu'il y avait une autre option, une option plus humaine. Devrait-elle renoncer à cette part d'elle une fois dehors ? Elle n'était même pas certaine d'avoir à attendre de pointer le bout de son nez hors d'ici pour le savoir, le conflit se résumant bientôt à « tuer ou être tué ». Elle s'adapterait, elle s'adaptait toujours. C'était la clé de la survie après tout. Et elle le devait à Jasper, tout comme elle se le devait à elle-même, cette Maya qui avait décidé de dire merde au destin. Au carrefour de sa vie, elle avait décidé de prendre la direction qu'aucun panneau n'indiquait, arpentant un chemin qui, contrairement aux autres, n'était pas pavé, dont les seuls éclairages consistaient en la lumière du soleil et de la lune et dont les abords n'étaient pas fraîchement entretenus mais laissés sous l'emprise de Mère Nature. Un chemin étonnamment prisé, où elle serait accompagnée par celui qui parlait de « nous » avec l'aisance la plus insolente du monde, mais qui parut surpris quand elle manifesta son affection par autre chose que des mots. Mais une bonne surprise, de celle qui l'amena à se fendre d'un sourire qui mangeait la moitié de son visage après coup, éblouissant Maya qui ne put retenir un gloussement amusé. Encore une fois, Jasper était tellement expressif qu'elle ne pouvait s'empêcher de suivre le courant de ses émotions, les mains dans les siennes. Il la remerciait de la même manière qu'elle l'avait fait, la mettant sur un piédestal. Il lui accordait bien trop de crédit, mais elle se laissait porter et, bizarrement, égoïstement, elle éprouvait une once de fierté de savoir qu'elle avait été capable de l'inspirer un tant soit peu.
MAYA – Il y aura toujours de quoi faire du gâteau au chocolat ici, alors si vraiment ça nous manque un jour, on pourra y revenir. Pour ton anniversaire par exemple ! Ou celui de n'importe qui, pourquoi se limiter à un seul ! Je ne pense pas que tout le monde accepte de sortir d'ici de toute façon, une fois tout ça terminé. Et les volontaires pour un don de moelle ne se presseront pas à nos portes non plus, soyons réalistes. Alors, les choses vont peut-être reprendre leur cours et ceux restants continueront à vivre comme avant, vacants à des occupations qui n'impliquent pas de traquer et saigner des êtres humains, mais plutôt l'élevage, l'agriculture... Tu crois que les tiens nous laisseraient ça au moins, même s'ils venaient à investir les lieux ?

Oui, elle évitait délibérément de penser aux conséquences qu'un arrêt brutal du traitement pourrait provoquer sur ses compatriotes, tout simplement parce qu'elle espérait pouvoir penser à une alternative avant que cela ne se produise. Elle pourrait peut-être agir en tant que porte-parole une fois dehors et tenter de convaincre certaines personnes d'accepter au moins un don du sang ? Ou alors, cette scientifique, Yamaguchi qui faisait des expériences obscures aux côtés de Tsing, mais qui ne semblait pas inclure la moelle, avait-elle trouvé une alternative moins barbare... Ah, voilà qu'elle redevenait lugubre. D'un léger mouvement de la tête, elle chassa momentanément ces problèmes dans un recoin de son esprit pour se focaliser sur Jasper, sa chaleur. Pour le moment, elle allait essayer d'être plus joviale.
MAYA - Tu sais parler aux femmes Jasper, dit-elle d'un ton léger, un sourire de canaille ourlant ses lèvres pleines. "Dangereux", "on mangera des trucs qu'on trouvera dehors"... Je ferais mieux de vérifier que mes vaccins sont à jour avant de partir à l'aventure !

(c) badwolf.