Ytuc ¤ Nomade, survivante et guérisseuse.

    Je pénètre dans ce village qui m'a vue naître, qui m'a entendu pousser mon premier cri et mon premier rire, ou encore émettre mes premiers mots. Ce village qui a aussi vue un homme et une femme souffrir de la perte de leur premier enfant, qui a vue se produire un drame encore plus cruel des années plus tard. Mes jambes tremblantes à la vue des corps et du sang qui jonchent le sol de cette douce clairière sablonneuse qui n'est plus que teintée d'un triste rouge noircissant. Mais j'avance malgré tout, j'avance jusqu'à atteindre le corps d'une femme que je connaissais que trop bien, dont le visage hantait mes souvenirs depuis ma plus tendre enfance. Alors, je finis par me laisser tomber sur mes genoux avant de fondre en larme. « Elle aurait dû être là... Ytuc aurait dû mourir auprès d'elle. » Furent les mots peinés qui sortirent de ma bouche peu avant qu'une main claire se pose sur mon épaule gauche, contrastant avec la peau sombre de mon corps. « Tu aurais dû mourir bien avant cette tragédie, ce n'est pas le cas non plus. Accepte ce fardeau et avance. » Le ton de l'homme est froid et ferme, mais à la fois doux et protecteur.
    Je relève difficilement mon visage vers lui, celui qui devint mon nouveau visage paternel durant ces dernières longues années. Et si je suis encore vivante et en bonne santé aujourd'hui, c'est grâce à cet homme que je le dois. Je me souviens encore de la terrible douleur d'être arrachée à ma famille, à mon village, emportée par ceux qui mangent la chair des hommes. Je me souviens qu'on m'avait kidnappé en échange de quelque chose d'important à mon village et même si cette chose leur avait été donnée ou non, je savais que jamais je ne reverrais ma famille. Je me souviens des nombreux paysages défilants au fil des jours et des semaines, emporter en un lieu bien loin de ce que fut le paysage verdoyant où je vivais. J'avais à l'époque entendu des histoires sur ces hommes qui en mangeaient d'autre, maman m'en racontait comme pour m'empêcher de trop m'éloigner des sentiers du village.

    Je savais que je serais un sacrifice, qu'ils allaient se repaître de ma chair et il n'y avait rien qu'une fillette de huit petites années de vie allait pouvoir changer quoique ce soit à son sort. Pourtant, je fus sauvée ce jour-là par un groupe de nomade, trop peu nombre pour être appelé clan. Je me souviens encore clairement, de la façon dont ses guerriers avaient réussi cette embuscade sur le chemin pour écorcher ces barbares bien trop exposé et à peine en garde. Feng m'a alors trouvé et libéré, se doutant à la couleur de ma peau que j'étais très loin d'être une barbare.
Ce groupe de nomade m'a appris qu'ils étaient tous de différents clans qui pour certains aujourd'hui n'existaient plus. Ils n'avaient aucun but précis que la survie et la vengeance. Attaquant sur les routes les groupes de barbares à leur portée, des fois ils libéraient de temps en temps des gens qui comme moi étaient livrés à leur mort. Feng fut celui qui s'intéressa à mon histoire, il semblait être le plus sage du groupe, l'un des seules à ne pas forcément traquer les barbares par simple vengeance... Ses intentions à lui semblaient bien plus noble. C'est d'ailleurs, lui qui me sauva alors que ses camarades se contentaient de faire gicler le sang de leur ennemi sans défense. Je me suis toujours demandée pourquoi seule son regard à lui restait doux, alors que celui de ses camarades était fou. Il a pourtant autant perdu qu'eux et ils auraient dû autant vouloir le sang des barbares qu'eux.

