Deep Green || Uriel

Deep Green

Nous étions enfin arrivés au Camp Jaha après de longs jours de voyage qui avaient épuisé le moindre de mes muscles. Je me pensais libéré de cette fatigue, mais il n'en était rien. Alors que Lexa s'entretenait avec les chefs de ce clan si particulier, je me retrouvais à prêter main forte à quelques hommes en difficulté. Ils cherchaient désespérément à réorganiser une partie de leur camp. J'aurais préféré m'entraîner auprès de quelques visages qui m'étaient familiers, mais ma générosité m'avait retiré ce plaisir.

Je balançai une caisse un peu plus loin avant de m'essuyer le front, mon souffle s'envolait dans un nuage blanc presque hypnotisant. Il faisait particulièrement froid aujourd'hui et je réajustai ma fourrure sur mes épaules avant de porter une nouvelle caisse sur une de mes épaules. Ils n'étaient pas bien débrouillards ces gens venus du ciel. Ils n'avaient pas la force de puissants guerriers, seule leur sournoise technologie les sauvait d'une mort certaine.

Je me redressai et posai une main sur le manche de ma hache. Je m'accordai une brève pause, la terre commençait douloureusement à tourner autour de moi, signe que ma fatigue reprenait le dessus. Si Lexa me voyait dans cet état, j'étais bon pour me faire réprimander. Heureusement, Heda n'était pas dans les parages. "Merci beaucoup, nous en avons terminé." Je remerciai l'homme et tournai les talons pour m'enfoncer un peu plus profondément dans ce camp qui ne m'inspirait guère confiance.

Il y régnait une agitation des plus angoissantes, je ne pouvais me sentir en sécurité avec ces personnes qui s'en allaient ici et là en brayant des ordres à peine compréhensibles. Ma bonne vieille ville me manquait, quand pourrai-je y retourner? Des bruits de lames qui s’entrechoquaient attirèrent mon attention. Mes pas s'arrêtèrent dans cette boue glaciale et mon regard se posa sur les quelques membres de mon clan qui avaient trouvé le courage de se battre.

Parmi eux, je reconnus la douce silhouette, et pourtant dangereuse, d'Uriel. Un sourire étira mes lèvres et je m'en allais la rejoindre, bien heureux de pouvoir me séparer quelques temps de ce peuple aux mœurs étranges. Je l'observais se battre avec une certaine fierté. Nous n'avions cessé de combattre ensemble depuis notre première rencontre et j'étais resté à ses côtés pour faire d'elle une terrible guerrière. Uriel avait pris une place assez conséquente dans mon cœur, plus qu'une simple compagne d'arme, j'entretenais une complicité fraternelle avec elle.

"Attention à ta garde, un adversaire pourrait surgir dans ton dos pour te planter!" plaisantais-je en la piquant du bout d'un baton. Je m'empressai de m'en débarrasser pour m'appuyer contre une sorte de meuble en métal. "Tu as encore assez de force pour t'entraîner?" Un sourire trônait toujours sur ma face aux traits tirés par la fatigue.

   
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   Galaad & Uriel.
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Une véritable boule d'énergie cette Uriel, une véritable guerrière qui nous était précieuse. Mon sourire se fit franc sur mes lèvres alors que je passai quelques doigts distraits dans ma barbe salie par notre route boueuse. "Tu me trouves pâle? Ca doit sûrement être la lumière grise du soleil, un guerrier ne fatigue jamais n'est-ce pas?" plaisantais-je en me détachant de ce meuble de métal qui avait mordu la peau brûlante de mes bras. Le reste de nos confrères continuaient de se battre comme si leur vie en dépendait, je pouvais entendre la danse mortelle de leurs lames qui se rencontraient pour mieux s'échapper par la suite. J'aimais ce bal particulièrement dangereux, celui que j'avais appris à maîtriser au fil de longues années.

"Tu as soif?" Je lui tendis le reste de ma gourde en peau de bête, nous avions eu la chance de pouvoir nous désaltérer près d'une rivière non loin du camp. Certains des gens du ciel m'avaient proposé de tremper mes lèvres dans leur étrange breuvage qui arrachait la gorge tel le feu d'un volcan. J'avais refusé. Les boissons de notre Terre me suffisaient amplement, je ne voulais pas risquer ma santé pour des découvertes de la sorte. Un bref regard dans la direction d'Uriel fit naître une douce idée dans mon esprit.

Cela faisait bien longtemps que nous n'avions pas croisé le fer. Cela me manquait, nous avions eu l'habitude de passer des heures à renforcer nos défenses et à rendre agressives la moindre de nos attaques. Mais les récents événements nous avaient privé de notre plaisir singulier. "Un duel te tente? Je suis peut-être pâle, mais ma force ne me quitte jamais."  

   
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J'étais sûr qu'elle ne refuserait pas un combat. Elle ne le faisait lorsque cela me concernait et j'en étais fortement heureux. Je me souvenais de nos débuts laborieux qui avaient failli me coûter un bras, nous en plaisantions désormais. Je la regardais se mettre en position alors que je détachais ma lourde cape pour faciliter mes mouvements. Sagement, je vins demander à un guerrier de me passer une hache d'entraînement. Les miennes reposaient soigneusement dans leurs fourreaux. Je fis tournoyer la lame pour peser son poids et tester sa souplesse.

