autoprotolyse et chiralité | Charlie

Athénaïs ferma les yeux. La veille, son père avait de nouveau frappé sa mère. Et une nouvelle fois, elle n'avait rien fait pour l'en empêcher. Athénaïs, malgré son esprit brillant en chimie, n'était absolument pas mature. C'était encore une gamine, une enfant, incapable de prendre soin d'elle-même et encore moins des autres. Elle dépendait encore énormément de ses parents, et n'était pas prête à voir éclater le cocon familial dans lequel elle avait grandi.

Il était presque cinq heure, elle finissait dans une petite demi-heure. Aujourd'hui, elle avait étudié une nouvelle molécule, aux propriétés fascinantes. Elle avait toujours trouvé la chimie fascinante, et bien qu'elle apprécie la physique, elle lui avait toujours préféré les molécules. Elle s'attelait, à cette période, aux molécules d'arôme. Elle ne savait pas encore exactement à quoi elle servait, sur l'Arche, mais elle se contentait de ce qu'elle était, parce que ça lui plaisait énormément. Mis à part vivre sur Terre, elle ne souhaitait rien d'autre. La Terre, si proche et si inatteignable. Athénaïs n'était pas encore résignée à passer sa vie sur l'Arche, elle ne voulait pas mourir dans l'espace. Et pourtant, elle y était obligée. Alors pour chasser toutes ces pensées sombres, elle se mit à nettoyer la verrerie de travail. Bécher, pipettes, tout y passait chaque soir. C'était sa manière à elle de chasser ses démons.

Alors qu'elle passait un dernier coup de chiffon sur la table de travail, elle entendit des pas s'arrêter devant la porte. Elle ne s'attendait pas à de la visite, June était au travail, elle aussi. Elle n'attendit pas que la personne s'annonce, et ouvra d'elle-même la porte. Elle était comme ça, Athénaïs, toujours à anticiper. Elle afficha un grand sourire et, mettant de côté ses sombres pensées, se présenta. Salut. Je peux t'aider ? Je suis Athénaïs, chimiste sur l'Arche. Elle avait toujours une certaine fierté à s'annoncer chimiste, elle avait travaillé si dur pour y arriver.

La jeune femme eut un sourire tendre à la vue de l'élève. Elle se souvenait encore de ses années d'apprentissage, où, si peu sûre d'elle, elle priait régulièrement pour ne point être virée le lendemain. Athénaïs n'avait jamais cru en ses capacités, n'avait jamais réellement eu de soutien derrière elle. A travers ce sourire, la jeune chimiste compatit pleinement à la situation de la jeune fille. En revanche, elle la trouvait quand même plutôt impolie. Elles devaient avoir une dizaine d'années d'écart, et elle s'était permise de la tutoyer. Enfermée dans ses principes, Athénaïs fronce légèrement les sourcils, et perd de sa bonne humeur. Charlie semblait pétillante, pleine d'humour, mais elle lui paraissait aussi prise de tête. Si elle n'avait aucune envie de lui apporter de l'aide, son cœur charitable se flagella à la seconde où la pensée traversa son esprit. Alors elle oublia la maladresse qu'avait eue Charlie de la tutoyer, elle oublia son côté speed qui allait la stresser, et lui ouvrit grand la porte de son antre. « Rejoins moi, tu es la bienvenue. » Elle la précéda dans la salle, et s'attela à la recherche d'une feuille et d'un stylo. Le laboratoire avait beau être parfaitement rangé, impossible d'en trouver une. Pendant quelques minutes, elle farfouille dans les placards, mais ne parvient à mettre la main que sur son carnet personnel de recherche, auquel elle tenait plus que tout. Elle le reposa dans le placard et, alors qu'elle se retournait, réprima un rire. Charlie en avait, des feuilles et des stylos, puisqu'elle sortait de l'école. « Je t'emprunte ça. » Se servant d'elle-même, elle prend un tabouret supplémentaire et invite Charlie à s'asseoir à ses côtés. « Dis moi sur quels sujets tu as réellement du mal, et on pourra construire quelque chose de cette base. » Évidemment, elle lui apporterait toute l'aide nécessaire. Sur l'Arche, ils étaient une grande famille, et elle ne pouvait pas claquer la porte au nez d'une élève motivée pour réussir. C'était tout simplement injuste.

Et puis, il ne faut pas se mentir, ça lui permettait surtout d'échapper au domicile familial. Si la jeune femme était persuadée de faire ça pour le bien de la jeune fille, son esprit torturé demandait réellement à s'échapper. Elle ne se confiait jamais, Athénaïs, et elle fuyait ainsi tous ses problèmes. Elle ignorait toutes les choses qui la tracassaient et qui, petit à petit, la rongeaient de l'intérieur. Elle se croyait capable de les supporter, très loin de se douter que tout allait dégénérer.