Je suis belle mais pas sans défense !

Mon histoire aurait pû être belle, même si la vie n'est pas rose, j'aurais pu être la plus heureuse du monde. Asseyez vous, je vais vous la raconter.

Je suis née sur les terres des Trikru, à TonDC plus précisément, mon père était un guerrier et ma mère tanneuse, j'ai toujours vu mon père comme un grand guerrier. Il n'était pas le plus fort ou le plus valeureux de tous, mais c'était mon père et pour moi c'était le meilleure. J'ai eu deux grandes sœurs aussi, elles suivaient les traces de ma mère, travaillant de leur main pour subvenir à nos besoins, la première cherchait également à trouver son futur mari. Dès mon plus jeune âge, ma mère commença l'apprentissage de la tannerie, elle voulait que je fasse comme elle. Sans trop comprendre à ce moment là, je suivis cet apprentissage.

Un jour, mon père partit avec la plus âgée de mes sœurs pour lui parler de nos traditions, j'étais restée avec ma mère, pour encore et toujours l'aider à tanner. Jamais ils ne rentrèrent, ce fut au bout de quelques jours qu'on apprit qu'ils avaient été enlevé par les faucheurs.

Suite à ces révélations, j'expliquais à ma mère que je voulais apprendre à me battre, à savoir me défendre, je ne voulais pas qu'il m'arrive la même chose qu'à mon père et mes sœurs, mais elle s'y opposa fermement. Je décidais alors d'apprendre quand même, dans mon coin sans lui dire. Un guerrier du clan m'aida. Avec le recul, je pense que ma mère devait sans douter, mais tant qu'elle ne me prenait pas sur le fait, elle ne pouvait rien dire. Mois après mois, année après année, j'appris à me servir d'une hache, d'une épée et d'un arc. Je devins tout de même tanneuse pour faire plaisir à ma mère, elle voulait également que je cherche un mari, sur ce point je ne cédais pas même si ça ne lui plaisait pas. Cependant je voulais tout de même passer le rite de passage des guerriers, mais je ne savais pas trop comment faire pour que ma mère ne le sache pas, nous avions cherché quelques idées avec le guerrier qui m'entraînait, mais rien de bien concluant.

Un jour, deux jeunes hommes d'une autre tribu débarquèrent à TonDC, alors que certains du clan les virent d'un mauvais œil, moi j'étais curieuse, c'était des voyageurs, j'aurais tellement aimé voyager, mais j'avais encore trop peur du dehors, sûrement encore un peu traumatisée par la disparition de mon père et ma sœur. J'étais en train de tanner quand ils passèrent devant nous, l'un d'eux me regarda avec un peu plus d'insistance, me souriant, je me surpris à rougir. Ma mère ne manqua pas de me le faire remarquer, selon elle je ne devais pas me laisser avoir, je devais épouser un homme de la tribu.
Alors que j'étais sensée me rendre à mon entraînement quotidien, j'allais à la rencontre des voyageurs, ils m'intriguaient tellement, voyager était pour un moi un fantasme qui n'aboutirait jamais, mais peut-être pourrais-je voyager un peu grâce à leurs histoires. L'un d'eux tenta de me séduire, mais je déclinais aussitôt, pourquoi fallait-il qu'on voit en moi une femme à marier ? L'autre comprit qu'il ne fallait pas trop aller sur ce terrain là avec moi, j'appris qu'ils venaient de Demodrakho et qu'ils s'appelaient Ivan et Jakob, ils me racontèrent leur voyage ensemble, et Jakob fit comprendre gentiment à son compagnon de route d'aller faire un tour et ce n'était pas pour me déplaire. Jakob me semblait différent, je savais parfaitement qu'au fond il voyait un certain intérêt reproductible en moi, comme tous les autres, mais avec lui j'avais l'impression d'exister vraiment, de ne pas être une femme trophée qu'on exhibe à tous pour montrer à quel point je vais porter de beaux enfants. Il voyait au delà de ça, il voyait Alma, la tanneuse et l'apprenti guerrière. Je décidais de l'emmener faire un tour dans la forêt pour être juste avec lui, sans les regards en coin de mon peuple, sans que ma mère nous tombe dessus. Si j'avais su... Si seulement j'avais pu deviner ce qui allait se passer. Il eut à peine le temps de me raconter une belle aventure que nous fûmes interrompus. Nous ne nous étions pas tant éloignés que ça, je ne pensais pas que les faucheurs viendraient aussi près du village, et pourtant c'est bien ce qu'ils ont fait et quand c'est arrivé je n'avais pas d'arme sur moi, j'avais beau essayé de me débattre, de taper des poings, des pieds rien n'y faisait. Nous avons été emmené à la montagne. Depuis ce jour, je n'ai jamais revu Jakob.