"Rouillé moi? Je pense que tu t'adresses à la mauvaise personne." Un rire franc m'échappa et fit sursauter un gars du peuple du ciel qui passait par là. Il courait vite le bougre. Je me présentais à mon tour sur le terrain d'entraînement. Rapidement, je fus en position et resserrai ma prise sur le manche de la hache. Mes poumons s'emplirent profondément d'air et mon coeur accéléra son rythme pour faire grimper l'adrénaline, celle qui me faisait sentir vivant durant chaque combat.

Il ne me fallut pas plus d'une fraction de seconde pour bondir dans sa direction, mais je l'épargnais de ce cri guerrier que j'avais pourtant l'habitude de faire retentir à chaque attaque. Je ne voulais pas effrayer ces petites choses fragiles qui rôdaient dans le camp.

   
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Uriel allait sûrement avoir un avantage sur notre combat. Je n'avais pas eu la chance de m'échauffer avec d'autres guerriers avant de croiser le fer avec elle. Une difficulté à ajouter à celle de la fatigue, mais je tiendrais bon. Je me devais d'être un féroce adversaire, la décevoir ne faisait pas partie de mes objectifs. Je ne fus donc pas étonné de la voir esquiver mon premier coup avec légèreté. J'étais agressif, elle était rapide, deux types de combats profondément opposés. Le défi n'allait en être que plus pimenté.

Je serrai les dents quand sa lame vint taquiner mon flanc droit, je réussis à bloquer l'attaque du bois de ma hache, mais fus pris d'un déséquilibre. Ma jambe droite me faisait une nouvelle fois défaut, foutue cicatrice. D'une force précaire, Uriel fut repoussée plus loin sur le terrain d'entraînement. Mes doigts firent tournoyer ma hache alors que je la jaugeai du regard, pas de côté, je vins lui tourner autour comme un prédateur autour de sa proie. La première faiblesse d'un guerrier était sa précipitation.

Je finis par attaquer de nouveau, feintant sur la droite pour mieux la surprendre sur sa gauche. La lame de la hache fit siffler l'air avant de s'abattre aussi dangereuse que la griffe d'une panthère. Je ne devais pas m'emballer, je devais prévoir la moindre riposte, la moindre esquive. La chance ne pouvait être présente lors d'un combat. L'expérience était la maîtresse de chaque champ de bataille.

   
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J'aurais dû faire attention à ma jambe, je le savais et pourtant j'avais fait l'idiot. Elle esquiva une seconde fois mon coup et nos lames ricochèrent. Un léger grognement s'échappa de ma gorge, j'étais décidément bien mauvais aujourd'hui. Je me concentrai de nouveau et fis claquer le métal de la hache contre un coin de mon armure. Me donner le courage de poursuivre ce combat. Je ne devais pas abandonner. Une nouvelle attaque et notre danse reprit.

Les lames venaient et se retiraient dans un scintillement des plus envoûtants. Elles se cherchaient, s'amusaient à taquiner la faiblesse de l'autre dans le seul but d'affaiblir le porteur. Les pas se faisaient plus précis et plus efficaces sur cette terre défigurée par la boue. Cette danse mortelle semblait attirer les regards des autres combattants. Je pouvais sentir leur regard brûler sur ma peau alors que mon souffle se faisait plus fougueux dans ma poitrine.

Uriel me porta un nouveau coup et ma jambe, encore ma jambe. Je sentis le sol se dérober sous moi et la hache s'échappait de ma main. Elle avait fait fort. Dans un soupir de douleur, je roulai sur le côté pour me remettre sur pieds.

   
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Je tâtais la terre du bout de ma botte et une vive douleur parcourut le muscle de mon mollet. L’impression que mes cicatrices aussi vieilles que mes haches s’étaient rouvertes m’effleura l’esprit. Mais il ne fallait pas être stupide, jamais la peau n’aurait pu ouvrir gueule béante de la sorte en une simple chute. Je maudis mon esprit trompeur. Mes doigts se firent plus doux contre le manche de mon arme que je vins déposer sur un bout de bois. Elle ne m’appartenait pas après tout. Je me sentais gêné de devoir me reposer alors que nous venions à peine de débuter le combat, mais la fatigue mêlée à ma vieille blessure avaient eu raison de mon efficacité. Un bref grognement mécontent s’échappa d’entre mes lèvres, mais ma tête lui donna une réponse affirmative. Si Lexa apprenait que je m’étais bêtement blessée en entraînement, il en était fini de ma liberté.