    Je le fixe, ma vue noyée à travers les flots de larmes. « Je suis désolée pour ton clan. » Rajoute-t-il, son regard restant malgré tout ferme. Il m'a toujours voulu forte, il a toujours prétendu qu'il ne serait pas toujours là pour me protéger... Pourtant, il n'a jamais failli à sa tâche qu'il s'est lui-même donné. Il ne le dit jamais, mais je le sais grâce aux autres nomades que je lui rappelle sa fille décédée, tuée par les barbares. Il n'a pourtant pas fait de moi une guerrière, mais une guérisseuse. C'est un habile guerrier au combat, mais possédant aussi une science sur la médecine qui, à mes yeux, est presque mystique.
Quand il me sauva et décida de se porter garant de mon existence, ce que je voulais c'était retrouvé mon foyer, ma famille, mes amis. Le groupe savait bien de quel clan je venais et il savait combien de temps et d'effort cela prendrait pour me ramener chez moi. C'était beaucoup de sacrifice, sachant en plus que le parcourt traverse différent territoire de barbare. Feng lui-même refusa de m'emmener et ses arguments à lui étaient bien plus convaincant que celui de ses égoïstes camarades. Je n'étais qu'une enfant, il n'était qu'un homme... Seul, il aurait peut-être pu réussi à traverser la zone sans se faire repérer, ou se battre pour sa survie dans le cas où il le serait. Mais avec une enfant dans les mains, la faim et la soif auraient été le premier des dangers... Du coup, il n'aurait jamais pu se protéger et protéger une enfant affamée.

    Alors, j'ai grandi dans une autre zone envahie par les forets et quelques lignes de montagne, au Nord-Ouest de la région où se trouve mon village. On trouve souvent de très vieux panneaux où il y a écrit d'après Feng qui sait lire et parler l'anglais : Welcom to Montana. Il m'a appris comment me servir de la nature, il faisait lui aussi parti d'un clan qui respectait la nature et s'en servait pour soigner certains maux. Ma mère m'avait enseigné des choses sur la nature, elle me faisait répéter des mouvements que l'on faisait au quotidien. J'ai donc fini par retenir la plupart de son enseignement par pur réflexe au fil du temps. L'enseignement de Feng était plus théorique, il y avait que très peu de pratique. Malgré tout, ce qu'il m'apprenait faisait écho à ce que ma mère me faisait faire et comblait donc les trous de mon manque de connaissance sur la nature. Avec mère j'étais trop jeune pour comprendre avec des mots ce qu'elle voulait m'enseigner sur la culture Osgiliath, la pratique étant donc pour moi à l'époque... plus pratique.
Ce que je sais des premiers soins, des herbes à prendre ou ne pas prendre, je le dois à mère... Cependant, mes connaissances les plus poussées c'est grâce à Feng que je les ai, lui qui a eu la patience d'éduquer une enfant préoccupée par son retour chez elle. Il doit sans aucun doute se souvenir des débuts difficiles de notre relation, où j'étais très hostile envers lui bien qu'il ne le méritait pas, bien que je lui devais la vie. Cependant, quelques mois en suffit à m'adoucir auprès de lui, à finalement accepter que pour le moment je n'étais pas encore prête à faire un aussi long voyage à pied jusqu'à Osgiliath... Les barbares avaient des chevaux eux et de quoi me nourrir tout au long du trajet qui me mènerait à mon autel de sacrifice.

    Je me relève, mon regard ne lâchant pas Feng, fixant ses yeux sombres. « Paw était le père d'Ytuc et chef du village. Il n'est pas ici, Feng. » Ma voix faisait écho de mon terrible chagrin, mon regard reflétant un semblant d'espoir. Feng resta néanmoins silencieux et je compris sans qu'il ait à le dire, que cet espoir me causera que davantage de douleur. Aucun homme était présent, j'en ignore la cause mais ils ne doivent probablement plus être de ce monde. « Nous devons partir avant que les barbares reviennent, que veux-tu faire Amunet ? » Ainsi me surnomme Feng, depuis que j'ai appris à faire de l'environnement et de la nature ma couverture. J'ai grandi en comprenant que j'étais trop faible, alors j'ai grandi en apprenant à me dissimuler, à me rendre invisible, Feng ayant contribué à cet apprentissage. Il me surnomme Amunet, car elle est la divinité qui représente l'invisibilité selon lui. C'est ainsi qu'il a tenu à me montrer qu'il était fier de moi.
    « Ytuc ne peut partir maintenant ! » Dis-je accompagné d'un regard déterminé, ne lâchant pas celui de l'homme. Le vieil asiatique soupira avant de me suivre du regard, si au début il se demandait ce que je pouvais bien faire en rassemblant les corps des femmes, enfants et nourrissons abandonnés, il se mit à m'imiter. Peu après avoir rassemblé tous les corps et les avoir recouverts de pailles tressées, j'adresse une dernière parole pour eux, les morts. « Que votre voyage soit doux vers votre prochaine vie. » Dis-je avant de jeter la torche enflammée que je tenais en main. Ces femmes et leurs enfants ne méritaient pas de pourrir ainsi à l'air libre, c'est pourquoi je fis cette cérémonie funéraire improvisée. Mon regard fixait d'un air perplexe le corps de ma pauvre mère qui allait retourner à la terre à l'état de cendre. « Qu'y a-t-il ? » Demande alors mon presque père dont rien ne lui échappe. « La mère d'Ytuc ne porte plus son collier. » Est-ce qu'on le lui avait arraché avant de l'abattre ? Pourquoi seulement son collier et pas celui des autres femmes ?