Les hommes de la montagne m'injectèrent un liquide rouge, dans un premier temps tout mon être tenta de rejeter la substance, mais ensuite c'était comme s'il m'apaisait, mais il y avait des conséquences, j'en voulais plus, toujours plus mais dès que j'agissais différemment de ce que les hommes de la montagne avait décidé, j'avais le droit à un son horrible dans les oreilles, un sifflement strident qui me mettait instantanément par terre, incapable de faire autre chose que de me tordre de douleur. J'étais obligée de faire ce qu'on attendait de moi, je n'étais plus capable de réfléchir par moi-même, je n'étais plus moi, je n'étais même pas l'ombre de moi-même. Je n'étais plus qu'une coquille vide. Je devais à mon tour enlever des gens, je ne me rendais pas compte du mal que je pouvais faire, je voulais juste ma dose de produit, comme sorte de félicitation pour le travaille accomplie, si jamais je ne l'avais pas je sentais le manque et surtout je sentais que je pouvais mourir. Dans ces moments là, il ne reste que l'instinct de survie, et je n'hésitais pas à tuer si je devais affronter quelqu'un pour avoir cette fichue dose. J'avais perdu complètement la notion du temps, je ne savais pas depuis combien de temps j'étais dans cet état là, trois jours ? Trois ans ?

Je fus emmenée chez les Skaikru, je devenais folle sans ma dose, j'en voulais encore et toujours ! S'en fut au point où des douleurs atroces me parcoururent  le corps, je ne pouvais pas lutter contre la douleur, j'étais complètement impuissante. Je n'avais plus qu'à laisser la mort me prendre, je me répétais intérieurement « Ai gonplei ste odon ». Je savais qu'il n'y avait rien à faire d'autre, aucun guérisseur n'avait réussi à sauver les faucheurs, j'étais condamnée.

Non sans douleur, je me laissais partir, quand ce fut le noir complet et l'apaisement, je croyais être enfin tranquille et libre d'une certaine manière, la guérisseuse de Skaikru me ramena, j'avais moins mal mais je voulais encore et toujours le liquide rouge des hommes de la montagne. J'avais honte d'en avoir encore envie, mais c'était plus fort que moi. Il me fallut quelques jours pour avoir réellement conscience du mal que j'avais fait, à cause de moi des personnes de mon peuple son mortes, je ne savais quand je pourrais retourner voir mon peuple, mais j'avais soudainement très peur, j'avais tellement honte de moi. S'en suivit des jours sans fin de déprime, je ne pouvais plus me regarder en face. Quand le poison rouge n'eut plus aucun effet sur moi, les gens de Skaikru me laissèrent partir, je leur étais très reconnaissante de ce qu'ils avaient fait pour moi.

Je marchais pour rejoindre mon peuple, il m'avait beaucoup manqué, j’aperçus TonDC au loin, j'accélérais la cadence, même si j'avais honte, même si j'avais peur, je voulais revoir mon peuple, ma mère et ma sœur. Quand j'arrivais, tout était brûlé de partout, il y avait encore quelques personnes mais très amochés, j'allais les voir, je ne comprenais pas, pourquoi Skaikru ne m'avait rien dit ? On m'expliqua alors qu'il y avait des boules de feu, des explosions beaucoup de morts, beaucoup de blessés. On m'annonça également la mort de ma mère et ma sœur, c'était insupportable, même si je n'avais aucun rapport avec les explosions, je me sentais responsable. Je cherchais alors des armes dans les décombres, je trouvais alors une épée courte, un arc et quelques flèches, je les pris et partit sans me retourner. Je ne pouvais pas rester sur les lieux, je m'en voulais beaucoup trop, j'avais horriblement honte de moi.

Je ne savais pas où aller, mais je m'en fichais pas mal, je voulais faire comme Jakob, voyager, voir ailleurs, voir plus. Je ne savais même pas si Jakob était encore vivant et si oui, est-ce que je le reverrais un jour ? J'avais la sensation que tout cela n'avait plus aucune importance. Je n'étais plus la même, je ne souriais plus, en tout cas ce n'était plus sincère. Est-ce j'avais envie de le revoir ? Evidemment que oui ! Est-ce que ça changerait ma vie si je ne le revoyais plus jamais ? Au point où j'en étais, rien ne pourrait changer ma vie actuelle.

Un arc, des flèches et une épée courte.