« Ca me tue d’accepter ta proposition, mais je ne peux faire autrement. » finis-je par dire en posant une main sur l’épaule de la blonde. Je lui offris un bref sourire rassurant avant de me laisser tomber sur un siège qui traînait là. Ma main vint se poser sur mon genou et ma paume le massa sagement ma main vint se poser sur mon genou et ma paume le massa sagement. Je levai mon regard vers la silhouette d’Uriel avant de le détourner vers la gourde, j’avais la gorge sèche et mes muscles se sentaient épuisés. Je bus de longues gorgées. « Tu t’es nettement améliorée depuis notre dernier affrontement, j’ai l’impression que l’élève a dépassé le maître. » Un rire franc s’envola dans les airs puis je me tus. Certains soldats de notre clan étaient surpris de me voir aussi jovial alors que je représentais certainement une menace au moindre froncement de sourcils.

Je posai la gourde et pliai ma jambe pour tester la sensibilité de la douleur. Je pouvais marcher, mais pas courir. « Je pense que nous allons devoir attendre pour la suite de l’entraînement. » Le froid allait rapidement nous dévorer si nous ne bougions pas. « Que deviens-tu Uriel ? » Le vent mugissait à nos oreilles et son souffle fouettait notre visage, je vins rabattre ma capuche pour me protéger un minimum. Il était bien pénible d’avoir les cheveux longs lorsque la tempête se levait.

   
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Uriel me fit rire de nouveau quand elle s’enquit de ma santé et je lui donnai une amicale claque dans le dos, légère, je ne voulais pas lui casser quelque chose par inadvertance. Lexa m’aurait sûrement tué si j’avais fait pareille bêtise. Mes sourcils vinrent s’envoler sur mon front lorsque je remarquai les rougeurs présentes sur les joues de celle que je considérais comme ma petite sœur. Je vins cacher un rire dans ma barbe et me mordis le pouce pour ne pas sourire. Il fallait bien être idiot pour ne pas se rendre compte qu’elle cachait quelque chose la petite Uriel.

La réponse ne me satisfaisait pas et le grognement d’ours qui m’échappa résonna un peu trop fortement pour être discret. Je me grattais l’arrière du crâne puis me penchai dans sa direction avec un sourire en coin qu’on me connaissait très rarement. J’avais beau être un garde très efficace, il n’empêchait que je pouvais me montrer humain lorsqu’on n’avait point besoin de mes services. « Je vais toujours bien, mais tu sembles particulièrement gênée Uriel, tu as quelque chose à me dire ? » Je ne la forçai en rien à parler, mais il était toujours bon de se confier.

« Et tes côtes ? J’ai entendu dire que tu en avais quelques-unes de cassées je me trompe ? » Je me retins de pointer un doigt là où avaient dû traîner quelques bandages. Elle risquait de m’envoyer valser sur le terrain une nouvelle fois si je la taquinais de trop. Que pouvait-elle donc me cacher ? Et moi ? Que pouvais-je donc lui cacher ? Il ne s’était rien passé de bien palpitant durant la bataille de Kalawen, enfin, peut-être que mon aventure avec cette Sikru… Non, je ne pouvais en parler. Si Lexa en entendait parler, je n’aurais jamais le courage de tout lui expliquer.

Je laissais mon regard se promener sur les guerriers couverts de boue qui n’abandonnaient pas le combat. Ils étaient bien courageux, je les encourageai de vive voix avec quelques mots puis je fermai ma bouche. Je n’allais pas commencer à trop attirer l’attention sur ma personne, Uriel risquerait de fuir sans que je ne m’en rende compte.

   
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Sa question eut bien l'effet de me surprendre et je vins glisser quelques doigts dans ma barbe pour tenter de la dompter. Avais-je déjà eu une aimée dans ma vie? La question était bien simple et triste, jamais je n'avais eu la chance de partager mon existence avec une femme. Le temps n'était pas en ma faveur et mon rôle du garde du corps avait tellement pris d'ampleur que j'en avais oublié le sujet. Pourtant, il était vraiment que je songeais à former une famille. Le nom d'Adelheid vint caresser mes pensées, mais je le chassai d'un revers de la main. Un amour de jeunesse qui n'avait jamais vu le jour. La Trikru avait fuit le clan sans me laisser la moindre nouvelle.  

Je remuai inconfortablement dans mon siège et levai un regard vers elle. "Il y a déjà eu une femme, mais je n'ai jamais eu la chance de lui dire."Je restais vague sur le sujet, je ne voulais pas enfoncer la lame trop profondément dans mon coeur. "Et toi? Tu dois bien me poser la question pour une raison. T'es-tu amourachée d'une personne?" Un nouveau sourire en coin étira mes lèvres. Je riais intérieurement de la situation la trouvant peu commune. Il était rare de l'entendre parler de ce genre de sujets, mon âme de grand frère se sentait prêt à faire passer un mauvais quart d'heure à la personne concernée, bien sûr, je ne le ferai pas.

Elle vint répondre à la question sur ses côtes et j'hochai la tête, rassuré de la savoir en meilleure santé. Un bref grognement de satisfaction franchit mes lèvres lorsqu'elle parla de sa vengeance. Je l'avais bien éduqué la petite Uriel. Je ne doutais en rien de sa persévérance et de sa détermination au combat. Hélas, j'avais eu très peu de détails sur son combat, mais je n'osais lui demander, de peur de raviver de douloureux souvenirs.