    La fumée allait probablement attirer les barbares qui étaient encore dans le secteur, ou peut-être pas... Mais il fallait partir selon Feng pour ne prendre aucun risque. Seulement, je voulais profiter de ma présence dans le village pour retrouver ce qui faisait de moi une femme du clan Osgiliath. Je récupérai ce qu'il restait des affaires de ma mère et j'obligeai Feng à attendre que je termine une toute autre cérémonie avant de quitter définitivement mon village. Je commençais à me scarifier le corps en formant des croissants de lune suivis de plusieurs petites flèches parcourant mon épaule droite. Puis je perçai à la suite certaines parties de mon corps dont le nez où passe désormais l'anneau nasal de ma mère. Je terminai cette cérémonie avec un Tilak de couleur rouge sur le front. Quant à mes oreilles qui furent déjà percées dès mon enfance, je n'ai fait que changer les anneaux de chaque oreille pour de plus grand.
Aucun ennemi nous attaqua durant ces trois jours, car oui ce que je fis s'étendit sur plusieurs jours. Feng resta malgré tout calme et patient, il me savait têtue dans mes pénibles jours. Et puis, il comprit que c'était un moyen pour moi de faire mon deuil avant de vraiment poursuivre mon chemin, le regard toujours tourné vers l'avenir.

    Des mois sont passés, tandis que Feng et moi voyageant, car être en mouvement nous permettait d'être une cible plus difficile à atteindre pour les barbares. La forêt était notre meilleure alliée contre ses hommes mangeurs d'homme. On aurait continué à errer sans but si nous n'avions pas eu vent des événements survenus dans les régions Est et de la victoire qu'ils ont eu sur les barbares. Apprendre qu'un grand nombre d'entre eux avait été massacrée, nous donna un semble d'espoir de retrouver une vie où il ne serait plus toujours question de fuir ou de survivre. Alors, nous prîmes la décision de nous diriger vers cette Est à laquelle nous misions nos vies à présent.


♦ Si vous êtes un Grounder ? : Avez-vous peur des armes à feu ? Les armes à feu ? Est-ce que vous parlez de flèches ou de lames enflammées ? Ytuc imagine que c'est aussi effrayant que n'importe quelle autre arme. Ytuc est navrée, Ytuc ne croit pas savoir de quel genre d'arme dont vous faites référence, pardonnez la pauvreté de l'esprit d'Ytuc. De la technologie en général ? La technologie ? Ytuc ne sait toujours pas de quoi il est question... Qu'est-ce qu'une technologie, pouvez-vous d'abord l'expliquer à Ytuc ? Avez-vous de la famille ? Ytuc a un presque père, un homme fort et courageux, sa peau est plus claire que la mienne et nous ne partageant pas le même sang... Mais Ytuc n'a que lui. Ytuc a perdu sa famille le jour elle a été kidnappée par des barbares. Pour Ytuc, il ne reste plus rien que Feng son presque père. Quel est votre rôle dans le clan ? Ytuc n'a plus de clan, elle ignore si elle en aura de nouveau... Mais si elle devait en retrouver un autre, elle serait guérisseuse. Respectez-vous le commandeur ? Qui est-ce ? Que pensez-vous de l'entrée des skaikru dans la coalition ? Qui sont-ils ? Que pensez-vous des sky people d'ailleurs ? Un peuple venant du ciel ? Est-ce des dieux ? Comment est-ce possible qu'un peuple est pu exister dans le ciel ? Quel a été votre rôle dans la bataille de la montagne ? Et celui de votre clan ? Ytuc n'a connu aucune bataille et son clan a disparu bien avant tout ceci. Étiez-vous à Kalawen ? Que faisiez-vous pendant la bataille contre les barbares ? Ytuc errait à la recherche d'un but, les forêts l'ont protégé des barbares en compagnie de son presque père. Ytuc était bien loin de Kalawen à ce moment-là.